Peu habité par l'envie d'une énième dispute, Antoine laissa Candice s'isoler dans sa chambre. Lui, fit le choix de quitter le salon pour retrouver l'étage… Là où une bonne douche bien chaude l'attendait doucement. Et tranquillement, il retrouva son calme. Enfin, là, il hésitait sur la suite des opérations… Valait-il mieux s'enfiler une bouteille de whisky ? Faire un footing pour se détendre ? Ou hurler toute sa rage sur la plage ? Les 3 étaient tentants, certes. Et les trois étaient surtout exutoires... Exutoire d'un Antoine au bord de l'implosion. Entre cette semaine compliquée avec Candice, sa dispute avec sa mère et les mots de Jennifer qui berçaient son esprit, c'était clair, le commissaire n'en pouvait plus. Alors ce soir, il serait égoïste! Pour une fois, il voulait penser à lui et ne pas penser à consoler sa compagne qui devait probablement être mal en point. Puis il ne fallait pas oublier que la semaine passée, Antoine n'avait clairement pas été sa priorité… Alors il campa dans cette salle de bain de longues minutes avant d'oser faire réapparition dans la chambre. Son téléphone affichait 23h00. Tout le monde était épuisé, et intérieurement, il espérait que Candice se soit déjà endormie.

Perdu…

«Qu'est-ce tu faisais ? lui demanda-t-elle impatiente en reposant son livre sur la table de nuit.

Il roula des yeux dans son dos.

- Euh… je rangeais les affaires dans la salle de bain…

- À cette heure ? s'étonna-t-elle alors qu'il prenait place dans les draps.

- Au moins ce sera fait comme ça…»

Candice marmonna un «ok» de conclusion, peu convaincue par son histoire de rangement nocturne. Et à côté, Antoine sentait l'agacement à plein nez. Faut dire que pour une fois, monsieur avait pris soin de se détacher de sa compagne qui commençait elle aussi à monter en pression.

«Je suppose que je dois remercier ta mère pour ce non câlin… laissa-t-elle sortir dans un rire jaune.

- Mais non ça n'a rien à voir… Je suis crevé c'est tout…

- Alors on en parle ou on en parle pas?!

Agacé, il tiqua.

- Ok! Alors on en parle. Autant crever l'abcès tout de suite.

- Y a rien à dire… éluda-t-il.

- Y a rien à dire? répéta-t-elle offusquée. Attends! Elle est venue m'agresser alors que j'avais rien demandé!

- Faut la comprendre aussi. Elle a eu peur pour moi et…

- Attends parce que tu la défends en plus?

- Mais non! C'est juste que je peux comprendre son inquiétude c'est tout.

- Et ça justifie de me parler comme un chien?

- Oui mais tu sais bien comment elle est…

- D'accord donc la prochaine fois j'irai bien me mettre à genoux devant ses pieds et je la supplierai de me pardonner, j'ai compris.

- Oh la la… Tu dramatises tout!

- Bien sûr… souffla-t-elle blessée.»

Candice hocha négativement la tête, meurtrie par la situation dans laquelle elle les avait fait plonger sans scrupule. Et le silence irradia la pièce à nouveau. Un silence tendu et rempli de non-dits que le flic hésitait à lâcher. Et dos à elle, il trouva finalement la force de le faire, d'une voix timide et hésitante.

«Pourquoi t'as pas répondu à sa question en fait ?»

C'était ça qui lui brûlait les lèvres depuis cette discussion avec sa mère. C'était ça qu'il voulait éclaircir… Parce qu'il avait fait le fier devant elle mais au fond, cette non-réponse sonnait douloureusement… Et derrière lui, la blonde balbutia, loin d'imaginer qu'Isaure était entrée dans ce genre de détails…

«Parce que j'avais pas à me justifier devant elle, Antoine! C'est notre histoire, j'ai pas envie qu'elle s'en mêle!

- Si tu le dis…

- Puis elle sait très bien ce qu'on a vécu tous les deux! Franchement, poser une question pareille alors qu'elle sait déjà la réponse…

- Ça a l'air si évident pour toi… que tu te rends même pas compte que ce qui s'est passé cette semaine peut laisser planer le doute… Je te rappelle également, qu'à aucun moment de ce repas tu n'as parlé de «notre» maison, ou de «notre» chambre… Comme si j'existais pas…!

- Mais n'importe quoi Antoine… C'est juste que j'ai du mal à me faire à l'idée que tu vis ici maintenant… Tu sais pendant 10 ans j'ai vécu seule, j'ai eu besoin de personne, c'est le temps de m'adapter.

- Ouais… Mais c'est toi qu'est venu me proposer ça, pas l'inverse. Si finalement tu veux plus, on peut encore tout arrêter.

- Pas du tout! J'ai envie que tu restes là, à côté de moi! répondit-elle mielleuse.

- Ok… répondit-il peu convaincu.

- Antoine…

- J'suis crevé… J'ai envie de dormir…»

Candice n'était même pas réinstallée dans les draps que l'obscurité pénétra la pièce avec vigueur. Le message était passé, la discussion s'arrêtait donc ici pour aujourd'hui. Et c'était sûrement ce qu'il y avait de mieux pour eux à cet instant précis…

...

Candice ouvrit les yeux dans leur chambre, presque satisfaite d'avoir passé la nuit sans tergiverser sur leur situation. Faut dire que l'épuisement du voyage de la veille y était pour beaucoup. Elle se retourna subitement et constata la froideur des draps à ses côtés. Antoine avait donc déjà déserté le lit conjugal et ce, depuis un bon petit moment… Résignée, elle finit par passer sa robe de chambre fétiche et coulissa la porte pour débarquer sur un salon silencieux. Elle fit quelques pas et tomba sur un post-it collé sur la table. Antoine avait donc préféré un footing à un câlin matinal… Choix amer pour Candice qui préféra s'activer en cuisine pour ne plus y penser. Et rapidement, une tête brune débarqua dans le salon à son tour, l'air engourdi et les yeux encore collés. La blonde esquissa un sourire discret alors que la petite s'installait déjà à table à moitié endormie. Sa belle-mère s'installa face à elle et lança la conversation, espérant que l'engouement de la plus jeune ne ravive un peu la flamme de ce salon froid…

«Tu t'es fâchée avec mamie hier?

- Euh… Non… On a discuté c'est tout… mentit-elle en souriant.

- Quand elle claque la porte comme ça, c'est qu'elle est énervée…

- Oui mais ta grand-mère est têtue aussi! Comme son fils d'ailleurs… observa Candice alors qu'un commissaire apparaissait sur la terrasse.

- Il va être plein de sueur… grimaça Suzanne écœurée.

- Tu te remets au sport maintenant ?

- J'en avais besoin ouais… avec les excès de la semaine…

- Bonjour quand même sinon !lâcha durement Candice en le fixant sans sourire. »

Antoine leva les yeux au ciel avant d'hocher négativement la tête, tout sourire. Candice avait la voix amère, celle qui respirait l'agacement et la frustration. Alors pour calmer les tensions, il s'approcha doucement et déposa un léger baiser sur ses lèvres. Candice s'en satisfit, acceptant finalement cette demi-animosité qu'il exprimait envers elle.

...

11h30. Le nez plongé dans les valises, Candice sursauta en entendant frapper à la porte. Étonnée, elle se redressa doucement et plissa les yeux. «J'vais ouvrir!» entendit-elle crier depuis le salon qu'Antoine était déjà en train de quitter. Il s'empara vigoureusement de la poignée et ouvrit la porte avec surprise.

«Jennifer?

- J'viens chercher Suzanne…

- Bah on avait pas dit 14h ?

- Nan… On a dit 11h30. Je t'ai dit que je devais déjeuner avec ma mère.

- Ah pardon j'ai zappé… bredouilla-t-il en se décalant. Bah entre alors… tout n'est pas encore prêt.»

Il souffla alors que son ex pénétrait dans la maison. Antoine venait clairement de laisser entrer le loup dans la bergerie…

«Salut Jennifer ! lança timidement une blonde depuis l'ouverture de sa chambre.

- Bonjour, répliqua-t-elle sans amabilité.

- Mamaaaaaaan, cria la petite en dévalant les escaliers pour se jeter dans ses bras.

- Ma chérie… chuchota-t-elle en l'embrassant. Alors ces vacances ?

- C'était trop cool !

- Tant mieux, tu me raconteras tout ça chez mamie… Tu vas chercher tes affaires? Je dois discuter un peu avec papa.

- Ok…»

Face à un brun qui faisait peu le fier, Jennifer posa son sac au sol, histoire d'avoir plus de prise dans sa répartie. Antoine sentait le conflit arriver à grands pas mais intériorisa, préférant temporiser que raviver.

«Tu vois pas besoin de t'inquiéter, tout va bien…

- Oh si je m'inquiète… Et tu sais très bien pourquoi.

- Bon écoute, l'essentiel c'est que tout aille bien. Ce qu'il s'est passé là-bas est exceptionnel et se reproduira plus!

- Exceptionnel ? Tu te fous de moi ?! À chaque fois y a un truc, Antoine ! Tu feras quoi si demain ta fille disparaît parce que madame ne s'est encore pas mêlée de ses affaires ?!

- Sinon madame est là hein… intervint Candice en approchant le face-à-face.

- Oui bah ça tombe bien, comme ça t'entend tout haut ce que je pense bien fort! meugla-t-elle avec dureté.

- Je suis peut-être un danger public, comme tu aimes si bien le dire mais je te rappelle quand même que j'ai 4 enfants à mon actif et que jusqu'à preuve du contraire, tout le monde se porte très bien.

- Oui et c'est sûrement un miracle… ironisa-t-elle avant de toiser son ex. Ma fille n'est pas en sécurité ici.

- Arrête de dire n'importe quoi. Suzanne va très bien! Elle adore être ici, et… elle adore Candice et les enfants...

- Forcément! C'est une enfant! Elle se rend pas compte des choses…

- Ok, s'emporta-t-il. Donc quoi ?! Comme ma mère tu me demandes de quitter Candice pour mon bien et celui de ma famille ?! Je te préviens Jen, je choisirai pas entre les deux.

- Si on est plusieurs à te le dire… c'est peut-être qu'il faut se poser les bonnes questions alors…

- Nous oblige pas non plus à entrer en guerre Jennifer. Ça risque d'être douloureux pour tous les deux et j'ai absolument pas envie de ça.

- Je te laisse finir les affaires. Je vais attendre dehors. Bonne journée.»

Antoine souffla avant de jeter un œil à sa partenaire qui baissait la tête en retrait. Candice était à nouveau profondément blessée par les accusations que Jennifer venait de proférer. Certes elle reconnaissait ses torts dans toute cette histoire, mais la blonde enchaînait les coups, et tenait de plus en plus fébrilement…

«Suzanne tes affaires sont prêtes ? demanda son père en grimpant les escaliers à son tour.

- Oui… Faut juste fermer le sac…

- J'arrive»

Candice ne tarda pas à voir redescendre au salon les deux Dumas. Et la plus petite se montrait bien plus enthousiaste que le plus vieux…

«A la semaine prochaine ! s'écria-t-elle gaiement.

- Salut ma puce! sourit Candice en l'embrassant.

- Je viendrai avec mes perles, comme ça on regardera les colliers qu'on peut faire !

- Cool ! acquiesça-t-elle gentiment.

- Tu viens à ma compétition de gym au fait ?

- Euh… Non je pourrais pas être là à cause du travail… mentit-elle en jetant un œil à Antoine près de la porte.

- Ah… ok…

- Mais on se revoit vite! Allez, file!»

La petite obéit et déserta rapidement la maison avec son père, laissant une blonde démunie se réfugier en cuisine où un verre d'eau l'attendait. Bon à cet instant précis, un verre d'alcool fort aurait peut-être mieux fait l'affaire mais bon… Candice se contenta de cette eau cristalline alors qu'un commissaire penaud refit son apparition face à elle.

«Je suis désolée pour tout ça hein… Je… J'voulais pas te provoquer tous ces soucis… balbutia-t-elle gênée.

- Humm… acquiesça-t-il en levant les yeux depuis le comptoir face à elle.

- Tu dis rien ?

- De ?

- Bah je sais pas… Engueule moi… Rappelle-moi que c'est de ma faute…

- Oh Candice…, souffla-t-il d'exaspération.

- Quoi ?! Ça fait deux jours que je m'en prends plein la gueule par tout le monde et tu laisses couler… Tu dis rien…

- Je te signale quand même que j'ai envoyé chier ma mère hier soir. Et je t'avoue que si je peux calmer les choses avec Jennifer, je le ferai. J'ai pas envie d'entrer dans un conflit procédurier avec elle.

- Bien, encaissa-t-elle difficilement. Alors écoute les, au moins tu éviteras les futurs potentiels problèmes comme ça…

- Arrête…

- C'est super blessant mais c'est pas grave… confessa-t-elle en s'enfuyant les larmes aux yeux.

- Tu vas où ?!

- Faire un tour ! T'inquiète pas, je vais me réconforter toute seule t'en fais pas!

- Candice ! cria-t-il alors que la porte claquait subitement. Et merde….»