Malefoy

Drago se réveilla avec une migraine et une affreuse douleur dans le cou. Il avait aussi très froid. Il était étendu nu sur les feuilles mortes à la lisière de la forêt interdite, à l'endroit même où il avait perdu connaissance quelques minutes plus tôt. Il se releva péniblement et sortit sa baguette du petit étui accroché à sa jambe.

— Accio vêtements.

Une minute se passa avant que ses affaires de la veille ne virevoltent vers lui. Il se rhabilla prestement et se mit en route vers le château sous couvert du sortilège de désillusion. Pas besoin que quelqu'un d'autre le surprenne en dehors de son lit.

En outre, il ne savait pas à quoi s'attendre en rentrant. Comme chaque fois qu'il se transformait, sa mémoire lui jouait des tours. Ses souvenirs de la nuit lui paraissaient floues, comme plongés dans un brouillard. Il se voyait parcourir les bois, mangeant il ne savait quoi, buvant l'eau du lac, observé par deux yeux bleus vifs et reptiliens. Mais cette nuit, il en était sûr, il l'avait vu, elle. Est-ce que Granger avait prévenu les professeurs ? Certainement. Mais que leur avait-elle dit ? Est ce que quelqu'un s'était rendu compte qu'il n'était pas dans son dortoir ? Il avait jeté les sortilèges nécessaires pour faire croire qu'il dormait profondément derrière ses rideaux clos, mais si quelqu'un s'approchait un peu trop près ou tentait de le réveiller...

Toutefois, il ne croisa personne jusqu'à sa salle commune. Et cette dernière était également vide de toute présence. Il s'installa dans un fauteuil à proximité de l'immense cheminée de marbre noire et profita du calme ambiant.

Drago avait toujours aimé la salle commune des Serpentard. Les murs et le sol noir, les fauteuils en cuir vert foncé rendaient l'ambiance très sombre, peut-être étouffante pour certains. Mais les fenêtres donnant sur l'eau du lac redonnaient à la pièce une aura mystique et apaisante. Drago admira les reflets de l'eau danser doucement sur les surfaces, à peine éclairés par le soleil levant.

— Drago ? Drago ?

Quelqu'un le secouait par l'épaule. Il ouvrit doucement les yeux. Blaise et Théodore se trouvaient devant lui.

— Hm ? grommela-t-il.

— Mais qu'est ce que t'as foutu cette nuit ? T'as vu ton état ?

Drago regarda les garçons qui indiquèrent son cou. Par réflexe, il y porta la main et ressentit un désagréable picotement. Du sang séché colla à ses doigts. Merde ! Il avait oublié la blessure que lui avait infligée Granger.

— C'est rien. Je vais aller me nettoyer. M'attendez pas.

Il se releva en vitesse et fila vers la salle de bain des dernières années. Là, il put contempler les dégâts. Une estafilade longeait le côté gauche de son cou, mais le plus impressionnant restait la quantité de sang qui avait coulé jusqu'à son torse et dans son dos. Drago retira donc sa chemise et entreprit de se débarbouiller. Une fois fait, il se regarda à nouveau dans le miroir. Voilà qui était mieux, la coupure restait bien visible mais au moins elle ne paraissait plus si monstrueuse, une dizaine de centimètre seulement, et elle était superficielle. Et heureusement, car si elle avait été plus profonde, Drago n'aurait pas donné cher de sa peau.

Bordel, Granger aurait pu le tuer ! Pourquoi avait-il fallu qu'elle lui court après ? Cette fille était une vraie cinglée psychopathe !

Drago consulta l'heure sur l'horloge de la pièce : huit heure dix. Il fallait qu'il se dépêche s'il voulait manger avant le début des cours. Il repassa dans sa chambre pour changer de tenue et enfiler l'uniforme scolaire. Chemise blanche et pantalon noir. Sans oublier sa cravate verte et argent. Il était fin prêt. Il remonta jusqu'à la Grande Salle mais à peine en eut-il franchi le seuil que ses deux amis se jetèrent sur lui et l'entraînèrent à une extrémité de la table où il n'y avait personne.

— Où étais-tu la nuit dernière ? commença d'emblée Théodore, en chuchotant. Et toutes les autres nuits ?

— Une prof est venue vérifier que tu dormais bien, on a dû lui assurer que tu n'avais pas bouger de la soirée pour ne pas qu'elle s'approche du lit, compléta-Blaise, tout aussi bas.

Drago se passa une main sur le visage. Il se doutait que ses amis allaient finir par lui poser des questions. Il découchait depuis le début de l'année et ils n'étaient pas stupides.

— Je n'arrive pas à dormir la nuit (ce n'était pas un mensonge). Alors je me promène.

Les deux sorciers le fixèrent incrédules.

— Tu te promènes ? Et ta blessure alors ? insista Théo.

— Je... J'ai cassé un verre. Un morceau a dû me couper.

— T'es pas sûr ?

Drago souffla, agacé. Ils allaient pousser l'interrogatoire encore longtemps ?

—Non, je ne m'en suis pas rendu compte. Je me suis endormi dans le fauteuil juste après. C'est bon pour les questions ? J'aimerais bien manger tranquillement.

Il se leva alors pour aller chercher une carafe de jus de citrouille qui traînait un peu plus loin sur la table, mettant fin à cette conversation dérangeante. Mais alors qu'il se remettait à sa place, il croisa le regard d'Hermione Granger. Tiens, ça changeait : c'est elle qui le fixait en première et non l'inverse. Il vit dans ses yeux les milliers de questions qu'elle se posait sur les évènements de la nuit passée.

— Tu peux me passer la carafe Drago ?

Il tourna la tête à droite, vers Théodore, qui lui avait posé la question. Quand il regarda à nouveau vers la Gryffondor, elle avait les yeux écarquillés et la main sur la bouche. Drago mit à peine quelques secondes à comprendre qu'elle avait vu sa blessure au cou. Avait-elle conscience que c'était elle qui lui avait fait ça ? Il en doutait un peu. Pourtant il eut l'impression de voir les rouages de son cerveau tourner à mille à l'heure. Cette histoire risquait de devenir vraiment compliquée.

Pour la première fois depuis le début de l'année, Drago Malefoy avait envie de passer sa journée loin, très loin de Granger. Cette insupportable Miss-je-sais-tout n'avait pas cessé de le fixer durant tous les cours. Elle le sondait comme si elle pouvait avoir réponse à ses questions rien qu'en le regardant. Elle avait même essayé de le coincer pour lui parler à la sortie de la salle de potions. Mais Drago l'avait bousculée et avait continué sa route dès qu'il l'avait vu ouvrir la bouche. Même s'il mourrait d'envie de connaître les pensées de la jeune femme, de savoir ce qu'elle avait deviné de la situation, il était sûr que moins elle en saurait et mieux ça vaudrait pour lui. Alors, quand il quitta son dernier cours de la journée, Drago n'alla pas à la bibliothèque comme il en avait l'habitude. Il préféra se diriger vers la cour intérieure du château.

Il était encore extrêmement fatigué, les deux pauvres heures où il avait réussi à dormir ce matin, dans le fauteuil, étaient loin d'être suffisantes. Il lui fallait trouver un coin tranquille, à l'écart des nombreux élèves qui profitaient des derniers jours de beaux temps en ce début octobre.

Il trouva une petite terrasse, avec un banc de pierre derrière une alcôve, à l'abri des regards. Un rideau de lierre cachait l'accès. Il s'allongea sur le banc et ferma les yeux, offrant son visage au soleil. Mais à peine une minute se passa avant qu'une ombre se forme derrière ses paupières closes.

— Qui me demande ? grogna-t-il.

— Je sais ce que j'ai vu la nuit dernière, je sais tout ! Et tu vas tout avouer.

Comment ça elle savait tout ? Drago avait tout de suite reconnu la voix autoritaire de Granger.

— Et pourquoi je ferais une chose pareille ? demanda-t'il d'un ton traînant, ennuyé.

— Parce que je sais comment te faire parler, et que je n'hésiterais pas à m'en servir.

Il sentit quelque chose de solide et d'assez pointu s'appuyer sur sa poitrine. Il ouvrit les yeux pour découvrir la rouge et or, l'air sévère, enfoncer sa baguette magique dans son thorax. Sérieux ? Miss-je-sais-tout-et-je-respecte-toujours-le-réglement le menaçait ? Au beau milieu de l'après-midi ? Était-il dans un univers parallèle ? Car tout semblait fonctionner à l'envers aujourd'hui.

— Maintenant, dis moi la vérité.

— Il va falloir être plus précise, Granger.

— À propos d'hier soir Malefoy ! Ne joues pas avec ma patience... Tu étais dans les couloirs cette nuit-là ?

— Eh bien, il me semble qu'un professeur a confirmé que j'étais resté dans mon lit toute la nuit alors je ne vois pas trop...

Il sentit la baguette s'enfoncer un peu plus, et l'extrémité commença à chauffer, faisant fumer sa chemise. La lionne était assez impressionnante pour être honnête.

— ... C'est possible, oui.

La pression de la baguette se relâcha légèrement.

— C'était quoi ce hurlement ? C'est toi qui l'a fait ?

Ok, elle s'approchait un peu trop près de la vérité. Drago se flagella mentalement pour son erreur de la veille. Suite à la petite course poursuite, il avait complètement oublié de lancer le sort de mutisme sur la pièce où il s'était réfugié et il le payait aujourd'hui.

— Je ne sais pas de quoi tu parles, affirma le blond.

— Qu'est ce qu'il s'est passé hier soir ? Comment tu t'es fait cette blessure au cou ? Tu étais près de la serre ?

Drago serra les dents.

— Je. Ne. Sais. Pas. De. Quoi. Tu. Parles !

— Tu mens ! Tu étais là hier soir, c'est impossible que...

C'en était trop, l'interrogatoire que lui avait fait subir ses amis ce matin avait été suffisant, il n'avait pas besoin que Granger en rajoute une couche. Vif, il frappa le bras de Granger qui tenait la baguette pour la déséquilibrer. Le sortilège informulé qu'elle lança se dirigea vers le sol, rebondit et la jeune fille dû faire un écart pour ne pas se le prendre en pleine face. Drago en profita pour se redresser et sortir sa propre baguette de sa poche. Il la pointa immédiatement vers la sorcière.

Tous deux se retrouvèrent en joue, séparés par la longueur de leur bras.

— Ce petit jeu commençait à m'ennuyer Granger. Mêles toi de ce qui te regarde.

Il baissa sa garde et se retourna. Elle n'allait pas l'attaquer dans le dos, il le savait, elle avait trop d'honneur pour ça.

— C'était toi n'est ce pas ?

Drago se figea. Était-il possible qu'elle ait deviné ? Avait-il réussi à se trahir en une seule soirée ? Granger poursuivit :

— C'est toi qui a hurlé cette nuit-là, cette créature t'a blessé n'est ce pas ? Est-ce que c'est toi qui l'a fait rentrer dans le château ? Qu'est ce que tu préparais Malefoy ? Tu voulais m'attirer dans un piège ?

La tension dans les épaules de Malefoy se relâcha, elle ne savait rien du tout. Il laissa même échapper un petit rire. Il tourna légèrement la tête vers l'arrière, pour qu'elle entende bien ce qu'il allait lui dire.

— Tout ce que tu racontes n'a aucun sens, t'es devenu complètement parano ma pauvre. On dirait bien que la guerre t'a grillé ton si précieux cerveau en fin de compte.

Il lui offrit un rictus moqueur, la regardant de haut en bas. Elle avait baissé sa baguette, le regard emplis de doute. Très bien. Il reprit de sa voix la plus froide :

— Maintenant fous moi la paix, je ne veux pas qu'on me surprenne avec une compagnie aussi médiocre.

Les yeux de Granger devinrent noirs de haine. Il perdait des points pour son plan de « séduction », mais à ce moment il s'en fichait. Il était tellement bon de la voir se mettre en rogne et de la remettre à sa place.

— Je découvrirais la vérité sale fouine ! Et si j'apprends que tu as mis en danger les élèves de ce château, je peux t'assurer que tu n'en sortiras pas indemne.

— C'est ça...

Et il traversa le rideau de lierre sans un regard de plus pour son ennemie de longue date.