Mes petits chats,

La vie se poursuit à Eureka et dans la maison de Manila, toujours douce mais un peu moins tranquille dans cette vingtième partie :)

J'espère qu'elle vous plaira.

Je vous laisse immédiatement en leur compagnie.

Bonne lecture et à bientôt,

ChatonLakmé


Les tempêtes sont notées selon l'échelle dite de Saffir-Simpson, découpée en catégories en fonction de la puissance des vents (de force 1 – vents de 119 à 153 km/h – à force 5 – vents supérieurs à 252 km/h). Une tempête peut évoluer et se transformer un ouragan. L'anecdote concernant l'ouragan Linda est authentique. En 1997, il a été la tempête la plus puissante jamais enregistré dans le Pacifique oriental avant d'être supplanté par l'ouragan Patricia en 2015.Sur la côte Est et Sud-Est des États-Unis, la saison des tempêtes s'étend de mai-juin à novembre.

La carte du Tendre est la carte du pays imaginaire éponyme inventé au XVIIe siècle en France par les écrivains galants. Elle décrit de manière topographique et allégorique les différentes étapes de la vie amoureuse, laquelle commence dans la ville « Nouvelle amitié » avant de se poursuivre par exemple dans les villages « Billet doux » ou « Affinité ». La carte décrit aussi les écueils de la malhonnêteté ou des faux sentiments, tels que les lieux-dits « Perfidie » ou encore « Oubli ».

Dasani, Arrowhead et Sierra Springs sont des marques d'eau minérales américaines (les deux dernières sont californiennes). Dasani est la première compagnie d'eau embouteillée en Amérique du Nord.

Le Magicien d'Ozest un film musical américain sorti en 1939 avec Judy Garland. Il raconte les aventures de Dorothée, une jeune orpheline du Texas, transportée avec sa maison au pays merveilleux d'Oz après une tempête. Elle doit libérer les habitants du joug d'une horrible sorcière portant des souliers rouges magiques, lesquels lui permettent à la fin du film de rentrer chez elle.


L'homme de la plage

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Vingtième partie


Fin novembre


Le portable de Chris vibre bruyamment sur la table de chevet et résonne dans la chambre encore plongée dans l'obscurité.

Bucky ouvre paresseusement un œil, le referme quand l'appareil redevient silencieux, puis grommelle à la nouvelle vibration excitée. Il enfonce son visage dans l'oreille. L'écran rétro-éclairé illumine presque la chambre alors que quelques rayons du soleil matinal peinent à traverser les épais rideaux devant la baie vitrée.

Le brun frotte son nez contre la taie d'oreiller, un mot très peu poli aux lèvres.

Non loin de lui, il entend Sandy s'étirer et bailler bruyamment au pied du lit, encore allongée de tout son long sur son coussin.

Le jeune homme ferme fort les paupières et maudit le portable qui continue à tressauter joyeusement sur la table de chevet. Plus encore, il invective copieusement l'indélicat qui est en train d'appeler à une heure bien trop matinale pour oser déranger les honnêtes gens.

Bucky entrouvre un œil, jette un regard à son radio réveil avant de froncer le nez. Mince, déjà neuf heures. Il ne l'aurait jamais cru.

La vibration est bruyante et désagréable, il tâtonne d'un geste un peu vague derrière lui avant de presser une cuisse, chaude et douce. Il serre un peu plus fort parce que, vraiment, ce son est insupportable alors qu'il est encore plongé dans la béatitude qui suit une excellente nuit de sommeil et d'amour.

Aller, décroche que ça se finisse.

Chris ne bouge pas et Bucky pince les lèvres. Il presse plus fort.

— « Chris, s'il te plaît… Ça hurle dans la chambre », marmotte-t-il.

Les muscles ondulent sous la peau quand le blond roule enfin sur le côté pour s'emparer de l'appareil trop bruyant. Le matelas bouge doucement, la couette est tirée sur son torse.

Bucky roule à son tour pour contempler le dos nu de son compagnon. Il remercie Chris d'une caresse paresseuse sur les reins quand son compagnon décroche enfin.

— « Allô ? », marmonne-t-il d'une voix lourde et rauque.

Le brun esquisse un sourire languide. Chris est toujours adorablement ronchon au réveil il a ce ton un peu pâteux, pas très réveillé que Bucky trouve adorable.

À côté de lui, son corps exsude de chaleur et de l'odeur du sommeil, il adore ça. Il rampe un peu sur le matelas pour se rapprocher de lui. Sa main effleure ses reins une dernière fois avant de s'accrocher à sa hanche. Le blond a la peau chaude, si chaude qu'il dort toujours à demi-nu malgré les températures plus fraîches des nuits de novembre. Bucky aime ça aussi. Il ne se lasse pas non plus de le voir se lever le matin pour partir sur un chantier, son pantalon de nuit bas sur les hanches, si attendrissant avec les traits froissés de son visage.

Le brun enfonce son visage dans son oreiller avec un sourire béat. Depuis trois semaines et leur première nuit ensemble, il vit les meilleures matinées du monde.

— « Bucky ? »

— « Je ne suis là pour personne, je dors », grommelle-t-il.

Ses doigts glissent distraitement sous la couture du pantalon de Chris, un peu plus devant, et le blond gigote contre lui. Il tente de se retourner, d'attraper sa main pour l'éloigner mais Bucky effleure par inadvertance son bas-ventre et Chris siffle doucement. Le brun croît entendre un éclat de rire dans le combiné.

— « Toi aussi, tu dors. Raccroche et viens contre moi », susurre Bucky en tentant de l'attirer à lui.

— « Je le ferai mais tu dois parler à Sam avant. Il a tenté de te joindre sur ton portable, il a quelque chose de très important à de te demander. »

Le portable à la main, son compagnon se coule doucement contre lui pour chercher sa chaleur et le parfum de sa peau. Bucky grogne.

— « Je lui ai déjà dit deux fois que je serai son témoin. Tu peux lui affirmer que je n'ai pas changé d'avis. »

— « … Il affirme que c'est encore plus important que ça. Sam insiste vraiment pour te parler. »

Chris s'allonge contre lui, sa tête sur son épaule et le portable posé sur son ventre. Bucky roule des yeux et s'en empare sans envie en se redressant un peu contre son oreiller. Le blond passe un bras en travers de son torse, lourd et paresseux. Le jeune homme lève une main pour caresser tendrement ses cheveux en même temps qu'il colle l'appareil à son oreille.

— « Quoi, Sam ? »

— « Ah Buck' ! Tu es réveillé, c'est parfait ! »

— « Tu nous as réveillés. Qu'est-ce que tu veux ? »

— « Bœuf ou porc ? »

Bucky cligne des yeux.

Il aimerait se pincer l'arête du nez d'exaspération mais Chris a toujours la tête sur son épaule et son souffle dans son cou elle pèse si lourd que le brun est persuadé qu'il est en train de se rendormir.

Son compagnon embrasse maladroitement son bras du bout des lèvres comme un encouragement silencieux. Bucky sourit et joue distraitement avec les cheveux un peu longs dans sa nuque. Si mignon.

— « De quoi est-ce que tu es en train de me parler ? Chris et moi sommes encore en lit, nous n'avons pas encore mangé et t'entendre parler de barbecue est presque écœurant. Il est neuf heures pour l'amour de Dieu, les honnêtes gens dorment encore. »

— « … Les honnêtes gens sont déjà réveillés et affairés Buck', ils ne traînent pas au lit en se chatouillant l'air de rien. »

— « On ne se… Oh peu importe. » Bucky roule des yeux. « Qu'est-ce que tu veux ? Et sois bref s'il te plaît. »

— « Je te demanderai aussi de garder ta félicité pour toi. Tu es mon meilleur ami encore pur et innocent de plus de vingt ans, je n'ai pas envie de savoir ce que tu fais au lit avec Chris, et son corps et le tien. »

— « Menteur », ricane le brun.

— « C'est vrai mais je t'appelle pas pour te parler de barbecue. C'est pour Sandy. »

— « Quel rapport entre Sandy et le bœuf ou le porc ? », grogne Bucky d'un air las.

— « C'est pour choisir son os spécial tempête. Maria et moi sommes en ville, en train d'attendre devant le boucher sur F Street pour elle. Qu'est-ce qu'elle préfère ronger Buck' ? Un os de bœuf ou un os de porc ? »

Le brun cligne de yeux d'un air un peu stupide. Ses doigts sont toujours plongés dans les mèches soyeuses et dorées de Chris, ça le distrait un peu.

Bucky baisse légèrement la tête. Il remarque qu'elles commencent à foncer très légèrement depuis que le chaleureux soleil estival a cédé sa place à l'automne, bien installé maintenant dans le comté d'Eureka.

— « Buck' ? Je suis désolé de te déranger en pleine lune de miel mais je dois savoir. Maria ne me pardonnera jamais si je fais le mauvais choix et il n'y a plus que de trois clients devant nous. … Non, plus que deux maintenant. »

— « … Tu sais que c'est aussi écœurant que la perspective d'un barbecue ? »

— « Eh bien réponds-moi vite et nous pourrons raccrocher. Bœuf ou porc ? »

Bucky ricane. Il penche la tête, embrasse le front de Chris qui soupire d'aise contre lui.

— « Achetez un os à moelle de bœuf, c'est que ce Sand' préfère. » Il fronce les sourcils. « Il me semblait vous avoir dit qu'on l'achèterait avant de vous amener Sandy pour la nuit. »

— « C'est vrai mais Maria et moi on veut lui faire ce petit cadeau de bienvenue. »

- « Sandy était chez vous il y a trois jours quand vous nous avez invités à prendre l'apéritif… »

Sam râle outrageusement dans le combiné.

— « Tu es tellement pince-sans-rire quand on te réveille. »

Le brun s'esclaffe. Il regarde Chris avec émerveillement quand celui-ci embrasse encore son épaule pour lui rappeler qu'ils ne sont pas encore officiellement levés et qu'ils doivent paresser au lit. Trois semaines, il peine encore à croire à son bonheur.

— « Est-ce que vous serez rentrés de vos courses à treize heures ? On sera probablement en ville à ce moment-là pour vous l'amener. »

Un coup de klaxon résonne bruyamment à son oreille et Bucky grimace. Qu'on le laisse donc en pleine lune de miel, le vrai monde est trop désagréable.

— « Bon sang Buck', on sera rentré bien avant ça. C'est la folie à Eureka en ce moment. Où est-ce que vous êtes Chris et toi ? Mandy doit toucher les côtes de la Californie à dix-sept heures ce soir. »

Le brun se mord les joues, un peu penaud. C'est vrai qu'il est plus organisé que cela d'habitude mais – Oh, Chris vient d'emmêler doucement ses jambes aux siennes. Bucky a une bouffée de chaleur. Il pense sentir son érection matinale contre sa cuisse, aussi paresseuse que son grand corps délicieusement alangui contre le sien.

— « … On est encore au lit », admet-il doucement.

— « Tu batifoles alors que tu n'as pas fini de préparer ta maison pour la tempête et qu'il te reste des courses à faire ? Bon sang, réveille-toi mon pote ! »

La voix de Sam n'est plus amusée du tout, juste franchement désapprobatrice et Bucky se sent un peu coupable.

La respiration de Chris est lente et chaude dans son cou, sa barbe frotte doucement contre son épaule et le brun fronce les sourcils. Son meilleur ami exagère, Mandy n'est pas la première tempête qu'il affronte à Manila, il pourra parfaitement y faire face avec un peu plus de retard et un peu moins d'anticipation que d'habitude. Il s'est installé à Eureka avant lui après tout.

— « Ne me dis pas de me dépêcher, je vais le faire », grogne-t-il en massant la nuque de Chris du bout des doigts. « On t'envoie un message quand on sera dans votre quartier. Est-ce que Maria et toi avez tout ce dont vous avez besoin ? »

— « Buck', les gens très amoureux mais depuis plus longtemps que vous sont aussi plus pragmatiques. Pensez à vous mais après avoir sécurisé la maison. Chris et toi aurez tout le temps de vous chatouiller une fois la tempête passée. »

— « Je raccroche Sam », siffle le brun en sentant ses oreilles chauffer un peu.

Son ami éclate de rire dans le combiné mais Bucky a déjà coupé la communication.

Il pose le portable de Chris un peu à l'aveugle sur sa table de chevet, roule sur le côté pour l'enlacer. Les bras de son compagnon s'enroulent aussi immédiatement autour de lui. Bien lovés l'un contre l'autre, ils se cajolent paresseusement. Doigts sur les reins et le long des flancs.

— « C'est un peu dégoûtant de t'entendre parler d'os et de moelle à neuf heures du matin… », maugrée Chris dans ses cheveux.

— « C'est tout aussi dégoûtant à dire et à penser. … Je déteste Sam. »

Son compagnon rit doucement contre lui, son torse se soulève contre le sien.

Bucky enfouie son nez dans son cou et inspire profondément.

— « Il faut penser au ruban. »

— « Quoi ? »

— « Le ruban rouge. Il faut en mettre un autour de l'os, Sandy aime bien le mâchonner aussi. Ça l'aide à atténuer son stress. »

— « Elle ne risque pas de l'avaler ? »

— « Rassure-toi. Ta fille est parfaitement et normalement constituée, elle s'en désintéresse rapidement pour préférer mâchonner son os. » Il étouffe un bâillement contre son épaule. « Fais-moi penser à prendre son hippocampe en peluche, c'est aussi son jouet préféré. »

Chris acquiesce lentement, sans trop d'envie. Bucky sourit et frotte doucement sa bouche contre sa clavicule. Son premier suçon a disparu depuis longtemps mais son compagnon frissonne doucement.

— « Je sais que tu n'as pas envie de la voir quitter la maison pour la nuit mais tout se passera bien. Sand' sera très bien chez eux. »

— « Elle serait tout aussi bien ici avec nous. »

— « Je t'aime et je ne veux pas te vexer mais tu ne sais pas très bien la manière dont elle peut réagir. »

— « … Tu as dit la même chose quand tu refusais qu'elle dorme avec toi. Maintenant, tu es le premier à admettre qu'elle se tient parfaitement bien depuis qu'on a installé son coussin dans la chambre », s'obstine un peu Chris.

Bucky s'éloigne légèrement de lui et lui jette un regard lourd de sens. Son compagnon a le bon goût de rougir un peu de gêne. Non, le brun n'est pas près d'oublier la manière dont il l'a surpris une fois en train de papouiller dans la chienne sur leur lit tandis qu'elle se roulait d'aise dans leurs draps.

— « C'était exceptionnel, d'habitude je l'empêche de monter sur le lit. »

— « Bien entendu », ricane le brun.

Chris a raison mais le jeune homme se demande encore comment son compagnon a réussi à le faire revenir sur des années de principes éducatifs pour les beaux yeux veloutées de la chienne.

Il se mord les joues.

Si, Bucky le sait parfaitement bien en réalité et ça le met presque en colère contre lui-même. Il pensait être un peu plus fort que cela et pas prêt à céder juste pendant une époustouflante séance de baisers brûlants et de caresses dans la douche comme deux adolescents. Il sait que ce n'était pas un acte prémédité de son compagnon – Chris vibrait tellement de plaisir qu'il en bafouillait un peu et c'était adorable – mais il lui avait quand même demandé la chose après lui avoir ravagé la bouche d'une telle manière que Bucky avait les lèvres presque douloureuses. Le brun avait juste eu encore assez de souffle pour accepter.

Son compagnon presse ses reins pour le ramener contre lui et le jeune homme se laisse entraîner de bonne grâce.

À qui fera-t-il croire qu'il n'aime pas ça ? Il n'a jamais été un très bon menteur de toute manière.

— « Sandy pourrait encore te surprendre, elle est – »

— « Elle est incroyablement peureuse pendant les tempêtes à un point où cela la rend presque malade. Elle pleure, elle couine et je t'assure que c'est douloureux à entendre Chris. Elle sera mieux un peu plus loin de l'océan. Elle n'entendra pas les vagues. »

Chris soupire doucement et hoche finalement la tête.

Bucky le remercie d'un baiser sur la pomme d'Adam. Il soupire de contentement, se rapproche encore et glisse une jambe entre les siennes avant de crocheter son pied à sa cheville. Bien emmêlés, bien serrés.

Le brun déglutit. Il sent bien la toile de coton légèrement tendu du pantalon de nuit de Chris.

— « … Est-ce que les tempêtes d'automne sont aussi puissantes que ça ? », reprend finalement le blond après un court silence. « KMUD diffuse des messages d'alerte depuis plusieurs jours. »

— « Elles le sont tellement qu'elles se transforment parfois en ouragan. C'est rare mais une année, maman et moi avons dû quitter la maison par sécurité pour aller nous réfugier à Hayfork, beaucoup plus loin dans les terres chez un ami de David et Susan. Le fait que la maison soit restée debout est encore un mystère pour moi… »

Ce n'est pas son meilleur souvenir de jeunesse à Eureka.

En 1997, l'ouragan Linda, un force cinq le plus puissant jamais enregistré à l'époque, avait touché les côtes de la Californie et provoqué l'Apocalypse pendant trente-six heures avant de s'évacuer vers l'océan.

Bucky et sa mère avaient regagné Manila Beach le ventre tordu par l'angoisse, le brun assis derrière le volant car Winnifred Barnes se tordait trop les mains d'appréhension pour conduire. Le long de la route 101 en arrivant à Eureka, ils avaient vu des toitures arrachées, des arbres centenaires couchés au milieu de la route comme des géants décapités et le front de mer disparaître sous un amas de déchet charrié par l'océan en furie. Le paysage était devenu déchiqueté et morne, ponctué par les gyrophares colorés des pompiers et des voitures de police mais la maison de Manila Beach était restée debout.

Ils en avaient tous les deux pleurés de soulagement.

Bucky sent que Chris fronce les sourcils. Il lève légèrement la tête, sourit et caresse son front plissé pour l'apaiser.

— « Et nous, nous allons rester à Manila pendant la tempête ? »

— « Tu peux aller chez Sam et Maria avec Sandy si tu préfères. La Mercedes sera aussi en sécurité dans leur allée. »

— « Ne sois pas ridicule, il ne s'agit pas de ma voiture. Il est hors de question que j'aille me réfugier chez eux et que je sois cajolé avec des bonbons pendant que tu resterais seul ici », répond le blond d'un air un peu offusqué.

Bucky sourit affectueusement.

Si dévoué, si droit.

Si intuitif aussi parce que c'est exactement ce qu'il se passerait s'il restait chez leurs amis pour la nuit. Maria non plus n'est pas très à l'aise pendant la saison des tempêtes, le brun a découvert à cette occasion qu'elle compensait en mangeant aussi des cochonneries sucrées. Comme Sam. Un couple parfaitement assorti.

Chris ferme lentement les yeux sous la caresse, il brosse paresseusement leurs bouches l'une contre l'autre quand Bucky recommence à passer les doigts dans ses cheveux.

— « … Je pensais que tu plaisantais quand tu parlais de l'os spécial tempête. »

— « Je sais mais je t'assure que c'est très sérieux. Sandy se fait les crocs dessus, ça l'apaise et voir le ruban rouge l'aide aussi à se calmer. Souvent, elle le ronge dans un coin d'une pièce et je la couvre d'une couverture. Il faut la laisser seule, bien isolée dans son cocon. »

— « Ça n'a pas l'air beaucoup plus rationnel quand tu l'expliques », sourit Chris. « Je t'ai vu écrire dans un carnet hier soir quand on s'est couché. C'est une liste de choses à faire ? »

— « Oui. J'écris chaque année les mêmes choses mais ça me permet de ne rien oublier. »

— « Il y a beaucoup de lignes ? »

— « Quelques-unes. Mandy est une tempête de catégorie deux, KMUD a annoncé à des vents à plus de cent soixante kilomètres/heure », lui rappelle gentiment le brun.

— « … Est-ce qu'il est quand même acceptable de traîner encore un peu au lit ? »

Bucky s'esclaffe.

Bien entendu, jusqu'au dernier moment possible.

Ils parviendront à faire toutes ces choses plus rapidement à deux, c'est juste un jeu d'équilibriste, un calcul savant et c'est acceptable.

Le brun se persuade farouchement que c'est le cas parce que Chris est tout chaud et doux contre lui. Sous sa main, il sent sa large cage thoracique qui se gonfle puis se dégonfle au rythme lent de sa respiration le jeu discret des muscles, l'imperceptible frisson sur sa peau nue. Bucky fronce les sourcils et tire un peu plus la couette sur eux.

Son compagnon flatte aussi paresseusement son flanc, la courbe de sa cuisse et le creux de ses reins. Toucher volatile du bout des doigts, presque comme des baisers semés sur son corps.

Le brun ferme doucement les yeux pour savourer.

C'est aussi bon que de voir le très léger désordre de la chambre à coucher maintenant que Chris s'y est pleinement installé.

Son blouson en cuir n'est jamais rangé dans la penderie mais posé sur le dossier de la chaise à côté de la baie vitrée, ses chaussures de chantier prennent souvent l'air sur le balcon et le blond s'obstine à étendre sa serviette de toilette sur le garde-corps parce que « ça sèche mieux en plein air. » Bucky lui a rétorqué que l'humidité des vagues ne pouvait pas réellement l'aider et si son compagnon l'oublie, il récupère toujours une serviette rêche de sel et désagréablement poisseuse. Mais Chris s'obstine et le brun adore regarder les pans s'agiter doucement quand le vent souffle.

La table de chevet à gauche est devenue très intéressante aussi en trois semaines, comme un monde à part entière.

Elle est toujours perpétuellement encombrée. Le tiroir déborde de stylos, de carnets de notes et sur le plateau, des romans pris dans la bibliothèque du salon et des catalogues de matériaux de construction s'empilent comme la Tour de Pise. Bucky râle quand il fait la poussière parce qu'il y en a partout et que souvent, il fait tomber des choses qu'il replace un peu au hasard. Chris le remarque toujours et il râle à son tour, ses signets sur son catalogue de fenêtres anciennes ou celui consacré aux parquets massifs sont dérangés. Alors ils s'embrassent comme deux perdus en riant très fort tellement ils s'aiment et sont heureux de ses chamailleries.

Le brun aime aussi la table de chevet de son compagnon parce qu'elle raconte son histoire et la leur.

Chris est cartésien, pragmatique mais il attache aussi une importance touchante aux choses, comme autant de parcelles de souvenirs.

Le tiroir est aussi rempli de coquillage qu'il a ramassé lors de leurs promenades à Manila Beach parce qu'il les trouvait jolis. Une fois, le blond a ramené une belle coque encore habitée, le crustacé est mort et l'odeur dans la chambre a été épouvantable pendant trois jours. Ils ont seulement ri encore, ignorant Sandy qui rôdait autour du lit avec fièvre, très excitée par ce parfum de putréfaction.

Dans la tête de lit en bois et cannage, Chris a aussi coincé une plume de calamar d'une transparence de verre. Un gros galet blanc parfaitement poli lui sert de presse-papier et maintient des courriers professionnels et des e-mails imprimés dont le blond mûrit encore la réponse.

Et parmi tous ça, il y a aussi un tube de lubrifiant et des préservatifs parce que les deux hommes semblent ne jamais être rassasiés l'un de l'autre depuis qu'ils ont fait l'amour en rentrant de Ruth Lake. Ils ne sont pas encore allés jusqu'au bout, ils s'étourdissent pour le moment de caresses mais ça commence à crépiter agréablement sous leur peau.

Chris soupire lourdement contre lui. Bucky sourit et caresse sa tempe et sa cicatrice.

— « Tu es en train de te rendormir », chuchote-t-il tendrement.

Il effleure sa mâchoire maintenant, savoure le léger frottement de sa barbe sur la pulpe sensible de ses doigts. Ils retracent l'arête solide avant de redessiner le modelé délicat de sa bouche, l'arc de Cupidon prononcé que Bucky trouve si beau.

Chris entrouvre les lèvres et mordille doucement son pouce. Le brun frissonne. Il est devenu bon pour cartographier la carte du Tendre du corps de Chris, son compagnon aussi et il grogne un peu.

— « … Je ferme seulement les yeux. » Il gigote un peu contre lui, le matelas tangue. « Tu ne veux pas me faire une autre marque ? Là ? »

Chris désigne une zone très vague vers son cou et Bucky déglutit. Son compagnon porte ses suçons et ses marques d'amour comme des porte-bonheurs ça le rend un peu chose.

Il tend légèrement le cou et s'exécute docilement. Chris frémit de plaisir, ses hanches ont un imperceptible sursaut contre les siennes. Il suce et mordille avec application avant de reculer.

— « Tu es en train de te rendormir et nous avons du travail Chris. Sam a raison, nous devons préparer la maison pour l'arrivée de Mandy », dit-il à contrecœur.

Le blond hausse nonchalamment les épaules et Bucky rit doucement, les yeux au plafond. Son compagnon enroule un bras autour de sa taille, lève le bassin et les fait rouler sur le matelas. Chris rejette la couette de leurs corps emmêlés d'un léger coup d'épaule nue.

Le brun déglutit, son aine pulsant déjà de désir. Il sent l'érection de son compagnon frotter à l'intérieur de sa cuisse droite et il se cambre légèrement. Il avance une main un peu à tâtons, effleure le coton tendu de son pantalon de nuit à l'aveugle. Touché.

La réaction de Chris est immédiate, il balance doucement ses hanches contre les siennes.

— « Tu es excité », marmonne le brun en se raclant la gorge.

Ses doigts se perdent un instant sur le relief parfait de ses abdominaux, sur la peau douce de son ventre et le fin duvet blond et soyeux qui disparaît sous l'élastique de son vêtement. Chris fredonne doucement de plaisir et ondule encore.

Bucky hoquette. Mince, il réagit toujours si fort et si vite que c'est presque mortifiant.

Chris baisse les yeux sur son ventre.

— « Toi aussi. »

— « Tu bouges contre moi », grogne Bucky en agrippant ses fesses à pleines mains.

— « Et nous sommes mieux installés que la dernière fois », sourit Chris avec satisfaction.

Le brun roule des yeux tandis que son compagnon rit et l'embrasse chaudement. Ouais, c'est arrivé quand ils ont terminé d'arranger ensemble le dressing dans la chambre. Bucky s'est résolu à changer son armoire, Chris et lui ont fabriqué une véritable penderie sur mesure pour leurs deux garde-robes. Le blond a dessiné les plans, Bucky a pu garder tous ses tee-shirts. Chris était tellement séduisant quand il fixait les étagères à la perceuse, un crayon entre les lèvres pour tracer ses repères, que le brun vrombissait de désir. Ils l'avaient fait à moitié sur le parquet, étalés sur leurs vêtements encore non rangés se frottant furieusement l'un contre l'autre comme deux adolescents.

Ça avait été très bref, un peu comme quand il avait quinze ans, mais si bon. Les mains larges de Chris accrochées à ses hanches, ses coups de bassin incontrôlables tandis que Bucky ondulait sur lui, leurs membres dans son poing. Comme une véritable pendaison de crémaillère.

Chris bouge lentement sur lui, ses yeux brûlants fixés sur son visage.

— « Chris, ce n'est pas sérieux… Nous devons aller à Eureka… », marmotte Bucky sans conviction.

— « Ça ne sera pas long », lui répond le blond d'un ton câlin.

— « Prétentieux. »

Le jeune homme lui pince les côtes et Chris glousse. Il appuie plus fort son bassin contre le sien tandis que ses doigts cajolent son érection par-dessus son vêtement. Oh mince. Mince. Bucky halète.

— « Tu ne me feras pas croire que te donner du plaisir et te faire jouir met en danger la sécurité de la maison. L'arrivée de Mandy n'est pas annoncée avant plusieurs heures. »

— « Tu es tellement obstiné », gémit le brun.

Chris hausse les épaules et le caresse langoureusement, les yeux dans les yeux.

Bucky doit faire une légère rectification.

Son compagnon est bougon le matin mais aussi incroyablement câlin et sensuel quand ses neurones sont enfin sortis de leur torpeur ensommeillée. Le brun est persuadé que Chris lui fera pour la première fois vraiment l'amour un matin, avant de partir au travail. Et ce sera tellement bon que le brun mettra un zèle particulier à le mettre très en retard.

Son compagnon se mord les joues tandis qu'il tire doucement sur son pantalon de nuit pour découvrir son sexe. Bucky s'empresse de plonger la main dans le sien pour toucher aussi son érection.

— « Je pourrais faire ça tous les matins avec toi », souffle Chris, le souffle court et brûlant.

Invitation câline, manipulation habile, roucoulement tendre pour obtenir encore un peu de paresse au délicieux goût de sommeil.

Bucky lui sourit tandis qu'il achève de découvrir son sexe.

— « Moi aussi mais mets du cœur à l'ouvrage, nous devons vraiment être à Eureka avant onze heures. »

Chris éclate de rire. Le brun caresse son torse, ses flancs, ses tétons à la belle aréole brune pour accompagner les mouvements languides de son bassin et de sa main sur lui.

— « J'ai quand même encore le temps de te dire combien je t'aime », halète le blond.

— « Tu as toujours du temps pour ça… Viens m'embrasser. »

Grognements rauques et désireux, souffles brûlants lèvres contre lèvres et bouches qui se font l'amour.

Bucky s'enfonce voluptueusement dans le matelas, la tête dans son oreiller. Il connaît la liste des préparatifs pour les tempêtes d'automne par cœur. Eau en bouteille, bougies et piles, carburant salon de jardin à rentrer sous la maison, fenêtres à calfeutrer… Le brun jette un regard à son radio réveil. Ils sont deux mais en réalité, ils sont déjà en retard.

Sauf que Chris le regarde et le touche comme s'il était à la fois la chose la plus précieuse au monde et ce qu'il avait toujours désiré.

La tempête souffle déjà dans leur chambre alors dans le fond, peu importe qu'ils soient en retard. Bucky dodeline de la tête quand le blond passe doucement son pouce sur son frein et dans les boucles sombres de son pubis. Il gémit.

— « Ouais, on a le temps… »

o0O0o

Deux heures et demie plus tard, Bucky maudit sa faiblesse sensuelle.

Et l'attrait irrésistible de Chris le matin, tout en peau chaude et en gestes languides.

Assis à ses côtés sur le siège passager du pick-up, Sandy sur les genoux, son compagnon sourit avec la satisfaction des bienheureux qui se nourrissent d'amour.

Le brun a l'impression que leur orgasme matinal exhale encore en de douces vibrations tout autour de lui. Et Chris ne cesse de sourire.

Bucky sent ses épaules se raidir un peu.

Il déglutit en apercevant la silhouette sombre du WinCo plus loin sur W Henderson Street son appréhension enfle dans son ventre quand il met son clignotant et entre sur le vaste parking. Très grand parking, idéalement situé avec des arbres qui abritent agréablement de la chaleur torride de l'été californien.

Un très grand parking à cet instant si rempli de voitures qu'elles peinent à circuler.

L'air résonne de bruits de klaxon, l'agitation fébrile est presque palpable.

Bucky cligne des yeux et observe l'entrée du supermarché. Faire les courses va être un enfer, plus qu'il ne le pensait quand il remontait Samoa Bridge et observait déjà le flot de voitures sur la route. Il grommelait entre ses dents et Chris caressait tendrement sa cuisse tout en regardant Samoa Channel par la fenêtre.

Le brun tourne sur le parking plusieurs fois avant de trouver une place de stationnement, juste devant l'entrée. Il y jette presque son pick-up, damant le pion à un homme conduisant un break familial. Il croit qu'il l'insulte copieusement derrière son pare-brise avant de reprendre son errance. Tant pis, c'est le jeu.

Bucky soupire.

Tant de voitures et tant de clients qui s'agitent autour d'eux, il passe une main déjà très lasse dans sa nuque.

Le jeune homme caresse gentiment Sandy entre les deux oreilles et la chienne lui lèche affectueusement les doigts.

— « Il y a beaucoup de monde aujourd'hui », note distraitement son compagnon.

— « Il y a énormément de monde. Des gens très en retard, exactement comme nous. »

Chris lui jette un regard un peu contrit et le brun sourit malgré lui. Il ne peut pas lui en vouloir parce que, eh bien, le blond au matin est justement tout en peau chaude et en gestes languides.

Bucky observe d'un œil distrait le ballet des clients qui entrent et sortent des portes automatiques comme emportés par un tapis roulant un peu fou.

Soudain, il a un léger doute. L'attente interminable aux caisses est une chose, il se demande s'ils vont parvenir à se procurer ce dont ils ont besoin dans les rayons. Le brun jette un œil à son portable. Déjà onze heures quarante-cinq. Sam doit entre en train de ricaner d'aise en les imaginant coincés au WinCo.

Le brun préfère ne pas penser à la possibilité de devoir demander à son meilleur ami des piles ou des bougies pour le dépanner. Sam se tordait sans doute de rire sur le beau tapis de son salon.

Un fracas métallique retentit soudain. Deux chariots de courses viennent de se heurter violemment devant l'entrée du magasin. Tous vitupèrent à grand renfort de gestes emphatiques et de hauts cris.

— « … On aurait peut-être dû partir plus tôt de la maison. »

— « Tu crois ? » Bucky jette un regard noir à son compagnon. « Faire l'amour dans le lit était une chose, le refaire dans la douche aurait pu être plus réfléchis. »

— « Mais c'était un chouette moment, pas vrai ? »

Chris lui sourit doucement et le brun ne peut s'empêcher de rire.

Une main encore sur le volant, il se penche sur lui pour l'embrasser rapidement. Son compagnon glisse déjà une main sur sa nuque pour le retenir et il glousse. Si délicieusement avide.

— « C'était génial mais il faut vraiment qu'on y aille, Chris. Sandy reste dans le pick-up, il y a trop de monde et elle va s'énerver. »

Son compagnon ne proteste pas. Il prend la chienne à bras le corps, la dépose sur la banquette arrière sans ciller. Bucky préfère descendre de voiture au risque de recommencer à l'embrasser furieusement à la vue du ventre musclé que découvre légèrement son polo dans son mouvement.

Chris cajole affectueusement Sandy avant de le rejoindre.

Tandis qu'ils marchent vers l'entrée du magasin, le blond jette un regard par-dessus son épaule.

— « Tout va bien se passer Chris. On va faire aussi vite que possible et en cas de crise existentielle, Sand' a sa peluche hippocampe avec elle. »

— « … Tu n'as pas peur que quelqu'un prévienne la police parce qu'elle est seule en voiture ? »

— « Je pense que tout le monde a bien d'autres choses à penser et il ne fait que vingt-deux degrés, sans soleil. Nous avons laissé ta fenêtre entrouverte, elle ne risque pas l'insolation. »

Le blond marmonne quelque chose à propos de la parfaite éducation de la chienne et Bucky roule des yeux.

Il prend un caddie, Chris pose distraitement ses doigts sur le bord comme pour le guider. C'est adorable. Bucky sort sa to do list mais son compagnon observe les étals du primeur avec intérêt. Il y a une importante promotion sur les fraises de Californie, les dernières de la saison.

— « Nous allons nous séparer pour gagner du temps. Tu peux t'occuper de l'alimentaire et de l'eau en bouteille ? Je fais les rayons quincaillerie. »

Le brun lui tend le caddie et Chris secoue distraitement la tête. Il y a aussi une promotion sur les figues et il adore ça.

— « Je n'en ai pas besoin, garde-le. »

— « Prends-le. Tu vas en avoir besoin pour porter les packs d'eau mon chéri. Je te rejoins vite au rayon des boissons. »

Son compagnon lui sourit d'un air un peu timide et Bucky lui vole un baiser doux et malicieux. Ouais, les surnoms, même un peu moqueurs, c'est nouveau.

Au détour du rayon épicerie sèche, il jette un regard à son compagnon, très appliqué à choisir les plus belles fraises. Il sourit. Ça va être la meilleure tempête de sa vie.

— « Ah, Chris ! Ne prends pas de surgelés, le courant peut sauter pendant la tempête ! », se rappelle-t-il.

Le blond repose avec soin le mélange de légumes grillés qu'il s'apprêtait à poser dans le caddie avant de poursuivre.

Bucky glousse encore quand il entre dans le rayon quincaillerie, après un habile slalom entre les chariots.

Une vingtaine de minutes plus tard, il a lutté avec succès contre une sexagénaire prétentieuse qui tentait d'emporter une grande partie des piles dans son chariot déjà bondé le brun parcourt à nouveau les allées du supermarché. Les bras chargés, il cherche Chris du regard. Il s'apprête à dépasser le rayon des boissons quand il aperçoit la haute silhouette musclée de son compagnon et presse le pas pour le rejoindre.

Le blond n'est pas seul.

Une dame très apprêtée l'observe avec intérêt entasser pour elle des packs d'eau dans son caddie, plein d'une force tranquille mais puissante. Chris a retiré sa veste, ses muscles roulent, se tendent et ondulent sous son fin polo.

Bucky jette un regard à leur propre chariot presque vide et il hausse un sourcil moqueur. Le blond vide consciencieusement et régulièrement la palette de Dasani pour sa voisine qui semble apprécier tout particulièrement le spectacle. Toujours les muscles qui roulent, se tendent et ondulent.

Le brun se racle légèrement la gorge. Chris lui adresse un sourire aveuglant tandis qu'il pose le dernier pack d'eau dans le chariot.

— « Je vous remercie, je ne sais pas comment j'aurai fait sans votre aide. Ces packs sont trop lourds pour moi, je me suis blessée le dos il y a quelques jours et je ne peux rien soulever. Vous êtes arrivé à point nommé », roucoule la femme.

— « Je vous en prie. » Le blond passe une main dans ses cheveux. « J'en ai mis quatre, je crois que c'est le nombre maximum qu'autorise le magasin par client dans une telle situation. »

— « C'est vrai que nous devons tous pouvoir nous servir mais je fais aussi les courses pour mes parents. Ils habitent plus loin, vers Freshwater, ils sont âgés et la tempête les inquiète. Si vous pouviez en ajouter encore quelques-uns… »

Bucky roule des yeux à son mensonge.

Il connaît la femme de vue, elle tient un commerce de prêt-à-porter dans le centre-ville, et ses parents logent plutôt du côté des beaux quartiers de Pine Hills, juste à côté d'Eureka. C'est son père qui lui a permis d'ouvrir boutique et il y avait un énorme autocollant de la petite ville à l'arrière de sa voiture.

Chris a repris sa tâche, plein de bonne volonté, alors le brun attend.

Un autre client non loin d'eux manifeste bruyamment sa réprobation devant un tel pillage, Bucky le laisse râler pour deux.

Une fois satisfaite, la femme s'empresse de quitter le rayon, laissant la place à l'homme qui s'offusque du manque de considération de certains.

Bucky contemple les racks et hausse un sourcil.

— « J'espère qu'il va en rester pour nous », dit-il d'un ton nonchalant.

— « Elle en avait besoin », répond simplement Chris en haussant les épaules. « Qu'est-ce que tu préfères ? Arrowhead ou Sierra Springs ? »

— « La deuxième s'il te plaît. » Bucky s'accoude au chariot tandis que son compagnon recommence à s'activer. « Je peux t'affirmer qu'elle n'avait pas besoin d'autant de bouteilles mais je suppose que chacun priorise selon ses envies, un peu comme toi. Je ne savais pas qu'on avait noté de prendre des fraises. »

Le jeune homme lorgne dans le fond du caddie et le blond roule des yeux.

— « Tu les aimes, moi aussi, et il y a une énorme promotion dessus. Tu as trouvé tout ce que tu cherchais ? »

Bucky opine, ajoute par gourmandise une bouteille de cette eau aromatisée aux fruits qu'il adore avant de pousser leur chariot en direction des caisses.

À côté de lui, Chris hausse un sourcil en comptant le nombre de bougies et de piles entassées au fond.

— « Tu penses vraiment que l'électricité va être coupée ? »

— « C'est possible. Le générateur de secours dans le sous-sol continuera à faire fonctionner l'électroménager mais guère plus. Les bougies sont notre meilleur allié. »

— « … Ce sera beau dans le salon et dans notre chambre. Je suis sûr que tu es très séduisant à la lueur des bougies. »

Chris sourit d'un air candide et deux filles qu'ils croisent dans le rayon confiseries gloussent légèrement. Bucky lève les yeux au plafond.

— « Je suis désolé de briser tes rêves mais une nuit de tempête à Manila n'est pas réellement un rendez-vous galant. »

— « Eh bien si l'Apocalypse est pour cette nuit, je suis content de la passer avec toi », ajoute son compagnon avec une emphase outrée.

Cette fois, les filles soupirent en chœur et Bucky leur jette un regard par-dessus son épaule. Elles sont encore là ?

Le brun commence à vider le contenu de leur caddie sur le tapis roulant avec énergie, Chris effleure tendrement ses reins tandis qu'il passe devant lui pour commencer à ranger les articles dans les sacs.

Il se tortille un peu, une boîte de piles dans une main et les fraises dans l'autre. Dire qu'ils ont quitté la chambre il y a moins de deux heures. Mandy a été classée en tempête de force deux, ce n'est pas encore l'Apocalypse mais son passage sur la Californie va sans le moindre doute être impressionnant.

Lui ne pense qu'à leur retour à Manila et à ces baisers qu'ils ne peuvent décemment pas s'offrir en public.

o0O0o

— « Bon sang, où est-ce que vous étiez passés ? Je ne vous attendais plus ! »

Devant lui, Sam vitupère et parle vigoureusement avec les mains. Bucky a le bon goût de faire le dos rond et de ne rien ajouter tandis qu'il ouvre la portière arrière du pick-up et fait descendre Sandy.

— « Ne fais pas semble de ne pas m'entendre Buck', le vent n'est pas encore assez fort pour ça ! Je disais que je ne vous attendais plus ! », répète Sam en articulant outrageusement.

Le brun roule des yeux. Il observe la chienne sauter sur le trottoir et s'ébrouer joyeusement. La médaille accrochée à son collier tinte comme un carillon.

Le jeune homme la caresse gentiment avant de faire un signe de tête vers Sam. Sandy se précipite vers lui en quelques bonds enthousiastes.

— « C'est moche d'utiliser ta chienne contre moi », marmotte son ami en se penchant vers elle. « Au moins, elle, elle est contente de me voir et elle ne fait pas semblant. Salut Chris. »

Le jeune homme vient de descendre à son tour du pick-up. Il s'étire en levant les bras au ciel, son polo remonte un peu sur son ventre et dévoile une bande de peau nue et dorée. Bucky lorgne dessus sans vergogne. Il sait qu'elle est douce, il y a longuement posé ses lèvres le matin même. Il a quand même envie de recommencer, de laisser sa bouche errer jusqu'à son aine et peut-être y déposer un autre porte-bonheur, plus intime et caché.

Chris soupire doucement de contentement et sourit largement à Sam.

— « Bonjour Sam. Tu nous attends sur le pas de ta porte depuis longtemps ? »

Bucky ricane d'aise à la mine offusquée de son ami et il s'empresse de récupérer le sac posé sur la banquette arrière. Son meilleur ami claque sa langue contre son palais d'agacement.

— « Mon monde ne tourne pas autour de vous deux mais oui, c'est plus ou moins le cas. Buck' m'avait dit que vous seriez là pour treize heures et j'ai l'impression que vous venez à peine de sortir du lit comme deux jeunes mariés. Franchement, ce n'est pas très sérieux. »

— « Bucky dit que Mandy est une grosse tempête mais pas un ouragan. »

— « Je peux t'assurer que tu auras l'air un peu moins assuré quand tu l'entendras hurler au-dessus de Manila. »

— « Tiens-moi plutôt la porte Sam, je suis chargé », marmotte le brun.

Chris lui emboîte le pas avec le grand panier de Sandy. Il rit joyeusement quand il passe devant Sam et que ce dernier leur fait des politesses outrées sur le seuil, un air particulièrement narquois sur le visage.

Le blond le pose dans le salon, à côté des gamelles que Bucky essuie d'un coup de torchon. Accroupi contre lui, il se penche et lui vole un baiser malicieux.

— « Bon sang, je vous vois les mecs. Le flirt, ce sera après avoir sécurisé votre maison et vous y être enfermés. C'est incroyable de ne pas avoir à ce point le sens des priorités », grommelle Sam en fermant derrière eux.

Le brun défie son ami en embrassant la mâchoire de Chris et son meilleur ami roule des yeux d'un air exaspéré.

— « Chacun essaye de trouver le bonheur comme il peut tu sais. »

— « Horrible menteur », grimace son ami d'un air moqueur.

Bucky ricane et roule des yeux.

— « Ne sois pas aussi prude. Tu n'arrêtes pas de me dire que Chris et moi sommes en lune de miel, c'est normal de se désirer. »

— « Tout le temps ? Et à l'approche d'une tempête de catégorie deux ? »

— « Rabat-joie… Ne fais pas comme si tu étais le seul l'homme mâture et responsable dans cette pièce. Tu m'as appelé en paniquant parce que tu ne savais pas quel type d'os acheté à Sandy… »

Le brun et son compagnon échangent un regard en coin tandis que Sam lève les yeux au plafond.

En entendant son nom, la chienne jappe joyeusement et bondit autour d'eux. Le jeune homme s'accroupit devant elle, la cajole outrageusement et l'entraîne derrière lui dans la cuisine.

Bucky fait comme s'il n'avait rien vu, rien compris non plus. Le séjour de Sandy au paradis de la gourmandise et des gâteries commence maintenant.

À côté de lui, Chris termine d'arranger son panier, ses jouets et de disposer ses gamelles. Bucky s'assoit sur le bras du canapé voisin et l'observe faire distraitement.

— « … C'est vrai que tu me désires tout le temps ? »

Le blond coule un regard dans sa direction, accompagné d'un sourire un peu trop satisfait. Bucky appuie le bout de sa basket sur ses reins et Chris se tortille un peu.

— « Ce n'est pas exactement ce que j'ai dit et je ne crois pas être le seul dans ce cas. »

Son regard est lourd de sens mais son compagnon a l'air encore plus satisfait. Bucky passe une main dans sa nuque en souriant. Ils ont fait tellement de chemin ensemble depuis leur rencontre. Chris rit.

— « Je trouve que c'est une très bonne chose de se ressembler et de partager les mêmes envies. Dans un magazine féminin, tu lirais probablement que c'est une excellente manière de vivre en couple », le taquine le blond.

— « Les choses auraient pu se passer différemment quand nous avons décidé de ressembler un peu plus à un couple… »

Assis sur le tapis, Chris se tourne vers lui. Il hausse un sourcil un peu surpris.

— « … Tu craignais que je m'enfuie en te voyant nu la première fois ? »

— « C'était une possibilité. Nous n'avons pas beaucoup parlé de sexualité ensemble. »

Un gémissement d'agonie résonne dans la cuisine.

— « Je vous entends les gars ! »

Le couple s'esclaffe. Bucky descend du canapé pour se couler vers son compagnon.

Bien entendu, ça aurait pu être une possibilité ou que Chris refuse et s'en aille en le laissant seul dans la chambre. Le brun aurait compris bien entendu qu'il l'aurait fait. Même s'il avait le cœur un peu douloureux parce que Bucky n'est pas un moine ayant fait vœu de chasteté et qu'il a rudement envie de vénérer le corps nu de son compagnon.

Chris pose une main sur sa cuisse et la presse gentiment.

— « Je ne t'aurai jamais laissé seul dans cette salle de bain à Ruth Lake. J'ai peut-être hésité une fraction de seconde avant de te rejoindre dans la douche mais c'est parce que j'étais un peu intimidé. Tu es très beau sans aucun vêtement… », sourit-il.

— « Il y a un monde entre prendre une douche ensemble et faire l'amour… »

— « Pas vraiment, il s'agit toujours de se voir nu et de se toucher. C'est exactement ce qu'on a fait dans la salle de bain. À partir de ce moment, je n'ai plus eu d'appréhension pour quoi que ce soit. »

Bucky hausse un sourcil tandis qu'il pose sa main sur la sienne.

— « Tu sembles avoir beaucoup réfléchis sur ce sujet. »

— « J'ai promené Sandy pendant plus d'une heure pendant que tu dormais sur le canapé du salon. »

Le brun lui pince le genou et Chris rit joyeusement. Il se penche vers lui pour l'embrasser.

— « Je voulais aller à Ruth Lake avec toi pour sortir de la zone de confort de la maison, je pensais que ça nous permettrait d'oser un peu plus et de faire évoluer les choses entre nous », poursuit son compagnon.

— « Tu as dit exactement le contraire quand on se pelotait sur la terrasse. »

— « Je ne suis pas obligé d'avoir toujours de brillantes idées… »

Bucky lui jette un regard interdit avant d'éclater de rire. Oh, il est tellement amoureux de lui.

Le brun prend son visage en coupe et l'embrasse chaudement, son rire est avalé par Chris qui a agrippé ses hanches.

Sandy apparaît soudain à côté d'eux et les bouscule avec enthousiasme. Le brun rouvre les yeux. Il remarque qu'elle a encore des miettes de biscuits aux babines.

— « Est-ce que vous êtes présentable ? », demande Sam en passant la tête par l'embrasure de la cuisine.

— « Oh je t'en prie, nous ne sommes pas des amis assez indélicats pour faire quoi que ce soit sur le tapis de ton salon. »

— « Il vaudrait mieux pour toi, Maria te tuerait et ferait disparaître ton corps après t'avoir obligé à l'amener au pressing et à payer la note. Crois-moi, ça serait tout aussi douloureux », grimace son meilleur ami.

Bucky et Chris se relèvent. Le blond a l'hippocampe en peluche à la main, Sandy jappe et saute sur lui pour jouer. Elle tire sur son polo et l'échancrure baille un peu sur son torse.

Sam plisse les yeux et tapote doucement d'un doigt sa propre clavicule par-dessus son haut.

— « On dirait que la tempête a déjà soufflé joliment fort à Manila », ricane-t-il.

Bucky tourne la tête. Chris repousse Sandy mais le vêtement un peu déformé dévoilé le suçon qui marque sa clavicule. Le brun s'empresse de le rhabiller et jette un regard noir à son meilleur ami.

— « Ce n'est pas comme si je ne savais pas la raison exacte pour laquelle vous êtes en retard, tu sais. Chris a toujours l'air d'une fleur après la pluie quand vous avez passé du bon temps ensemble », dit-il en haussant les épaules.

— « Une fleur après – Qu'est-ce que c'est censé vouloir dire, Sam ? »

— « Tu sais bien, il est tout… frétillant de contentement. Et il sourit comme s'il avait gagné au Powerball. » Son ami plisse les yeux. « J'en viens à me dire que tu me caches beaucoup de choses sur toi, Buck'. On va devoir parler, toi et moi. »

— « Je ne te raconterai jamais ce qu'on fait ensemble », siffle Bucky avec gêne.

— « C'est privé », ajoute Chris en hochant la tête.

Sam darde ses yeux marron sur eux, sur l'un puis sur l'autre d'un air suspicieux. Le brun ne cille pas, un air de défi au visage.

— « … Si tu ne veux vraiment rien me dire, je vais commencer à m'imaginer des choses », reprend-il lentement.

Bucky gigote un peu. Il sent le regard de son ami fouiller les plis de leurs vêtements et courir sur sa peau pour saisir d'autres preuves. Le brun contient bravement son envie de croiser les bras sur son torse pour se préserver de son regard laser.

Sam esquisse un sourire en coin.

— « Je vais penser à des choses vraiment étranges… Comme le fait que tu as appris bien plus de choses que les subtilités de la langue russe au XIXe siècle à l'université. Ou que tu sais faire des choses absolument incroyables à la verticale comme dans ce porno que tu avais téléchargé par erreur une fois. … C'est ce que tu m'as raconté en tout cas. »

— « Oh, fiche-nous la paix », grommelle Bucky.

Le brun sent sa nuque et ses oreilles chauffer un peu. Il fusille son ami du regard et se rapproche de Chris, prêt à défendre bec et ongles leur intimité.

Ce film est un traumatisme dans sa vie d'adolescent encore en construction. Il pensait sincèrement acheté ce vieux James Bond avec Pierce Brosman mais aux premières secondes de lecture, il avait plutôt vu l'affrontement de deux corps exagérément musclés, des acteurs qui grognaient comme des animaux, beaucoup de fluides corporels les plus variés et des paroles obscènes. Rien à voir avec la vraie vie et surtout, avec la manière dont Bucky s'imaginait faire l'amour la première fois avec un garçon. Il en avait fait des cauchemars pendant des semaines.

La porte sur le jardin, au fond de la maison se referme doucement, le brun entend un frottement de semelle sur le parquet.

— « Les garçons ? Vous êtes là ? »

Bucky accueille l'arrivée de Maria comme une bouffée d'air frais. La jeune femme, les cheveux relevés en chignon flou au sommet de son crâne, tient une perceuse électrique et une boîte de vis dans les mains.

— « Ma douce, tu arrives à point nommé ! », s'exclame bruyamment Sam.

— « Oui, on allait détailler à Sam comment gérer Sandy pendant la tempête », le coupe le brun.

Maria pose son matériel sur la table basse et flatte gentiment la chienne derrière les oreilles. Elle hausse un sourcil.

— « C'est gentil mais nous savons comment faire Bucky, ce n'est pas la première fois que tu nous la confies. Chris et toi devriez plutôt rentrer et préparer la maison, tu nous déposes Sandy très tard… », dit-elle en souriant.

— « Nous n'allons pas nous éterniser mais je voulais juste vous dire qu'on a apporté son jouet préféré, son panier préféré, ses croquettes préférées et des choses qui couinent. » Le brun sort un long ruban rouge de la poche de son jean et le tend à la jeune femme. « Tu pourras le nouer autour de l'os ? C'est un repère pour Sand'. Vous avez acheté ce qu'il faut chez le boucher ? »

— « Sam lui a pris le plus gros et le plus bel os à moelle de bœuf de tout le rayon », acquiesce Maria en riant. « Je le trouve parfaitement répugnant, il est encore dans le papier d'emballage du boucher et rangé au fond du frigo là où je ne peux pas le voir. »

— « Merci pour elle. »

Bucky serre gentiment ses doigts entre les siens et la jeune femme lève les yeux au plafond, repoussant une mèche égarée sur son front en arrière.

— « Tout va bien se passer. Rentrez à Manila Chris et toi et mettez-vous en sécurité », le gronde-t-elle légèrement.

Le brun acquiesce en riant. Il en a un peu moins envie quand il lit l'heure sur la chaîne hifi du salon.

Dans le jardin, les feuilles des branches du jardin bruissent déjà fortement et de grosses rafales de vent sifflent contre la maison. Il est temps d'être raisonnable maintenant.

Bucky prend les clés du pick-up dans la poche de son jean et jette un regard à Chris.

— « Chris ? Maria a raison, on doit rentrer. »

Son compagnon hoche lentement la tête. Accroupi devant Sandy, il tient sa tête en coupe et caresse doucement ses joues.

— « Elle préfère son hippocampe en peluche et elle adore quand on lui brosse le ventre, toujours dans le sens du poil et là où les poils sont très fins et doux comme du duvet », dit-il doucement en regardant Maria.

— « Je m'en souviendrai et nous allons prendre bien soin d'elle, ne t'inquiète pas », sourit la brune.

Bucky caresse la nuque de Chris du bout des doigts, son compagnon se relève à regret. Le brun l'embrasse doucement.

— « Je te le répète, tu peux rester ici si tu veux », souffle-t-il contre sa bouche. « Sam et Maria ont une chambre d'ami, tu y serais très bien.

— « … Je ne veux pas te laisser seul à Manila, je préfère rentrer avec toi. »

Chris jette un regard un peu inquiet à la grosse perceuse de Maria, Bucky pose une main sur sa hanche. Oui, une tempête sur les côtes californiennes c'est aussi ça. De véritables préparatifs pour sécuriser la maison et leur présence pendant la nuit à venir.

Le blond hoche la tête.

— « … Oui, on y va. Sam ? Maria ? À demain. »

Le couple sourit et lui offre une solide accolade. Alors qu'il les raccompagne, Sam retient un instant Bucky en arrière.

— « Je sais que tu peux gérer mais Chris et toi pouvez partager la chambre d'amis ici. Ton petit-ami a l'air un peu nerveux. »

Le brun sourit.

— « J'ai vu dans l'historique de la tablette qu'il a fait des recherches sur les catastrophes naturelles. J'ai bloqué les adresses des principaux sites survivalistes pour lui éviter de paniquer, il prenait des notes… »

— « Ce garçon est décidément incapable de demi-mesure, c'est étrangement touchant », s'esclaffe Sam avant de froncer légèrement les sourcils. « Ce n'est pas notre première tempête mais est-ce que j'ai encore le droit de te dire que je préférerai vraiment que tu restes à Eureka cette nuit ? Je fais encore parfois ce foutu cauchemar dans lequel ta maison est emportée par une bourrasque, comme celle de Dorothée dans Le Magicien d'Oz… »

Bucky esquisse un sourire et lui donne un léger coup de poing dans l'épaule.

— « Arrête d'imaginer des choses, tout va bien se passer. Ton cauchemar n'est qu'un cauchemar, je peux t'assurer que je ne porterai jamais de chaussures rouges. »

— « Dans ma version de l'histoire, tu pourrais avoir des baskets au pied et pas des talons. »

— « Ça ne change rien, je trouve les chaussures rouges très vulgaires », ricane le brun.

Les deux amis échangent un regard avant de rire joyeusement. Sam passe une main dans ses cheveux courts puis sa nuque. Bucky le bouscule affectueusement.

— « Je ne peux pas laisser la maison sans surveillance. »

— « Tes voisins quittent Manila Beach quand ça arrive. »

— « Susan et David gèrent comme ils le souhaitent, je veux juste dire que je ne veux pas partir. La maison est solide, elle en a vu d'autres et Mandy n'est qu'une tempête de catégorie deux. Elle peut encore être rétrogradée d'ici ce soir. »

— « … Je suppose que tu n'es pas non plus opposé au fait de jouer à Robinson Crusoé sur son île avec Chris », sourit Sam d'un air entendu.

— « Oh, lâche-nous un peu », grommelle Bucky.

— « Pas quand ton copain arbore un suçon de la taille d'une pièce de 25 cents », lui rétorque son ami du tac-au-tac.

— « Tu es juste jaloux de ne pas faire la même chose à Maria… »

— « Elle et moi côtoyons de vraies personnes pendant la journée, nous ne vivons pas comme deux naufragés sur une plage paradisiaque », marmonne Sam d'un ton pince-sans-rire. « … Tu es vraiment mordu de lui, pas vrai ? »

— « Crétin. »

Bucky roule ostensiblement des yeux tandis que son meilleur ami éclate de rire.

Les deux hommes sortent sur le perron. Le brun voit Chris et Maria un peu plus loin en train d'observer les volets posés sur la façade. Il se mord les joues. C'est gros une pièce de 25 cents, peut-être aurait-il dû se montrer moins avide, mais son compagnon respirait fort et chaud à son oreille.

— « Maria était en train de me montrer les installations anti-tempête de la maison. Ils ont des verres anti-impacts et des volets sécurisés avec des barres de renfort, c'est assez remarquable. », explique le blond en revenant vers lui.

— « C'est la meilleure entreprise du comté qui les a posés », renchérit Sam avec une pointe d'arrogance.

Le blond touche l'embrasure d'une fenêtre, palpe le rail et toque doucement sur le verre.

— « Il est très épais… Les volets sont en aluminium ? »

— « Oui, avec un système anti-arrachement des gonds. Maria trouvait que c'était une dépense un peu inutile mais il y a quelques années, un arbre du jardin voisin a été déraciné. Les branches sont venues heurtées la façade. Sans cet équipement, les fenêtres se seraient probablement brisées et nous aurions eu de très importants dégâts dans la maison. »

— « Les fenêtres de la maison de Manila sont anciennes, il faudrait tout faire sur mesure… », réfléchit Chris, les sourcils froncés.

— « Il faudrait surtout trouver le moyen de financer les travaux. J'ai fait faire des devis quand j'ai hérité de la maison mais ils étaient hors de prix », explique Bucky.

— « … Je connais du monde dans le bâtiment maintenant, je pourrais t'aider », propose doucement Chris en le regardant.

Le brun sourit tendrement. Les yeux de son compagnon brillent de cette adorable volonté de bien faire, de lui être agréable et de faire quelque chose pour lui. Pour ça, Bucky a envie de lui offrir une agréable distraction sensuelle sur la banquette arrière du pick-up mais il secoue légèrement la tête.

— « Je suis très touché que tu sois prêt à faire preuve de favoritisme pour moi. Je sais que tu connais beaucoup de gens à Eureka et les environs mais je pense que c'est inutile », rit-il en embrassant sa mâchoire.

— « … Tu as acheté des planches de contreplaqué pour sécuriser les fenêtres et elles font moins de dix millimètres d'épaisseur », s'obstine un peu Chris. « Peut-être que tu pourrais reconsidérer la question. Tu sais que je participerai à parts égales, n'est-ce pas ? C'est chez nous. »

Oh comme il a envie de l'embrasser et de se frotter contre lui de plaisir et de désir.

Bucky pose une main sur ses reins et les caresses gentiment.

— « Crois-en ma longue expérience, je t'assure que le contreplaqué est bien suffisant. La maison est toujours debout et elle le sera encore demain matin quand nous nous lèverons. »

Chris a l'air encore un peu dubitatif, le brun trace un chemin de baisers de sa mâchoire à son cou pour le distraire. Il sent sa peau chaude se couvrir de chair de poule et il sourit.

Non loin d'eux, Sandy renifle avec intérêt les racines d'un bosquet, la tête plongée sous les feuilles. Sam grimace.

— « C'est le chat du voisin, il vient toujours pisser ici… »

— « Je vois que tu as de vrais problèmes à régler, Chris et moi allons partir », se moque Bucky. « On repasse chercher Sandy demain dans la journée. »

— « Peut-être qu'elle préférera rester avec nous… »

— « J'en doute, Chris est son meilleur ami pour la vie. À demain. »

Marie le retient par l'avant-bras.

— « Est-ce que vous avez trouvé tout ce dont vous aviez besoin au WinCo ? Nous avons des stocks de piles et de bougies à vous donner si ça peut vous aider. »

— « Les gens imprévoyants devraient avoir la délicatesse de ne pas puiser dans les stocks des gens prévoyants », marmotte Sam.

— « Ne te fais pas plus mauvais que tu n'es mon chéri, tu leur as acheté quelque chose que tu devrais leur donner maintenant d'ailleurs », soupire la jeune femme en levant les yeux au ciel.

Sam sourit largement et disparaît dans la maison. Bucky se raidit un peu. Faites que ce soit un cadeau décent et réellement appréciable.

Son meilleur ami revient quelques secondes plus tard, une grande boite en carton dans les mains. Elle est décorée au logo d'une vieille boulangerie dans Old Town que le brun connaît bien.

— « C'est toi qui me parlais du sens des priorités. Qu'est-ce que tu es allé faire chez Nancy's Bakery ? », demande-t-il avec étonnement.

Sam lui met d'autorité la boîte dans les mains et le brun l'ouvre lentement, encore un peu circonspect. Mince. Mince !

— « Tu as acheté un brownie ? Un énorme brownie ? », dit-il d'un ton incrédule.

— « Ce n'est pas n'importe quel brownie, c'est leur spécial noisettes, amandes et caramel. Tu ne te souviens pas ? Quand je me suis installé à Eureka, j'ai passé ma première tempête avec toi et ta mère. Tu m'avais proposé de rester avec vous. J'étais mort de trouille et vous aviez acheté le même gâteau pour me rassurer. J'adore le brownie. Je me suis dit que Chris apprécierait », répond malicieusement son ami.

— « C'était un brownie au chocolat et aux noix de pécan. Tu l'as trouvé tellement bon que quand la tempête s'est éloignée, tu nous as demandé si c'était déjà fini. Merci Sam », sourit Bucky.

Chris observe déjà la pâtisserie avec gourmandise. Sandy se tortille contre lui, curieuse de contempler à son tour le contenu de la boîte en carton. Elle lui mordille doucement le bout des doigts et le blond la repousse gentiment d'une main. Il s'accroupit et caresse longuement ses oreilles et son crâne. Le museau dans sa main, Sandy ferme lentement les yeux et soupire de plaisir.

— « À demain ma fille, comporte-toi bien et sois gentille », souffle-t-il.

La chienne lui lèche la joue avant de retourner renifler avec attention sous le bosquet. Sam grommelle encore, il accuse Mr Waffle – le chat – de vouloir faire mourir son lilas de Californie.

Bucky ricane tandis qu'il lui serre vigoureusement la main.

— « On se tient au courant. Soyez prudent cette nuit et on se revoit bientôt. »

— « Toi, sois prudent mon pote », lui rétorque son ami en haussant un sourcil entendu. « Veillez bien l'un sur l'autre et pas de folie. Vous devez rester concentrés. »

— « On a passé la nuit à jouer au Monopoly quand tu as passé ta première tempête à la maison. »

— « Je suis comme les dauphins, les deux hémisphères de mon cerveau peuvent fonctionner indépendamment. »

— « … Si seulement », soupire Maria en riant.

Elle serre le brun contre elle puis Chris. Le jeune homme sourit dans ses cheveux.

— « Je ne compte pas quitter Bucky de la nuit. Abaddon_Apocalyps a écrit sur son site que personne ne doit rester seul pendant une tempête et il semble savoir de quoi il parle », dit-il.

Sam jette un regard entendu à son ami et le brun roule des yeux.

— « J'ai quelques tempêtes tropicales et même un ou deux ouragans à mon actif. Je pourrais te dire la même chose et sans te conseiller d'investir dans un bunker en béton armé pour survivre à une éventuelle attaque nucléaire », marmotte-t-il.

— « Tu as lu mes mails ? »

— « Je ne me serai pas permis mais après ta visite sur ces sites, je n'ai pas arrêté de recevoir des pop-ups de sites un peu louches… », ricane Bucky.

Chris sourit d'un air gêné et le jeune homme l'embrasse malicieusement. Il a toujours sa bouche collée contre la sienne quand Sam commence à les pousser lentement vers le pick-up.

— « Rentrez chez vous les gars. On se revoit vite et pensez à vous », insiste-t-il.

Son compagnon tient l'emballage du brownie comme s'il s'agissait d'un trésor alors Bucky lui ouvre gentiment la portière côté passager. Chris se glisse sur le siège et s'attache avec soin. Il entrouvre la boîte et sourit.

— « Il a l'air bon… »

— « Il va l'être. Nancy's Bakeryest une des meilleures pâtisseries d'Eureka et leur brownie est réputé dans tout le comté d'Humboldt », acquiesce le brun en mettant le contact. « Sam a acheté un gâteau trop gros pour deux personnes, il prend vraiment bien soin de nous. »

— « On pourra le manger ce soir, après le dîner ? »

— « C'est évident, Chris. On le mangera directement dans le plat, les jambes emmêlées et les yeux dans les yeux. »

Son compagnon fronce légèrement les sourcils.

— « Une tempête n'est pas une raison pour ne pas manger dans de la vraie vaisselle. »

— « Vivre une tempête à Manila, c'est comme pique-niquer sur la plage. On mange dans les cartons et on ne fait pas de vaisselle. L'électricité va probablement être coupée, le lave-vaisselle sera hors service. »

— « On peut la faire à la main. »

— « Je ne te tiendrai pas la lampe de poche pour t'éclairer », ricane Bucky.

Le brun fait demi-tour dans l'allée de garage d'une maison voisine pour remonter ensuite la rue en sens inverse.

Devant la maison de Sam et Maria, il klaxonne brièvement et passe une main par la fenêtre pour les saluer une dernière fois. Son meilleur ami ne le remarque pas. Il est en train de dorloter tendrement Sandy, renversée de plaisir à ses pieds.

Bucky jette un regard en coin à Chris. Le blond a tout vu aussi, il sourit mais avec une pointe d'inquiétude. Le brun a hâte de lui montrer comment calfeutrer les fenêtres de la maison avec les planches stockées sur la terrasse. Enfoncer des clous au marteau dans le bardage est une activité très satisfaisante et distrayante.