Disclaimer : Nous ne tirons profit, en aucune façon, de cette histoire. Les personnages de Marvel appartiennent à leurs propriétaires. Nous ne retirons rien de l'histoire qui suit et tous les droits de création des personnages leur appartiennent. En revanche, l'histoire nous appartient.
Rating : T
Genre : Romance / Drama / Angst / Comfort
Personnages : Tony Stark ; Loki ; la plupart des personnages vus dans les films du MCU
Situation temporelle : Démarre en 2012, après que Loki a récupéré le Tesseract dans Avengers Endgame
Bonjour tout le monde !
Tony et Loki continuent de se retrouver, et on sème les premières graines concernant Civil War. Oui, chronologiquement c'est dans un an, mais vous commencez à avoir l'habitude avec nous, non ?
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Meranath, Makiang4, Marguerite Roxton Jones, Egwene Al'Vere, ArtemisSnape, merci beaucoup pour vos review !
ArtemisSnape : Ca a été très difficile d'écrire Vision, que ce soit sa façon de parler ou son mode de pensée. Contente que ça rende bien du coup ! Pour le Tesseract... ah, question compliquée... Les six gemmes, si elles ne sont pas une légendes, sont quand même extrêmement rare et puissantes, ça parait presque aberrant d'en croiser une. En revanche le sceptre, l'éther ou le Tesseract sont des artefacts magiques certes très puissants, mais il ne pouvait pas deviner que c'était à cause des gemmes. Enfin, pour ce qui est des Accords, comme dit plus haut, on commence à semer les premières graines dans ce chapitre. Mais essaye simplement de demander pourquoi Tony accepte les Accords dans le canon, au-delà du simple fait d'obéir (parce qu'on sait tous que suivre, c'est pas trop son truc XD), et en quoi ça colle ou non avec tout ce qu'on a développé dans notre histoire. (PS : Je rougis quand même !)
Bonne lecture !
Julindy
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CHAPITRE 3
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Pardonner n'est pas oublier. Les souvenirs ne s'estompent jamais tout à fait, à fortiori quand ils sont emprunts de douleur. Pardonner, c'est choisir d'aller de l'avant, consciemment ou non. Il ne s'agit pas d'oublier ce pourquoi on a souffert, mais simplement de l'accepter et de faire avec. Qu'il s'agisse du pardon que l'on s'accorde, ou de celui que l'on offre.
Il peut s'agir d'une voie aisée à emprunter, un geste inconscient aussi simple que respirer. Cela peut tout aussi bien être un chemin semé d'embuches, de longues heures de remise en question réciproques et de plaies à panser.
Ils n'oublieraient jamais, aucun d'entre eux. Mais sans doute étaient-ils enfin prêts à avancer.
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Alors que le mois de mars touchait à sa fin, Loki et lui étaient tombés dans une routine répétitive… et peu enthousiasmante. Malgré des conversations plus apaisées, elles restaient assez superficielles et ils n'abordaient aucun des sujets importants. Comprendre : il n'avait pas sérieusement touché à Oméga – autrement que pour relire leurs vieux dossiers – depuis avant cette catastrophe, un bon mois et demi plus tôt.
Et le constat était sans appel : son partenaire de labo lui manquait. Plus encore : son ami lui manquait. Il n'avait jamais réalisé la place qu'avait pris Loki dans sa vie. Au-delà du travail, d'Oméga et de leurs recherches, c'était des nuits entières passées à discuter des sujets les plus divers, apprenant à l'autre les traditions, les histoires et la culture de leurs peuples respectifs. C'était auprès de Loki qu'il avait su trouver une épaule solide et une oreille attentive, le dieu se faisant le réceptacle de ses souvenirs et de ses craintes. Rarement avait-il pu s'épancher ainsi auprès de quiconque, y compris parmi ses amis les plus proches. Loki était différent. Et il lui manquait.
La distance entre eux était sans commune mesure avec la défiance, le mépris et la colère qui teintaient chacun de leurs rapports aux débuts de leur collaboration. A l'époque, tout entre eux était virulent, beaucoup trop émotionnel… dans le mauvais sens du terme. Ce qui contrastait d'autant plus violemment avec l'absence actuelle de toute émotion plus forte qu'une vague curiosité.
Il devait faire quelque chose, et vite, ou il allait vraiment péter un câble – ce qui, définitivement, n'arrangerait pas les choses – Et puisque ses tentatives de normaliser la situation avait été sans grand succès jusqu'à présent – sacré euphémisme pour dire que ça n'avait rien changé du tout – il était temps de passer au niveau supérieur.
Direction la côte ouest, et Malibu.
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Il aimait la Tour. Vraiment. Ses lignes élégantes, son design résolument moderne, le panorama incroyable qu'elle offrait sur New-York, et surtout son immense atelier, le plus grand qu'il possédait. Mais jamais la Tour – ou aucun de ses demeures d'ailleurs – ne le faisait se sentir autant « à la maison » que le faisait sa villa de Malibu. C'était chez lui, dans tous les sens que pouvait avoir cette expression. Là où il se sentait le mieux, et le plus en sécurité.
Il n'avait pas pris de temps pour lui après la Sokovie et la débâcle d'Ultron. Pendant des semaines, il avait couru de débriefings en réunions avec le SHIELD – même officieux, il restait une force à prendre en compte – Hill et Rescue, différents membres du gouvernement dont le président lui-même, l'ONU, et tant d'autres organisations qu'il avait fini par en perdre le compte – et ne parlons pas d'en mémoriser les noms – Il avait dû encaisser la disparition de Bruce, qui s'était volatilisé sans laisser la moindre trace, puis le départ de Thor et Clint, et enfin des retrouvailles et des explications compliquées avec un dieu nordique qui lui faisait maintenant la gueule. Le tout en se trainant de nouveaux cauchemars et traumatismes – non, il n'oubliait pas la vision de Maximoff, même après tout ce temps – Alors ouais, ça faisait beaucoup, même pour lui. Même Pepper, quand il l'avait appelée pour la prévenir de son départ, avait eu l'air plutôt soulagée à l'idée qu'il se prenne quelques semaines de vacances. Ça devait vouloir dire quelque chose.
Sa décision prise, il ne lui avait fallu que quelques heures à peine pour fermer la Tour et plier bagage, et seul le fait de prendre le jet pour plus de tranquillité – et par fainéantise, surtout – l'empêcha d'arriver encore plus tôt. Loki l'attendait au salon, l'enfoiré s'étant volatilisé à la seconde même où l'ingénieur avait mentionné la villa, sans même lui laisser le temps de finir sa phrase. Connard.
« Vous en avez mis du temps, Stark, » lança le dieu d'un ton volontairement hautain, sourire sarcastique au coin des lèvres. Connard. Ouais, il se répétait, mais franchement, c'était mérité.
« Hey, on n'a pas tous la capacité de se téléporter le néogothique ! »
« Une autre preuve de l'indéniable supériorité de nous autres, êtres pratiquant la magie, sur les pitoyables mortels que vous êtes. Mais si vous ne pratiquez pas la téléportation, en revanche vous volez grâce à votre armure. Est-ce à dire que le vol fut si long ? Vous nous avez habitué à mieux. Un petit problème de performance peut-être ? »
« Je suis pas venu en armure, mais en avion. Je préférais reporter autant que la bienséance le permettait le moment de nos retrouvailles. Et j'ai eu bien raison, en voyant l'accueil que tu m'as réservé ! »
« Pauvre Stark, que d'excuses futiles devez-vous utiliser pour conserver la face ! Vous n'êtes pas obligé de me mentir et me cacher votre fatigue. Vous savez, à votre âge… »
« C'est toi qui parles d'âge ? » le coupa-t-il, s'engouffrant allègrement dans la brèche. « Rappelle-moi, mille-trois cent et des poussières si je me trompe pas ? Quelle pitié ! Ça va les articulations, ou il faut que je t'offre un déambulateur à Noel ? »
« Avec plaisir, ainsi je ne serais pas pris au dépourvu le jour où vous en nécessiterez l'usage. Car notez bien ceci, il est certain que vous l'utiliserez avant moi, et sans doute plus tôt que vous ne le pensez. »
« Mes quarante-quatre ans t'emmerdent Rodolphe ! »
Mais malgré ses mots, Tony souriait, et Loki aussi. Ça faisait des semaines qu'ils n'avaient pas jouté comme ça, se lançant des piques dans le simple but de faire sortir l'autre de ses gonds. Et dire qu'il n'était là que depuis cinq minutes !
C'était puéril, certes. Mais visiblement, la côte ouest faisait du bien à tout le monde…
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Tony se réveilla en sursaut, haletant. Il porta une main à sa poitrine, mais rien à faire, l'air n'entrait pas. Une lumière tamisée éclaira rapidement dans la pièce, tandis que la voix de Friday lui parlait doucement.
« Patron, votre fréquence cardiaque est trop élevée, vous devez vous calmer. Prenez de larges inspirations par le nez, et soufflez doucement par la bouche. Patron, votre fréquence cardiaque est trop élevée, vous devez vous calmer. Prenez de larges inspirations… »
Pendant de longues minutes, il se raccrocha à la voix de son IA, son débit lent et ses mots soigneusement articulés ne mettant que davantage en valeur son accent irlandais. La lampe qui brillait sur sa table de chevet était douce, la lumière chaude et réconfortante, si loin du bleu affolant de ce maudit trou de ver dans le ciel. Il n'était pas sur ce maudit caillou désolé, il n'y était pas ! Il leva ses mains tremblantes devant ses yeux, mais elles étaient indemnes, propres, aucune trace de sang les maculant. Aucun corps gisant sur le sol.
Il ne saurait dire combien de temps il mit à se calmer. Mais il se calma, tant bien que mal. Etalé sur son lit, les membres courbatus comme s'il avait couru un marathon, les mains agitées de spasmes, la peau moite, mais la respiration enfin stabilisée. Grimaçant, il se redressa finalement et gagna la salle de main, reconnaissant envers Friday qui allumait les lumières sur son passage tout en les maintenant au minimum.
A la base, il voulait juste s'asperger le visage, nettoyer à la fois la transpiration et les idées noires. Mais, manquant de paniquer en sentant l'eau couler sur ses mains, il coupa immédiatement le robinet et les essuya avec précipitation sur une serviette qu'il jeta au sol. Blanche, la serviette était blanche. Pas rouge. Pas rouge comme le sang fantomatique de ses amis morts devant lui, pas rouge comme le sang trop réel des enfants de Tumaco, pas rouge comme le sang jaillissant de sa poitrine déchiquetée par les éclats de shrapnels.
Pas rouge.
Il quitta la salle de bain, puis la chambre. Il ne comptait pas retourner se coucher, pas tout de suite. Jamais, peut-être. Alors à la place, il descendit au salon. Il ne savait pas trop à quoi s'attendre – ne savait pas s'il devait espérer – et pourtant… Pourtant Loki était là. Comme il avait toujours été là après chacun de ses cauchemars, après chaque crise d'angoisse, et ce depuis plus d'un an. A chaque nuit difficile passée à Malibu depuis sa rupture avec Pepper, il avait trouvé le dieu sur son canapé, lisant un livre et l'ignorant totalement, comme si sa présence dans la pièce à ce moment précis était parfaitement fortuite. Il n'avait jamais su s'il l'entendait de lui-même, s'il était averti par sa magie, ou si Jarvis l'en informait – lui-même avait été averti par son IA, les rares fois où le dieu avait lui aussi subi des cauchemars. Il devrait d'ailleurs vérifier rapidement que Friday connaissait également cette directive – Mais quelle qu'en soit la cause, il en était reconnaissant.
Ne s'attardant pas sur la présence de son colocataire, il alla simplement ouvrir l'une des baie vitrée – et tant pis pour le froid d'avril, on était sur la côte ouest merde ! – puis s'allongea sur l'un des canapés, s'enroulant dans un plaid qui trainait sur le dossier. Le plaid des mauvaises nuits. Sa tablette – l'une de ses tablettes plutôt – trainait sur la table basse, mais ça lui demandait de tendre le bras et il avait franchement la flemme. Alors à la place, il porta son regard sur l'océan. La lune était cachée par les nuages, aussi ne distinguait-il que vaguement les rouleaux d'écume. Mais le bruit était apaisant, au moins autant que celui des pages que l'on tournait lentement.
Il se sentait bien.
« J'ai vu mes amis morts. »
Sans doute la raison pour laquelle il gâcha tout. Plus de bruit de papier, soudain. Juste les vagues. Tony n'avait pas besoin de se tourner vers le dieu pour savoir qu'il avait soudainement relevé la tête et le regardait attentivement. Lui contemplait l'océan, d'un noir profond et brillant, si différent de l'obscurité froide et sinistre de l'espace.
« Dans la vision que m'a infligée Maximoff, j'ai vu les cadavres de mes amis. Immobiles, froids, et couverts de sang, sur un rocher perdu flottant au beau milieu de l'espace. Mais ce n'était pas une simple illusion… C'était réel. Tellement réel… Je sentais la pierre gelée sous mes pieds, les flaques de sang dans lesquelles je marchais. Il faisait si noir… J'ai touché leur peau à la recherche d'un pouls, et je n'ai rien senti. Puis Steve m'a attrapé la main, et avant que je puisse me réjouir de le voir vivant, il m'a dit que j'aurais pu les sauver, que j'aurais pu faire plus… Une seconde plus tard et il était mort, son regard vide fixé sur moi et semblant me juger, me condamner. Parce qu'ils étaient morts à cause de moi ? Je sais pas, peut-être. Surement même. Mais ils étaient morts de toute façon, et moi pas. »
Tony ne pouvait pas se résoudre à fermer les yeux. Il savait que s'il le faisait, il reverrait ces images aussi clairement que si c'était la veille. Six corps, si réels… Il grelottait sous la couverture il ne savait pas si c'était à cause du souvenir et de l'émotion, ou de la baie vitrée ouverte en grand, mais il s'en foutait. Il n'osait pas tourner la tête, incertain de ce qu'il pourrait lire sur le visage de Loki. Plus incertain encore de ce qu'il voudrait y lire. Terrorisé à l'idée de ne voir que le cadavre de sa vision, et brulant d'envie de conjurer ces images pour de bon.
Alors il se raccrochait à l'océan.
« Quand j'ai levé les yeux, j'ai vu cette énorme brèche dans le ciel, à travers laquelle se déversaient ces foutues baleines de transport chitauris. Et sur quoi donnait ce maudit trou de ver ? Je te le donne en mille, notre bonne vieille planète Terre. Mes amis étaient morts. Et moi, moi j'avais échoué. »
Il haletait maintenant, la gorge sèche. Et sans qu'il n'ait rien dit, un verre d'eau apparut sur la table basse, pile à sa portée, un verre dont il s'empara avec avidité. Il essaya de ne pas s'en foutre partout, chose difficile à faire quand on était toujours à moitié allongé, mais ça passait. Ça passait. Il exhala un souffle tremblant, reposa le verre. Il n'avait toujours pas tourné la tête, et noyait son regard dans l'océan pour ne pas perdre pieds.
« Dormez Stark. Vos cauchemars seront moins sombres une fois le jour venu. »
Il claquement de doigts retentit. Il ne tourna pas la tête. L'océan était toujours là, la baie vitrée était toujours ouverte, mais il faisait bon sous son plaid. Il était bien. Un bruit diffus retentit, un froissement de tissu, comme quelqu'un changeant de position. Ou quelqu'un se levant pour s'assoir ailleurs, plus proche, ça fonctionnait aussi.
Il papillonna un peu des yeux, bailla. Après cette confession, il n'avait pas prévu de se rendormir. Il ne voulait pas se rendormir. Mais il était épuisé. Et puis, il était en sécurité.
Il n'était pas seul.
« Merci, » laissa-t-il échapper dans un souffle.
Sans attendre de réponse, il se blottit sous la couverture et ferma les yeux, bercé par le roulement lointain des vagues et le bruit des pages que l'on tournait à nouveau. Il ne se sentit pas partir.
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Toute la nuit, Loki avait veillé le mortel. Oh, son sommeil n'avait pas été troublé, un soupçon de magie l'en avait assuré. Mais, au vu de la situation, il lui aurait semblé… inadéquat de simplement le quitter et le laisser là, tout seul. Il n'avait guère avancé dans sa lecture, détaillant plus souvent qu'à son tour la silhouette tassée de Stark, à peine discernable sous cette couverture. Les rides de soucis sur son front s'étaient estompées, mais il savait que c'était davantage dû à la magie qu'au simple sommeil. Néanmoins, qu'il se soit si facilement laissé emporter trahissait sa fatigue.
Quand Stark lui avait raconté la débâcle d'Ultron, il lui avait bien sûr parlé de la jeune Wanda Maximoff et de ses pouvoirs, tant télékinétique que de manipulation mentale. Il avait également mentionné le fait qu'elle avait utilisé ces derniers contre lui, sans apporter plus de détails. S'il s'était alors dit que l'homme lui en parlerait en temps voulu, il n'avait pas imaginé que ce serait si tôt, a fortiori alors que leurs rapports étaient encore loin de s'être normalisés – essentiellement de son fait par ailleurs.
Il n'avait pas tenté non plus d'imaginer de quoi il avait été question – les traumatismes de Stark étaient nombreux et divers, et il savait n'en connaitre lui-même qu'une partie. Maximoff avait largement eu de quoi le tourmenter – La seule réflexion qu'il s'était permise concernait le regard de Stark en évoquant cette vision, même à mots couverts. C'était le même regard perdu et terrorisé qu'il avait quand il parlait du trou de ver de 2012 et de ce qu'il avait vu derrière. Il n'avait pas imaginé s'approcher si près de la vérité.
A présent qu'il connaissait la teneur de cette illusion, il était d'autant moins étonné par la façon dont les choses avaient tourné. La peur de l'échec et la volonté de réparer ses erreurs – réelles comme fictives – avaient toujours été très prégnantes chez Stark. Ces sentiments avivés par cette vision pervertie, appuyés encore par le souvenir de la mission ratée de Tumaco, on obtenait un cocktail détonnant dont il était peu surprenant qu'Ultron en ait résulté. Car tandis qu'il travaillait conjointement sur le sceptre et Ultron en compagnie du docteur Banner, ce n'est ni la détermination ni la curiosité scientifique qui étaient à l'œuvre chez lui, mais bien la peur.
Un instant, Loki caressa l'idée d'utiliser ses pouvoirs afin de voir par lui-même ces images indescriptibles d'horreur, directement dans l'esprit de Stark, mais il renonça. La tromperie était peut-être l'un de ses nombreux titres, mais il ne s'agirait là que de satisfaire une curiosité morbide. Alors il resta simplement là, dans son fauteuil en face de Stark, à attendre. Patiemment. Qu'étaient quelques heures de veille pour lui ?
Quand le jour se leva, le ciel était couvert, traversé de nuages gris lourds de pluie. Le vent s'engouffrait par la baie vitrée restée ouverte toute la nuit, et il vit Stark frissonner dans son sommeil. Ses sorts s'estompaient. D'un geste, il referma la fenêtre, prenant garde à ne pas la claquer plus fort que nécessaire. Mais cela suffit néanmoins à réveiller l'humain, qui se tourna et retourna sur lui-même avant de papillonner des yeux. Croisant de fait son propre regard.
« Qu'est-ce que… ? »
Il s'interrompit de lui-même, se remémorant probablement les événements de la nuit s'il devait se fier au rougissement soudain de ses pommettes et à son visage qui se détournait. Mais le dieu devait avouer que lui-même ne savait guère quoi dire en ses circonstances. Il ne voulait pas se contenter de banalités creuses à souhait, mais réaborder de front le sujet aurait été particulièrement insensible, même pour lui. Que pouvait-il dire pour faire comprendre à Stark qu'il l'avait écouté – qu'il l'avait entendu – sans pour autant remuer le couteau dans la plaie à vif ?
Les mots franchirent ses lèvres sans qu'il ne puisse les retenir.
« J'entends le labo nous appeler, pas vous ? Il ne faudrait pas le faire attendre. »
Ces mots, Stark les lui avait offerts pour la première fois après sa blessure sur Svartalfheim, alors qu'il était trop affaibli pour pratiquer la magie. Le dieu les lui avait rendus après la rupture de l'ingénieur avec Miss Potts. A chaque fois, il s'agissait d'une diversion grossière – dont l'autre pouvait parfaitement voir les ficelles – après des conversations lourdes de sens et émotionnellement éprouvantes. N'était-ce pas approprier de les prononcer de nouveau aujourd'hui, après la confession difficile qui lui avait été offerte ?
Un sourire éclatant illumina le visage de Stark, avant qu'il n'hoche vigoureusement la tête. Et tandis que Loki se détournait, le dieu jurerait avoir vu des larmes briller au coin de ses yeux.
C'était la bonne décision à prendre.
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Finalement, ce n'est qu'une heure plus tard qu'ils rejoignirent ensemble le labo. Enjoint à se nourrir par Friday, l'intéressé avait lourdement soupiré avant de prendre le chemin de la cuisine pour avaler quelque chose de plus consistant qu'un café, son intention initiale. Le silence entre eux avait été tranquille et plein d'anticipation, pas lourd ou tendu comme il ne l'avait que trop souvent été depuis leurs « retrouvailles ».
Tous deux étaient ensuite montés se laver et se changer. Mais alors qu'ils s'apprêtaient à rejoindre l'atelier, ils avaient été coupés net dans leur élan par un appel de Maria Hill. Stark avait grimacé et piétiné sur place, s'excusant silencieusement, avant d'ordonner avec dépit à Friday de transférer l'appel sur son téléphone et de quitter la pièce.
Désabusé, Loki avait repris le livre auquel il n'avait accordé que trop peu d'attention cette nuit. Les entretiens avec la directrice de Rescue pouvant prendre quelques minutes comme plusieurs heures – et avec les conséquences d'Ultron et de la bataille de Sokovie, c'était plus souvent des heures qu'autre choses ces derniers temps – mieux valait donc prendre ses précautions. Autant dire qu'il fut surpris de voir apparaitre Stark au bout d'une petite demi-heure seulement, un air déterminé sur le visage, pour qu'ils gagnent enfin, enfin le labo. Une heure après sa proposition donc.
Autant dire que l'impulsion initiale l'ayant poussé à prononcer ces mots ridicules était retombée depuis longtemps, et il ne savait pas comment retrouver leur élan. Il était perturbant de se sentir aussi incertain, comme s'il était celui à devoir faire ses preuves. Pathétique. Mais il voulait montrer à Stark que ses mots et leur importance n'avaient pas été ignorés. Il pinça ses lèvres, se retenant de soupirer d'agacement. Son propre comportement l'horripilait, à tourner en rond et tergiverser ainsi. Il était un dieu par les Nornes ! S'il voulait quelque chose, il le prenait. Il agissait selon son bon plaisir en ignorant le regard des autres depuis des siècles, ce n'est pas aujourd'hui que ça allait changer. Et si cela ne convenait pas au mortel ? Il n'en avait rien à faire !
« Où en étions-nous restés ? » lâché-t-il avec agressivité sitôt la porte de verre refermée sur eux. « Nous avons perdu des mois de recherche avec vos histoires insignifiantes, vous en avez bien conscience ? »
Stark se tourna vers lui, visiblement interloqué par le ton employé. Loki ne recula pas d'un pouce, se contentant de croiser les bras et de le toiser avec mépris.
« Et bien ? »
Stark ne dit pas un mot, se contentant de le regarder avec circonspection. Puis, étrangement, son regard s'éclaira d'une lueur étrange et une esquisse timide de sourire vint trouver sa place sur ses lèvres. Et toujours sans rien dire, il lui tourna le dos et se dirigea vers l'un des écrans holographiques, qu'il sortit de sa veille d'un simple effleurement.
« Début février, nous travaillions sur trois axes principaux. Premièrement, les runes. On essayait de d'associer des runes au réacteur ark, en essayant de voir s'il y avait des différences selon les techniques de tracé et de gravure, et la personne qui les traçait. Plus précisément, on bossait sur des runes elfiques de je sais plus quelle planète, vieilles de cinq ou six millénaires, » énuméra-t-il en faisant apparaitre quelques documents sur l'écran, dont des photos desdites runes. « Deuxièmement, tu essayais d'intégrer du starkium à différents sortilèges pour essayer d'en comprendre les limites. Aux dernières nouvelles, tu travaillais sur les sorts de soin, mais je peux me tromper. Enfin, troisièmement et dans le même optique, j'associais le starkium à d'autres éléments pour en évaluer les réactions physiques et chimiques. Dernièrement, je travaillais avec le darmstadtium, ce qui avait produit… pas mal de boums, tu dois t'en souvenir ? »
Il passa une main négligente dans ses cheveux, se tournant enfin vers lui en affichant un sourire grimaçant.
« Euh… je crois que c'est à peu près tout ? Dans les grandes lignes ? »
Si le dieu s'appliqua à rester impassible, intérieurement il était stupéfait. Bien sûr, il connaissait chacun des faits que venait d'énumérer Stark, et n'avait pas eu besoin de ce résumé grossier. Réapprendre à passer du temps ensemble – sans parler de travailler côte à côte – avait été long, et il avait eu tout le temps nécessaire pour compulser les dernières notes qu'il avait prises, avec Friday le laissant accéder aux versions numériques de la même manière que le faisait son prédécesseur. Simplement, il n'avait pas envisagé que Stark l'ait fait également. Occupé à gérer les répercussions d'Ultron et de la bataille de Sokovie, mais également par les Avengers, Rescue, son armure et tant d'autre choses, il ne l'avait guère vu s'intéresser à Oméga au cours des dernières semaines. Une erreur de jugement, visiblement. Mais lui-même n'ayant pas abordé frontalement le sujet, il ne pouvait que supposer que l'homme avait préféré en faire de même.
Stark avait dit qu'il ferait des efforts pour se montrer digne de sa confiance, et c'est exactement ce qu'il faisait, dans ses actes comme dans ses mots. Respectant les limites franches que le dieu avait établies, masquant tant bien que mal sa colère et son dépit – bien visible au demeurant – à se voir sans cesse éconduit. Certes, l'homme lui avait menti, l'avait trahi. Mais après tout, lui-même ne l'avait pas tué, pas plus qu'il n'avait quitté Midgard. Il avait confié sans mentir au mortel que celui-ci avait toujours sa confiance. Peut-être était-il temps, à son tour, de le lui prouver.
« Dites m'en plus sur le darmstadtium… »
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« Nos derniers agents sur place ont quitté la Sokovie hier. Si le risque d'attentat ou de coup d'état n'est pas à exclure définitivement, nous pensons que le gouvernement sokovien a les choses en main, » résuma Maria Hill.
« C'est déjà ça, je suppose, » soupira-t-il avec lassitude.
Sur l'écran, Hill affichait le même regard las et fatiguée malgré son visage impassible. Presque deux mois s'étaient écoulés depuis la bataille de Novi Grad, et c'était autant de temps passé à venir en aidée à la population démunie, subvenir à leurs besoins les plus élémentaires, déblayer les gravats, et plus généralement à s'assurer que la Sokovie n'allait pas s'effondrer. Si de nombreuses organisations humanitaires étaient toujours présentes sur place, les membres de Rescue eux avaient finalement plié bagage. Mais ce n'était que temporaire, puisqu'ils seraient très prochainement engagés dans le processus de reconstruction. En tant que PDG de Rescue, Tony savait qu'une réunion à ce sujet était prévue à Moscou dans deux mois, réunion à laquelle il était bien décidé à participer. Il en informa d'ailleurs Hill, qui hocha la tête.
« Je serais également présente. Pepper nous prépare un plan d'investissement pour débloquer des fonds supplémentaires pour la reconstruction, ça devrait être validé dans le courant de la semaine. »
« Est-ce que les autres seront aussi présents ? Pas toute l'équipe, mais peut-être Steve et Natasha. Maximoff aussi, elle est sokovienne après tout. »
Cette fois, Hill grimaça ouvertement, fait assez rare pour être souligné.
« Les Avengers n'ont pas vraiment bonne presse actuellement. Seul le fait que Rescue ait été immédiatement présente sur le terrain a permis de limiter les dégâts, mais c'est tout. Après Washington il y a un an et demi, les choses sont plus tendues que jamais, avec le gouvernement américain comme à l'international. »
« Les choses n'en resteront pas là, vous le savez aussi bien que moi. Les Avengers opèrent sans contrôle ni supervision, et il n'y a plus de SHIELD pour faire tampon avec les institutions. Les choses tenaient tant bien que mal debout jusqu'ici, mais les statuts quo ne durent jamais qu'un temps, ce ne sera pas envisageable à long terme. Pas quand on voit les conséquences que peuvent avoir les combats que nous menons. »
« Allez faire comprendre ça au reste de l'équipe… »
Il haussa un sourcil, surpris de sa remarque. Lui supposait que ça allait de soi.
« Disons que les autres ne voient pas les choses de la même manière, » expliqua-t-elle en voyant son incompréhension. « Rhodes et Wilson, en tant que militaires, comprennent et respectent les besoins d'une hiérarchie et la nécessité de rendre des comptes. J'aurais pensé que Rogers verrait les choses de la même façon, d'autant qu'il a travaillé pour le SHIELD un moment. Mais quand nous avons pu en discuter ensemble, il m'a dit vouloir que les Avengers restent indépendants, comme ils le sont actuellement. Sauf que selon ce qu'en disent les politiques, nous pourrions très bien ne pas avoir le choix. »
« Bien content que ce soit votre boulot de gérer ce merdier, et non le mien ! »
« Vous êtes d'un soutien sans faille Stark. »
« C'est quand vous voulez ! » sourit-il, avant de reprendre avec plus de sérieux. « On fait le point la semaine prochaine, même heure ? »
Hill opina, avant de finalement couper la communication. Tony se laissa aller dans son fauteuil en soupirant.
« Friday, note le rendez-vous avec Hill, et rappelle-le-moi une heure avant. »
« Bien patron. »
Il soupira une nouvelle fois. Il n'avait pas menti à Hill, il n'était pas mécontent de s'être éloigné de tout ce bordel, et pas seulement géographiquement en fuyant à l'autre bout du continent. Toute l'affaire Ultron/Sokovie avait été compliquée à gérer, indépendamment de ses problèmes personnels avec Loki.
Ça faisait presque trois ans depuis la bataille de New-York, et cinq qu'il était Iron Man. Il avait eu son lot de galère, de traumatismes et de catastrophes en tout genre. Et si d'un point de vue strictement personnel la dernière en date n'avait pas été la plus éprouvante moralement – si on mettait de côté Maximoff et sa vision – les conséquences en revanche n'avaient jamais été aussi lourdes. Cent-soixante-dix-sept civils avaient été tué, et plusieurs centaines d'autres blessés. Les dégâts matériels étaient considérables, estimés pour l'heure à trois-cent-cinquante milliards de dollars, montant encore en expansion. Même à New-York, les retombées n'avaient pas été aussi lourdes.
Tony n'avait pas besoin que Hill lui dise que la côte des Avengers était au plus bas depuis leur création, il suffisait pour ça d'allumer la télé sur n'importe quelle chaine d'informations. De plus en plus de politiciens montraient de la défiance envers les super-héros et les individus améliorés en général, point de vue de plus en plus communément partagé par l'opinion publique. Et c'était encore pire à l'étranger. Mais ça ne l'étonnait pas. Mieux, il comprenait.
Il n'avait pas créé Ultron, il n'en démordrait pas. Mais il était évident que lui – et les Avengers en général – aurait pu gérer l'ensemble de la situation d'une toute autre façon. Comment, c'était difficile à dire. Après tout, ils avaient pris ce qu'ils pensaient être les meilleures décisions sur le moment. Mais on ne pouvait pas ne pas se remettre un tant soit peu en question en voyant les conséquences. Exactement de la même façon qu'il n'avait pas pu ignorer ce que les trafiquants d'arme faisaient des missiles made in Stark Industries après être lui-même tombé entre leur main.
Qu'est-ce qu'il pouvait détester le terme de « victimes collatérales », comme si ce n'était là qu'un à-côté dérangeant avec lequel il fallait composer… Mais ces victimes étaient bien réelles, et leurs familles aussi. Ils avaient tous du sang sur les mains, et trop souvent du sang innocent. Il ne savait pas comment les autres géraient la chose, ce n'était pas un sujet qu'ils avaient l'habitude d'aborder ensemble. Mais de son côté, sa culpabilité n'allait pas en s'amenuisant à mesure que les années passaient, bien au contraire.
Alors ouais, se retirer plus ou moins des Avengers, c'était aussi prendre du recul sur ce merdier avant de devoir y replonger contraint et forcé. Privatiser la paix dans le monde était un beau rêve, c'est vrai. Mais il pouvait parader autant qu'il voulait devant les caméras, ça demeurait une utopie, utopie d'autant plus risible après l'échec cuisant d'Ultron.
« Patron, monsieur Loki vous fait savoir qu'il vous attend au labo sitôt que votre conversation avec Maria Hill sera achevée. Cette dernière étant effectivement terminée, souhaitez-vous lui faire parvenir une réponse ? »
« Merci Fri', je vais le rejoindre. »
« Bien patron. »
Oméga en revanche… Oméga n'était pas une utopie. Il y croyait de toutes ses forces, plus encore depuis que Loki et lui s'étaient récemment remis à l'ouvrage. Les débuts avaient été étonnamment âpres, mais Tony était encore capable de reconnaitre un mécanisme de défense pour les avoir longuement pratiqués lui-même, et c'est exactement ce que l'agacement du dieu avait été. De quoi Loki avait voulu se cacher, il n'en était pas certain. Surement quelque chose de trop sentimental pour eux. Mais la proposition de rejoindre le labo ensemble avait été sincère, dans le fond comme dans la forme. Les mots n'avaient pas été choisis au hasard après tout, alors il pouvait bien pardonner au dieu son air dédaigneux et hautain.
Ça faisait dix jours. Dix jours où ils n'avaient que peu quitté l'atelier, l'un et l'autre absorbés par Oméga après des semaine à l'avoir laissé de côté. Il y avait encore eu des silences gênants par moments, et des plaisanteries tombant en plat. Mais il y avait en avait eu encore plus qui avaient fonctionné. Il y avait eu des heures passées à débattre, des explosions en tout genre – encore plus des réacteur ark faisant boum – et des sourcils froncés pour essayer de comprendre ce qui avait échoué cette fois-ci. Ils avaient même retrouvé leurs discussions du soir, et la veille, Loki lui avait appris à tracer de nouvelles runes naniques.
Il se moquait bien de savoir ce qui avait provoqué ce changement d'attitude chez le dieu. Il savait que ça avait à voir avec sa propre confession à propos de la vision de Maximoff, comme il savait qu'il y avait plus derrière. Mais le pourquoi et le comment, il s'en foutait. Il avait retrouvé son partenaire, son ami. Face à ça ? Le reste n'avait pas vraiment d'importance.
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« J'ai fait graver par Friday un réseau de runes amadiennes, invisible à l'œil nu. J'ai moi-même gravé un ensemble similaire sur un deuxième réacteur, et le troisième est le tien. D'un point de vue strictement physique, il y a bien évidemment des différences dans la profondeur et la précision des gravures. Et pas la peine de te pavaner, on sait tous les deux d'où vient le manque de précision. Mais est-ce que ça change quelque chose au niveau magique ? »
Le dieu promena sa main au-dessus des trois appareils, ignorant avec habitude l'humain qui continuait de babiller à côté de lui. Après des mois à se familiariser avec le starkium, il reconnaissait l'énergie qui se dégageait des appareils, ardente et brulante de vie. Celle-ci était amoindrie par l'enchevêtrement de runes qui luttait pour la contenir, mais n'en irradiait pas moins des réacteurs devant lui. Ce qui était surprenant en revanche, c'est que le maillage runique semblait contenir l'énergie de la même façon, qu'il s'agisse de son ouvrage, de celui de Friday ou de la gravure grossière de Stark – même s'il devait avouer en toute franchise que l'humain s'était amélioré – Il retira finalement sa main, rouvrant les yeux qu'il avait inconsciemment fermé.
« Alors ? » demanda Stark avec impatience.
« Alors chacun des cercles runiques produit un endiguement d'énergie semblable. On trouverait surement des disparités dans le cadre d'actes magiques plus poussés, mais la similarité est suffisante pour ce qui nous intéresse. »
« C'était la même chose pour les runes nayagas et celles vanelianes. Que peut-on en conclure ? »
« Que l'identité ou la nature de la personne traçant ces runes n'interfère pas avec l'efficacité de celles-ci, à l'échelle où nous travaillons. »
« Ce qui veut donc dire que non seulement je peux moi aussi peindre et graver les réacteurs ark, mais surtout qu'on peut en déléguer une bonne partie à Friday quand il s'agira d'orner des réacteurs en série, au lieu de le faire à la main. »
« Cela va représenter un gain de temps considérable… »
« Mieux employé à expérimenter et étudier les variations de runes plutôt qu'à les tracer soi-même, » compléta Stark avec un grand sourire, sourire que le dieu n'était pas loin de lui rendre.
Cette validation de leur hypothèse, si elle ne représentait pas une avancée majeure concernant directement Oméga, n'en était pas moins une excellente nouvelle. Une partie conséquente de leurs temps respectifs étaient dédiés à la fabrication des réacteurs arks pour leurs expériences. Stark se faisait livrer certaines pièces manufacturées par diverses entreprises, mais l'assemblage était manuel. Et c'était sans compter l'incorporation des matériaux non standardisés, comme les pierres précieuses qui avaient un temps eu leur préférence, ou l'actuel travail de gravure. Pouvoir déléguer ce dernier à Friday représentait un nombre d'heures conséquent, qui serait ainsi bien mieux employé.
« Patron, vous avez un message de Miss Potts, qui cherche à vous joindre, » les interrompit Friday.
« Ah ouais ? » s'étonna Stark, visiblement surpris. « Vas-y, envoie. »
« Tony, nous avions un entretien prévu il y a une heure de ça et tu n'as pas répondu à aucune de mes nombreux coups de fil. Au cas où tu l'ignorerais, le principe d'un téléphone est de répondre quand on nous appelle, et j'apprécierais vivement que tu décroches ! Rappelle-moi dès que Friday t'auras transmis ce message, si jamais tu as encore quelque chose à faire de ton entreprise. »
Toute la joie et la satisfaction qu'il ressentait s'évanouit en l'espace d'une fraction de seconde. Il n'avait que faire des déboires de Stark et de la façon parfois calamiteuse qu'il avait de gérer ses entreprises. Mais ces mots… Ces mots, prononcés d'une voix agacée par Miss Potts, en appelaient d'autres du fond de sa mémoire. « Loki merde, si je t'ai donné un téléphone, c'est pour répondre quand je t'appelle ! Rappelle-moi dès que t'as ce message, si jamais tu daignes allumer ton portable un jour ! » Et visiblement, il n'était pas le seul à s'en souvenir, s'il devait se fier au teint soudainement gris de Stark.
« Dis-lui… » bégaya-t-il sans le regarder, avant de déglutir difficilement. « Dis-lui que je règle un truc, je la rappelle d'ici un quart d'heure. »
« Bien patron. »
Stark se tourna finalement vers lui, grimaçant et peinant à soutenir son regard.
« Je me suis pas excusé pour ça, n'est-ce pas ? »
Nul besoin de préciser ce qu'était ce ça, ils en avaient tous deux parfaitement conscience.
« Non, en effet. »
Nouvelle déglutition difficile. Loki pouvait le voir triturer ses mains, comme c'était le cas à chaque fois qu'il était nerveux.
« La première chose que tiens à te dire, c'est que j'aurais pas du te parler comme ça, vraiment. Mais tu connais un peu mieux la situation à présent et… et j'avais déjà essayé de t'appeler plusieurs fois, j'avais pas Jarvis pour te localiser, et avec Ultron dans la nature avec le sceptre… je sais pas, j'ai flippé. Je m'inquiétais pour tout et tout le monde, j'arrivais pas à te joindre, et il n'y avait rien que je puisse faire contre ça à part m'inquiéter encore plus. »
C'était quelque chose que le dieu pouvait entendre. Stark agissait souvent de façon irrationnelle quand il était en proie à des émotions violentes, et il reconnaissait que le mortel avait eu des jours éprouvants : hanté par la vision de Wanda Maximoff, luttant contre une IA qu'il avait contribué à créer et devenu paria aux yeux de l'opinion publique après l'incident de Johannesburg. Lui-même reconnaissait s'être inquiété pour Stark – et plus secondairement Thor – en voyant les carcasses de l'Iron Legion, le salon de la tour dévasté et Jarvis muet par-dessus le marché. Pas qu'il compte l'admettre à quiconque, et tous ces bons sentiments avaient rapidement été balayés par la colère. Mais ils avaient toutefois eu le mérite d'exister.
« Promis, la prochaine fois que je t'appelle, même si on est en pleine crise ou avec la fin du monde imminente, j'essayerais de pas passer mes nerfs sur toi, » poursuivit Stark avec un entrain forcé. « Mais hey ! J'ai dit essayer, hein ? »
« Vous pourriez ne pas réussir à me joindre. »
Loki regretta ses mots en voyant le mortel le regarder avec interrogation, ne lui laissant d'autre choix que de poursuivre et de s'expliquer à son tour.
« Il se pourrait que j'ai par inadvertance détruit le téléphone que vous m'aviez confié à la réception de ce message. »
« Ouais, je peux pas vraiment t'en vouloir pour ça… »
Stark eut un petit rire étranglé, semblant clôturer la discussion. Mais alors qu'il pensait le voir sauter sur l'occasion et quitter la pièce pour téléphoner à Virginia Potts comme convenu, l'ingénieur le surprit une nouvelle fois.
« Si tu veux, je pourrais d'en donner un autre. »
Cette fois Stark le regardait bien en face, même s'il semblait lutter pour ne pas détourner les yeux. Et Loki ? Loki n'était pas certain de voir où il voulait en venir.
« Un téléphone. Un nouveau, je veux dire. Si tu veux ? »
Oh.
Le dieu ne pouvait pas dire qu'il l'avait vu venir, mais était-ce si surprenant pourtant ? Ce téléphone avait eu une importance quand il avait été offert, même s'il en avait douté alors qu'il était en proie à la colère. Ce téléphone devenu objet de discorde, au lieu de les souder davantage. Et Stark proposait de le lui offrir de nouveau, un moyen tout à la fois de faire table rase du passé et d'aller de l'avant, sans pour autant oublier ce qui les avait rapprochés et les liait encore l'un à l'autre aujourd'hui.
Alors Loki hocha simplement la tête, un léger sourire aux lèvres.
« J'apprécierais cela. »
Avec sérieux, Stark hocha la tête à son tour, mais son regard n'en était pas moins heureux.
Oui, ils iraient bien.
