Disclaimer : Nous ne tirons profit, en aucune façon, de cette histoire. Les personnages de Marvel appartiennent à leurs propriétaires. Nous ne retirons rien de l'histoire qui suit et tous les droits de création des personnages leur appartiennent. En revanche, l'histoire nous appartient.
Rating : T
Genre : Romance / Drama / Angst / Comfort
Personnages : Tony Stark ; Loki ; la plupart des personnages vus dans les films du MCU
Situation temporelle : Démarre en 2012, après que Loki a récupéré le Tesseract dans Avengers Endgame


Bonjour tout le monde !

Un chapitre complet avec uniquement Tony et Loki, sans aucun interruption de qui que ce soit pour une fois ! Et avec notamment un grand moment qui non, n'est pas romantique à proprement parler... mais qui un jour, avec le recul, le sera. Mais je n'en dis pas plus !

.

Marguerite Roxton Jones merci beaucoup pour ta review ! (Je suppose que c'est les vacances, hein ?)


Bonne lecture !

Julindy


oOoOoOoOoOoOoOo

CHAPITRE 7

oOoOoOoOoOoOoOo

Trouver son équilibre dans le quotidien et la routine, trouver de l'apaisement dans la langueur des actions continues. Il choisissait son rythme – ils le choisissaient ensemble – et évoluait sur la piste de danse, un, deux, trois et quatre, tour à droite et pivot. Une danse dont il n'avait pas à connaitre les pas – aucun d'eux ne le connaissait – pour la simple et bonne raison qu'il n'y en avait pas. Il suffisait de suivre la musique, cinq, six, sept et huit, un faux pas et une main amie pour le rattraper. Se laisser porter par la mélodie des jours ordinaires, glisser sur les nuits sans sommeil, pas chassés poursuivant les rires et les discussions silencieuses. Un, deux, trois et quatre, tour à gauche, on tend la main et on recommence. Il était si facile de danser, quand on était deux à entendre la même musique.

oOoOoOoOoOoOoOo

« Répète pour voir ? »

« Manela, Vaga, Tayara, Tsaya, Maga, Ama, Ama, Sera, Caliana, Vaga, Manela, » marmonna le dieu sans le regarder, concentré sur son propre travail.

« C'est bon pour moi, » approuva-t-il, enregistrant la nouvelle série de runes.

Penché sur son établi, Loki traçait de nouveaux cercles de runes. Tony n'était pas certain de savoir où il trouvait la patience de recommencer encore et encore les mêmes cercles, à d'infimes variations prêt – trois-cent-quatre-vingt-douze putains de sigles, s'il était nécessaire de le répéter ! – mais il n'allait pas s'en plaindre. Lui-même apprenait encore à tracer les runes, alors en connaitre les différents usages et leurs applications selon les associations ? Il en était très loin !

Depuis qu'ils avaient pris leurs quartiers d'été à Malibu, une dizaine de jours plus tôt, il soumettait chacun de ces cercles à toute une batterie de test, voyant lesquels faisaient ou non réagir le noyau de starkium des réacteurs afin que le dieu ajuste ses compositions. Néanmoins, ça lui laissait pas mal de temps pour poursuivre ses propres recherches sur les composés à ajouter ou substituer au starkium. Dernièrement, c'est le moscovium qui avait sa préférence. Le tout en continuant comme d'habitude de bosser sur mark-75, les paramètres de Friday et ses autres projets persos. Après la déception qu'avait représenté de Moscou, Pepper et Hill avaient toutes les deux promis de lui laisser deux semaines complètes de répit avant de recommencer à le harceler de mails et d'appels à propos de Rescue et de Stark Industries. Autant dire qu'il n'était pas spécialement jouasse à l'idée de l'échéance touchant à son terme.

Il fut tiré de ses pensées par un clignotement soudain sur son écran. Fronçant les sourcils, il fit apparaitre les données tirées de l'expérience en cours, analysant rapidement les diagrammes, les courbes et les tableaux de données, avant de s'arrêter sur l'un d'eux en particulier.

« Loki ? Je crois que j'ai quelque chose. »

Quoi qu'il soit en train de faire, il n'en fallut pas plus pour le dieu abandonne son ouvrage et traverse la pièce à grandes enjambées pour le rejoindre à son propre établi.

« Que regardons-nous ? » demanda-t-il.

« Regarde là, c'est la conductivité thermique, » expliqua Tony en pointant l'écran. « Habituellement, la conductivité de mes réacteurs est comprise entre 10 et 15 W/m/K en moyenne : ça conduit la chaleur comme tous les métaux, c'est inévitable, mais ça ne surchauffe pas. Mais là, on a une conductivité de 5,27 W/m/K. J'ai jamais eu un réacteur conduisant aussi peu la chaleur, c'est complètement dingue ! »

« Et qu'est-ce que cela implique exactement ? »

« Dans le cas qui nous intéresse, la conductivité thermique correspond surtout à une déperdition d'énergie. Une perte de chaleur moindre signifie une perte d'énergie moindre, et donc une énergie plus puissante et plus stable. Sur un réacteur expérimental et avec la seule batterie de tests préliminaires, c'est à peine perceptible, mais c'est de la physique élémentaire ! Je vais tout de suite lancer des analyses plus poussées et construire l'un de nos réacteurs expérimentaux de type 2. »

S'emparant à son tour de l'écran, Loki fit apparaitre les scans du réacteur en question, mettant en valeur la série de runes ayant permis d'aboutir à ce résultat.

« Quelles différences avec les cercles runiques précédents ? »

« Friday ? » demanda l'ingénieur, qui n'en avait franchement aucune idée.

« Il s'agissait de la première utilisation de la rune Tsaya, ainsi que d'une double rune Ama consécutive, » lui répondit obligeamment son IA. « Dois-je vous éditer un rapport d'analyse plus complet ? »

« S'il-te plait, » approuva l'ingénieur, avant de se tourner vers le dieu. « Alors, qu'en dis-tu ? »

« J'en dis que nous tenons probablement quelque chose en effet. »

Tony leva victorieusement son poing vers le ciel, trépignant presque sur place.

« Monsieur Loki, le rapport d'analyse a été affiché sur votre écran. »

« Merci bien Friday. »

« De rien monsieur. »

Le dieu hocha la tête dans sa direction avant de regagner son établi, laissant Tony en faire de même. Il fit craquer ses doigts, avant de pianoter sur son écran pour lancer les analyses promises.

« Friday, ressort moi les plans des réacteurs expérimentaux de type 2, » demanda-t-il quelques minutes plus tard une fois les tests lancés.

« Plans affichés à l'écran patron. »

« Bien, on a du boulot… »

oOoOoOoOoOoOoOo

Malgré cette heureuse nouvelle, celle-ci n'avait eu que peu d'impact sur le reste de leur journée. Stark devait construire un second réacteur plus imposant – et de fait plus puissant – pour qu'ils puissent confirmer leur hypothèse, et lui-même allait devoir passer les prochains jours à comparer le dernier cercles de runes amadiennes en date avec tous ceux qu'il avait créé jusqu'ici pour tenter de comprendre ce qui avait causé cette altération de la conductivité thermique. A peu de choses près, le même travail qu'il effectuait déjà depuis des semaines.

Tous deux s'étaient donc retirés au salon pour la soirée, conscients que davantage de temps passé au labo en cette heure tardive ne permettrait en rien d'élucider leur dernier mystère en date. Pas dans l'immédiat en tous cas. Ils avaient ensuite partagé un repas commandé chez l'un des traiteurs préférés de Stark du côté de Malibu – Loki avait découvert apprécier tout particulièrement la cuisine italienne, et le midgardien faisait le choix conscient de commander chez ce traiteur-ci plus souvent qu'ailleurs quand ils mangeaient ensemble – Quand ils avaient diné ensemble lors de l'anniversaire de Stark, le dieu avait pensé – espéré – qu'il s'agissait d'une première, mais pas d'une dernière fois. Ces repas étant devenus hebdomadaires – quand ils n'étaient pas plus fréquents – il supposait avoir vu juste.

Ils savouraient à présent une bouteille de vin, désormais plus qu'à moitié vide – et pas uniquement du fait de Stark, le partage avait été équitable. Le dieu instruisait le mortel des différentes espèces peuplant les Neuf Mondes, une discussion sans cesse renouvelées au cours des années mais qu'il craignait de ne jamais pouvoir mener à terme. Les heures d'une journée leur étaient comptées, et l'univers était si vaste là dehors !

« Les Kogukhpaks sont des créatures rampantes que l'on retrouve sur Helheim, à l'aspect similaire à vos lézards midgardiens. Ils mesurent près d'un mètre de long, parfois plus, ils possèdent trois paires de pattes et sont recouverts de fines écailles grisâtres. Ils sont également dépourvus de crocs ou de griffes acérées. Malgré cette piètre défense, ils ne sont pourtant pas la cible des rares prédateurs qui sévissent dans les landes brumeuses. Les Kogukhpaks se nourrissent littéralement du froid qui les entoure, et les manger reviendrait à s'alimenter de neige : froid, désagréable, et aucunement nutritif. »

« S'ils se nourrissent du froid, y en a-t-il aussi sur Jotunheim ? » demanda innocemment Stark. « Ou est-ce que c'est trop froid, même pour eux ? »

Loki se figea bien malgré lui. Jotunheim. Voilà un sujet qu'ils n'abordaient pour ainsi dire jamais, dansant précautionneusement autour sans jamais s'y attarder. Accord tacite qui n'avait que rarement été remis en cause depuis le début de leur collaboration à moins qu'il n'en parle de lui-même.

Stark, qui semblait seulement avoir réalisé les mots prononcés et leur portée, se précipita pour rediriger la conversation, bafouillant et butant à moitié sur les mots.

« Y a-t-il d'autres espèces sur Hel… »

« Non, il n'y a pas de Kogukhpaks sur Jotunheim, » le coupa-t-il d'une voix tranchante, répondant à sa question première.

Sa voix n'avait pas tremblé, ce qui était loin d'être gagné d'avance. Mais les mots étaient sortis, et maintenant il ne pouvait plus les reprendre.

« A vrai dire, très peu d'espèces sont capables de survivre aux températures glaciales de Jotunheim, » se força-t-il donc à poursuivre. « Hormis les Jötnar eux-mêmes. »

Il ne regardait pas Stark, en était tout bonnement incapable. Il pouvait néanmoins sentir ses yeux sur lui, son regard tout à la fois inquisiteur et timide, ce qui techniquement ne devrait même pas être possible. Mais on parlait de Tony Stark, et le mortel avait la fâcheuse tendance à se conduire de la façon la plus inattendue possible ; curieux au-delà de toute limite, et pourtant respectueux du silence qu'il avait lui-même imposé sur ce sujet. Une réaction sincère et sans fard, ce qui ne devrait pas l'étonner Stark pouvait être d'une franchise tout à la fois désarmante et douloureuse. Et pour un dieu du mensonge, il avait toujours été sensible à l'honnêteté – expliquant une nouvelle fois, si cela était seulement nécessaire, l'ampleur qu'avait pris l'affaire Ultron.

« Les Jötnar ne sont pas appelés les Géants des glaces pour rien, » commença-t-il donc à expliquer, la voix sourde et lente. « Extrêmement résistants, ils n'ont pas besoin de vêtements ou d'armure pour se prémunir des températures glaciales de Jotunheim. Ils ont la peau bleu sombre, tirant parfois sur l'indigo ou le gris, et les yeux rouge vif. De plus, la structure corporelle des géants n'est pas uniforme dans toute leur espèce. D'un individu à l'autre, on peut constater des variations, par exemples des membres de forme anormale ou de taille disproportionnée, et des protubérances musculaires ou osseuses. Ils arborent également des marques claniques héréditaires sur le visage et le corps, marquant leur appartenance à une lignée et à un clan. Vivant des milliers d'années, ils possèdent une force, une vitesse, une agilité et une endurance comparable à celle des Ases ou des elfes. »

Cette fois, Loki se tourna vers le midgardien, qui soutint son regard sans broncher. Et le dieu fut le premier à détourner les yeux, contemplant sans vraiment les voir les vagues qui venaient s'écraser sur la falaise en contrebas.

« Tu… en sais beaucoup sur eux. »

L'invitation était claire, mais pas insistante. Il savait qu'il pouvait changer de sujet, et s'il le faisait, Stark n'insisterait pas. L'humain était familier des sujets douloureux, plus que quiconque qu'il ait pu rencontrer au cours de sa longue vie. Mais aussi difficile que cela soit, Loki n'était pas certain de vouloir se taire. Pas cette fois.

Alors il se resservit simplement du vin, et remplit également le verre de son vis-à-vis. Stark ne disait rien, attendant de voir quel tour prendrait la discussion. Et s'il avait vu ses doigts crispés sur son verre, il n'en fit aucune remarque.

« Un précepte asgardien dit que se connaitre soi-même, ses forces comme ses faiblesses, est l'unique moyen de survivre à une bataille. Mais connaitre son ennemi est la seule façon de triompher. Odin a toujours insisté pour que nous apprenions l'histoire des Jötnar, et toutes les caractéristiques de cette race. Et si j'ai toujours été assidu dans mes études, au contraire de Thor, Odin était particulièrement insistant à ce sujet. Avec le recul… »

Il s'interrompit et soupira, incapable de poursuivre. Tellement d'éléments de sa jeunesse, de sa vie passée, prenaient un sens totalement nouveau à la lumière des révélations des dernières années. On lui avait menti, on l'avait utilisé comme une marionnette. A quel point avait-il été manipulé, utilisé ? Que n'avait-il pas vu ? Quel aveuglement naïf avait été le sien ?

« Avec le recul… conneries oui ! » s'exclama Stark, l'air vindicatif, le faisant sursauter. Le midgardien ne sembla pas s'en apercevoir, et poursuivit avec fougue. « Il n'y a pas de ''recul'' qui tienne. Tu ne pouvais pas savoir. Tu n'avais aucun moyen de savoir. Ils t'ont menti toute ta vie. Alors ouais, bien sûr que maintenant que tu connais la vérité, y'a plein de trucs qui font sens d'un seul coup, des trucs sur lesquels tu te serais jamais attardé ou questionné autrement. Je crois que c'que j'essaye de te dire, c'est que c'est pas ta faute. »

« Ça l'est. »

« T'as rien écouté de c'que j't'ai dit ou quoi ? Tu ne pouvais pas savoir ! » clama-t-il, détachant chaque syllabe comme si ça allait lui permettre de mieux comprendre.

« Je n'ai découvert la vérité sur ma nature que tardivement, soit. A cause des mensonges d'Odin, c'est bien noté. Mais c'est pourtant en toute connaissance de cause que j'ai tenté de les exterminer. »

C'était quelque chose qui lui trottait dans la tête depuis un moment. Depuis bien plus longtemps qu'il ne voulait l'admettre. Il n'avait jamais été du genre à regretter ses actes, clamant ses victoires et assumant ses défaites – ou tentant de les faire endosser à autrui, mais c'était là un autre sujet. Mais sa tentative de détruire Jotunheim, d'exterminer les Jötnar de leur planète et du reste de l'univers… c'était un crime inqualifiable.

Longtemps, il s'était retranché derrière l'idée que les Jötnar n'étaient que des bêtes cruelles et sanguinaires, à peine qualifiables d'êtres pensants. On abattait bien les animaux pris de rage ou de folie, sur Asgard comme sur Midgard ou ailleurs. Anéantir cette race barbare était dans la même lignée, peu ou prou. Un peu plus radical, plus extrême peut-être, mais de peu.

Mais les années passées sur cette planète l'avaient changé. Plus encore, Stark l'avait changé. Stark qui s'inquiétait en permanence du poids de ses actes, et des conséquences de ses choix. Stark, qui se réveillait la nuit en rêvant du sang sur ses mains. Stark, qui le poussait encore et encore dans ses retranchements, jour après jour, posant des questions et remettant en cause ses décisions.

Peut-être… Juste, peut-être que les Jötnar n'étaient pas les bêtes sauvages qu'il croyait. Après tout, n'était-il pas Jötunn lui-même par le sang ? Il ne pouvait pas être la seule exception, le seul être sensé parmi tout un peuple. Mais penser que les Jötnar étaient autre chose que des animaux reviendrait à admettre l'ampleur du massacre qu'il avait commis, et ce n'était pas quelque chose que le dieu se sentait prêt à accepter. Peut-être plus tard, surement un jour. Pas maintenant

« Parfois, je me demande ce qu'il est advenu de Jotunheim, » murmura-t-il simplement dans un souffle, détournant les yeux.

C'est tout ce qu'il dit, et Stark se tut également. Ce fut les derniers mots qu'il prononça, tous deux rejoignant rapidement leurs chambres respectives après ça. Il n'y avait rien de plus à ajouter.

oOoOoOoOoOoOoOo

C'était une soirée plutôt calme. Enfin, une nuit plutôt, puisqu'on approchait doucement les quatre heures du mat'. Mais il avait fait une sieste en plein milieu de l'après-midi et était loin, très loin d'avoir sommeil à présent. Ils avaient temporairement délaissé leurs recherches, et Loki continuait de lui enseigner les runes.

Tout naturellement, leur choix s'était porté sur les runes amadiennes, celles sur lesquelles le dieu travaillait actuellement. Mais si Tony était devenu plutôt doué quand il s'agissait de les distinguer – c'est-à-dire qu'il ne se trompait plus qu'une fois sur deux en moyenne, ce qui était pas loin d'être un miracle vu la gueule de cet alphabet infernal ! – il était autrement plus complexe de les tracer.

« Attention à la boucle en haut de Tayara, vous la fermez trop tôt. Quant à la diagonale de Nayama, elle n'est pas assez penchée. »

Il jeta un rapide coup d'œil à la feuille du dieu, exempte de toute rature ou tache d'encre, avant de revenir à la sienne, infiniment plus négligée. Il grimaça. Que voulez-vous, il n'avait jamais été un artiste dans l'âme, au contraire du dieu. Depuis qu'il lui avait offert cette superbe toile pour son anniversaire, il surprenait de temps en temps le dieu à dessiner pour autre chose que le travail. Il n'avait jamais vu ces esquisses, mais savoir qu'elles existaient lui suffisait. Et peut-être qu'un jour, le dieu lui en dévoilerait quelques-unes, qui sait ? Ce qui lui faisait penser…

« On devrait aller au LACMA un jour. »

Loki reposa soigneusement son pinceau avant de se tourner vers lui, haussant un sourcil circonspect. Lui et sa grande bouche, vraiment… Parfois, il méritait des baffes. Mais quand le vin est tiré…

« Los Angeles County Museum Of Art, plus généralement appelé LACMA, » expliqua-t-il avec aplomb. « C'est genre, le plus grand musée d'art de toute la côte ouest des Etats-Unis, et l'un des plus importants du pays. Six-mille ans d'histoire et de culture. Ça va faire trois ans que je te parle de l'art terrien, et je sais maintenant que t'es un artiste toi-même. Alors je suppose que ça ferait pas de mal de voir tout ça en vrai, qu'est-ce que t'en dis ? »

« Et comment comptez-vous faire ça au juste ? » demanda Loki après un instant de silence. Ce n'était pas un oui, mais clairement pas un non non plus, soit bien plus que tout ce qu'il aurait pu espérer. D'un geste de la main, Tony l'invita à poursuivre. « Vous ne pouvez pas faire trois pas dans la rue sans être harcelé par des journalistes ou des fans hystériques. Et c'est sans prendre en compte le fait que je sois un criminel recherché, même si officiellement mort. »

« T'as des pouvoirs non ? » lui répondit-il, haussant les épaules. « Je suis sûr que t'es capable de nous arranger quelque chose. »

Loki avait l'air – à minima – de considérer sa proposition, ce qui était définitivement un bon signe. Il était temps de jouer cartes sur table et d'avancer ses derniers pions.

« Et, très égoïstement, j'apprécierai pouvoir me balader sans être reconnu. Sérieusement, ça fait plus de vingt ans que ça ne m'est pas arrivé. »

Il lui adressa des yeux brillants, faussement innocents, ce qui le fit sourire narquoisement.

« Parce que vous pensez vraiment m'avoir avec des yeux pareils ? »

« Et avec la promesse d'un vrai restaurant haut de gamme plutôt qu'un repas en livraison ? » répliqua-t-il du tac au tac. « C'est moi qui régale. »

« Comme toujours, non ? »

« La proposition n'en est pas moins valable. Alors, qu'est-ce que t'en dis ? »

Le dieu resta silencieux de longues secondes – et il était sûr qu'il en rajoutait exprès pour l'emmerder, ce connard ! – avant de rouler théâtralement des yeux.

« Très bien Stark, vous avez gagné. Allons visiter votre musée avant d'aller diner en ville. »

« Génial ! » jubila-t-il, tout en ayant l'impression d'avoir remporté une grande victoire. « Tu verras, tu vas pas le regretter ! »

oOoOoOoOoOoOoOo

« C'est incroyable. Tout simplement incroyable ! »

Si ces remarques extatiques avaient flatté son égo la première fois qu'il les avait entendues, elles avaient perdu tout leur charme après quelques dix ou vingt répétitions. Maintenant, c'était juste lassant, fleurtant même avec les limites du dangereusement agaçant. Stark en revanche ne semblait pas s'ennuyer et avait les mêmes yeux de petit garçon émerveillé qu'au matin dans l'atelier, quand ils avaient arboré pour la première fois d'autres apparences que les leurs. Le dieu n'aurait su dire s'il trouvait ça mignon ou pathétique.

« Waouh, j'en reviens toujours pas. Personne nous remarque, c'est fou ! »

Probablement le second choix. Surement même.

Ils avaient quitté la villa en début d'après-midi pour se rendre dans le fameux musée évoqué par Stark quelques jours plus tôt, soigneusement dissimulés par une touche de magie. Il n'avait que peu altéré leurs physionomies respectives, et quiconque sachant quoi chercher les auraient probablement reconnus. Mais le but n'était pas de faire un étalage flamboyant de magie, mais uniquement de leur permettre de se fondre dans la masse d'habitants et de touristes se pressant dans les rues sans se faire remarquer. Ce sur quoi Stark ne manquait jamais de s'extasier, malheureusement.

Par chance, ils atteignirent finalement le bâtiment – les bâtiments devrait-il dire – et le babillage incessant de Stark fut instantanément redirigé vers le musée, ses particularités et son histoire. Infiniment plus intéressant donc. Stark ne cessa de raconter ses anecdotes que le temps de payer leurs entrées, et l'entraina sans attendre vers le bâtiment principal, la démarche sautillante et vibrant d'excitation.

Il n'y avait pas de musée sur Asgard, et si Loki en connaissait le principe, c'était la première fois qu'il en visitait un. C'est ainsi que le dieu découvrit avec un mélange d'étonnement et de curiosité que ce musée ne recelait pas uniquement des tableaux et des sculptures, mais également des objets plus banals du quotidien : des vases, des tapisseries, des bijoux, mêmes des meubles et des vêtements, vieux pour la plupart de plusieurs siècles, si ce n'est davantage. Une époque lointaine, une éternité même au regard de l'espérance de vie limitée des humains. Et pourtant, ces objets avaient été trouvés, préservés des affres du temps, et exposés et choyés tels des trésors pour être admirés par le plus grand nombre. C'était différent – et plus, bien plus que ce à quoi il s'attendait. C'était de l'art, d'une façon telle que les brutes épaisses qui peuplaient Asgard n'auraient jamais pu le comprendre.

Étonnamment, il ne vit pas le temps passer. Les expositions étaient diverses, les objets variés tant dans leur nature même que dans leur sujet, et Stark était une source intarissable d'anecdotes en tous genres. Qu'il s'agisse des œuvres présentées ou de leurs créateurs, des cultures dont elles étaient issues ou des courants artistiques qu'elles représentaient, il avait toujours quelque chose à dire. L'homme avait toujours été bavard, et ce depuis qu'il le connaissait. Il le savait également cultivé, bien plus que ne le laissait présager son image médiatique de playboy immature. Mais dans les couloirs somptueux du musée, les pas feutrés des visiteurs – peu nombreux en cet après-midi estival – semblaient s'évanouir pour ne plus laisser que la voix chaude et basse de l'homme à ses côtés résonner dans les pièces hautes. C'était si semblable aux soirées qu'ils passaient ensemble au salon, à l'intimité partagée de ces moments, à leurs éclats de rires et à leurs yeux brillants. Dans ces moments-là, l'affection discrète qu'il éprouvait pour cet ami inattendu lui semblait alors presque tangible.

C'était donc d'autant plus surprenant de le voir silencieux, alors qu'ils visitaient l'une des dernières galeries du musée, sobrement intitulée « Photographie contemporaine ». Enfin, ce n'était pas tout à fait exact. La visite avait commencé au rythme de ses bavardages habituels, Stark aussi intarissable que d'ordinaire, bavassant à propos de l'un de ses photographes préférés, un certain Josh Edgoose dont le travail sur la couleur serait soi-disant épatant. Il demandait à voir, lui qui n'éprouvait pour la photographie qu'un attrait modéré. Mais alors que le dieu promenait son regard sur les différentes œuvres exposées, il avisa soudainement Stark lui tournant le dos, raide et immobile de l'autre côté de la salle, ne détachant pas son regard de l'une des photos. Silencieusement, Loki vint se placer à ses côtés, et il savait que le mortel l'avait remarqué. Mais il ne dit pas un mot.

« Chair, from the series Ashes, » lut donc le dieu, se penchant sur l'écriteau à côté de l'œuvre. « Série de photos prise entre 2003 et 2013 par le photographe iraquien Wafaa Bilal. »

La photo représentait un fauteuil massif marqueté et orné de dorures, tendu d'un tissu noir. Solide, intact, si l'on omettait la poussière le recouvrant. Car cette chaise vide offrait un contrepoint désolant avec la pièce délabrée dans laquelle elle se trouvait. Murs abimés, partiellement écroulés et constellés de zébrures et de creux. Et le sol surtout, ce sol couvert de débris, de poussière… de cendres.

« Que voyez-vous ? »

Question absurde. Il n'était pas difficile de deviner ce que Stark voyait dans cette photo, lui qui des années durant avait travaillé dans la vente d'armes et en avait presque payé le prix de sa vie. En presque trois ans à le côtoyer de près, il savait qu'il se réveillait encore en sursaut la nuit en songeant à cette époque, qu'il comptait encore les vies qu'il avait indirectement prises, et voyait encore le sang sur ses mains. Oui, Loki connaissait Stark, et savait ce qu'il voyait dans cette photo. Le midgardien en avait également parfaitement conscience.

Il répondit quand même.

« Je vois la guerre. La guerre dans toute son horreur, avec sa violence et ses conséquences. Une chaise vide, un symbole d'absence, pour toutes les personnes disparues. Et à la fin il ne reste que le manque, le silence… et les cendres. »

Pas pour la première fois, il ressentit le besoin de tendre la main vers Stark en un geste de réconfort. Et pas pour la première fois il n'en fit rien, trop peu à l'aise, n'osant pas, à fortiori en public. A la place il se rapprocha de lui, leurs épaules respectives s'effleurant à chaque respiration. Un instant, il crut sentir la chaleur d'une main contre la sienne, mais la sensation disparut trop vite pour qu'il en soit certain, aussi la mit il rapidement de côté.

« On peut aussi voir les choses autrement. »

« Ah oui, et comment ? »

« Un symbole de survie, de courage, et de résilience. De l'espoir. Qu'importe la violence, celle de la guerre et celle des hommes, quelque chose de nous reste, malgré les ravages. Rien ne disparait jamais vraiment. »

« Je doute que ce soit le message qu'ait voulu transmettre Wafaa Bilal, » retorqua Stark sans le regarder. A vrai dire, il n'avait pas détaché ses yeux de la photo.

« Le saurons-nous jamais ? N'est-ce pas le principe de l'art, que de chacun pouvoir interpréter librement l'œuvre offerte, et d'en tirer son propre message ? »

« Tu marques un point. »

Stark n'ajouta rien de plus, et Loki non plus, tandis qu'ils regardaient la photo en silence. Et si cette fois, il fut certain de sentir des doigts frôler les siens, il n'en dit rien.

oOoOoOoOoOoOoOo

Ils ne s'étaient pas attardés dans la galerie de photos après ça. Loki pensait d'ailleurs qu'ils allaient rejoindre directement la villa, tous deux refroidis par la façon dont leur visite avait tourné. Il était même prêt à ne pas s'en plaindre, ni même à faire le moindre commentaire à ce sujet. Mais il n'en fut rien. Stark l'entraina avec une résolution visible vers une autre aile de l'exposition, et si l'humain mit un peu de temps à retrouver son débit de parole coutumier, il semblait déterminé à laisser derrière lui cette partie de leur visite. Un plan que le dieu approuvait parfaitement, ne souhaitant pas plus que lui que ce moment ternisse leur journée.

Arpentant les dernières expositions, c'est ainsi qu'ils s'étaient retrouvés dans une immense pièce presque vide, devant un grand carré gris, barré en tout et pour tout de sept petits tirets d'un gris plus clair – Jazz Notes #69, que ça s'appelait. Stark, l'air tout aussi dépité que lui, appelait ça « de l'art contemporain » – Ils s'étaient regardés un instant, avant de bruyamment éclater de rire. Ils gloussaient comme des enfants, chaque regard échangé relançant immanquablement leurs fous rires respectifs. Incapables de se taire, un vigile leur avait poliment mais fermement demandé de quitter la salle, ce qu'ils avaient fait sans jamais cesser de ricaner. L'un dans l'autre, Loki avait plutôt apprécié cette sortie, et n'était pas contre l'idée de la réitérer, ici-même ou ailleurs.

La journée touchant à sa fin, ils s'étaient changés – comprendre, le dieu avait joué de sa magie afin qu'ils arborent d'autres vêtements, plus formels – et s'étaient dirigés vers « Spago », le restaurant d'un chef renommé où devait se conclure leur journée. Le moins que l'on puisse dire, c'est que Stark n'avait pas menti : il s'agissait bel et bien d'un restaurant haut de gamme, selon les critères midgardiens. Si la décoration distinguée et l'air compassé des serveurs l'en avait assuré, cette certitude se vit rapidement confirmée en voyant les prix affichés à la carte. C'était… pour le moins dispendieux. Si les banquets étaient légions sur Asgard, ces derniers étaient plus souvent alimentés par les innombrables victimes animales des guerriers assoiffés de sang que par des mets délicats et raffinés. Même son millième anniversaire – ou encore celui de Thor, par les Nornes ! – n'avait pas fait l'objet de tant de précautions. Ainsi, le dieu se sentait étrangement déplacé dans ce restaurant, comme cela ne lui était que rarement arrivé depuis son arrivée sur Midgard.

Bien qu'hautement dubitatif, il fit donc confiance à Stark et choisit sur ses conseils un plat de pâtes à l'encre de seiche – objet de toute sa suspicion – et au homard, un animal qu'il n'avait encore jamais gouté – quel est le premier homme à avoir pensé que cet animal pouvait être d'une quelconque façon comestible, il se le demandait. Mais contre toute attente, c'était délicieux. Stark ne disait rien, piochant librement dans sa propre assiette tout en le regardant avec un air malicieux. Le dieu leva les yeux au ciel, mais ne répliqua pas. Il voulait bien lui accorder le point. Juste pour cette fois.

A la place, il revint sur leur visite – près de cinq heures tout de même, avant qu'ils ne soient expulsés du musée. Des longues heures qu'il n'avait pas vu passer, et Stark non plus selon toute vraisemblance. Loin de la frénésie de leur atelier, il y avait dans les yeux du midgardien une joie et une sérénité qu'il ne lui avait que rarement vu. Se sentant d'humeur audacieuse, il lui en fit la remarque au lieu de simplement l'ignorer comme il avait plutôt tendance à le faire.

« La dernière fois que je suis allé dans un musée, c'était l'année dernière, avec l'équipe, juste avant la commémoration, » lui répondit l'ingénieur. « Au Noël précédent également. Mais à part ça… Ouais, ça fait un bail. Des années, beaucoup trop. »

« Cela vous avait manqué ? »

« T'imagines même pas à quel point. Je sais que je te l'ai déjà dit, mais c'était ma mère l'artiste de la famille. J'ai ces souvenirs d'elle m'apprenant à jouer du piano et me trainant dans tous les musées possibles et imaginables quand j'étais gosse. Et si déjà gamin je ne jurais que par les maths et les sciences, j'ai toujours trouvé ça dingue la façon dont une pierre patiemment sculptée ou de la peinture étalée sur des fibres de lin tendues pouvait véritablement nous dire quelque chose, de façon totalement indescriptible et incompréhensible, au-delà des chiffres et de la logique. »

« N'est-ce pas là le principe même de l'art ? »

« Ouais, je suis bien d'accord. Ma mère aussi comprenait ça, mieux que quiconque que j'ai jamais connu. Et si j'ai un rapport compliqué avec l'art depuis sa mort, comme pour tout ce qui me fait penser à elle… ça m'avait manqué de pouvoir en discuter avec quelqu'un qui comprend. Qui voit au-delà des simples qualités plastiques pour s'imprégner de l'œuvre et se l'approprier. »

« Pourtant, nous n'avons pas souvent été d'accord, » souligna-t-il. « Par exemple, ce peintre espagnol aux formes absurdes… »

« Désolé, mais je maintiendrais jusqu'à la fin de mes jours que Picasso était un authentique génie et je n'en démordrai pas ! » l'interrompit-il avec fracas, faisant se retourner quelques clients sur eux. Ils échangèrent un sourire complice, avant que Stark ne reprenne. « Mais bref, pour la plupart des gens, un tableau est juste joli – ou moche, selon les goûts de chacun – et ça s'arrête là. Ils ne voient pas plus loin. Même avec l'équipe, il s'agissait surtout d'une blague, tenir le plus longtemps possible dans le musée sans se faire repérer par les visiteurs ou les employés, et accessoirement présenter à Thor un minuscule fragment de la culture terrienne. Avec peu de succès concernant ce dernier point, si je dois être honnête. »

Loki renifla, retenant à grand peine une pique mesquine à l'encontre de son ainé. Mais au vu du regard entendu de Stark, ce dernier avait parfaitement conscience des mots flottants à la lisière de son esprit, et il leva les yeux à son tour avant de poursuivre.

« Alors qu'on soit d'accord ou non sur ce que ça peut signifier, tu es capable de voir plus loin que des traits de crayons sur une feuille, ou un vase fissuré bon à jeter. Et accessoirement, tu es capable de soutenir plus de dix minutes consécutive une discussion intelligente sur plus ou moins n'importe quel sujet, ce qui ne gâche rien. On n'a pas besoin d'être d'accord ou d'avoir le même avis pour trainer ensemble, non ?

« Tu as raison. »

Si la réponse lui était venue tout naturellement, Loki ne mit qu'une fraction de seconde à réaliser ce qu'il avait réellement dit, ce tutoiement trop familier qui lui avait échappé. Face à lui, Stark s'était immobilisé, le regardant avec circonspection. N'exigeant rien. Ne demandant rien. Attendant simplement de savoir où le dieu se tenait, prêt à reculer si nécessaire et à faire comme si de rien n'était. Mais Loki en avait assez de ces petits jeux, et il ne voulait pas reprendre ses mots.

« Le concept de musée n'existe pas sur Asgard, et j'ai grandement apprécié notre visite. Peut-être devrais-tu commencer à réfléchir à notre prochaine destination si nous souhaitons réitérer notre sortie. Qu'en dis-tu Stark ? Partant ? » demanda-t-il lentement en soutenant son regard, et en toute connaissance de cause cette fois-ci. Les mots pesaient étrangement sur sa langue, mais ce n'était pas désagréable, pas vraiment. Juste différent.

Stark hocha simplement la tête, et lui sourit.

« Je pense que ça peut se faire. »