Mes petits chats,

Aujourd'hui, la suite du séjour de Steve/Chris et Bucky à Ruth Lake ou la dix-huitième partie. :)

Une petite précision pour mes lectrices/lecteurs de la première heure (et des suivantes). J'ai commis une petite erreur dans la séparation entre la partie précédente et celle-ci. Aussi, j'ai fait un erratum sur la partie dix-sept. Elle a été légèrement augmentée de quelques pages à la fin. Rien de vital si vous préférez continuer avec la suite ci-dessous mais si vous êtes curieux/curieuses, c'est un moment amusant :)

La suivante était trop longue, elle a été découpée en deux. J'ai essayé de faire au mieux :)

Bonne lecture à tous/toutes et à bientôt,

ChatonLakmé


Foxcatcher est un film américain sur le monde de la lutte sportive, fondée sur une histoire vraie. Il est sorti en 2014 avec Channing Tatum dans le rôle principal, Mark Ruffalo et Steve Carell.


L'homme de la plage

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Dix-huitième partie


Début novembre


Les yeux fermés, les doigts emmêlés et ses bras tendus au-dessus de sa tête, Bucky s'étire longuement devant la maison. Il sautille légèrement sur place, apprécie ses muscles qui se réchauffent doucement et la souplesse de ses appuis.

Sur le seuil, Chris tente de garder Sandy dans la maison et de fermer devant elle. La chienne est particulièrement habile à vouloir lui échapper, excitée par leurs tenues de sports et leurs baskets. Elle accompagne assez souvent le blond dans ses joggings sur la plage pour savoir que ce sont toujours de très bons moments. Surtout après, quand Chris retire ses chaussures pour marcher pieds nus dans le sable et qu'elle lui en vole une.

C'est si bon, ce jeu de course-poursuite avant de rentrer !

Bucky commence à trottiner pour achever de réveiller ses muscles encore un peu engourdis par le sommeil.

Il entend son compagnon qui dit des mots tendres à Sandy en la repoussant encore dans le vestibule. Ils ressemblent tellement à des excuses que le brun roule des yeux en ricanant.

« Nous serons vite rentrés ma fille. »

« Ce n'est qu'un petit jogging et je te sortirai longuement à notre retour. »

« Je ne peux surveiller qu'un seul d'entre vous. »

Bucky s'arrête brusquement de s'échauffer. Il était en train de faire des pas chassés, un souvenir un peu vague d'un film sportif qu'il a vu il y a quelques années. Il trouvait ça cool.

— « Je t'ai entendu ! », proteste-t-il en lui jetant un regard noir. « Et la seule chose que tu pourras surveiller, ce sera mon dos quand je te dépasserai dans la dernière ligne droite. »

— « Ce n'est pas une course de vitesse mais d'endurance Bucky », lui rappelle son compagnon en retenant Sandy par le collier.

— « C'est ce que disent tous ceux qui obtiennent la seconde place. »

Chris ricane.

Il parvient enfin à enfermer Sandy dans la maison, descend les marches du perron pour venir le rejoindre.

Bucky jette un regard en coin à son corps, bien mis en valeur par un bermuda, un tees-shirt noire et une veste zippée.

Puis un autre, un peu déconfit, à ses propres vêtements.

Il aura beau faire tous les plus beaux pas chassés qu'il souhaite, les genoux débloqués et bien souple sur ses appuis, il ne ressemble pas à Channing Tatum dans Foxcatcher ni à Chris, toujours beau même habillé d'un sac poubelle. Son pantalon ressemble un peu trop à un vêtement de loisir et avec son vieux jersey aux couleurs de l'université d'État d'Humboldt, vestige d'une année dans le club de basket, il se sent un peu l'âme d'un imposteur.

Bucky hausse légèrement les épaules. Personne ne peut lui reprocher de ne pas essayer malgré la pauvreté de son équipement c'est aussi une qualité de vainqueur.

Chris se penche sur lui pour l'embrasser.

— « Si notre jogging finit comme ça, ce dont je doute énormément, je saurai m'en contenter. Il y a des vues plus désagréables que celle de tes reins », lui dit-il chaudement contre sa bouche.

Ses doigts s'égarent sur sa taille, habiles et malicieux. Bucky contient bravement son envie de s'enrouler autour de lui, de l'empoigner par les revers de sa veste pour le coller contre le pick-up et le dévorer de baisers.

Chris tente de le distraire délicieusement mais ce matin, le brun a le mental d'un champion. Il ne se laissera pas avoir. Il attrape les revers de sa veste, le tire à lui et colle brièvement ses lèvres aux siennes.

— « Ce n'est pas une course mais je vais gagner quand même », souffle-t-il contre sa bouche avant de s'éloigner.

— « … Je suis patient, j'attendrai que tu t'essouffles dans la dernière ligne droite pour te dépasser. »

Chris ricane et commence à s'échauffer à côté de lui.

Bucky est légèrement distrait par le tissu qui se tend sur ses muscles, qui souligne les lignes de son corps d'une manière particulièrement séduisante. Son compagnon a un sourire vaguement suffisant aux lèvres qui donne envie au brun de commencer à courir maintenant, tout de suite.

Chris a des arguments pour lui. Hier, il a attrapé quatre belles truites arc-en-ciel. Bucky en est encore un peu étonné et vaguement admiratif. Lui était passé à autre chose depuis longtemps mais son compagnon est patient. Il a eu raison, elles étaient délicieuses.

Son compagnon lui jette un regard par-dessus son épaule, pas dupe de son silence.

Le brun relève vivement la tête mais le mal est fait. Bien entendu qu'il était en train de calculer mentalement les probabilités mathématiques d'avoir les fesses les plus parfaites sur ce corps déjà parfait. Mince.

Le blond sourit encore un peu plus. Dieu qu'il est adorablement agaçant.

— « Tu es le plus patient mais pas le plus courageux », le taquine Bucky d'un air suffisant.

Chris perd un peu de sa superbe.

Pêcher les truites était une chose, les vider en était une autre et le blond s'était un peu décomposé quand Bucky lui avait tendu un couteau très tranchant en lui parlant de viscères et de sang. Le brun s'est retrouvé seul pour préparer les poissons alors que son compagnon cuisinait les légumes non loin de lui, un peu pâle, un peu vert. Il avait trouvé sa délicatesse assez mignonne. Bucky avait lors les mains dans l'abdomen d'une truite, ses doigts couverts de substances visqueuses et du sang sous les ongles. Il s'était dit que l'amour rendait vraiment idiot.

Chris roule des épaules, fait de larges moulinets avec ses bras et le rejoint en trottinant lentement. Il lui pince malicieusement les côtes.

— « Fais attention à ce que tu dis. Je suis le seul à avoir étudié notre itinéraire et je pourrais décider de rallonger notre parcours de cinq ou dix kilomètres », le menace-t-il sans conviction.

— « Je suis venu ici plus souvent que toi, je parviendrai toujours à retrouver mon chemin », lui rappelle le brun du tac-au-tac. « Essaye donc si tu veux, je me sens d'une forme olympique ce matin ! »

— « … Tu as une marque d'oreiller sur la joue mais je veux bien te croire. Allons-y champion. »

Chris l'embrasse rapidement, appuie doucement sur ses reins pour l'inviter à le suivre. Bucky frissonne légèrement quand le blond glisse brièvement son nez dans son cou d'un geste câlin. Il a attaché ses cheveux et il semble que Chris apprécie de le voir avec la nuque dégagée.

Le brun se tortille un peu alors que son compagnon prend la tête à petites foulées. Il n'a jugé utile de prendre une douche avant leur course et s'est contenté d'une rapide toilette à l'eau pour se rafraîchir. Chris a respiré profondément l'odeur de sa peau, encore lourde de sommeil et le brun trouve ça à la fois un peu gênant et très sexy. Il songe brièvement qu'il a bien fait de se brosser les dents. L'amour lui fait aussi penser à des choses vraiment stupides.

— « Nous allons terminer de nous échauffer en trottinant pendant une quinzaine de minutes pour trouver notre rythme. C'est la première fois que nous courrons ensemble, il va falloir un peu de temps pour nous accorder », explique Chris en le regardant.

Bucky s'élance et le rattrape en courant à bonne allure. Une fois à ses côtés, il suit sagement ses foulées et copie sa posture tout en louchant sur la courbe parfaite de son biceps, contracté sous la fine manche de sa veste. Ridicule.

Rapidement, il se concentre sur ses pas. Même à faible allure, les enjambées de Chris sont grandes et souples et Bucky n'est pas un pratiquant assidu de course à pied. Pourtant, il se laisse rapidement entraîner. L'air matinal est frais, un peu humide mais il peut déjà sentir le soleil le réchauffer et l'assécher. Le sol est dur sous ses pieds, plus agréable que le sable meuble de Manila Beach. Les épines et les feuilles craquent sous ses baskets et la forêt embaume les odeurs de résine et de terre mouillée.

Bucky tente de caler sa respiration sur celle de Chris avant de trouver lentement son propre rythme.

Une inspiration, deux expirations rapides. Une inspiration, deux expirations rapides.

Il sent l'air entrer dans ses poumons, vivifiant et parfumé. C'est bon. Il commence à accélérer inconsciemment l'allure.

— « Doucement Bucky, nous venons à peine de commencer », lui rappelle gentiment Chris en riant.

— « Pourquoi ? Tu ne vois déjà plus que mon dos ? »

Le brun le cherche du regard. Son compagnon est effectivement quelques pas derrière lui et la manière dont il fixe ostensiblement ses reins et ses fesses le fait éclater de rire et manquer de trébucher sur ses pieds. Chris le retient d'une main autour de son coude. Bucky pense qu'il est plus prudent de regarder devant lui et de rester concentré. Un point de côté sera vite arrivé si sa respiration se dérègle et son orgueil en prendrait un coup.

Le brun ralentit pour laisser son compagnon le rattraper et les deux hommes recommencent à courir ensemble.

Bucky apprécie d'entendre le souffle rythmé de Chris, il a l'impression de sentir son haleine chaude sur son visage. Cela lui donne des fourmis dans les jambes et l'envie de courir plus vite. De courir vite et fort si Chris continue à porter ce bermuda et cette veste un peu trop serrée. Il est magnifique.

— « Je suis surpris par ton enthousiasme, tu n'as jamais montré l'envie de venir courir avec moi jusqu'à présent », reprend le blond après un court silence. « Tu ne peux pas savoir comme j'ai été heureux de te voir déjà en tenue quand je suis sorti de ma chambre, en train de t'attacher les cheveux. C'était une vision très séduisante, même avec ta marque d'oreiller sur la joue. »

Bucky lui jette un faux regard noir. Il se sent légèrement rougir de plaisir.

— « Je me sens d'humeur audacieuse », répond-il en haussant légèrement les épaules.

Bon sang oui. Ruth Lake lui donne des envies qu'il n'a pas connus depuis qu'il était un adolescent aux hormones un peu trop bouillonnantes devant un joueur de l'équipe de football du lycée. Embrasser, lécher, toucher, caresser. Un peu tout ça à la fois, en même temps pour bien ressentir et goûter.

Chris l'interroge du regard et Bucky se racle la gorge.

— « Je passe un merveilleux week-end, j'ai très bien mangé hier soir, j'ai très bien dormi. Je suis un homme simple tu sais », se moque-t-il joyeusement. « Je suis juste très content d'être là avec toi. Et courir que le sable est trop fatiguant, je n'ai pas ta force ni ton endurance. »

— « Nous pourrions aller courir sur les routes de Manila si tu veux. »

— « Le paysage est laid de ce côté de la presque-île et il n'y a que de longues lignes droites. Les voitures roulent trop vite. »

— « Touché », acquiesce Chris en grimaçant légèrement.

Le brun se concentre sur sa respiration. Mortifié, il réalise que parler suffit à l'essouffler un peu alors qu'ils ne font que trottiner sur le sentier.

Il fronce les sourcils et s'applique. S'applique beaucoup. Une inspiration, deux courtes expirations. Une inspiration, deux courtes expirations. Une inspiration, deux –

— « Tu peux prendre ton portable pour écouter de la musique si ça t'aide. Nous ne sommes pas obligés de parler pendant toute notre sortie », lui dit gentiment Chris à ses côtés.

Le sale petit… Bien entendu, sa propre voix est claire, sa respiration parfaitement calée au rythme de ses foulées, à peine éraillée par le sommeil.

Bucky se vexe un peu. Il redouble d'efforts pour se concentrer sur les siennes et éloigner un possible point de côté. Ils viennent à peine de quitter la maison.

— « Je trouverai très impoli de courir avec toi mais sans toi », reprend-il après un court silence.

Chris le remercie d'un sourire mais le brun sait qu'il écoute attentivement sa respiration, prêt à ralentir un peu le rythme si elle devenait trop erratique. Bucky se redresse, contracte ses abdominaux pour tenir son dos et cale ses foulées sur les siennes. Une, deux. Une, deux. Une deux. Hors de question de se montrer un peu pathétique à peine leur jogging commencé.

— « Je suis très endurant », ajoute-t-il, une fois rassuré par sa régularité.

— « J'en suis sûr mais tu n'es pas obligé de me suivre. Il vaut mieux que tu trouves ton propre rythme pendant notre échauffement avant qu'on ne commence à accélérer l'allure. Tu risques d'avoir un point de côté très tôt sinon. »

Mince. Fait-il seulement une seule chose bien pendant cette course ?

Bucky se mord les joues.

— « Je suis endurant », s'obstine-t-il un peu.

Il n'avoue pas que les foulées de Chris lui semblent un peu trop longues et qu'il serait plus à l'aise avec un rythme d'inspirations plus rapides. Son compagnon est plus grand, sa cage thoracique est plus large. Non, hors de question de l'avouer. Il se sent déjà assez ridicule dans son jersey d'Humboldt University.

Chris le fixe avec attention mais n'ajoute rien.

Alors qu'ils sortent du sentier forestier et arrivent sur la route, Bucky admet que son compagnon a raison. Chris a commencé à allonger ses foulées et en s'obstinant à le suivre, le brun a l'impression désagréable d'être un pantin désarticulé. Rien ne lui paraît naturel dans ses mouvements ou son allure.

Quand ils récupèrent Lower West Side Road en direction du sud de Ruth Lake, le brun commence à oublier le souffler régulier de Chris à ses côtés pour se concentrer sur le sien. Il est persuadé d'entendre son compagnon émettre un très discret petit bruit d'approbation mais Bucky se cherche encore alors il contient son envie de lui jeter un regard. Il se concentre.

Après quelques centaines de mètres, le brun est satisfait de sentir son rythme devenir plus naturel. Ses foulées se font plus délier, il respire plus facilement.

D'accord, c'est bon, il le tient cette fois.

Chris le regarde toujours avec attention et cette fois, Bucky s'autorise à lui jetter un regard un peu noir.

— « Quoi ? », demande-t-il d'un ton vaguement menaçant.

— « Je veux juste t'aider », proteste le blond d'un ton un peu contrit.

Bucky hausse un sourcil vaguement arrogant.

— « Je pense que je l'ai bien là, j'ai trouvé mon rythme. » Il sent le regard de son compagnon peser toujours sur son visage et il soupire. « Vas-y, explique-moi comment je peux encore m'améliorer. »

— « … Pas si ça te met en colère. »

— « Oh Chris, tu en as trop dit maintenant alors continue. Qu'est-ce que je fais de mal ? », ricane Bucky en roulant des yeux.

Oups, attention à la branche d'arbre devant lui. Il saute un peu trop haut par-dessus, se sentant l'âme vague d'un cheval de concours. Chris se contente de la contourner fluidement et Bucky se mord les joues. Mince, il aurait aussi pu le faire. Il y avait de la place à gauche sur le bas-côté.

Chris esquisse un sourire discret.

— « Baisse les épaules, déverrouille tes genoux et ne reste pas gainer aussi fort. Tu vas avoir des courbatures terribles demain matin », explique-t-il lentement.

Son compagnon lui fait une rapide démonstration et Bucky fronce les sourcils de frustration. Il n'est plus un pantin désarticulé mais un pantin trop raide, comme emmêlé dans ses fils.

Il lorgne un peu sur le torse de Chris, sur ses abdominaux. Le brun sait que, sous la fine veste et le tee-shirt, rien de bouge. Juste du béton. Il pourrait poser sa main sur le ventre de son compagnon, il sentirait le relief ferme des muscles, à peine soulevés par les mouvements de sa cage thoracique. Chris est très gainé, cela redresse son dos et ouvre sa poitrine. Pourquoi ne pourrait-il pas faire la même chose ?

— « Tu le fais bien, toi. Je sais que tu es tout… contracté sous ta veste », marmonne-t-il.

— « Je pratique depuis un peu plus longtemps que toi », répond affectueusement le blond. « Si nous allons courir régulièrement ensemble, tu feras des progrès rapides mais je t'assure que si tu t'obstines, tu pourras à peine te lever demain matin. »

Bucky jette un dernier regard envieux à son ventre plat et musclé avant d'obéir. Un peu. S'il laisse vraiment aller, il a peur que son ventre ne ressorte trop sous l'étoffe synthétique de son jersey. Le brun voit parfois un de ses lointains voisins courir sur Manila Beach avec sa petite brioche de quinquagénaire. Ce n'est pas son cas et il en est loin, merci bien, Bucky pense qu'il n'a pas à rougir de son corps mais quand même, ce serait un peu mortifiant.

L'un à côté de l'autre sur le bas-côté, les deux hommes suivent la Lower West Side Road.

Le brun se rassérène. Il court bien, il se sent à l'aise. Il a envie de taquiner Chris et de lui affirmer qu'il va gagner leur course quand son compagnon ralentit lentement, la tête tournée vers lui.

Il ralentit encore jusqu'à se mettre à trottiner.

Bucky lève les yeux au ciel.

— « Qu'est-ce que je fais de mal encore ? », ronchonne-t-il un peu.

Chris se contente d'enrouler doucement ses doigts autour de son coude pour le retenir. Le brun hausse un sourcil. Il ne court pas si vite que cela, non ? Il insiste, Chris aussi alors Bucky s'arrête, priant en silence de pouvoir reprendre leur running comme si de rien n'était après cet arrêt forcé.

— « Est-ce que tout va bien ? », demande-t-il avec une pointe d'inquiétude.

Son compagnon acquiesce en silence, un sourire aux lèvres.

D'un léger signe de tête, il lui montre quelque chose en contre-bas de la route. À moitié dissimulé par les troncs des pins, un renard les observe en silence.

Bucky oublie tout, y compris les muscles de ses cuisses qui tiraillent légèrement et brûlent. Il le sait, il le sent, la reprise va être difficile.

L'animal avance lentement vers un fourré, ramassé sur lui-même et ses yeux sombres fixés sur eux. Alors qu'il atteint un buisson d'épineux, les branches bougent dans un froissement de feuilles. Un renardeau pointe le bout de son museau.

Bucky se mord les joues. Il adore Ruth Lake.

Les doigts de Chris glissent doucement de son coude à son avant-bras. Le brun les serre gentiment.

— « Comment l'as-tu remarqué ? On les voit à peine dans les herbes… », souffle-t-il avec la plus grande discrétion.

Chris esquisse un geste pour se rapprocher de lui. La renarde se redresse brusquement et disparaît d'un bond dans les fourrés, suivie par son petit.

— « On court sur la route, je garde un œil sur les alentours par sécurité. J'ai vu du mouvement en contre-bas mais je n'avais pas remarqué le petit », dit-il et il a l'air sincèrement déçu d'avoir fait fuir l'animal. « J'aurais bien aimé prendre une photo, je ne suis pas sûr que Sam nous croit. »

Bucky ne juge pas utile de lui rappeler que le Providence St. Joseph Hospital est entouré de bois et qu'à la tombée de la nuit, on peut aussi voir des renards et des lapins sauvages sur ses pelouses.

— « Tu as pris ton portable ? Tu as peur de t'ennuyer avec moi ? », ricane le brun en sautillant légèrement sur place pour réveiller ses muscles.

— « Il n'est pas prudent de sortir courir sans un moyen d'appeler des secours. J'ai bien repéré notre parcours mais le préfère quand même avoir un GPS avec moi, je ne suis jamais venu à Ruth Lake avant. »

Bien entendu. Bucky a un peu honte de ne pas y avoir pensé. Lui est partie la fleur au fusil en s'inquiétant seulement de la couleur de son jersey de sport et du fait de ne pas être très séduisant. Il ne se savait pas aussi futile.

Chris lui sourit et le brun prend son visage à deux mains pour poser un rapide baiser sur ses lèvres. Une excuse et un pardon silencieux. Son compagnon rit chaudement contre son visage.

— « On repart ? », demande Bucky avec entrain.

Chris rit encore. Après quelques foulées, il reprend un rythme soutenu.

Le brun se mord les joues tandis qu'il force un peu pour le rattraper. Ses muscles tirent.

— « On ne reprend pas en trottinant ? », demande-t-il.

— « Pourquoi ? Tu es déjà fatigué ? »

Bucyky lui jette un regard noir. Il accélère pour dépasser le blond, le buste bien droit et un air un peu arrogant au visage. Tant pis pour la douleur dans ses cuisses et ses abdominaux. Mince, Chris avait raison. À peine quelques minutes de course et il sent déjà des choses dans ses muscles.

Derrière lui, son compagnon ricane mais ne se presse pas pour le rattraper. Il est sans doute le plus mâture des deux. Chris n'a pas à forcer, en à peine quelques foulées, il rattrape Bucky et court à côté de lui.

Aucune voiture sur la route, seulement le bruit de leurs respirations.

Inspirations et expirations régulières, faites un pas sur deux.

Les bras à angle droit, contre le buste, pour accompagner la foulée.

Les hanches déverrouillées, les chevilles et les genoux souples pour amortir le choc.

Bucky étudie la manière dont l'air entre dans ses poumons, la sensation du sol sous la semelle de ses baskets.

Après quelques minutes, il sent la tension dans ses cuisses diminuer et il y croit, vraiment. Il va faire tout le parcours avec Chris et sans souffrir même s'il n'a pas couru depuis des années.

Son compagnon a suggéré une boucle de dix kilomètres, un peu hésitant, mais le brun sourit d'aise. Projet facile tant il se sent léger.

Tap, tap, tap.

Il entend les chaussures de Chris frapper le sol dans un rythme décalé du sien, leurs respirations alternées forment une sorte de chant en canon.

Tap, tap, tap.

Bucky voit dans la manière dont le blond se tient qu'il contient sa puissance et son allure pour rester avec lui. Le jeune homme assiste souvent à la fin des entraînements de Chris depuis la terrasse de la maison, il court en moyenne à douze ou treize kilomètres heure.

Le brun jette un regard à sa montre. C'est bien plus soutenu que ce qu'ils sont en train de faire mais ils le font ensemble et c'est une attention mignonne et délicate.

Au fil des mètres qu'il avale, Bucky oublie un peu ce qui l'entoure. Il a juste une perception aiguë de la présence de son compagnon à ses côtés mais il ne prête aucune attention au paysage, pas plus qu'à l'endroit où il pose ses pieds. Il est bien.

Tap, tap, tap.

Le brun se perd dans ses pensées.

Il se souvient de leur visite à Ocean View Cimetery, au bouquet de camélias que Chris a arrangé sur la tombe de Winnifred Barnes comme si c'était la chose la plus importante de l'univers.

Ils sont rentrés avec le jean collant à leurs jambes parce que l'herbe était humide de pluie, et le dos raide d'être resté si longtemps assis par terre. Les deux hommes ont passé le reste de la journée dans le canapé, Bucky racontant des souvenirs et Chris caressant doucement sa cuisse. À la fin, plus de mélancolie, juste un profond apaisement et une forme d'excitation à l'idée que oui, Sam, son meilleur ami de toujours, va se marier. Et le brun veut en être. Avec Chris à ses côtés.

Ils se sont aussi longuement embrassés, avachis contre les coussins mais près, très près l'un de l'autre. Bucky ne se sentait plus vide, son compagnon s'emboîtait parfaitement avec lui. Ils s'embrassaient aussi d'une manière un peu différente, peut-être moins avide mais plus profonde, plus langoureuse tandis que leurs mains s'égaraient, faussement paresseuses. Ça a fait s'accélérer sa respiration et picoter ses reins, vibrer ses os.

Chris avait aussi l'air bien dans l'amour, un peu décoiffé par les mains fébriles de Bucky, les lèvres rouges et gonflées et le regard un peu flou. Ça l'a rendu fier. Ça a fait exploser en lui une boule de désir, quelque chose d'un peu absolu et nécessiteux. Le besoin de se fondre en lui, de le sentir de la manière la plus intime possible, moins pour partager un orgasme que pour sentir cette connexion si particulière.

C'est ce que Bucky ressent depuis des jours et ce qui lui a fait mettre ses pensées en ordre de bataille à l'idée de leur week-end à Ruth Lake.

Si Chris accepte de le suivre, les choses doivent changer entre eux à présent.

Perdu dans ses pensées, il suit docilement son compagnon qui les guide sur Lower West Side Road. Il peut le faire en toute confiance, Chris a un GPS sur son portable dernier cri.

— « Tu ralentis Bucky… »

Le brun cligne des yeux.

La voix de Chris est chaude, pleine d'humidité à cause de son souffle haché par l'effort. Ça tord quelque chose dans ses reins.

Bucky lui jette un regard en coin, à son dos droit, à ses abdominaux contractés, à son sourire malicieux. À son allure un peu plus élevée que la sienne quand il le dépasse d'un air faussement nonchalant. Adorable petit roublard.

Le brun se mord les joues et accélère à son tour, l'air obstiné. Chris éclate de rire.

Le corps du blond est aussi très beau à observer de dos. Le jeu des muscles est fascinant, la manière dont la toile de son bermuda colle à ses fesses et à ses cuisses dans le mouvement, aussi.

Bucky fronce les sourcils, force encore un peu ses foulées. Chris est beau mais il pense que ses reins ne sont pas mal non plus.

Le brun va s'assurer que son compagnon le réalise sur les derniers kilomètres restant.

o0O0o

Chris a sans doute apprécié la vue de son corps dans l'effort.

Il peut car son jersey est si trempé de sueur que le tissu colle à son torse comme une seconde peau.

La mort dans l'âme et son orgueil un peu piqué, Bucky admet aussi que ce n'est pas arrivé souvent, seulement deux ou trois quand son compagnon a ralenti l'allure pour vérifier leur itinéraire sur le GPS de son portable.

Le brun a fait naturellement la même chose pour l'attendre, même si cela signifiait sentir les muscles de ses cuisses protester à ces arrêts intempestifs qui compliquaient tout.

— « Non, ne m'attends pas Bucky. Continue à courir, je te rejoins dans un instant. »

Mignon prétentieux.

Le brun roule des yeux et obtempère, prenant comme une offense personnelle que Chris parvienne à le rattraper en à peine quelques foulées. Hop, soudain il est à nouveau à ses côtés, comme par magie et sans effort. Sans que le rythme de son souffle ne soit altéré et qu'il ne transpire plus que de raison.

Bucky a l'impression d'ahaner comme un animal de peine et que des gouttes de sueur dégoulinent jusqu'à des endroits très improbables de son corps.

Ses cuisses tirent douloureusement, ses mollets sont contractés dans l'effort et le brun sent ses jambes tressaillir un peu. Chaque foulée est plus difficile, plus lourde que la précédente mais il ne s'arrêtera pas. Il veut terminer la tête haute.

Quand il reconnaît la route forestière puis l'embranchement menant à la maison, il soupire pourtant lourdement de soulagement.

Encore un effort, peut-être le plus difficile de tous, et il aperçoit enfin le toit de la maison dans son écrin de verdure.

Bon sang, enfin fini.

À quelques centaines de mètres de l'esplanade, il ralentit déjà l'allure avant de se reprendre. Chris vient de le dépasser, toujours alerte et la foulée souple.

Bucky force, sa respiration a un petit bruit un peu étranglé et il fixe le dos de son compagnon pour trouver encore un fond de courage en lui. Le brun essuie la sueur sur son front d'un revers de main et grimace en sentant les muscles de son bras tirer aussi.

Chris a raison, il va avoir de terribles courbatures le lendemain.

Le jeune homme renifle. Son geste est insuffisant, il sent des gouttes de sueur couler dans ses yeux et perler au bout de son nez. Ses lèvres ont le goût de sel. Merde. Il tire brusquement sur le bas de son jersey et se débarbouille rapidement avec. Le contact du tissu poisseux de transpiration sur sa peau brûlante l'écœure un peu mais il sent une brise fraîche sur son ventre nu.

Bucky grogne d'aise.

Il a soudain envie de retirer ses vêtements et de terminer leur course en boxer pour se sécher un peu. Ou même nu, comme les Grecs de l'Antiquité. Eux n'étaient pas dérangés par des sous-vêtements trop serrés et inadaptés à la pratique sportive. Le sien est trempé de sueur et l'élastique, rendu plus abrasif par le sel, frotte désagréablement contre ses hanches. Il s'est probablement un peu écorché la peau. Piètre sportif.

Devant lui, il voit les petits cheveux de Chris collés à sa nuque par la transpiration et il trouve ça sexy.

Plus que lui qui doit être échevelé et halète comme Sandy après une course folle sur la plage.

Il déglutit. Sa langue est lourde et pâteuse dans sa bouche.

La façade de la maison se précise devant lui, les courbes du pick-up garé sous les branches d'un grand pin.

Oui. Retirer ses vêtements, les éparpiller dans la maison et sauter dans Ruth Lake dans un grognement de plaisir.

Tant pis pour sa dignité de sportif, Bucky a dû la laisser quelque part entre le Boy Scout Cove Camp et la pointe sud de Ruth Lake.

Chris ne ralentit toujours pas l'allure et le brun roule des yeux tandis qu'ils débouchent sur l'esplanade devant la maison. Foutu droiture. Le brun sait qu'il ne s'arrêtera que devant le perron, pas avant. Alors Bucky suit encore en maugréant contre sa stupide, stupide confiance en lui et l'air de Ruth Lake qui lui fait prendre des décisions stupides, stupides. Il aurait dû accepter le premier circuit proposé par Chris, plus court mais facilement prolongeable si tout se passait bien. Il n'aurait pas, comme maintenant, l'impression d'avoir laissé son cœur et ses poumons quelque part derrière lui. Peut-être même une côte parce qu'il est persuadé qu'un simple point de côté ne peut pas être aussi douloureux. Il a réussi à faire passer le premier en se concentrant sur sa respiration. La manœuvre semble impossible pour celui-ci. Bucky s'agace contre sa bouche trop sèche qui l'empêche de déglutir à son aise. Quel enfer.

Chris ralentit un peu – enfin ! – et lui jette un regard par-dessus son épaule. Il l'a entendu peiner mais le brun a de l'orgueil quand c'est pour une bonne cause. Et surtout, surtout, pour ne pas démériter aux yeux de son compagnon.

— « Je vais être très vexé si nous nous arrêtons maintenant à cause de mon point de côté. Je veux terminer avec toi, devant le perron », grogne-t-il.

— « J'admire ta persévérance mais nous sommes arrivés. »

— « Devant la maison, Chris », répète seulement le brun.

Le blond sourit affectueusement. Encore quelques foulées puis il commence à trottiner avant de finalement s'arrêter en bas des escaliers. Chris lui jette un regard, Bucky comprend que c'est vraiment fini. Il freine si fort des quatre fers qu'il craint un instant de trébucher et de tomber. Son lacet droit s'est défait sur le chemin et il ne s'est pas arrêté pour le refaire, il aurait été incapable de repartir.

— « Bordel, enfin… », ahane-t-il difficilement.

— « Tu l'as fait », sourit Chris.

Il pose une main sur sa nuque mais Bucky esquive un peu. Il ne se sent vraiment pas à son avantage, trop poisseux et odorant à son goût. Ce serait un peu dégoûtant que Chris le touche comme ça.

Le brun se penche en avant, les mains sur les cuisses. Le sang bat sourdement à ses tempes au rythme des pulsations erratiques de son cœur. Ses jambes tremblent. Il renifle légèrement alors qu'une goutte de sueur dévale l'arête de son nez et le chatouille.

Le brun lorgne sur le visage de son compagnon, exaspéré. Chris a le visage à peine rougi, une fine sueur aux tempe et sur le front. Il est beau le salaud. Il ouvre le zip de sa veste et essuie son visage humide avec le bas de son tee-shirt. Parfaitement nonchalant, parfaitement inconscient de la langue trop lourd de Bucky et de sa bouche encore plus sèche.

Le jeune homme jette un regard à son portable.

— « Nous sommes partis une heure et nous avons fait dix kilomètres », dit-il.

— « … Merveilleux… »

Son ravissement paraît obscène au brun qui, toujours penché en avant, peine à retrouver une respiration normale.

Le portable bipe doucement.

C'est encore un son trop joyeux pour Bucky.

— « Il nous dit que nous avons bien travaillé ? », ricane-t-il.

— « … Mon application de suivi me signale que c'est une séance très courte par rapport à celles que je fais d'habitude. Et que nous avons fait un peu plus de dix kilomètres en réalité. Elle me demande si je ne préférerai pas pousser jusqu'à onze bornes. … Il y a un petit dinosaure en tenue de sport qui danse pour m'encourager. Tu veux le voir ? »

— « Non », répond Bucky en jetant un regard noir à l'écran que son compagnon lui tend.

Le brun essuie son visage avec son jersey mais il aperçoit quand même brièvement le dinosaure, habillé en blanc avec un bandeau éponge autour du crâne et des bracelets aux poignets. La raison pour laquelle Chris a installé une application avec un personnage de cartoon le dépasse. Au moins autant que le fait que son compagnon fredonne distraitement le petit jingle sur lequel le tyrannosaure se trémousse. Oui, il l'a vu aussi et merde, c'est mignon.

— « Je ne sais pas si tu veux l'entendre mais c'est une très bonne allure pour une première sortie », reprend Chris. « Quand on était sur Ruth Zenia Road, nous avons même eu une allure de onze kilomètres heure, c'est vraiment bien. »

Ah, ça devait être au moment où le brun a eu son premier point de côté.

Chris insiste et lui met le portable devant les yeux.

Bucky suit du regard le lacet bleu de leur course qui serpente sur la vue satellite. Il hausse un sourcil. C'est assez impressionnant vue sur une carte. En bas de l'écran, un encart précise le temps, le nombre de kilomètres, l'allure moyenne et d'autres constantes.

La lecture lui donne une bouffée de chaleur. Il souffre mais il a quand même été bon. Il se fera un plaisir de le dire à Sam une fois de retour à Eureka. Ça l'impressionnera plus que le récit de leur rencontre avec la renarde et son petit. Son meilleur ami reporte depuis des années le moment de se remettre sérieusement au sport.

Il agite son jersey sur son torse.

— « … Ça a été moins long que je ne le pensais. »

— « Tu mens mais tu es un bon menteur », sourit affectueusement Chris. « Pour ce que cela vaut, je suis très fier de toi. »

Bucky se rengorge un peu. D'accord, ça c'est plaisant à entendre.

Il voit son compagnon jeter un regard intéressé à son ventre nu. Nouvelle bouffée de chaleur.

— « … Je suppose que tu ne m'accompagneras pas la prochaine fois ? Je vais ressortir mardi. »

- « Pourquoi aussi tôt ? Tu seras encore en congés et nous avons fait presque onze kilomètres aujourd'hui. C'est bien, non ? »

Le brun ne veut pas donner l'impression qu'il abdique après cette seule sortie mais il n'est pas certain de parvenir à marcher normalement dans deux jours. Chris rit.

— « Le plaisir vient en pratiquant et je cours souvent à Manila », lui rétorque-t-il avec malice. « Sandy adore aussi nos sorties sur la plage. »

— « Ta fille adore tout ce que tu fais, c'est un argument un peu facile », ricane Bucky en roulant des yeux.

Le jeune homme jette un regard luisant d'envie aux marches du perron. Son point de côté est toujours aigu et les muscles de ses cuisses tremblent encore. Il pourrait faire les quelques mètres qui les séparent pour s'y laisser tomber et –

— « Tu dois continuer à bouger pour alimenter tes muscles en oxygène », indique gentiment Chris en posant une main sur ses reins pour le faire se redresser. « Respire lentement et profondément pour bien gonfler ta cage thoracique et ton point de côté va passer. Si tu restes immobile, tu vas te refroidir et tu auras des courbatures demain. »

— « Je ne vais pas pouvoir me lever demain », le corrige Bucky d'un air sombre. « Mes muscles sont tellement contractés que j'ai l'impression de ne plus pouvoir marcher. Mes jambes tremblent. »

Il baisse les yeux. C'est presque un peu inquiétant ce tressaillement erratique qu'il sent sous son pantalon de sport. … Est-ce qu'il doit s'inquiéter ? Avant qu'il n'ose le demander, Chris s'accroupit devant lui et presse ses mains sur une de ses cuisses, ses mains palpant les muscles durs et douloureux. Bucky déglutit.

— « Tu sens comme ils bougent ? », croasse-t-il.

— « Oui mais tu dois marcher quand même pour aider à éliminer l'acide lactique produit par tes muscles. Marche avec le bassin déverrouillé et les épaules basses, sans te contracter. Je te montrerai comment t'étirer après », insiste gentiment le blond.

Chris se relève, sa main effleure doucement son corps jusqu'à sa hanche.

Bucky hoche lentement la tête. Sa paume est chaude comme l'enfer et maintenant que son compagnon est près de lui, il perçoit une discrète odeur de sueur. Il ne sait pas si c'est à cause des endorphines qui éclatent joyeusement dans son cerveau mais une brusque bouffée de désir pulse soudain dans son bas-ventre.

Le brun rajuste maladroitement son pantalon et son jersey avant d'emboîter le pas à Chris qui marche lentement en long et en large devant la maison. Bon élève, il se concentre sur sa respiration, s'oblige à rester bien droit et constate avec soulagement que son point de côté disparaît lentement.

Leurs baskets sont sales alors le blond leur fait contourner la maison pour gagner la terrasse sur le lac en évitant de salir le beau parquet en pin de Californie du salon.

Sandy se met à bondir et à japper bruyamment de l'autre côté de la baie vitrée, folle de joie de les voir enfin revenir. Elle saute vigoureusement et marbre le verre de traces de patte et de bave. Bucky grimace.

— « Je vais la faire sortir et nous chercher à boire. »

— « Je tuerai pour un thé glacé », soupire exagérément le brun.

— « Il n'en y a pas dans le frigo et tu te réhydrateras bien mieux avec de l'eau. J'ai mis une bouteille au froid avant notre départ. »

Bucky opine, un peu déçu. Il relève la tête en sentant le regard de son compagnon peser sur son visage et il hausse un sourcil. Chris sourit doucement et se penche rapidement sur lui pour l'embrasser, juste lèvres contre lèvres. Le brun cligne des yeux.

— « Je suis vraiment content que tu sois venu avec moi », souffle-t-il contre sa bouche.

— « … Profites-en parce que je ne suis pas certain que ça se reproduise. »

Chris s'esclaffe. Il l'embrasse une nouvelle fois puis va ouvrir la baie vitrée. Bucky arpente encore la terrasse, le pas toujours un peu raide. Il sourit en sentant le museau pointu et tiède de Sandy lui entrer dans la cuisse.

— « Bonjour Sand'. »

Il ricane d'embarras quand la chienne enfonce brusquement sa tête entre ses cuisses et le renifle bruyamment. Le brun la repousse d'une main. Sandy jappe joyeusement, le contourne et reprend son exploration olfactive avec attention.

Bucky jure quand elle met soudain son museau sous ses fesses et force pour passer la tête entre ses cuisses.

Revenu de la cuisine, une bouteille et deux verres à la main, Chris éclate de rire en le voyant se débattre un peu inutilement. La chienne trouve ce jeu d'attrape-souri très amusant.

— « Elle apprécie l'odeur de tes efforts », se moque gentiment le blond en lui tendant un verre.

Sandy s'acharne.

Chris retire sa veste zippée et la donne à la chienne qui enfouie immédiatement son museau dans les plis du tissu et inspire bruyamment. Bucky hausse un sourcil. Animal sauvage.

La vue du torse de son compagnon dans son tee-shirt humide est ridiculement plaisante.

Il se mord les joues et cache son sourire sur le bord du verre. Il avale cul-sec. L'eau est agréablement fraîche et son goût est meilleur que celle d'Eureka. Il soupire de contentement.

Chris le ressert, lui dit de boire lentement et de continuer à marcher.

Bucky regarde Ruth Lake.

Le soleil est pleinement levé à présent. Il scintille sur l'eau sombre, illumine le paysage alentour et fait monter de la terre des odeurs sèches et résineuses. Le brun inspire à pleins poumons. C'est le paradis.

Chris s'arrête à côté de lui. Son verre dans une main, il caresse distraitement ses reins de l'autre tandis qu'il contemple le lac.

— « C'est le meilleur moment de notre séance », sourit-il.

— « C'est le second. Le meilleur moment, c'est quand nous nous sommes arrêtés. »

Si Bucky n'était pas en sueur et très poisseux, il se rapprocherait pour se coller contre lui, flanc contre flanc. Il se contente de sourire, les lèvres sur le bord de son verre. La caresse fait agréablement picoter le bas de son dos.

Sandy a cessé de lui tourner autour avec insistance alors il achève de se détendre. Cela fonctionne jusqu'à ce qu'il voie la chienne faire soudain volte-face puis traverser la terrasse dans une course folle. Comme un ralenti cinématographique, il assiste à son plongeon dans Ruth Lake dans une grande gerbe d'eau, les pattes ramassées sous elle et le corps tendu.

Bucky jure bruyamment. Pourquoi Sandy a-t-elle décidé d'aller se baigner maintenant dans l'eau sentant la vase ? Il ne le saura jamais mais la seule perspective du bain à venir le fait se raidir désagréablement. Dire qu'il était si heureux d'être rentré.

— « Sandy ! Sors de là ! »

Chris se contente de hausser les épaules en souriant. Il glisse sa main de ses reins à sa hanche et faufile ses doigts sous son jersey pour toucher sa peau nue. Le contact est brûlant, languide mais, bon sang, Sandy patauge allègrement dans le lac juste devant lui. Bucky ne peut pas pleinement apprécier la caresse. … Pas tout à fait.

— « Je la rincerai, n'y pense pas », souffle le blond en effleurant sa tempe du bout de son nez.

— « Il faut la laver, Chris, elle va sentir la vase. »

— « Je m'en occuperai aussi. Il y a un tuyau d'arrosage à côté de la terrasse, Sandy préférera peut-être être baignée dehors que dans une baignoire. Et j'ai vu du shampoing pour bébé dans les placards de la salle de bain. »

Bucky se mord les joues. Sandy nage puissamment devant la terrasse, la tête hors de l'eau et un bâton dans la gueule. Tout cela pour un morceau de bois comme elle en a déjà tant chez eux. Il est exaspéré.

— « … Ne compte pas sur mon aide », marmotte le brun.

Ses muscles douloureux le rendent grognon mais Chris embrasse ses cheveux. Bucky croit l'entendre respirer profondément et il gigote de gêne. Sa tête aussi est poisseuse de sueur, des mèches collent à ses tempes et à sa nuque.

Le blond siffle pour rappeler la chienne qui s'éloigne un peu trop mais les pilotis sont trop hauts pour lui permettre de remonter seule. Bucky roule des yeux tandis que son compagnon s'éloigne de lui, s'accroupit pour saisir la chienne à bras le corps et la remonter d'un puissant coup de reins.

La queue droite et la tête levée, Sandy vient lui présenter son trophée avec une adorable fierté mais le brun a seulement l'impression de sentir déjà l'odeur puissante de vase et de remugle. Il grimace.

Chris se redresse et essuie ses mains sur son pantalon. Son tee-shirt est maculé d'eau vaguement brunâtre et le tissu colle à ses muscles.

— « Tu es prêt à t'étirer ? », lui demande-t-il.

Bucky louche un peu sur le relief de ses abdominaux et acquiesce lentement. L'endorphine commence à refluer, lui laissant le corps un peu las et la peau collante et froide.

Chris lui retire gentiment son verre des mains, le brun lui emboîte paresseusement le pas pour gagner le salon de jardin de la terrasse. Le brun est consciencieux et appliqué, son compagnon lui répète que c'est important pour éviter les courbatures, mais quoi qu'il fasse, il est persuadé d'avoir l'air un peu ridicule et beaucoup moins… tout que Chris dont les formes puissantes saillent joliment sous l'étoffe humide de ses vêtements.

Quand le blond s'étire, il ressemble à un de ses athlètes de l'équipe de football américain que Bucky lorgnait à l'université quand il revenait de l'entraînement. Même couvert de boue, il était encore sexy quand il s'étirait dans des postures peu naturelles.

Chris est comme ça.

Le blond est tout en longues lignes musclées, de l'arrondi de ses épaules à la courbe de ses fesses ou de ses mollets. Le brun l'observe travailler lentement son quadriceps et son psoas droit. Oui, vraiment une belle ligne.

Bucky l'imite. Le soulagement le fait soupirer de plaisir et il tire encore un peu, sa main agrippée à sa cheville droite.

— « Ne force pas sur tes mouvements ou tu vas te blesser », le conseille Chris en changeant de jambe.

— « Même si ça fait du bien ? »

— « Surtout si ça fait du bien. Tes muscles sont déjà un peu lésés par notre sortie, tu ne dois pas les traumatiser davantage. »

— « … Quel est l'intérêt de faire du sport si c'est mauvais pour le corps ? », demande Bucky avec mauvaise foi.

— « Tu exagères, tu sais que c'est une question de dosage », ricane Chris. « Tu dois juste sentir une légère tension dans tes muscles, pas la sensation d'un élastique sur le point de rompre. »

Ah. Le brun relâche un peu sa prise sur sa cheville gauche. Dommage, c'était vraiment plaisant.

À présent, Chris étire ses mollets, le pied reposant sur le talon, les fesses en arrière et la jambe opposée légèrement pliée. Bucky se mord les joues. Ne pas trop tirer, d'accord, mais bon sang, ça fait vraiment du bien.

Encore quelques minutes pour détendre le haut de leurs corps en roulant les épaules et en étirant les bras au-dessus de leur tête et c'est fini.

Le brun penche longuement la tête à droite puis à gauche, en avant puis en arrière.

— « Maintenant que je me suis bien étiré, est-ce que je peux aller me laisser tomber sur la banquette ? », demande-t-il avec espoir.

— « Tu parviendras à te relever seul ? »

— « Je préfère savourer l'instant présent pour le moment. »

Chris éclate de rire.

Bucky tapote les coussins et l'assise avant de s'y avachir sans grâce. Ses muscles protestent encore mais le brun les ignore courageusement. Il tire la table basse à lui pour poser ses pieds dessus, demande pardon en silence à Susan mais la position est si confortable qu'il s'adosse presque voluptueusement contre le dossier.

Le brun lève légèrement la tête, offrant son visage au soleil qui perce les frondaisons des grands pins qui ombrent la terrasse.

Profond contentement. Immense béatitude. Plaisir presque sensuel.

Il gratte Sandy derrière les oreilles quand la chienne vient poser sa tête sur sa cuisse. Dans son paradis, il n'y a plus d'odeurs de vase ou de chien mouillé.

Chris s'assoit à côté de lui et les deux hommes contemplent Ruth Lake dans un silence confortable.

Le soleil est suffisamment chaud pour indiquer la matinée est déjà bien avancée. À peine quelques heures encore sur place et les deux hommes devront retourner à Manila. Bucky soupire légèrement et s'avachit contre l'épaule solide de son compagnon.

— « Je n'ai pas envie de rentrer… »

— « Moi non plus. Je suis content que Susan nous ait proposé de rester pour le week-end mais ça a été trop court. »

Le brun acquiesce lentement, frottant sa joue contre l'épaule de Chris. Ils sont déjà mardi matin et ils ont prévu de partir après le déjeuner. Ou dans l'après-midi s'ils décident de faire traîner les choses le plus longtemps possible. Bucky soupire doucement. Ils sont bien partis pour.

— « Tu pourrais peut-être demander un autre jour de congé. On rentrerait demain », suggère-t-il avec espoir. « Je ne serai pas non plus contre des vacances un peu plus longues. Jusqu'à ce que tu me proposes de venir à Ruth Lake, je n'avais pas conscience de combien j'en avais besoin. »

— « J'ai un rendez-vous demain matin sur le chantier de Clark Street et je ne peux pas le décaler. » La voix de Chris suinte presque de regret. « On pourrait revenir au printemps. Ou aller ailleurs. »

Bucky se redresse légèrement et sort la tête de son giron. Le blond lui sourit un peu timidement et il déglutit. Il n'est pas au courant de tout. Son compagnon se racle la gorge.

— « La proposition de Susan est arrivée à un moment où je regardais déjà un séjour à Clear Lake ou dans la forêt nationale de Mendocino », admet-il après un silence. « Je m'étais dit que ça aurait été bien de t'offrir un long week-end dans un bel endroit, juste tous les deux sans Sandy. »

— « Tu prévoyais des vacances surprises sans ta fille ? », le taquine Bucky.

— « Sam et Maria auraient été ravis de la prendre en pension complète chez eux pour quelques jours. Ton meilleur ami la gâte bien plus que moi. »

Le brun rit doucement. C'est vrai et ça rend Sandy parfois horriblement capricieuse quand elle revient à la maison. Une fois, il a dû changer la marque de ses croquettes à cause de ça. Elle refusait de manger autre chose que des aliments au goût de ragoût de bœuf à la française. Sam, contrit, avait payé les deux premiers paquets hors de prix avant que la chienne ne redevienne raisonnable.

Chris hausse légèrement les épaules.

— « … Je pensais que ça aurait pu être bien de quitter Eureka un petit moment pour nous retrouver ensemble. On n'aurait pas eu besoin d'aller très loin, il y a de très beaux endroits dans les environs à la fin de l'hiver. Ou on pourrait partir plus tôt et plus loin pour aller chercher la chaleur. Le Yucatán a l'air sympa en décembre et janvier. »

— « Tu veux m'offrir des vacances au Mexique ? »

Le jeune homme se tortille légèrement de gêne. Bucky pose une main sur sa cuisse pour le faire cesser. Ce n'est pas méchant ni accusateur, en fait il trouve l'idée très agréable, même sans partir aussi loin du comté d'Humboldt. Il presse gentiment sa jambe, il sait que Chris n'a pas tout dit.

— « … Tu regardais une brochure publicitaire sur le Mexique la dernière fois qu'on était au restaurant et qu'on attendait notre commande », lui rappelle-t-il doucement.

— « Ils avaient du retard sur sa préparation et j'avais faim, c'était un moyen de me changer les idées plutôt que de commencer à ronger le comptoir. »

Chris sourit affectueusement. Il enroule un bras autour de ses épaules pour l'attirer à nouveau contre lui.

— « Si tu as des envies d'ailleurs, je pourrais aussi t'emmener à Cuba ou dans les Caraïbes. »

— « C'est loin, on devrait rester au moins une semaine pour que cela soit intéressant. »

— « Est-ce que ce serait une mauvaise chose ? »

Non, certainement pas. Bucky n'a rien contre l'idée de batifoler avec Chris sur une plage de sable blanc sous des cocotiers à côté d'une mer turquoise. Il fait si chaud dans les Caraïbes en hiver, son compagnon se promènerait probablement tout le temps torse-nu, juste en short de bain. Tout en peau chaude et dorée, ses cheveux plus clairs que jamais.

Le brun se mord les joues.

Mince. Oui, ils pourraient.

Chris frotte doucement son nez contre sa tempe. Bucky cligne des yeux. Une vision d'eux dans la même attitude, assis dans un salon de jardin en teck sur la terrasse sur pilotis d'une cabane, presque les pieds dans l'eau. Ils pourraient faire l'amour en plein soleil, en plein air, personne ne les verrait. Oh. Ah.

Il déglutit.

— « Depuis que j'habite avec toi tu n'as jamais pris réellement de congé pour toi. Et on pourrait… fêter quelque chose ensemble. Les six mois de notre rencontre ou les quatre mois de notre couple quand ce sera le moment », reprend le blond. « J'ai manqué ton anniversaire et j'aimerai bien avoir quelque chose à célébrer avec toi. »

Là, Bucky est bien en peine de répondre quoi que ce soit à une telle déclaration. Dans d'autres circonstances, avec une autre personne, il sourirait sans doute et dirait que c'est un peu trop romantique. Il le dirait sans doute mais jamais Camden n'a fêté quoi que ce soit de ce genre avec lui. Ou en tout cas, pas de cette manière. Alors il sourit, glisse sa main sur sa cuisse et caresse distraitement l'intérieur en hochant la tête.

— « … C'est une très bonne idée », admet-il doucement.

Chris marmonne quelque chose qui ressemble à un accord.

Bucky effleure toujours sa jambe, trace des dessins abstraits du bout des doigts. Ils ressemblent un peu à des arabesques, à de petits cercles mais le relief des muscles sous le coton du pantalon le distrait. C'est ferme, chaud et solide, ça tressaille doucement sous ses caresses.

Le brun dodeline un peu de la tête. Les endorphines coulent encore dans ses veines, dans sa chair. Elles plongent son esprit dans un agréable brouillard et rendent son corps mou et languide. Bucky a vaguement conscience que ses caresses à l'intérieur de la cuisse de Chris sont un peu indolentes, que sa main remonte peut-être un peu trop haut vers son aine. Sans doute mais ça ne prête pas à conséquence. Ce n'est pas une invitation sensuelle, juste son propre plaisir de sentir le corps puissant de Chris s'abandonner aussi contre le sien et sa respiration chaude sur son visage. Juste un profond bien-être et beaucoup d'amour et de tendresse.

Alors que ses doigts sont haut, très haut sur le muscle cour adducteur, Chris tressaillement.

— « Bucky », croasse-t-il légèrement.

Le brun fredonne doucement, tourne paresseusement la tête pour embrasser sa mâchoire.

Son compagnon bouge imperceptiblement sur la banquette, son genou droit entre dans le sien.

Bucky se contente de sourire doucement.

Il sourit encore quand Chris prend lentement son visage en coupe et l'embrasse. Qu'il l'embrasse comme s'il ne devait pas y avoir de lendemain, profondément, sensuellement.

Le brun frissonne de plaisir tandis qu'il crispe sa main sur sa cuisse. Il frissonne plus fort quand leurs langues se mettent à danser ensemble. C'est comme faire l'amour sans se toucher réellement et c'est bon.

Bucky attrape sa lèvre inférieure entre les siennes et suçote doucement. Chris gronde et un de ses bras s'enroule puissamment autour de sa taille pour le tirer à lui, sa paume déjà glissée sous son jersey pour cajoler ses reins nus.

Le brun entortille ses doigts dans le tee-shirt de Chris, le souffle court.

Il tire aussi, agrippe, tord, l'esprit bourdonnant agréablement.

Chris est trop loin de lui. Peu importe la manière dont ils se pressent l'un contre l'autre, il est trop loin. Pas assez en lui. Il respire à plein poumon l'odeur de transpiration de Chris, plus forte que celle de l'eau vaseuse de Ruth Lake et de la forêt. Leurs bras, leurs jambes sont un peu emmêlés tandis qu'ils sont l'un sur l'autre.

Ce n'est pas encore assez alors Bucky grogne un peu et, les mains sur les biceps de Chris, il le tire pour l'obliger à s'allonger sur lui.

Il soupire de contentement dans leur baiser.

C'est mieux, bien mieux.

Son compagnon se glisse entre ses cuisses, s'appuie sur ses avant-bras pour ne pas l'écraser de son poids. Bucky sourit. Ils bougent lentement l'un contre l'autre, le brun a crocheté un de ses pieds au mollet de Chris pour qu'il ne s'éloigne pas, surtout pas. Sa paume pétrit un peu sa hanche, son jersey est remonté sur son ventre. Il se cambre imperceptiblement de plaisir. Il veut sentir, il veut goûter.

Le brun enfonce ses doigts dans les cheveux de Chris et gratte doucement son crâne, sa nuque de ses ongles.

Les hanches de son compagnon ont un agréable sursaut contre les siennes et Bucky hoquette.

Oh, ouais.

Ils s'embrassent toujours mais leurs torses se frôlent, leurs bassins se touchent et Chris l'assaille de ses baisers en lui laissant à peine le temps de respirer. C'est parfait.

Quand le blond pétrit fortement ses reins et l'os saillant de sa hanche, un peu fiévreux et empressé, Bucky ne se retient plus. Il gémit et dévore tellement Chris dans leur baiser, exigeant et avide, que ce dernier ondule à nouveau inconsciemment contre lui.

Encore ses doigts sur lui, dans sa chair.

Bucky gémit plus bruyamment.

— « Excuse-moi, je ne voulais pas te faire mal », chuchote le blond contre sa bouche.

Le jeune homme rit tendrement.

— « Tu me fais tout sauf du mal Chris », répond-il en haussant un sourcil malicieux.

Bucky baisse brièvement les yeux sur leurs corps emmêlés, à leurs bas-ventres. Il sent le sien picoter agréablement et Chris est bouillant contre lui mais leurs sexes sensibles sont encore au repos. Il cajole gentiment sa nuque, joue avec les petits cheveux qui l'effleurent. Chris lui sourit d'un air gêné.

— « Je pensais que ça arriverait plutôt dans notre canapé que dans celui de David et Susan », souffle-t-il.

À ces paroles, Bucky grimace un peu. Touché. Cela sonne la fin de leur délicieuse récréation. Chris se redresse lentement mais le brun s'empresse d'enrouler ses jambes autour de son bassin pour le garder contre lui. Il prend son visage à coupe et picore doucement sa bouche, encore rougie et gonflée.

— « Tu te souviens ? On parle de ce dont on a envie quand on en a envie. »

Bucky le regarde dans les yeux, ses pouces caressent ses pommettes et Chris acquiesce lentement en bon élève. Bon sang, il veut entendre le blond parler de ses désirs. De son désir pour lui. Impossible de ne pas remarquer qu'il lui plaît de cette manière, les mouvements de ses hanches contre les siennes étaient assez explicites.

Bucky se mord les joues. C'est ridicule et gênant de penser à la manière dont le blond pourrait lui faire l'amour, juste en étudiant presque mathématiquement l'inclinaison de son bassin et le degré de frottement contre le sien. Vraiment. Mais il y pense quand même et ça fait renaître quelque chose de chaud dans son ventre.

Chris baisse les yeux sur son visage, un peu timide.

— « … J'en ai envie mais pas ici Bucky. Je ne trouve pas ça correct par rapport à Susan et David », avoue-t-il en gigotant un peu.

Le brun pourrait lui rétorquer que leur vieille amie y a probablement songé avant eux et que c'est la raison pour laquelle elle leur souriait avec tant de plaisir quand ils ont récupéré les clés à Providence. Peu importe ce qu'ils auraient fait dans la maison et de quelle manière. Mais Bucky reconnaît qu'il a raison. Chris le dévisage avec attention et le brun acquiesce. Il sourit. Ils sont d'accord sur l'idée d'ensemble. Ils en ont envie mais ailleurs. Chris enfouie son visage dans son cou, le brun referme ses bras sur ses épaules pour le serrer contre lui.

Bucky glousse.

— « … Alors tu y pensais, hein ? »

Le blond se recroqueville un peu contre lui et il rit affectueusement.

— « Je suis un homme normalement constitué », marmotte Chris contre sa peau.

— « Je m'en suis rendu compte tu sais. »

Son compagnon lui pince les côtes au sous-entendu sexuel. Bucky est extatique.

— « Je rêvais déjà qu'on faisait l'amour avant de t'avouer que je suis amoureux de toi », ajoute Chris d'un ton nonchalant.

Oh le petit… Bucky déglutit. Lui aussi mais entendre une autre personne le dire, c'est plutôt… chaud. Il joue distraitement avec une mèche dorée.

— « Tu as encore des révélations à me faire ? », demande-t-il d'un ton taquin et Chris marmonne dans son cou. « Tu ne peux pas me dire un truc pareil et ne rien détailler, c'est cruel. »

— « Ce n'était pas précis… », maugrée blond.

— « Mais tu savais que tu étais avec moi. »

— « … Il avait les cheveux noirs et un peu longs. Maintenant que tu le dis, ça pouvait aussi être Keanu Reeves… »

Chris sort la tête de son giron et éclate de rire tandis que Bucky le repousse brusquement pour s'asseoir, un peu vexé. Le blond le tire à lui et bécote sa nuque, ses lèvres pour se faire pardonner.

— « Bien sûr que c'était toi », s'esclaffe-t-il en roulant des yeux. « On faisait l'amour dans ma chambre au rez-de-chaussée. Je t'assure. »

Le brun lui jette un regard lourd et un peu noir. Chris lui sourit d'un air charmant, les yeux brillant de malice. Bucky hausse les épaules.

— « Est-ce que la réalité correspond à ce dont tu rêvais ? », lui demande-t-il d'un ton pince-sans-rire.

— « … C'est mieux. »

Le blond le serre contre lui, les mains croisées sur son ventre et son torse contre son dos. Il appuie son menton sur son épaule. Bucky caresse distraitement ses jointures du bout des doigts.

— « Excuses acceptées. »

Chris le remercie d'un baiser malicieux sous son oreille droite. Le brun cale plus confortablement son dos contre son torse et observe Ruth Lake. Il sent la sueur sécher sur sa peau et cela le fait légèrement frissonner. Il voudrait que Chris l'enveloppe plus étroitement encore dans ses bras. Son corps était bouillant contre le sien.

Bucky s'enfonce un peu contre lui.

Le soleil chauffe toujours mais une légère brise souffle depuis le lac, amenant sur la terrasse une fraîcheur un peu humide.

— « Tu as froid », note Chris en relevant la tête.

— « Reste contre moi, je vais me réchauffer. »

Le blond lui pince doucement la hanche et Bucky couine d'inconfort. Il lui jette un regard noir par-dessus son épaule.

— « Ce n'est pas une question Bucky, tu as froid. »

Le jeune homme tire machinalement sur l'élastique de son boxer à travers le coton de son jogging. La bande, rendue abrasive par le sel de sa sueur, frotte désagréablement contre sa peau. Son jersey colle aussi à ses épaules. Ça a soudain de l'importance, comme le fait qu'il a laissé Chris le peloter dans ses vêtements sales. Son compagnon plante un gros baiser sur sa clavicule, lèche brièvement sa peau à la jointure de son cou.

— « Tu as le goût du sel. »

— « Chris, c'est dégoûtant », grimace le brun.

Chris se lève, cherche Sandy du regard. La chienne est sagement couchée en plein soleil, en train de ronger un bâton. La vase a séché sur son poil doré, formant des croûtes brunâtres parfois constellées de brindilles et de petits débris végétaux pris dans les agglomérats odorants.

Bucky soupire. Fin de la lune de miel.

Le brun siffle pour attirer son attention mais la chienne l'ignore superbement. Son compagnon a à peine le temps de finir de prononcer son nom, Sandy se redresse et trottine jusqu'à lui, morceau de bois dans la gueule.

— « Je n'arrive pas à le croire. Elle habite avec moi depuis sept ans alors comment tu peux arriver à la faire obéir en à peine quatre mois ? », grommelle-t-il en roulant des yeux.

— « Sandy et moi, nous avons une connexion. »

— « J'espère qu'elle va te rendre la tâche très difficile quand tu la laveras au jet », réplique Bucky du tac-au-tac.

Chris rit joyeusement. Il l'embrasse rapidement sur les lèvres avant d'attraper la chienne par son collier pour la garder avec lui.

— « Tu devrais rentrer et aller prendre une douche. Mets de l'eau très chaude, ça t'aiderait à décontracter tes muscles. »

Bucky veut protester mais il éternue soudain si bruyamment que Sandy sursaute. Il lève les mains devant lui en signe d'apaisement et de reddition. Il frissonne fort de toute manière. Le brun voit les fils poils dorés sur les avants-bras de Chris se hérisser.

— « Tu as froid aussi. »

— « La sueur a séché et mes vêtements sont encore humides mais ça peut attendre. Cette boue colle aux poils de Sandy, je préfère la laver maintenant. Tu veux me ramener le shampoing pour bébé avant de t'enfermer dans la salle de bain ? »

Le brun hésite. Chris a vraiment froid, il a l'impression de voir ses tétons pointer légèrement sous le coton de son tee-shirt. Il se mord les joues.

— « Je n'en ai pas pour longtemps, j'irais me doucher plus tard », l'assure le blond.

— « … Ou tu peux me rejoindre. On peut la prendre ensemble. »

Bucky lui sourit d'un air un peu gêné. Mince, il ne penserait pas que son invitation sonnerait aussi… invitante. Toujours penché vers Sandy, Chris lui jette un regard.

— « Bucky… »

— « Ce n'est qu'une douche Chris, rien de plus. Je ne vois pas non plus de grande différence entre le salon de jardin de Susan et David et leur grande douche à l'italienne. C'est juste pour une douche. »

— « … Ce n'est rien de plus ici, n'est-ce pas ? Les choses seront différentes quand on sera rentré à Manila ? On pourra être ensemble ? »

Bucky sent ses oreilles chauffer un peu. Bon sang, ces questions…

— « Si c'est aussi ce que tu veux. Je te taquinais avant, nous ne sommes pas obligés de parler de sexe maintenant », acquiesce-t-il.

Chris joue distraitement avec l'oreille de Sandy. La chienne se tortille d'aise contre lui.

— « Je le veux. Depuis quelque temps, c'est plus difficile de se séparer pour la nuit et de dormir séparément », avoue-t-il en la regardant attentivement.

Bucky sourit. Il caresse gentiment l'arête de sa mâchoire pour attirer son attention avant de l'embrasser.

— « Je vais t'aider et nous irons ensemble. »

— « Tu vas attraper mal Bucky. Je m'occupe d'elle », proteste le blond avec obstination.

Il roule des yeux avec tendresse. L'embrasse une nouvelle fois.

— « Alors fais vite et dépêche-toi de me rejoindre. Tu risques de ne plus avoir d'eau chaude, je suis vraiment glacé. »

Chris rit doucement. Bucky entre dans la maison, il s'empresse d'attraper un gilet pour s'enrouler dedans tandis qu'il va chercher le flacon de shampoing. Le brun retrouve son compagnon à côté de la terrasse, le jet déjà ouvert dans une main qu'il présente à Sandy. Le robinet extérieur est raccordé au réseau d'eau chaude pour se transformer une douche d'été au besoin. La chienne patauge prudemment dans la petite flaque qui se forme devant elle, le corps frémissant.

Il dépose avec soin la bouteille et une serviette sur le bord. Chris le remercie d'un sourire.

— « Bucky ? » Les bras frileusement serrés autour de lui, le brun s'arrête sur le seuil. « On rentre à Manila aujourd'hui, n'est-ce pas ? »

— « Tu ne peux pas prendre de jour de congé supplémentaire alors je pensais qu'on pouvait partir dans l'après-midi », acquiesce-t-il.

— « D'accord. … Je dors du côté gauche du lit. »

Bucky hausse un sourcil avant de ricaner. Il lui envoie un baiser du bout des doigts en papillonnant exagérément des yeux et entre en riant. Lui-même est parfaitement heureux d'occuper le côté droit, il n'en demandait pas tant. Bon sang, il est tellement amoureux.

À quelques pas, il se fige. Reste un instant immobile avant de rebrousser chemin.

— « Tu me rejoins dans ma chambre ? »

Malgré les quelques mètres qui les séparent, le brun voit son compagnon rougir un peu.

Chris acquiesce.