Chapitre 13 - Un changement pas bienvenu


Malfoy se tenait à l'entrée des cuisines. Derrière lui, Crabbe et Goyle jetaient des coups d'œil par-dessus son épaule, l'air de se demander pourquoi il les empêchait de rejoindre la montagne de gâteaux et de sucreries préparées par les elfes de maison. Lentement, Malfoy détacha son regard d'Hermione et le posa sur Harry et Ron.

— Le balafré, le traître à son sang et la Sang de Bourbe dans les cuisines, dit-il de son ton traînant. Vous cherchez du travail ? C'est pour aider la famille de Weasley ?

— Malfoy ! s'exclama Hermione.

Crabbe et Goyle ricanèrent et Harry retint un Ron écarlate par le bras, le visage crispé comme s'il se retenait d'aller lui coller lui-même un poing dans la figure.

« Arrête de t'indigner Granger. Je ne vais pas changer d'attitude du jour au lendemain, tout le monde trouverait ça bizarre. À ce niveau, c'est presque comme si je vous disais bonjour. »

Une petite silhouette se fraya un chemin entre eux. Avec son cache-théière sur la tête et sa cravate favorite, Dobby affronta son ancien maître.

— Personne ne dira du mal de Harry Potter et ses amis devant Dobby.

« Tu as rompu ta part de la promesse Malfoy, un mot de travers et je considère qu'elle ne tient plus. »

Leurs colères se heurtèrent comme de l'eau et une huile bouillante.

— Poudlard accepte donc n'importe qui, dit Malfoy en donnant une pichenette dans le cache-théière. Tant mieux pour toi, hein Dobby ?

Hermione serra les dents quand il la défia. Elle avait négligé un détail, elle avait besoin de lui pour le bal. Si elle parlait, pas de retour en arrière possible. Malfoy esquissa un sourire et tourna les talons, faisant signe à Crabbe et Goyle de prendre ce qu'ils voulaient en sortant.

— Merci, Dobby, dit Ron, encore écarlate, en lui donnant une petite tape dans le dos. Surtout ne te laisse pas faire. Moi je suis bien content que Dumbledore t'ait embauché.

Comme la pause de midi était presque finie, Ron proposa de rester déjeuner là. Avant qu'Hermione n'ait pu protester, les elfes avaient dressé un repas sur un coin d'une des quatre longues tables. Harry et Ron s'installaient déjà devant des côtelettes d'agneau, des pommes de terre rissolées, de la salade verte et des parts de quiche. Son estomac gronda et elle rendit les armes.

— Pourquoi Malfoy te regardait comme ça ? demanda soudain Ron.

Hermione fit mine de ne pas comprendre.

— Même son attitude n'était pas comme d'habitude, fit remarquer Harry. Il vient d'apprendre que Dobby travaille à Poudlard et il est reparti comme ça.

— Mmm… prépare un mauvais coup, dit Ron qui attaquait une côtelette à pleines dents.

Le seul mauvais coup en préparation qu'elle lui connaissait l'impliquait directement. La communication entre eux se coupa soudain. Hermione s'affaissa sur le banc. C'était trop net pour qu'il se soit endormi, il était dans la Salle sur Demande.

Pourquoi avait-elle accepté son invitation au bal ? Dès qu'un événement lui rappelait qui il était vraiment, la honte lui brûlait le visage.

Tout ce qui comptait était de briser leur lien et d'enterrer toute cette histoire.

Malfoy ne quitta pas la Salle sur Demande de l'après-midi, la libérant de lui pour la première fois depuis des mois. Le bonheur de pouvoir se concentrer, lire, prendre des notes et réfléchir sans qui que ce soit pour la juger l'accompagna pendant les premières heures de cours, mais au fur et à mesure que le ciel s'assombrissait derrière les fenêtres, son humeur en faisait de même.

La soupe du soir avait le goût d'une flaque d'eau, insipide, alors qu'elle attendait le retour de Malfoy. Il ne revint pas. Allongée dans son lit en pyjama, un livre ouvert sur le ventre, elle s'endormit en savourant le silence.

Pour être arrachée du sommeil par la brutale impression que quelqu'un était penché au-dessus d'elle, à côté de son lit. Elle brandit sa baguette vers les ombres, sursautant à chaque ondulation du velours. Concentrée sur la respiration des autres filles, un murmure rassurant dans le silence, elle écarta le rideau. L'aube pâle de l'hiver diffusait une lumière grise dans le dortoir et en dehors des formes dans les lits et des baldaquins tirés, elle était seule.

Alors la présence… ?

« Réveillée ? Viens dans la Salle sur Demande. »

Malfoy disparut à nouveau. Hermione attrapa sa robe de chambre et dévala les marches jusqu'à la salle commune, continuant de courir dans le château malgré son corps engourdi par le sommeil.

Il avait séché les derniers cours précédant les vacances et passé la nuit dans la Salle sur Demande. Pourquoi lui demandait-il de venir tout à coup ? Est-ce que l'état du Vivet se dégradait ? Pourquoi si soudainement, alors qu'il se rétablissait enfin ? Les couloirs sombres s'enchaînaient, interminables, comme un cauchemar sans fin. Ce petit oiseau, sans lui plus jamais elle ne pourrait expérimenter de paix…

Elle glissa devant le tableau de Barnabas le Follet et ses trolls, revint en arrière, repassa, encore et encore, puis poussa la porte.

Malfoy était penché sur les livres posés tout autour du chaudron, la plupart ouverts ou hérissés de marque-pages. Elle en reconnaissait certains, mais tous ceux entre les mains de Malfoy étaient nouveaux. Il se redressa. La fatigue tirait ses traits. Il portait encore sa chemise de la veille, les manches retroussées sur ses avant-bras. Sa veste et sa cravate pliées au dos d'une chaise sur laquelle dormait une boule jaune ébouriffée, la tête rentrée dans ses plumes.

— Il va bien ? murmura-t-elle, à bout de souffle.

Malfoy la parcourut de haut en bas.

— Sympa ta robe de chambre.

Le nœud qui enserrait sa gorge se détendit un peu, presque aussitôt remplacé par de l'agacement. S'il se permettait des remarques, la situation ne pouvait pas être si désespérée.

— J'espère que tu as une bonne raison de me faire venir à cette heure un samedi matin.

Malfoy tapota sa baguette au-dessus du chaudron et un bracelet s'en éleva.

— Ça va être un gâchis sur une robe de chambre… enfin.

Il le fit voler devant elle. De très fins fils d'or s'entremêlaient, certains s'enroulant sur eux-mêmes pour fleurir en bourgeons de rubis.

— Que veux-tu que j'en fasse ?

— Que tu l'offres à Weasley.

— Pardon ?

— À ton avis ? C'est un bracelet. Mets-le.

Hermione plissa les yeux. Le bracelet flottait toujours devant elle et elle n'avait aucune intention de le prendre.

— Nous avions établi qu'il te fallait une robe, des chaussures et des bijoux pour bal. J'ai pris ce bracelet.

— Je n'accepterai rien de toi, Malfoy.

Encore moins un bijou qui avait de toute évidence autant de valeur, voire peut-être même plus, que sa robe.

— Je l'ai choisi spécifiquement pour ta tenue, si tu n'en veux pas tu n'auras qu'à le jeter, mais tu ne vas peut-être pas vouloir une fois que je t'aurai tout expliqué, ajoute-t-il en rompant le sortilège.

Harry aurait peut-être rattrapé le bracelet au vol, mais sa main à elle se referma sur le vide et il rebondit sur le sol de terre battue.

— Ah bravo, marmonna-t-elle en le ramassant. Il aurait pu se ca…

Le contact avec l'or propagea une décharge sur sa peau.

— Qu'est-ce que… ?

Malfoy rouvrit la porte de la Salle sur Demande et fit un pas dehors, l'invitant à le rejoindre. Sur son annulaire brillait sa chevalière argentée gravée d'un serpent. Elle s'avança vers la sortie, redoutant presque le moment où ils seraient connectés à nouveau. Elle passa le cadre, entra dans le couloir et… rien. Ou plutôt, une bulle absorbait tout ce qui provenait de lui, le rendant étouffé, lointain.

— La protection que déploie la salle m'a donné l'idée, dit-il une fois de retour à l'abri des oreilles indiscrètes. Ton erreur était de te focaliser sur un antidote.

Hermione se pencha au-dessus du chaudron. Au fond un liquide de satin bleu glougloutait.

— Tu as détourné notre dernière tentative ?

— Et j'en ai imprégné nos bijoux. Ce qui résout temporairement le problème numéro un.

— Quel est le problème numéro deux ?

— Ton partenaire au bal. On aurait dû profiter de la sortie à Pré-au-Lard pour récupérer des cheveux, mais mes chers camarades nous ont distraits. Ne t'en fais pas, j'ai aussi une solution pour ça.

Hermione acquiesça, impressionnée par l'avancée qu'il avait accomplie seul.

— Va me chercher Dobby, conclut-il.


Prochain chapitre « Cavalier », le bal se rapproche à grands pas hehe

(Merci Elana pour ta review !)