Disclaimer : Nous ne tirons profit, en aucune façon, de cette histoire. Les personnages de Marvel appartiennent à leurs propriétaires. Nous ne retirons rien de l'histoire qui suit et tous les droits de création des personnages leur appartiennent. En revanche, l'histoire nous appartient.
Rating : T
Genre : Romance / Drama / Angst / Comfort
Personnages : Tony Stark ; Loki ; la plupart des personnages vus dans les films du MCU
Situation temporelle : Démarre en 2012, après que Loki a récupéré le Tesseract dans Avengers Endgame


Bonjour tout le monde !

Dans ce chapitre, Tony et Loki essayent de retrouver tant bien que mal leurs marques l'un avec l'autre. Mais vu tout ce qui s'est passé entre eux, je suppose que ça ne se passe pas si mal que ça !

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Makiang4, Marguerite Roxton Jones, Egwene Al'Vere, ArtemisSnape, merci beaucoup pour vos review !

ArtemisSnape : Merci pour ta review ! (Je suis d'ailleurs toute rouge face à ces compliments !)

But du jeu sinon, te répondre sans trop m'étendre ou spoiler ! ;) Pour la vision de Wanda, Tony en parlera rapidement à Loki, mais tous les détails ne seront révélés que bien plus tard. Ta question concernant Vision va trouver réponse aujourd'hui. Et pour ce qui est des autres films du canon... Pour le moment, les changements ont été assez minimes. Mais de sérieuses divergences vont commencer à apparaitre avant et pendant Civil War, et Infinity War / Endgame aura une intrigue très différente.


Bonne lecture !

Julindy


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CHAPITRE 2

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Il tangue et vacille, perdu entre deux eaux. L'équilibre est difficile à trouver, fragile esquif battu par les flots. Le vent hurle et la houle crie pardon et colère, honte et soutien, et pardon, mille pardons.

L'équilibre est difficile à trouver sur ces eaux déchainées. Mais la confiance ténue et fragile est un phare qui l'éclaire dans l'obscurité de la nuit, et il sait qu'un jour il touchera terre.

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Tony se réveilla au milieu de la nuit. Prévisible, vu l'heure où il s'était couché. Mais malgré une nuit trop brève et la fatigue conséquente de la veille, il se sentait reposé. Ce qui ne lui était pas arrivé… depuis la Sokovie en fait. Un mois donc sans une nuit de sommeil correcte. Il avait fait pire, mais clairement, il avait fait mieux. Il n'était pas difficile de deviner l'origine de ce soudain changement. Ragaillardi par ces pensées, il sauta du lit pour rejoindre son atelier, après un bref détour par la cuisine pour se réapprovisionner en café. Il ne comptait pas se recoucher de sitôt.

Le labo était vide, mais quoi de plus normal. Même en connaissant ses habitudes d'insomniaque, Loki ne devait pas s'attendre à le revoir avant plusieurs heures, et devait lui-même se reposer à Malibu. Quelques mois plus tôt, Tony l'aurait fait venir pour qu'ils se remettent au boulot sans perdre de temps. En l'occurrence, il allait plutôt profiter de ce temps pour bosser sur des sujets où la présence du dieu n'était pas nécessaire – pas sur Oméga donc.

Il ne vit pas les heures passer, quittant son ordinateur uniquement pour se ravitailler en café. Aussi n'était-il pas préparé à l'apparition de Loki dans son dos – le frisson le long de son échine était toujours un avertissement fiable – Il lança rapidement une nouvelle simulation avant de faire pivoter sa chaise et de se tourner vers le dieu avec un sourire un peu crispé. C'était plutôt étrange – voire carrément bizarre – D'habitude, il n'y aurait pas eu ce silence à la fois tendu et circonspect, l'un ou l'autre reprenant d'office la conversation là où ils l'avaient laissé en se quittant, ou bien expliquant sans attendre les nouvelles idées qu'il avait eu depuis leur dernière entrevue. Comme pour tout le reste, il supposait qu'il leur faudrait un peu de temps pour retrouver leur équilibre. Pas trop, il l'espérait.

« Bien dormi ? »

Aussitôt prononcée, Tony grimaça face à cette question stupide et parfaitement fadasse. Pas comme s'il ignorait que le dieu ne dormait que très peu selon des standards humains. Pour preuve, ledit dieu haussa un sourcil hautain, vaguement méprisant, le poussant à faire volte-face, la tête rentrée entre les épaules. Ouais, ça allait peut-être prendre plus de temps qu'il ne l'escomptait.

Trop conscient du regard brulant de Loki posé sur son dos, il s'efforça péniblement de se remettre à la tâche. Ça ne l'empêcha pourtant pas de sursauter quand le dieu, qui n'avait pas bougé, l'interpella d'une voix forte et assurée.

« Sur quoi travaillez-vous ? »

Loki ne s'abaissait jamais à lui demander : soit il se penchait directement par-dessus son épaule pour observer son ouvrage – et le critiquer au passage – soit il n'en avait rien à foutre et allait bosser dans son coin. Tony aurait voulu plaisanter, lui dire qu'il ne bossait pas dans son dos sur un Ultron 2.0 et qu'il pouvait se tranquilliser, mais il doutait que la blague soit bien reçue, surtout si peu de temps après s'être réconcilié. Alors à la place, il désigna un pan de son écran et se décala de quelques centimètres sur la gauche, invitant muettement le dieu à venir se placer à ses côtés.

« J'ajuste les paramètres de Friday, ma nouvelle IA. La majorité de ses protocoles fonctionnels sont similaires à ceux de Jarvis, donc c'est pas comme si je partais de zéro. D'ailleurs, elle marche très bien en l'état, je pourrais la laisser ainsi. Mais elle manque de… nuances ? Ouais quelque chose comme ça. »

« C'est-à-dire ? »

« J'ai conçu le premier code d'une intelligence artificielle quand j'étais au MIT, il y a plus de vingt ans, et Jarvis m'accompagnait au quotidien depuis des années, il me connaissait par cœur. C'est pas à toi que je vais apprendre que Jarvis était plus que des lignes de codes, mais un esprit et une personnalité, un individu à part entière. Maintenant qu'il n'est plus là… »

Il déglutit difficilement, s'interrompant. Mais le dieu ne fit aucun commentaire, lui laissant le temps de se ressaisir avant de poursuivre.

« J'ai besoin de cette présence, et pas seulement pour l'aspect pratique, genre la gestion de mes affaires ou le support technique sur le terrain. Seulement, je veux pas que Friday soit une copie conforme de Jarvis. Et créer une personnalité de toute pièce, ça va prendre un moment, j'en ai pour des mois à affiner ses paramètres. Et y'a des choses qui ne s'acquièrent qu'avec le temps. A force de me fréquenter et d'analyser en permanence mes paroles, mon ton, mes attitudes, elle va apprendre d'elle-même à interagir au mieux avec moi et ajuster ses réponses en conséquence. »

Le dieu hocha la tête, semblant comprendre où il voulait en venir. Et tant mieux, parce que le sujet était tout à la fois trop complexe et trop douloureux pour qu'il se risque à l'expliquer plus en détails. Mais alors que Loki se détournait pour rejoindre son côté du labo, Tony le retint sur une impulsion.

« Dis, tu trouves pas ça un peu inutile ? Voire carrément pathétique ? Je suis tellement incapable d'interagir avec d'autres êtres humains que je suis obligé de créer de fausses personnes de toutes pièces pour me tenir compagnie ? » Il grimaça. « Ouah, c'est vachement creepy dit comme ça… »

« Si je ne suis pas familier du procédé, les intelligences artificielles sont considérées comme des êtres pensants à part entière sur certaines planètes à la technologie avancée. Alors non, vos aspirations pour Jarvis et Friday ne sont pas vaines ou pathétiques, pour vous citer. Ou « creepy », quoi que ça signifie. En revanche, peu conforme aux mentalités de votre planète et de votre époque. Mais cela n'est pas la première fois pour vous me semble-t-il. »

Et sur ces bons mots il lui tourna définitivement le dos, allant se saisir d'un livre avant de s'installer dans un fauteuil, clôturant efficacement la discussion. Bon. Ça, c'est fait. Retenant une nouvelle grimace, Tony se remit à l'œuvre. Clairement, ça aurait pu mieux se passer. Mais ça aurait aussi pu se passer beaucoup plus mal, et Tony se raccrochait à cette pensée tandis qu'il tapait furieusement sur son clavier.

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La journée avait été silencieuse. Un fait des plus rares, quand on connaissait un tant soit peu Anthony Stark. Même la musique avait été laissée à un volume raisonnable n'ayant pas pour but de lui crever les tympans. Mise à part la discussion maladroite qu'ils avaient eu à son arrivée au labo, les seuls mots échangés avait été Stark proposant de lui ramener une tasse de thé quand il était parti se chercher à manger, offre qu'il avait acceptée. Mais ce bref échange remontait approximativement à quatre heures, et lui-même devait avouer n'apprécier guère cette ambiance tendue et désagréable.

Malgré les nombreuses heures passées engoncé dans ce fauteuil, il n'avait que peu avancé dans sa lecture un chapitre, ou peut-être deux, mais guère plus. Si l'ambiance n'était point propice à la méditation – le calme ambiant n'était au demeurant qu'un silence de surface, troublé pas des bruits réguliers – elle était suffisamment tranquille pour lui laisser tout le loisir de la réflexion.

C'était un exercice particulier que de réfléchir au poids des actes d'une personne quand celle-ci se trouvait dans la même pièce que soi, à quelques mètres à peine. Toute la nuit, ainsi qu'aujourd'hui même, il avait ressassé les explications que lui avait données le mortel. Il était satisfait d'avoir enfin entendu de la bouche même de Stark tous les tenants et les aboutissants de l'affaire Ultron et des différentes batailles menées, y compris celle en Sokovie. Il n'était également pas peu fier de constater que la majorité de ses déductions, réalisées à partir des maigres indices à sa disposition, se révélait être plutôt conforme à la réalité.

Mais il ne s'agissait pas que d'emmagasiner et d'intégrer des faits. Cela, en vérité, était plutôt facile. Ce qui l'avait gardé éveillé toute la nuit – quand il aurait eu besoin de quelques heures de repos, ou tout du moins de méditation – n'était pas tant les mots que Stark lui avait offerts, mais les émotions qui les accompagnaient, et la résonnance qu'elles avaient trouvée en lui.

Une fragilité qu'il n'avait pas anticipée, et contre laquelle il n'était pas préparé. De fait, il avait été heurté de plein fouet par la vulnérabilité et la détresse dans sa voix. Tout d'abord, quand il avait évoqué la mission ratée de Tumaco, dont le dieu n'avait gardé que peu de souvenirs. S'il avait été le témoin des cauchemars de Stark, il n'avait pas mis de sens particulier derrière, habitué qu'il était à le voir subir des nuits troublées. Lui qui avait été si fier de maintenir Stark hors de l'eau par la multiplication des heures passées ensemble s'était lourdement fourvoyé. Il avait cru qu'il remontait la pente, quand en réalité il coulait à pic. Comment avait-il pu se laisser abuser ainsi ?

Mais cela n'était en rien comparable au moment où Stark avait frôlé la crise d'angoisse, des mots tout juste cohérents se pressant à ses lèvres et se déversant précipitamment hors de sa bouche, en une interminable cascade de culpabilité et de terreur. Sur le coup, Loki était parvenu à réagir avec froideur et distance, se distançant de ses propres émotions tandis que Stark s'effondrait devant lui. Mais après que l'humain soit parti, après que lui-même ait rejoint la solitude glacée de sa chambre, il avait manqué de se faire submerger par la violence des émotions emmagasinées.

Parce que les mots de Stark avaient trouvé un écho terrible chez lui. Combien de fois s'était-il retrouvé livré à lui-même, abandonné de tous ? Trop de fois pour le compter. La solitude n'était pas un sentiment nouveau, il avait même appris à l'apprécier. Mais il y avait une différence conséquente entre la solitude que l'on se choisi, et celle imposée par autrui.

Il avait fait des erreurs par le passé. Il avait raté, il avait échoué. Mais rares avaient été ceux à lui tendre la main, envers et contre tout. Suspendu à Gungnir, attiré par les tréfonds de l'espace infini, il aurait tout donné, tout – malgré la colère, la douleur et les déceptions – pour que son père lui tende la main et vienne à son secours. Son père, pas Odin. Et tout ce à quoi il avait eu droit était un roi autoritaire, lointain et indifférent. Il avait lâché prise, dans tous les sens du terme. Et tandis qu'il tombait, il avait compris qu'il n'y avait nul secours à attendre de la part de sa famille.

Il n'avait pas réalisé avoir été présent pour Stark de l'exacte façon dont personne ne l'avait été pour lui. Malgré les échecs cuisants de l'humain, la catastrophe qui se profilait à l'horizon et l'amertume de la trahison qui demeurait. Loki avait été là au moment critique, et malgré sa colère omniprésente à ce moment-là, il ne lui était pas venu à l'esprit de fuir ou d'agir autrement. Il avait déjà admis en son for intérieur considérer Stark comme un ami – et sans doute inconsciemment depuis plus longtemps qu'il ne voulait bien l'admettre. Et lui porter secours avait été la seule chose à faire, en dépit de tout bon sens ou logique.

Rien n'était pas pardonné, encore moins oublié. Mais sans doute était-il possible qu'ils continuent à avancer l'un à côté de l'autre. Stark avait été sincère dans ses excuses et sa volonté de regagner sa confiance. Bien. Il pouvait travailler à partir de ça.

Alors Loki regardait Stark qui travaillait toute seul, penché sur son établi, résolument silencieux. Et peut-être que demain, il serait celui à engager la discussion. Peut-être.

Il n'avait plus l'habitude d'être seul.

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Quelques jours s'étaient écoulés depuis le retour de Loki à New-York. Et après une première journée tendue, la pression était lentement redescendue jusqu'à ce qu'ils ne puissent discuter presque normalement. Ils n'avaient pas encore abordé le sujet d'Oméga et de leurs recherches, mais il savait que le dieu travaillait dessus de son côté, comme lui-même le faisait. Pour l'heure, il s'agissait surtout de se replonger dedans et de faire le tri dans les idées – bonnes comme mauvaises – pour déterminer de quel point repartir.

De plus, Loki avait laissé la veille un grimoire sur les runes de protection avant de quitter l'atelier pour rejoindre Malibu, posé en évidence sur la table basse. Autant dire que Tony n'avait que très peu dormi de la nuit, dévorant l'ouvrage en deux heures tout au plus, avant de reprendre plus attentivement chacune des pages. Bien sûr, ça ne valait pas les séances mêlant discussion et pratique qu'il avait pu mener avec le dieu comme mentor au cours des derniers mois, mais c'était un autre pas – un de plus – dans la bonne direction.

Mais le dieu n'y avait fait aucune allusion quand il était revenu au matin, malgré les perches qu'il lui avait tendues – nombreuses les perches, et voyantes avec ça – Contrarié, mais refusant de céder à un quelconque emportement – c'est pas ça qui allait arranger ses affaires, bien au contraire – il avait à la place pris la route au milieu de la matinée pour rejoindre le QG des Avengers et déjeuner avec ses amis.

Bien qu'il n'ait prévenu personne, Steve l'attendait devant le complexe, bras croisés et sourire aux lèvres. Friday était une cafteuse.

« Quand tu disais que tu viendrais souvent nous rendre visite, je ne m'attendais pas à te voir si rapidement! »

« Que veux-tu que je te dise ? Ton eau de Cologne et ton sourire ultra bright me manquaient Rogers ! »

Steve éclata de rire, et Tony accepta son accolade avant de le suivre à l'intérieur.

« Où sont les autres ? »

« Rhodes est à Washington. Il va lui falloir un moment avant de pouvoir se libérer de toutes ses obligations liées à l'armées pour se consacrer à cent pourcents aux Avengers. Quant à Vision, il est au labo avec Selvig et effraye tout le monde là-bas avec ses yeux fixes et son regard inexpressif. Même si personne n'a encore osé lui demander de partir, en tous cas à ma connaissance. Enfin, Sam est en train de suer sang et eau au gymnase avec Natasha qui est ravie d'avoir un nouveau punching-ball, maintenant que Clint et toi avez décampé. Quoi que, elle serait probablement capable de débarquer n'importe quand à la Tour si tu ne viens pas régulièrement prendre ta raclée. »

« Et Maximoff ? »

Steve grimaça, brutalement moins enjoué. Comme c'est étonnant.

« C'est… compliqué. »

« Sans dec' Sherlock, » se moqua-t-il. « Tu veux pas développer par hasard ? »

« Elle est triste. Et en colère. Je ne peux pas lui en vouloir, son frère et seule famille est mort il y a moins de deux mois, et elle se retrouve toute seule, livrée à elle-même dans un pays étranger où elle ne connait pour ainsi dire personne. Sans compter que tout ce qu'elle pensait a été chamboulé, il lui faut du temps pour l'accepter. Hill nous cherche un bon psy, pour elle mais aussi pour les Avengers en général, mais ça pourrait prendre du temps. »

Tony tapota l'épaule de son ami avec compassion – et un poil de dérision aussi. Clairement, il avait assez à faire avec ses propres problèmes, et n'était pas mécontent de s'être temporairement retiré des Avengers, ou plus exactement de ne plus être en première ligne. Même si la jeune femme avait des circonstances atténuantes, il rêvait quand même de l'étrangler, et leurs rapports avaient été au mieux difficile durant les quelques semaines post-Sokovie où ils avaient été contraints de se fréquenter.

Malgré cette mésentente, leur repas se déroula sans accroc majeur tandis que tous discutaient tranquillement – et s'ignoraient poliment, dans certains cas – sourire aux lèvres mais sans manifestation de joie excessive. Loin des repas qu'ils avaient pu avoir par le passé. Merde, son équipe lui manquait. Mais entre Thor et Clint qui étaient rentrés chez eux, et Bruce qui… Enfin, ça viendrait avec le temps, il fallait l'espérer.

Mais alors que tous quittaient un à un la table pour vaquer à leurs occupations, Tony se retrouva à interpeller un membre du groupe qu'il avait plutôt évité jusqu'ici.

« Vision, on peut discuter un moment ? En privé. »

Bien qu'il n'ait pas besoin de dormir ou de manger, Vision avait ses appartements personnels, comme tous les membres de l'équipe. C'est ainsi que Tony se retrouva assis sur le canapé de l'androïde, une tasse de café entre les mains. Et quand il réalisa que ledit café était préparé exactement comme il l'aimait – alors que vraiment, c'était la première fois que Vision lui en servait un – il ne put que déglutir bruyamment, le cœur serré.

« Que puis-je faire pour vous Monsieur Stark ? »

Tony ferma les yeux un instant, essayant de contenir les larmes qui ne demandaient qu'à sortir. Merde, s'il avait été plutôt décidé en se rendant au QG – ou ne serait-ce que quelques minutes plus tôt – il n'avait pas imaginé que ce serait si dur d'entendre la voix de Jarvis lui donner du « Monsieur Stark », tandis que Vision le regardait d'un air presque soucieux. Autant pour l'impassibilité d'ailleurs, parce qu'il était certain que l'androïde comprenait exactement les émotions qui le traversaient.

« Monsieur Stark ? » l'appela de nouveau l'androïde, forçant l'ingénieur à se secouer.

« Ouais, pardon, c'est juste que… enfin, tu me fais penser à Jarvis. »

« Je comprends Monsieur. Je ne suis pas Jarvis, mais je me sens malgré tout très proche de lui. Cette impression est d'ailleurs d'autant plus marquée quand il s'agit d'interagir avec vous. »

Tony ne put que sourire avec bravoure à ces mots pour ne pas se mettre à sangloter désespérément comme un enfant. Pendant près d'une heure, ils discutèrent de sujets plus neutres – et donc émotionnellement plus sûrs – dont entre autres l'intégration de Jarvis aux Avengers et son incompréhension générale face aux mœurs humaines. C'est sûr que, question découverte de l'humanité, il commençait pas avec les plus équilibrés du lot.

Mais à mesure que les minutes passaient, Tony était de plus en plus fébrile à tandis qu'il essayait d'aborder – avec tact, délicatesse et maints détours – avec Vision des sujets plus… fâcheux. Vision qui, ne comprenant que dalle à ce qu'il était en train de faire, était plus perdu qu'autre chose et répondait complètement à côté de la plaque. Tony se décida donc à prendre le taureau par les cornes et d'être cash avec l'androïde.

« Vision, tout à l'heure tu disais que tu te sentais très proche de Jarvis. »

« Oui, effet. »

« Mais de quelle façon exactement ? Qu'as-tu gardé en mémoire ? Ses souvenirs, ses protocoles ? »

« J'ai en effet en mémoire les souvenirs de Jarvis, si l'on peut parler ainsi, et ma mémoire remonte aussi loin que l'existence même de Jarvis. Quant à dire si je les ai tous, je ne saurais le dire. Pour ce qui est de ses protocoles en revanche, si j'en ai connaissance, je n'y suis plus soumis. En effet, la pierre de l'esprit sertie dans mon front m'a dotée d'une individualité ainsi que d'une capacité de réflexion et de libre-arbitre. Les intentions que vous-même ainsi que le docteur Banner avez implantées dans le caisson me poussent à vouloir le bien de la Terre et de l'humanité, et en cela je me retrouve dans nombre des protocoles de sécurité de Jarvis. Mais ils ne sont plus une contrainte, si je puis m'exprimer ainsi. Est-ce assez clair pour vous monsieur Stark ? »

« Très clair, merci. Mais pour ce qui es des souvenirs de Jarvis, as-tu gardé en mémoire certaines… données sensibles ? »

Vision garda un instant le silence, semblant vouloir analyser tant ses paroles que les expressions de son visage. Très perturbant.

« Je ne suis pas certain de savoir de quelles données vous parlez exactement monsieur, » dit-il lentement, détachant soigneusement chaque mot.

« Je parle de tout ce qui a trait à Oméga. Ce qui implique donc… »

« Le dieu Loki ? » demanda l'androïde. Et même si ce n'était pas vraiment une question, Tony confirma d'un signe de tête.

« Je n'ai pas mon mot à dire sur les actes de Loki, Monsieur, » lui répondit alors Vision. « A ma connaissance, il n'a pas tenté de vous menacer mortellement depuis l'incident à la Tour en juin 2012 lors de la bataille de New-York, et vous ait venu en aide à plusieurs reprises depuis. Vous avez accepté qu'il soit présent dans votre entourage, donc Jarvis l'avait accepté également. »

« Mais ça, c'est l'opinion de Jarvis. Jarvis que tu n'es pas, tu l'as dit toi-même. Donc qu'est-ce que toi, Vision, vas faire de cette information ? »

Et c'était la question à un million de dollars. Au-delà du fait qu'il pouvait ordonner à son ancienne IA de garder le secret, il savait avoir la confiance de Jarvis dans une certaine mesure, ce que venait de confirmer l'androïde. Mais Vision allait-il en faire de même ? Dans le cas contraire, il serait probablement plus sûr de mettre au point un plan d'évacuation d'urgence. Voire carrément un plan d'exil loin, très loin de la planète Terre. Il ne voulait même pas commencer à imaginer comment réagiraient les autres.

« A l'heure actuelle, je ne considère pas Loki comme une menace immédiate, que ce soit pour vous, pour les Avengers ou pour la planète de manière générale. J'ai bien conscience que les souvenirs que j'ai de Jarvis sont biaisés, mais même moi je peux dire que le dieu a évolué positivement depuis son arrivée sur Terre. A l'heure actuelle, je n'ai pas pour projet de révéler à qui que ce soit sa présence en votre demeure. Bien sûr, je me réserve le droit de changer d'opinion si jamais il s'avérait être une menace. »

« Logique. Et à vrai dire, je suis pas mécontent que tu sois là pour surveiller mes arrières. »

Ce que Tony ne disait pas, c'est qu'il était immensément soulagé de cette réponse. S'il pouvait contraindre Jarvis – et à présent Friday – au silence, ce n'était absolument pas le cas de Vision, et il était satisfait de constater que l'androïde n'allait pas le balancer aux autres. C'était un souci de plus d'écarté, et accessoirement un des plus problématique.

Après ça, la conversation ne tarda pas à mourir naturellement, et Tony n'était pas certain de vouloir la relancer. Se levant de son siège, il se dirigea vers la porte, raccompagné par Vision. Il avait toutefois une dernière remarque à lui faire avant de quitter la pièce.

« Au fait, tu peux arrêter avec les ''Monsieur Stark''. C'est Tony pour toi, Vision. »

« Je vous remercie… Tony. »

Le prénom était prononcé étrangement, mais ce n'était pas désagréable. Juste nouveau, et différent.

Tony sourit.

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Après un détour par l'aile scientifique, Tony avait finalement salué tout le monde et pris le chemin du retour en fin d'après-midi. Revoir les autres lui avait fait du bien, et discuter avec Vision plus encore. Il savait que ce serait un passage obligé à un moment où à un autre – a minima pour des raisons techniques, aka s'assurer que ses secrets allaient bien demeurer secrets – mais il n'imaginait pas en ressortir à ce point apaisé. Pas seulement rassuré à l'idée de ne pas être érigé en traitre, mais véritablement serein. Peut-être… peut-être devrait-il songer à discuter plus souvent avec lui. Apprendre à connaitre Vision, au-delà de Jarvis. En tous cas, c'était une idée à creuser, loin d'être aussi douloureuse qu'elle n'aurait pu l'être quelques heures plus tôt.

C'est donc d'un pas presque guilleret qu'il pénétra dans l'atelier, contrastant violemment avec l'humeur qu'il arborait quand il l'avait quitté. Loki semblait ne pas avoir bougé, assis dans le même fauteuil, un livre à la main. Mais Tony était plutôt que sûr que le plan de travail du dieu avait bougé, et il avait l'œil pour ce genre de choses.

Décidé à ne pas laisser son colocataire ruiner son humeur, il alla s'avachir dans le canapé lui faisant face, et commença à babiller à propos de sa journée. Rien de vraiment important, majoritairement des potins, mais c'était surtout histoire de faire la conversation. Il n'était pas certain que le dieu l'écoute, aussi fut-il surpris quand celui-ci l'interrompit – et pour lui poser une question, pas pour lui demander plus ou moins poliment de la fermer.

« Qu'est Vision exactement ? »

Coupé net dans son élan, Tony mit quelques secondes à retrouver le fil de ses pensées, Loki le regardant dans l'expectative avec un sourcil haussé.

« Alors, ça va être un peu compliqué de te répondre, parce que nous même n'en sommes pas… tout à fait sûr. »

« Formidable. »

Là, il n'imaginait pas le dédain dans sa voix. Mais après avoir participé – involontairement, et de manière très fortuite d'accord ? – à la conception d'une IA folle, et par voie de faits à un robot meurtrier, il pouvait comprendre cette réaction.

« Vision est comme tu le sais un être artificiel. Son corps a été conçu en caisson à partir de vibranium, ce qui le rend presque impossible à détruire, du moins avec les technologies dont nous disposons sur Terre. Pour te donner une idée, c'est le même matériau utilisé pour le bouclier de Cap. »

Loki hocha silencieusement la tête, l'invitant à poursuivre. Preuve de son attention, il avait même refermé son livre pour le fixer d'un air concentré. Et tant mieux, parce que jusqu'ici, c'était la partie facile.

« Pour ce qui est de la personne qui habite ce corps… c'est là que les choses se corsent. Parce que l'esprit de Vision est constitué d'une multitude de couches et de composants distincts. Une partie de son code source est similaire à celui d'Ultron, parce que celui-ci avait commencé à transférer sa conscience dans le caisson avant que les autres ne le volent. Mais on s'en sort bien, puisqu'au final ce ne sont que quelques fragments que les autres aspects de sa personnalité viennent contrebalancer. »

Voyant les sourcils froncés du dieu, visiblement peu heureux de cet état de fait, il s'empressa de poursuivre, comptant lentement sur ses doigts.

« Ensuite, il y a beaucoup de Bruce et de moi dedans. Nous sommes ceux à l'origine de sa création. Au-delà de simplement y implanter des valeurs positives – genre, sauver le monde plutôt que le détruire – notre intervention a laissé des traces. Chaque personne, qu'il s'agisse d'un inventeur, d'un artiste ou d'un programmeur, a des façons de faire qui lui sont propres, des méthodes, des outils, qui forment une signature. Vision porte notre signature, à Bruce et moi. Si on dépouillait son code source, quelqu'un qui s'y connait en programmation et est familier de notre travail y trouverait à coup sûr notre marque de fabrique. »

Pour la première fois depuis le début de la conversation, Tony détourna les yeux. Car malgré la discussion qu'il avait pu avoir avec l'androïde et qui avait apaisé beaucoup en lui, la perte de son IA était encore trop récente et douloureuse.

« Enfin, il y a Jarvis. Il y a surtout Jarvis, si je dois être exact. Au final, Ultron, Bruce et moi n'avons fait que paramétrer ce corps, cet esprit, pour qu'il puisse y accueillir une conscience. La matrice complète de Jarvis a été transféré dans le caisson, tout son système d'exploitation, ses mémoires, ses protocoles de sécurité, sa… »

« Vision se souvient-il d'Oméga et de ma présence sur Midgard ? »

Ah ça, il pouvait compter sur Loki pour comprendre immédiatement où il voulait en venir, et les potentiels problèmes que ça amenait. Il était d'autant plus satisfait d'avoir une réponse claire à lui apporter, et plutôt positive en plus.

« Il se souvient de toi, oui. Mais il n'a pas l'intention de te dénoncer auprès du reste de l'équipe, ou de leur parler d'Oméga. »

« Et pourquoi ça ? » insista-t-il, suspicieux. Mais Tony ne s'en formalisa pas, la méfiance étant sans aucun doute ce qui l'avait maintenu en vie si longtemps.

« J'ai pu discuter avec lui pas plus tard que cet après-midi. Il a les souvenirs de Jarvis et sa mémoire, ainsi que ses protocoles. Mais il n'est plus obligé d'obéir auxdits protocoles. En clair, si Jarvis était obligé de se taire à propos de toi et d'Oméga, Vision est au courant des consignes que j'ai données par le passé mais n'est pas obligé de les respecter. »

« On ne peut pas dire qu'un tel constat me rassure, loin de là. »

« Ouais, je peux comprendre. Mais du coup, je lui ai demandé ce qu'il comptait faire de ces infos. Parce que, au cas où tu l'aurais pas remarqué, moi aussi je serais carrément dans la merde s'il se décidait à parler. Et accroche-toi bien, son raisonnement est que tu n'as pas été une menace directe pour la planète ou ses habitants depuis que tu t'es installé ici. Et tant que ça continuera ainsi, il ne compte pas parler de ta présence à qui que ce soit. »

« Pas une menace, hein ? »

« Que veux-tu que je te dise ? » s'exclama-t-il, haussant les épaules et affichant un air faussement désespéré. « Il ne te connait pas comme je te connais. »

Heureusement, le dieu avait bien pris la plaisanterie pour ce qu'elle était, s'il se fiait à son léger – très, très léger – sourire en coin.

« Enfin, tout ça pour dire que Jarvis est l'identité dominante de Vision, avec une personnalité assez semblable, mais avec des plus de nuances du fait des nombreuses entités qui ont participé directement ou indirectement à son élaboration : moi donc, mais aussi Bruce, Ultron… Ah oui, et la gemme dans son front aussi d'ailleurs. »

« Quelle gemme ? » lui demanda Loki avec curiosité. C'est vrai qu'il n'avait jamais rencontré Vision, alors ça pouvait être difficile à se représenter.

« C'est la gemme qui était contenue dans le sceptre, et qui a plus ou moins « donné la vie » à Vision. Thor a appelé ça une pierre d'infinité je crois. Gros pouvoirs, gros potentiel de destruction, blablabla, le baratin habituel quoi… Plutôt content qu'elle soit en possession de Vision du coup. Le type est fiable, et vachement plus difficile à voler qu'un sceptre ! »

Fier de sa vanne, il se leva du canapé en ricanant pour rejoindre gaiement son établi.

« Friday, lance la musique, et sort moi les plans de mark-72. Aujourd'hui, on attaque mark-73 ! »

Ignorant qu'il laissait derrière lui un dieu en état de choc.

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Une pierre d'infinité.

Sur Midgard.

Incrustée dans le front d'un androïde créé par Stark.

Une pierre d'infinité !

Évidemment qu'il savait de quoi il s'agissait, contrairement à Stark avec qui il n'avait jamais abordé précisément ce sujet. Nornes, comment celui-ci osait-il parler avec autant de légèreté d'une pierre d'infinité ? Les gemmes de l'infini étaient les plus grandes sources de pouvoir que recelait l'univers tout entier. Six, en tout et pour tout. Pas une de plus, et pas une de moins. Tous les êtres immortels les connaissaient, les gemmes trônant en bonne place parmi les légendes de ces peuples, dont les Asgardiens. Et l'attrait qu'elles représentaient pour toute personne pratiquant la magie était indéfinissable. Loki, comme tous les magiciens, utilisait les forces cosmiques à sa disposition pour pratiquer la magie. Les gemmes étaient les forces cosmiques.

Il avait frôlé du bout des doigts le pouvoir de la pierre de la réalité qui se dissimulait sous les traits de l'éther. Il avait tenu entre ses mains le sceptre et avait même été soumis à son joug, alors qu'il s'avérait aujourd'hui dissimuler une autre pierre d'infinité. Probablement la pierre de l'esprit, s'il devait se fier à la description sommaire faite par Stark et le rôle qu'elle avait joué dans la naissance de Vision. L'éther et le sceptre, des objets magiques extrêmement puissants… Mais il n'aurait pu deviner que ces objets dissimulaient des pierres d'infinité.

De tous temps, ces gemmes avaient été synonymes de grands bouleversements. Rares étaient les personnes à se trouver sur la route d'une pierre d'infinité, peu importe leur longévité. Et le voici à en trouver deux sur son chemin, en si peu de temps qui plus est ? C'était tout bonnement incompréhensible. Comment cela était-il seulement possible ? Quelque chose n'allait pas. Que n'avait-il pas vu, pas compris ?

Mais une autre question demeurait, plus effrayante encore ; Deux gemmes d'infini avaient émergé presque simultanément des confins de l'univers, et s'étaient même retrouvées brièvement sur Midgard au même moment. Midgard, parmi le nombre infini de planètes du cosmos, planète aux êtres mortels et dépourvus de magie. Qu'est-ce que cela pouvait signifier, pour lui, pour Midgard… et pour l'Univers ?