Disclaimer : Nous ne tirons profit, en aucune façon, de cette histoire. Les personnages de Marvel appartiennent à leurs propriétaires. Nous ne retirons rien de l'histoire qui suit et tous les droits de création des personnages leur appartiennent. En revanche, l'histoire nous appartient.
Rating : T
Genre : Romance / Drama / Angst / Comfort
Personnages : Tony Stark ; Loki ; la plupart des personnages vus dans les films du MCU
Situation temporelle : Démarre en 2012, après que Loki a récupéré le Tesseract dans Avengers Endgame
Bonjour tout le monde !
Aujourd'hui plusieurs discussions émotionnellement éprouvantes pour Tony, sur des sujets assez divers. On continue de préparer doucement Civil War, et on développe progressivement certains personnages. Tout un programme !
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Makiang4, Marguerite Roxton Jones, Egwene Al'Vere, ArtemisSnape, merci beaucoup pour vos review !
ArtemisSnape : Il y a peu d'action dans cette fic, et beaucoup de psychologie, d'analyse des personnages et de leurs relations... C'est un parti pris que nous assumons, alors je suis contente de savoir que ça plait. Concernant la facilité d'écriture... Parfois je peux reprendre une scène sept ou huit fois parce qu'elle ne me convient pas, et d'autres au contraire sont presque écrites d'un seul jet et quasiment pas retouchées.
J'ai adoré écrire la scène de l'anniversaire ! Même si ce n'est pas encore de l'ordre du romantique, c'est une scène tellement importante pour eux, pour leur relation ! Même s'ils sont clairement dans le déni, l'un comme l'autre, et que ça va pas s'arranger tout de suite ! ;)
Bonne lecture !
Julindy
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CHAPITRE 5
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Il y avait la tristesse et le deuil. Il y avait l'emportement et la colère. Il y avait la terreur et l'horreur.
Sentiments terribles et violents, qui vivotaient tranquillement dans sa tête et son cœur en attendant le jour où il pourrait les exprimer. Ce n'était jamais des discussions faciles, jamais. Les mots étaient bien plus souvent hurlés ou confiés à mi-voix que simplement dits. Et rarement trouvait-on du soulagement une fois la ligne d'arrivée franchie. Mais il fallait quand même croire que ça aidait, au moins un peu. Y croire, pour ne pas se laisser dévorer par ses propres ténèbres.
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Stark était revenu la veille de son voyage en Europe, et le moins que l'on puisse dire c'est qu'il l'avait trouvé d'humeur fort peu joyeuse, pour ne pas dire simplement exécrable. Un contraste d'autant plus violent avec la joie tranquille sur laquelle ils s'étaient quittés le soir de son anniversaire.
Bien qu'il ne connaisse pas la cause de ces états d'âmes, il avait appris à la dure à ne pas les sous-estimer. Non seulement il ne tirerait rien de Stark dans cet état tout sauf productif, mais l'humain risquait également de se laisser engloutir dans le marasme déplaisant que constituait ses émotions. Oui, il exagérait. Peut-être. Un peu. Mais il était soucieux, et mieux valait prévenir que guérir. Il ne saurait tolérer que les éclats récents – suite à son manque de vigilance après la débâcle de Tumaco – se reproduisent. Le voilà donc contraint à lui servir de thérapeute pour lui permettre d'exprimer ses sentiments et, espérons-le, de les surmonter. Joie et bonheur. Il mentirait s'il disait être impatient de s'y mettre.
Loki demeurait le dieu du mensonge et de la malice, connu parmi mille autres choses pour sa langue d'argent et ses talents de manipulation, aussi guetta-t-il tout au long de la journée une ouverture propice pour aborder le sujet. Manque de chance, Stark était fort peu loquace, et il ne tirait de lui aucun mot qui ne soit pas en lien direct avec Oméga. Et il soupirait, beaucoup. Nornes toutes puissantes, il était fort probable qu'il ne l'étrangle promptement plutôt qu'avoir à supporter plus avant ses humeurs !
« Allez-vous enfin vous décider à dire quelque chose de constructif, ou allez-vous continuer à souffler comme un bigglesnipe enragé ? »
Stark releva brutalement la tête – il était certain d'avoir entendu sa nuque craquer – les yeux ronds et la bouche béante. Formidable, voilà qu'il se prenait à imiter physiquement ledit bovin.
« Très sincèrement, pensiez-vous que je ne noterais pas votre humeur changeante et vos accès soudains de colère comme de tristesse ? Je vous croyais plus avisé. »
De là ses traits se figèrent tandis qu'il serrait les poings, prêt au combat comme à la fuite. Mais dans ses yeux il n'y avait nulle colère, uniquement de la tristesse. Pas la détresse poignante de ses cauchemars, juste une tristesse sombre et mélancolique pareille à celle qui accompagnait trop souvent le deuil. Cette réaction peu coutumière de sa part l'intriguait. Et peut-être – juste peut-être – l'inquiétait-elle également. Alors le dieu perdit son air rigide et adoucit quelque peu sa posture, inclinant légèrement la tête vers son interlocuteur.
« Que se passe-t-il, Stark ? » demanda-t-il doucement d'une voix concernée. Car concerné, il l'était.
C'est là qu'il vit la fissure dans son masque, quand le besoin pressant de quitter la pièce fut brutalement submergé par le simple désir de rester. Et il resta. Il se laissa tomber dans le siège face au sien, jouant comme de coutume avec ses mains, avant d'étonnamment plonger son regard dans le sien quand d'ordinaire il avait tendance à le fuir.
« Régulièrement, je vais à Londres pour voir une vieille amie, » commença-t-il. « Elle a très bien connu mon père, et ils ont plus ou moins fondé le SHIELD ensemble. Elle était très présente pour moi quand j'étais gamin, même si on s'est éloigné avec le temps. Et… disons qu'être Iron Man n'a pas arrangé les choses. »
« Jusqu'ici, je ne vois nulle raison de vous tourmenter, » reprit le dieu de la même voix tranquille en voyant qu'il ne poursuivait pas. Il savait qu'il y avait bien plus que ce qui était dit, mais c'était là le seul moyen de relancer Stark, perdu dans ses pensées.
« Elle… elle est malade, très malade, au point que son mari a dû la placer dans un centre médicalisé il y a deux ans. Elle s'affaiblit, et elle perd la mémoire. Parfois, quand je vais la voir, elle ne se souvient plus de moi, ou elle me prend pour mon père. » Il ricana, se voulant probablement sarcastique, mais ce rire n'avait aucun mordant. Il sonnait juste… triste. « Franchement, je sais pas lequel des deux est le pire. »
Loki ne savait trop quoi répondre à cela. Les Asgardiens ne tombaient pour ainsi dire jamais malade, et les pommes d'or d'Idunn leur apportaient force et vigueur à travers les âges. S'ils étaient comme toutes les races soumis à la vieillesse et au poids des ans, l'affaiblissement général de son corps n'avait jamais été l'une de ses craintes La dégénérescence de son esprit encore moins. Et pourtant, n'était-ce pas là plus terrifiant encore ? Se perdre ainsi entre passé, présent et futur, à ne plus savoir reconnaitre les personnes face à soi et confondre amis et ennemis dans l'indifférence la plus totale ? Oui, c'était sans nul doute là quelque chose à craindre.
« Les médecins ne peuvent-ils la soigner ? » interrogea-t-il alors.
« Non. » Et si cette réponse semblait parfaitement inéluctable, il développa pourtant. « Même si la médecine a beaucoup évolué ces dernières années, on connait encore très peu le fonctionnement du cerveau humain, et je te parle pas de traiter des maladies mentales. Alzheimer est une maladie qui ne se guérit pas. Il existe des médicaments qui ralentissent la propagation de la maladie, mais ils ne font que traiter les symptômes, pas la cause… et la fin est inéluctable. »
Stark avait cessé de jouer avec ses mains, mais celles-ci étaient désormais secouées de légers spasmes intermittents, tandis que des larmes traitresses mouillaient le coin de ses yeux. Il les essuya d'un geste rageur, mais d'autre vinrent résolument prendre leur place.
En presque trois ans à le côtoyer, il n'avait encore jamais vu Stark en proie à de tels sentiments. Il avait ses démons, et les sources de ses cauchemars étaient plus nombreuses encore. Il l'avait vu au plus bas après New-York, après sa rupture avec miss Potts, après Tumaco, après Ultron et même pendant… Mais ça avait toujours été des émotions violentes et dévastatrice, loin, si loin de cette tristesse lasse et impuissante qui l'habitait aujourd'hui. Son amie n'était pas encore morte, mais il en portait déjà le deuil, et depuis un certain temps semble-t-il.
Lui-même n'avait jamais réellement eu à faire face à la perte d'êtres chers jusqu'au décès de sa mère. C'était il y a plus de deux ans désormais, mais ç'aurait tout aussi bien pu être la veille. Il se rappelait encore des mots prononcés sans tact ni pudeur par Jane Foster, de l'horreur qui l'avait submergée, de la colère qui avait émergée, du chagrin qui l'avait englouti. Mais il se souvenait aussi de la présence forte et solide de Stark à ses côtés en ces jours de peines, le regard dépourvu de pitié et de jugement, uniquement rempli d'une compassion timide et de la volonté de ne pas le laisser seul. C'était encore les balbutiements de leur relation, quand tous deux étaient encore si souvent en proie à la colère et ne savaient trop comment se comporter l'un avec l'autre. Mais il avait été là, respectant son silence et son besoin d'isolement, tout en lui offrant une présence constante lorsqu'au contraire il fuyait désespérément la solitude.
Aujourd'hui, c'était Stark qui s'était épanché librement sur son épaule, sur un sujet sensible lui tenant visiblement à cœur. Ils ne pensaient pas être nombreux à connaitre ces informations. Miss Potts le savait forcément, Stark faisait des voyages réguliers à Londres pour voir son amie alors qu'il était encore en couple avec la PDG – bien que lui-même n'ait pas réalisé ce que signifiaient ces voyages avant aujourd'hui – Le colonel Rhodes devait également être au courant au vu de leur proximité. Peut-être le docteur Banner. Les autres Avengers, il ne saurait le dire. Mais qu'ils sachent ou non ne changeait rien à sa situation actuelle. Il leva la main, voulant la poser sur son épaule en signe de réconfort, mais il retint son geste. Parce qu'il ne savait pas comment ce geste serait accueilli, mais également par pudeur, et respect envers son chagrin.
« Je vous ai déjà parlé du Ragnarök à plusieurs reprises, » lâcha-t-il à la place, sur une impulsion. « Selon nos coutumes, même si les âmes des morts gagnent le Walhalla ou Helheim, ce n'est jamais que provisoire, car nous croyons au cycle éternel du Ragnarök. La mort n'est pas la fin, mais une fin. Une parmi tant d'autres. Et les êtres aimés que nous avons perdus reviendront à la vie, leurs âmes se réincarnant cycle après cycle au côté des nôtres, quand bien même nous ayons perdu tout souvenir d'eux. Ainsi nous ne perdons jamais les gens… jamais vraiment. J'ai toujours trouvé cette idée réconfortante. »
« Ça vous épargne la tristesse ? Le deuil ? »
« Non. Ça nous apprend seulement à l'accepter. »
Mensonge. Il savait que Vali et Narfi se réincarneraient lors d'un prochain cycle, tout comme Frigga. Mais ils ne seront plus ses fils, et elle ne sera plus sa mère. Il ne sera plus lui, et aura tout oublié d'eux, de l'amour qu'il avait éprouvé pour eux, de l'amour qu'ils avaient éprouvé pour lui. Il serait sans doute à nouveau père, cela semblait être un fait récurrent s'il devait se fier aux différentes interprétations mythologiques midgardiennes issues des cycles précédents. Peut-être même que ses enfants porteraient encore le même nom. Mais ils ne seraient pas eux, il ne serait pas lui, et il n'y avait rien qu'il puisse faire contre ça.
Alors non, l'idée du Ragnarök et de l'inéluctable succession des cycles de vies n'était pas réconfortante, loin de là. Mais s'il ne croyait pas au fragile espoir que cette idée offrait, en quoi d'autre croire ?
« Dis… Parle-moi encore du Ragnarök, tu veux ? »
Toutefois, ce n'est pas ce que Stark avait besoin d'entendre à l'heure actuelle. Alors pendant trois heures, Loki parla. Parla du Ragnarök, de la trame invisible tissée par les Nornes, du destin et du libre arbitre, des idées qui étonnamment n'allaient pas en s'opposant. Il parla de l'inéluctabilité des cycles qui se suivaient et se ressemblaient, des erreurs évitées et de celles refaites à chaque fois. Il parla de la mort comme un chemin que tous devaient emprunter un jour, qu'ils soient humains ou asgardiens. Et s'il s'arrêta, c'est uniquement parce que Stark avait fini par succomber au sommeil, son corps avachi de façon grotesque dans son fauteuil. D'un soupçon de magie, il l'allongea sur le canapé leur faisant face – uniquement pour s'épargner ses récriminations du lendemain sur sa nuque douloureuse – Il ne poussa toutefois pas la précaution à le recouvrir d'une couverture on était au mois de juin, il passerait bien une nuit sans ! Et s'il trouva satisfaction à voir le front de l'ingénieur enfin dépourvu de ses rides d'inquiétudes, et bien, c'était lui que ça regardait.
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Hill avait convoqué Tony au QG. C'était rare, et plutôt inquiétant considérant qu'ils se voyaient déjà toutes les semaines. Mais quand elle lui avait dit que Clint avait également été rappelé, et pas uniquement pour parler de la commémoration qui approchait… Ouais, on avait et de loin dépassé le stade du « inquiétant ». Et évidemment, Hill ne voulait rien dire avait qu'ils ne soient tous présents. Conasse.
Toute leur joyeuse petite bande avait donc été réunie en salle de briefing, et l'interrogation dans tous les regards lui fit comprendre que personne ne connaissait la raison de leur présence. Hill arriva en bonne dernière, et alluma l'écran derrière elle sans leur laisser le temps de prendre la parole ou de poser la moindre question.
« Les Inhumains, » attaqua-t-elle d'entrée de jeu. « C'est une race d'êtres humains modifiés qui sont le résultat d'expériences par une race extraterrestre connue sous le nom de Kree, qui a manipulé leur code génétique il y a plusieurs siècles. En conséquence, les humains avec cet ADN génétique Kree deviennent des Inhumains lorsqu'ils subissent la Tératogénèse, un processus leur accordant des capacités surhumaines : téléportation, précognition, manipulation électrique, supervitesse, télékinésie et j'en passe… »
Tony jeta un coup d'œil rapide à Maximoff. Mais il n'avait pas à s'inquiéter de sa discrétion, tout le monde avait fait la même chose à l'entente du mot « télékinésie », faisant rougir la jeune femme qui baissa les yeux.
« Wanda n'est pas une Inhumaine, » les corrigea immédiatement Hill, comprenant la question silencieuse. « Elle a obtenu ses pouvoirs par exposition au sceptre et à la gemme qu'il contenait. Par précaution, j'ai tout de même fait examiner un échantillon de son sang par des scientifiques du SHIELD travaillant sur le sujet, et le résultat est sans appel : Wanda est normale. Ou tout du moins, son ADN est aussi humain qu'il est possible de l'être selon eux… »
Vu sa tête, Maximoff n'était pas au courant que son sang se baladait dans la nature, et Tony était plutôt d'accord pour le coup. Il voulait bien que l'examen soit nécessaire – a priori, même s'ils n'avaient encore jamais entendu parler des Inhumains jusqu'à présent – mais Hill aurait à minima pu l'avertir. Steve commença d'ailleurs à s'insurger au nom de sa camarade, avant d'être rapidement coupé par l'agente.
« Plus tard les récriminations. La situation est suffisamment préoccupante pour que je fasse vérifier l'ADN de Maximoff en urgence. D'ailleurs, je vous informe que vous vous soumettrez tous prochainement à une vérification de votre ADN. Le résultat ne peut bien sûr pas être fiable à cent pourcents, nous tâtonnons encore à ce sujet, mais ça nous donnera une bonne idée des risques auxquels vous pourriez ou non être exposés. »
« Et qu'est-ce que ça changerait concrètement, si on avait notre ADN modifié ? Outre la partie ''manipulation génétique alien'' qu'est pas franchement cool, » demanda Sam. « Si j'ai bien compris, il y a besoin de votre térétragèse là, pour devenir Inhumain. »
« Tératogénèse, » le corrigea Hill. « Le problème, c'est que de nombreuses personnes l'ont involontairement subi ces derniers temps. »
« Comment ça involontairement ? » demanda Natasha.
C'est ainsi qu'ils apprirent l'existence de Jiaying, chef d'un groupe d'Inhumains voulant répandre la Tératogénèse à travers le monde, sachant que « franchir la brume », selon l'expression locale, était mortel pour quiconque n'ayant pas l'ADN adéquat. Formidable. Jiaying étant accessoirement la mère de l'une des agentes de Coulson, il imaginait pas l'ambiance au sein de l'équipe. Bonne nouvelle, cette femme et ses complices avait été stoppés in extremis. Mauvaise nouvelle, le cristal responsable de la Tératogénèse avait fini à la flotte lors de la bataille, se répandant dans l'océan, contaminant les fonds marins, tout l'écosystème local… et les poissons avec. Chouette, il était pas prêt de manger de sushis avec cette histoire.
« Heureusement, grâce à sa dissolution dans l'eau, le cristal tératogène n'est plus mortel pour quiconque n'est pas Inhumain. Et si le SHIELD a fait retirer de la circulation plusieurs produits contenant de l'huile de foie de morue contaminée en se faisant passer pour une organisation de contrôle sanitaire, certaines personnes en ont consommé, et plusieurs Inhumains se sont réveillés à travers le globe. »
Il pouvait imaginer la panique. Se réveiller un beau matin avec des pouvoirs sortis de nulle part, tout ça pour avoir gobé quelques cachetons de compléments alimentaires… ça craignait grave.
« Toutes ces informations nous ont été fournies par Coulson, le SHIELD ayant pour l'heure la situation en main. Mais il est évident que les différents gouvernements du monde en ont également entendu parler et y réagiront à leur manière. Et contrairement à nous, ils n'ont pas toutes les informations en leur possession. Si je vous ai réuni aujourd'hui, c'est parce que vous pourriez être confrontés dans les mois ou les années à venir à certains de ces Inhumains. Car si l'immense majorité des personnes touchées sont des personnes lambda ne demandant rien de mieux que d'être laissées en paix, certains voudront se servir de leurs pouvoirs nouvellement acquis pour prendre le dessus sur autrui. Si Rescue ne peut se permettre de travailler officiellement avec le SHIELD, Coulson a promis de nous tenir au courant de l'évolution de la situation et de nous transmettre toute information pertinente à ce sujet, si en retour nous les informions de tout cas d'Inhumain auquel nous serions confrontés dans l'avenir. J'ai bien entendu accepté ce compromis. »
Ils discutèrent encore un moment du sujet, des profils qu'ils pourraient ou non rencontrer et de la conduite à tenir face à eux. Malheureusement, ces pouvoirs pouvant être aussi variés que cracher de l'acide à la gueule des gens ou provoquer des secousses sismiques – heureusement qu'elle était dans leur camp celle-là ! – il était difficile, pour ne pas dire impossible, d'établir un protocole unique. S'ils rencontraient un Inhumain, ils agiraient donc au cas par cas. Comme d'hab quoi.
Les voilà bien avancés…
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Malgré les nouvelles pour le moins plombantes, ils partagèrent un repas agréable, profitant de la présence de Clint qui devait repartir en fin de journée… pour revenir la semaine suivante pour la fête, en même temps que Thor qui reviendrait comme d'habitude d'Asgard pour l'occasion. Ils avaient ensuite migré au salon où les parties de cartes et les fous rires s'étaient enchainées, décoinçant même Vision et Maximoff, ce qui était pas loin d'être un miracle. Profitant d'une accalmie, il tira Steve sur un canapé un peu à l'écart pour lui tendre quelques documents et une clé USB.
« Quelques pistes au sujet de Bucky, » lui expliqua-t-il. « J'ai pas grand-chose malheureusement, mais en fouinant un peu dans les archives d'Hydra, je suis tombé sur quelques irrégularités. Bon, un paquet d'irrégularités plutôt, on parle d'une organisation criminelle secrète pas franchement portée sur la paperasse, mais… enfin, des petites choses que peuvent valoir le coup d'être vérifiées. Une base en Autriche identifiée formellement comme un labo d'expérimentation humaine, un scientifique reconnu ayant travaillé sur le projet Winter Soldier dans les années soixante, un rapport de mission datant de juin 1989 pouvant correspondre à Bucky… Tu as la version synthétique ici, et tout le détail sur clé. J'suis désolé de pas pouvoir te donner plus, mais… »
« Hey, c'est pas grave, » lui sourit Steve. « Ce sont de nouvelles pistes à explorer, et peu importe où elles vont me mener, ce sera toujours bien mieux que de tourner en rond ici en me demandant où il peut être ou même s'il est encore en vie. »
Tony grimaça, posant une main compatissante sur son épaule.
« Si t'as quelque chose de concret, parles-en à Hill. Officiellement, le Winter Soldier est un individu amélioré et un agent d'Hydra menaçant. Et avec le SHIELD tout ce qu'il y a de plus non-officiel… et bien, disons que le traquer fait partie des prérogatives des Avengers. »
« J'y penserai merci. Mais pas tout de suite je pense. »
Steve fit une tête étrange qui le fit rire, entre la moue gênée et la grimace.
« Entre cette histoire d'Inhumains et la commémoration de la semaine prochaine qui la préoccupe, je comprends que tu n'aies pas envie de la déranger maintenant, » approuva Tony. « Elle peut être vraiment flippante quand elle joue les sergents chefs. Bon, pas autant que Natasha ou même Pep', mais quand même. »
« Personne de saint d'esprit n'oserait se confronter à Pepper, à part toi bien sûr, » se moqua gentiment son ami.
« Qui as dit que j'étais sain d'esprit ? »
Ils éclatèrent de rire, s'attirant des regards et des sourires de la part de leurs camarades assis un peu plus loin.
« Par contre, je ne comprends pas tous les soucis que Hill a avec la commémoration, » reprit finalement le blond après un moment. « Je veux dire, c'est la troisième, on commence à être rodé ! Même moi, et ce n'est pas comme si j'appréciais parader en public ! »
La tentative de plaisanterie tomba à plat tandis que Tony le regardait avec de grands yeux ahuris.
« Steve, cette commémoration ne ressemblera pas, ne pourra pas ressembler aux précédentes, pas après tout ce qui s'est passé, » expliqua-t-il lentement, comme on le ferait avec un enfant. « On sait tous que notre côte de popularité n'est pas au plus haut, même si les choses se sont un peu tassées depuis la Sokovie. On aura intérêt à faire profil bas cette fois. »
« Au contraire ! C'est le moment de rappeler aux gens le rôle que nous avons pu tenir par le passé pour lutter contre les menaces aliens, et la façon dont nous avons continué à protéger la Terre depuis. »
« Novi Grad est tombé du ciel, et cent-soixante-dix-sept personnes sont mortes Steve ! » s'exclama-t-il. « Sans parler des blessés et des dégâts. Il y a aussi eu Washington, que les gens sont loin d'avoir oublié. New-York aussi d'une certaine façon, et même ce qui s'est passé avec Thor à Londres. A chaque fois on a sauvé des vies… mais combien de personnes avons-nous indirectement tué avant ? »
« Tu es celui qui a créé Ultron avec Bruce, » répliqua Steve d'un ton sec. « Il n'y aurait pas eu de bataille de Sokovie s'il n'y avait pas eu Ultron. »
« Et tu es celui qui a envoyé trois héliporteurs s'écraser sur la capitale de ce pays, sans compter les dizaines d'agents loyaux ainsi que leurs familles qui ont été tués quand Nat et toi avez balancé toutes les infos du SHIELD sur le net, y compris celles des agents sous couverture. »
Steve blêmit, se reculant dans son fauteuil avec un air horrifié. Un instant, rien qu'un instant, Tony en fut heureux. Il n'avait pas à lui balancer ainsi à la figure l'échec qu'avait été Ultron, il n'avait pas le droit ! Non, il n'avait pas le droit. Comme s'il ne s'en voulait pas déjà assez…
« Tu vois ? » ajouta-t-il avec hargne. « On peut être deux à jouer à ce jeu-là. »
« Stark ? Est-ce que… on peut parler ? Seul à seul. »
Sauvé par le gong ! Interrompus avant que les choses ne dérapent pour de bon. Alors okay, c'était Maximoff qui les avait dérangés, mais quand même.
Ce n'était pas arrivé si souvent que ça depuis 2012, mais il avait horreur de se disputer Steve. Surtout quand il ne s'agissait pas de provoc' gratuite comme à l'époque, mais de divergences d'opinion – plutôt fondamentales en l'occurrence – Surement de vieux restes issus de sa relation inexistante avec son paternel adoré, qui avait érigé le Cap en héros prophétisé et n'aurait pas supporté de le voir s'y opposer. Mais quoi qu'il ait pensé à l'époque², et pense encore aujourd'hui de Captain America, Steve en revanche était un ami.
Il se passa une main lasse sur la figure, regrettant déjà de s'être emporté – et plus encore la méchanceté gratuite de ses propos – et se leva.
« De toute façon, les décisions ont déjà été prises par d'autres que nous. Il ne s'agit plus que de nous y soumettre et de faire bonne figure, » conclut-il à l'intention de Steve, avant de se tourner vers Maximoff. « Je te suis. »
Il suivit silencieusement la jeune femme jusqu'à ses appartements. Malgré lui, il frissonna au son de la porte se refermant derrière eux, les laissant seuls pour la première fois depuis la Sokovie et l'atelier de Strucker. Et il savait que Maximoff l'avait vu. Mais elle fit comme de rien n'était, et à la place lui tendit la main.
« Wanda Maximoff, enchantée. »
Il toisa sa main avec incompréhension. Sur quelle planète il venait d'atterrir au juste ? Sa tête devait valoir le coup d'œil, puisqu'elle ne contint pas son amusement. C'était la première fois qu'il l'entendait rire en presque quatre mois qu'il la connaissait. Et c'était aussi la première fois qu'elle ressemblait à la gamine qu'elle était censée être. Merde, elle n'avait que vingt-six ans finalement. Elle en avait paru tellement plus, d'abord habitée par la colère, puis par le chagrin…
Néanmoins, elle se reprit rapidement, assez pour lui donner quelques explications.
« Ça fait presque un mois que je vois un psy deux fois par semaine, sous les ordres de Maria Hill. Je ne dis pas que c'est miraculeux mais… ça aide. De pouvoir parler à quelqu'un qui ne me juge pas pour ce que j'ai fait. »
« Tu n'es pas bien ici, avec les autres ? » l'interrogea-t-il en fronçant les sourcils, surpris par ce discours qu'il n'avait pas vu venir.
« Si, l'équipe est accueillante et ils sont gentils avec moi, en particulier Vision, à part, tu sais… »
« Moi, » compléta-t-il, peu surpris – et pas le moins du monde vexé. C'est pas comme s'il s'en cachait.
« Oui, » approuva-t-elle. « Mais parfois, quand ils pensent que je ne les vois pas, je sens leurs regards posés sur moi, ce… ce mélange de crainte, de colère et de mépris… Je crois que je préfère encore la façon dont tu me traites. Au moins tu ne me mens pas toi, tu ne fais pas semblant. »
« Ça ne m'explique pas pourquoi tu as soudainement décidé de me serrer la main et de te présenter comme si j'ignorais qui tu étais, » lui répondit-il sans nier les faits. S'il savait que les autres se souciaient de Maximoff et de sa bonne intégration à l'équipe, il était trop peu présent au QG pour pouvoir juger de la façon dont les choses se déroulaient au quotidien. Après, à quel point ça venait d'eux, et à quel point ça venait d'elle et de son sentiment de culpabilité, là…
« C'est l'un des exercices donnés par mon psy, » lui répondit-elle, ramenant son attention sur elle. « Le docteur Maguire a insisté sur le fait que je ne pouvais pas construire des relations saines sur les bases que j'avais posées. Il m'a conseillé de chercher un moyen, pas d'effacer ce que j'ai fait, ce n'est pas comme si c'était possible, mais de tenter de repartir à zéro. »
« Faut pas des excuses pour ça ? » ironisa-t-il, pas tout à fait convaincu par les conseils de ce fameux docteur Maguire.
« Non. Enfin, si, mais plus tard, » s'embrouilla-t-elle.
Elle était nerveuse, ce qu'il pouvait comprendre. Mais elle devait aller au bout toute seule, et c'est sans méchanceté ou mauvaise foi qu'il pensait ça. D'accord, presque sans mauvaise foi.
« Il m'a dit qu'avant de présenter des excuses, et je peux te dire que je te le présenterai en temps voulu, je dois m'assurer de véritablement regretter ce que j'ai fait, comprendre mes actions, les raisons pour lesquelles j'ai agi ainsi, et les tords que j'ai pu causer à autrui. C'est… difficile de remettre en cause tout ce pourquoi mon frère et moi nous sommes battus, et tout ce en quoi je croyais. »
Ah, pas si con que ça finalement le doc.
« Tu dois désapprendre tout ce que tu as appris, » opina-t-il avec sérieux.
« Star Wars ? » releva-t-elle timidement. Il haussa un sourcil et elle piqua un fard en baissant la tête, le faisant sourire. Mais tandis qu'elle ne semblait pas savoir où se mettre, lui retrouva bien vite son calme et son sérieux.
« Maximoff… Wanda, » se corrigea-t-il, buttant à peine sur le prénom. Elle en revanche releva la tête avec étonnement. « Je ne te pardonne pas. Je ne peux pas te pardonner, pas maintenant, pas comme ça. Ce que tu m'as fait, ce que j'ai vu… Quoi que l'avenir nous réserve, ce sont des images que je n'oublierai jamais. Est-ce que tu comprends ça ? »
Elle était livide, les larmes brillant dans ses yeux, n'étant visiblement retenues qu'à grand peine. Mais il ne pouvait pas se laisser attendrir, pas maintenant qu'il avait enfin l'occasion de lui dire ce qu'il pensait. Pas pour le plaisir malsain de la faire souffrir, mais bien parce qu'elle avait raison – et son psy avec elle – on ne pouvait pas bâtir une relation d'équipe et de confiance sur les bases qui avaient été jetées. Elle appréciait son honnêteté ? Il allait être douloureusement franc.
« Je sais pas à quel point tu maitrises tes pouvoirs, ou si tu sais vraiment ce que tu fais quand tu les utilises, alors je vais te le dire : tu es capable de réveiller notre peur la plus profonde, la plus viscérale. Celle dont on n'a pas forcément conscience, qu'on a enterré tout au fond de nous, mais qui nous bouffe de l'intérieur. Et c'est plus qu'un cauchemar, ou qu'une hallucination. Quand tu es dedans… c'est réel. Tellement réel… Je sens encore leur sang sur mes mains… »
Il s'ébroua, physiquement comme mentalement, s'efforçant de ne pas se laisser emprisonner dans les réminiscences de sa vision. Il avait assez donné, merci. Wanda n'avait pas ouvert la bouche, pleurant en silence, mais sans le lâcher les yeux. Il voulait croire qu'elle aussi avait besoin d'entendre ce qu'il avait à dire pour avancer.
« Je n'oublierai pas, jamais, » répéta-t-il. « Mais je ne serais pas là moi non plus si des gens ne m'avaient pas tendu la main. Ce serait foutrement hypocrite de te refuser une seconde chance quand moi-même j'en profite, non ? En fait, c'est plus probablement ma troisième ou ma quatrième chance… »
Il soupira lourdement. Merde, même lui se rendait compte qu'il s'embrouillait. Verdict, il était plus que temps de plier bagage.
« Ce que j'essaye de te dire, c'est que je suis prêt à faire un effort. Pour que ça fonctionne, faut que ça aille dans les deux sens de toute façon. Je dis pas qu'on va devenir les meilleurs amis du monde, mais il parait qu'on est dans la même équipe à présent, et au sens littéral. Et s'il y a une chose à savoir sur moi, c'est que je protège les miens. »
Ne lui laissant pas l'occasion de répliquer, il lui tourna le dos et se dirigea vers la sortie. Il ouvrit la porte et allait pour quitter la pièce quand il se tourna une dernière fois vers elle.
« Oh, et avant que j'oublie : Tony Stark, enchanté. »
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Tony n'était pas resté longtemps après ça. Les Inhumains, sa dispute avec Steve, puis sa discussion avec Maxi… Wanda, il allait devoir s'y faire – Cette dernière n'avait d'ailleurs pas quitté sa chambre depuis – Bref, beaucoup de choses à digérer. Steve l'avait quand même retenu avant qu'il ne parte, s'excusant platement pour les propos injustes qu'il avait tenus. Ses mains s'agitant follement, c'était le plus d'émotions qu'il ait vu chez le Cap depuis un sacré bout de temps. Tony avait bien sûr accepté ses excuses, présenté les siennes en retour, et ils s'étaient quittés sur une accolade sincère. Ça n'avait pas aidé à faire passer la boule dans sa gorge.
Une fois de retour chez lui, il avait pu discuter avec Loki du phénomène Inhumain et de leur origine. Le dieu avait d'ailleurs eu l'air particulièrement choqué d'apprendre l'implication des Krees dans cette histoire. S'il reconnaissait que les Krees étaient de brillants généticiens – et la modification du génome humain parfaitement à leur portée – ce n'en était pas moins une race belliqueuse et trompeuse – et c'était le dieu des mensonges qui disait ça ! – avec qui les Asgardiens entretenaient une relation au mieux glaciale.
Ils n'avaient néanmoins pas approfondi davantage le sujet. Non seulement les Inhumains ne représentaient qu'un risque potentiel auquel les Avengers n'étaient pas sûrs d'avoir à faire face, mais en plus il avait des choses bien plus pressantes à gérer. Comme cette foutue commémoration, exemple tout à fait fortuit. Il recevait les mémos presque quotidiens de Hill, de Pepper, et de tout un tas de personnes qu'il ne connaissait pas et qui voulaient connaitre les moindres détails de son discours. Comme si ça risquait d'arriver ! Heureusement que Friday filtrait ses appels, parce qu'il aurait probablement répondu avec beaucoup moins de tact et beaucoup plus de vulgarité à tous ces emmerdeurs s'il avait à les gérer lui-même. En commençant probablement par leur dire d'aller se faire foutre.
Il avait quand même rassuré Hill et Pepper, leur en donnant les grandes lignes – il était peut-être cinglé, mais pas suicidaire – La situation des Avengers était trop précaire à l'heure actuelle pour qu'il puisse se permettre d'être négligeant dans un discours qui serait vu en direct par des millions de téléspectateurs à travers le monde. Bon, ce n'est pas comme s'il avait daigné apprendre – ou même écrire – son discours, il ne le faisait jamais. Mais il savait plus ou moins ce qu'il allait mettre dedans, et c'était déjà pas mal.
Quand le grand jour arriva, il était prêt. Enfin, aussi prêt qu'il ne pourrait jamais l'être. Toute l'équipe était rassemblée derrière lui, y compris les nouveaux n'ayant pas participé à la bataille de New-York. Il savait que les personnes organisant les célébrations – qui qu'elles soient – s'étaient posées la question de leur légitimité, avant de trancher en faveur de leur présence sur scène à leurs côtés. Pas de gigantesque parade dans les rues de la ville cette année, mais plutôt un grand show de plus de trois heures au Madison Square Garden – spectacle digne de la finale du SuperBowl si on lui demandait son avis – entrecoupé de reportages et de discours, dont le sien, avant le désormais traditionnel bal caritatif qui aurait lieu le soir même.
Les discours de officiels étaient chiants à mourir – seul celui du président colombien avait un peu relevé le niveau, bien qu'il lui ait personnellement plombé le moral lorsqu'il avait évoqué Tumaco – et les documentaires étaient à peine mieux. Beaucoup de blabla pour pas grand-chose finalement. Certaines choses ne changeraient jamais. Mais le présentateur annonça finalement son entrée en scène et il quitta leur tribune sous les acclamations nourries du public et de ses camarades, s'approchant de la scène et du pupitre au rythme mythique de Back in Black.
« Nous voilà rassemblés pour la troisième année consécutive afin de commémorer ensemble l'un des événements les plus marquants de toute l'histoire de l'humanité, » commença-t-il après les salutations d'usage. « Le jour où la menace d'invasion extra-terrestre a cessé d'être un mythe pour devenir une réalité. Notre réalité. »
Un jour qui avait tout changé pour lui, en tant qu'homme, en tant que héros, en tant que terrien. Il avait sans s'en rendre compte clôturé une page de sa vie pour entamer un nouveau chapitre plus grand, plus fou que tout ce qu'il connaissait et qui le dépassait. Il y avait eu de la douleur, des terreurs sans fin qui le hantaient encore aujourd'hui. Mais il y avait aussi rencontré quelques-uns de ses meilleurs amis, et pas tous dans le même camp.
Oui, tant de choses avaient changées ce jour-là… Et chaque commémoration le rendait nostalgique. En sera-t-il de même dans dix ans, ou même vingt ?
« Généralement, je n'aime pas citer quelqu'un d'autre que moi. Quel intérêt ? Mais je vais tout de même m'y risquer aujourd'hui : après tout, citer une locution latine de plus de deux-mille ans fait toujours très intellectuel. » Cela fit rire la foule et tant mieux. S'il avait toujours tenu à garder un ton léger dans ses discours, le sujet avait rarement été aussi grave qu'en ce jour. « ''Homo humini lupus est'', ce qui grossièrement traduit signifie ''L'homme est un loup pour l'homme''. »
Après un instant d'hésitation, il délaissa son pupitre et se rapprocha de l'avant de la scène, point de mire de milliers de regards et de dizaines de caméras. Attentive, la foule retenait son souffle avec anticipation, cherchant à comprendre où il voulait en venir. Ils allaient être servis.
« La plus grande menace pour l'espèce humaine n'est pas le cancer, la faim dans le monde, les catastrophes naturelles ou même les aliens. C'est nous. Nous tous. »
Et soudain, il eut un silence de plomb dans le stade. Lourd, si lourd. A peine quelques chuchotements étouffés, le cliquetis discret des appareils photo, et le ronflement sourd des machines.
« Notre cupidité, notre égoïsme et notre aveuglement. Notre pessimisme, notre faiblesse et notre lâcheté. Notre orgueil, notre stupidité et notre bêtise. Que voulez-vous ? Nous sommes des êtres faillibles et imparfaits, les Avengers autant que chacun d'entre vous. »
Pourquoi essayer de le nier ? Ils étaient peut-être des héros, encore que ce soit sujet à caution selon certains, plus encore ces derniers temps. Mais ils n'étaient pas parfaits, loin de là. Lui en tous cas ne l'était pas.
Il ne s'agissait pas là de se dédouaner devant tous ces gens, ou de se chercher des excuses pour ce qu'ils avaient échoué ou raté – La Sokovie n'étant que le dernier événement en date – Mais se prétendre sans défauts serait leur mentir ouvertement, et il s'y refusait. Il s'agissait simplement d'accepter leurs erreurs, et qu'ils n'étaient pas infaillibles. Pas plus eux que quiconque, aussi héroïques soient-ils.
« Mais vous savez quelle est notre plus grande force ? » reprit-il avec fougue. « Nous. Encore, et toujours nous. Notre bravoure et notre détermination, notre sincérité et notre dévouement, notre altruisme et notre compassion. L'être humain est capable du meilleur comme du pire, dans tout ce que ces notions ont de plus extrême. Le résultat de nos actions va du splendide au désastreux. Nous sommes bourrés de défauts, mais également de tout autant de qualités. »
L'abnégation de Steve, la patience de Bruce, la fidélité de Clint, la volonté de Natasha, le courage de Thor et son propre engagement. L'intransigeance trop stricte du Captain, la timidité maladive d'un scientifique, la désinvolture frivole d'un camarade, la méfiance sinistre d'une espionne, la naïveté crédule d'un dieu, et l'égotisme incroyable d'un homme se croyant meilleur que les autres. C'est sur ça, sur tout ça qu'avaient été fondés les Avengers. D'autres membres venaient aujourd'hui apporter leur pierre à l'édifice, partageant leurs qualités et leurs défauts. Car c'est ensemble qu'on faisait une équipe.
« Les Avengers ne sont pas juste des héros, ou des protecteurs, » finit-il par conclure. « Ce serait trop facile, et rien n'est simple dans la vie. C'est uniquement une facette de ce que nous sommes, de qui nous sommes. Est-ce une qualité ou un défaut ? Je ne saurais le dire le dire avec certitude. Je veux croire que c'est une qualité. Comment appeler autrement cette force qui nous pousse avant, nous force à nous relever et à nous battre pour notre prochain ? Car ce n'est jamais que pour vous que nous risquons nos vies et continuons de nous battre, jour après jour. L'humanité vaut la peine qu'on se batte pour elle. Elle en vaudra toujours la peine. »
Tony avait connu sa part de cris, d'ovation et d'applaudissements dans sa vie. Personnalité people d'abord, puis Iron Man, et enfin Avengers. Mais rien ne s'était jamais approché de la phénoménal standing ovation que lui offrit le public du Madison Square Garden. De longues minutes durant, il fut incapable de quitter la scène, ne pouvant que sourire et s'incliner face à la foule en délire qui l'acclamait. De retour dans la loge des Avengers, il subit ensuite les étreintes successives de ses camarades, sous l'œil attentif des caméras qui filmaient chacun de leurs gestes, faisant redoubler les cris à chaque nouvelles accolade. Au final, il fallut plus de dix minutes avant que le prochain intervenant ne se présente sur scène et que la commémoration ne puisse suivre son cours.
Néanmoins, le spectacle ne dura pas beaucoup plus longtemps après ça. Tous les Avengers furent invités à revenir sur scène pour saluer, ce qu'ils firent avec de grands sourires hypocrites, et enfin le rideau se referma sur eux. Ils quittèrent alors la scène, souriant aux techniciens et membres du staff présents et signant quelques autographes, sachant qu'ils ne pouvaient pas encore discuter librement de cette cérémonie – trop de témoins pour entendre leurs récriminations, leurs plaintes et leurs moqueries.
Maria Hill les attendait dans les coulisses, impeccable dans son tailleur sur mesure. Ce n'est pas ce qui était prévu. Pas du tout. L'équipe se réunit sans tarder autour d'elle.
« Un souci ? » demanda finalement Steve, se faisant le porte-parole du groupe et posant la question qui leur brulait tous les lèvres.
Elle leur répondit avec le même visage impassible que d'ordinaire, leur faisant entendre la phrase qu'il détestait le plus au monde.
« On a un problème. »
