Mes petits chats,
Je suis sincèrement navrée de publier avec une semaine de retard la suite de "L'homme de la plage". J'ai pris quelques congés et même en y mettant toute mon énergie, je n'ai pas réussi à maintenir le rythme de publication habituel. J'espère revenir à la normale à partir de maintenant pour continuer à vous proposer mes histoires à la fois par respect pour vous qui me suivez depuis des mois et parce que je ne veux pas accumuler plus de retard. J'ai beaucoup de projets en tête et en cours d'écriture et un planning à tenir :)
Bref. Cette partie est la suite directe de la précédente : Steve/Chris et Bucky s'apprêtent à affronter la tempête Mandy. J'espère qu'elle vous plaira. :)
Je vous souhaite une bonne lecture.
Très bon week-end à tous/toutes,
ChatonLakmé
La chanson The Windmills of Your Mind est une balade mélancolique composée par Michel Legrand et les paroliers Alan et Marilyn Bergman en 1968. Diffusé dans le film L'Affaire Thomas Crown la même année, elle a remporté l'Oscar de la meilleure chanson originale. Cette chanson a notamment été reprise par Eva Mendes dans le spot publicitaire du parfum Angel de la maison Mugler en 2011.
Terminatorest une saga cinématographique américaine de science-fiction réalisée sur une idée originale de James Cameron à partir de 1984. Le Canadien a dirigé les deux premiers volets avant d'être remplacé par d'autres réalisateurs. Le dernier film est sorti en 2019. La franchise a aussi été déclinée en série télé.
L'homme de la plage
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Vingt-et-unième partie
Fin novembre
Bucky ouvre la baie vitrée et sort sur la terrasse, courbé sur le côté par le poids d'un énorme enrouleur autour duquel brillent les épais maillons d'une longue chaîne. Le jeune homme le pose devant le salon de jardin en soupirant de soulagement et essuie son front d'un revers de la main. Il grimace légèrement en sentant la fine sueur qui couvre sa peau. Le brun n'hésite qu'une seconde avant de s'éponger le visage avec le bas de son tee-shirt.
Le temps est lourd d'orage, l'air poisseux et le vent a commencé à se lever avec force il y a une demi-heure. Il porte jusqu'à lui le bruit sec et parfaitement rythmé des coups de marteau de Chris.
Son compagnon est en train de sécuriser la fenêtre de la cuisine sur la façade latérale, aussi rapide et efficace qu'au moment où il s'est emparé des planches de contreplaqué et de la caisse à outils avec un sourire ravi. Depuis leur retour d'Eureka, il découpe, cloue et calfeutre les ouvertures de la maison avec une régularité qui aurait définitivement coupé la parole de Sam sur leur manque de préparation s'il était là pour le constater. Bucky a l'impression que Chris a fait ça toute sa vie et voir réellement pour la première fois son compagnon en action sur un chantier lui donne un peu chaud.
Il passe une main lourde dans sa nuque.
Non, c'est la chaleur humide de l'air, rien d'autre.
— « Round like a circle, like a wheel within a wheel. Never ending or beginning on an ever spinning reel… »
Chris tourne autour de la maison au fur et à mesure de l'avancée de son travail, accompagné par la radio de la cuisine que Bucky a acheté en guise de décoration il y a deux ans. Il a même été surpris de l'entendre fonctionner quand le blond l'a allumé. Son crachotement un peu rocailleux – le brun l'a acheté pour cinq dollars au WinCo, c'était une fin de série – est apaisant, presque riant. Au moins autant que d'entendre Chris massacrer allègrement la playlist que diffuse KMUD depuis vingt minutes.
— « Like a snowball down a mountain, or a carnival balloon. Like a carousel that's turning running rings around the moon… »
Malgré son infinie tendresse pour son compagnon, Bucky grimace quand il entend sa voix partir dans un improbable aigu particulièrement manqué et éclate de rire. Chris chante de tout son cœur et c'était douloureux à entendre. Le brun fredonne à son tour quelques paroles – les seules dont il se souvient – de ce titre composé en 1968. Il parle du vent, Bucky savoure l'ironie alors qu'il sent dans l'air l'arrivée de Mandy.
Le brun jette un regard vers l'océan.
Les vagues sont furieuses, crénelées d'écume et leur roulis produit un grondement sourd un peu effrayant. Au-delà des dunes de Manila, du côté nord-est, le ciel s'assombrit progressivement depuis leur retour. Mandy va être une très belle tempête de catégorie deux une de celles qui auraient fait hurler Sandy à la mort pendant son passage sur le comté d'Humboldt.
Bucky aime les tempêtes sur l'océan.
Petit garçon, il se glissait jusqu'au salon et tentait de trouver un interstice dans les volets pour apercevoir quelque chose. Winnifred Barnes l'éloignait en l'attirant gentiment à elle le brun acceptait la caresse sur ses cheveux quelques minutes avant de s'échapper comme une anguille pour recommencer à regarder.
Monde immense, univers infini dans lequel il se sentait alors tout petit.
Les premières tempêtes dans leur maison à Manila Beach l'avait terrifié avant qu'il ne les contemple avec humilité, conscient de sa propre fragilité. Des années plus tard, quand il avait traduit La Tempête de neige de Léon Tolstoï pour Harder Publishing à Sacramento, il s'était souvenu de ces sensations pour retranscrire le sublime provoqué par le déchaînement de la nature sur la campagne russe. Son éditeur l'avait trouvé grandiloquent, le préfacier – un spécialiste de l'auteur – avait été enchanté par son style. La collaboration n'avait duré que le temps d'un ouvrage – John Harder était un connard dépourvu de la moindre sensibilité – mais le roman figure toujours dans sa bibliothèque.
— « Bucky ? »
Le brun cligne des yeux et contourne rapidement la terrasse. Chris se tient à l'extrémité, la caisse à outils dans une main et la radio dans l'autre. KMUD diffuse à présent une chanson pop à la mode dont l'interprète a la voix nasillarde et perçante. Le blond ne tente pas de rivaliser avec elle, c'est une bonne chose. Chris lui sourit.
— « J'ai terminé de ce côté-ci. Il ne reste plus que les baies vitrées de la terrasse à sécuriser. »
Bucky est un peu distrait par son allure et – merde, sa ceinture à outils de chantier qu'il a passé autour de ses reins ? Quand est-il retourné la chercher ?
Son compagnon suit son regard, baisse les yeux sur sa taille et sourit. Il se déhanche un peu ridiculement, quelque chose de métallique cliquette dans la grande poche sur le côté. Le brun roule des yeux et le bouscule d'un coup d'épaule. Chris s'esclaffe.
Bucky lève les yeux pour observer la façade. Travail parfait et soigné, il n'y a aucune chance que les rafales de vent à cent-soixante km/h qui sont annoncés n'arrachent quoi que ce soit.
— « Malgré ses volets anti-tempêtes à cinq mille dollars, je pense que Sam envierait ta grande efficacité. »
— « Tu as raison, c'était aussi très agréable à faire. J'ai essayé d'être soigneux pour ne pas abîmer le bardage de la maison quand on retirera les planches. »
— « … Tu le feras pour moi, je ne sais même pas comment attraper une seule des vis que tu as fixées. La tête affleure à peine », commente le brun en passant le doigt sur le métal.
Chris sourit avec satisfaction, il est ridiculement séduisant. Son tee-shirt colle à sa peau moite, ses tempes sont un peu humides. Bucky essuie avec affection une goutte de sueur de son pouce. Il passe aussi une main dans les cheveux dorés. Le vent d'est a soulevé du sable, le dos de son compagnon en est couvert, collé contre le coton mouillé de son vêtement.
— « Tu devrais aller prendre une douche avant que l'électricité soit coupée. Le générateur ne nous permettra pas d'avoir de l'eau chaude », dit-il gentiment.
— « On la prendra ensemble plus tard, nous n'avons pas fini de sécuriser la maison. Est-ce que je peux calfeutrer les baies vitrées de la terrasse ? »
— « Oui, nous rentrerons par la porte sur le perron. » Bucky observe une nouvelle fois la façade. « Tu es vraiment bon avec des outils. C'est la raison pour laquelle tu as proposé à Sam et Maria de créer cette arche pour leur mariage ? »
— « Je pensais pouvoir me débrouiller. Je suis persuadé que ce sera beau avec du bois flotté », répond modestement le jeune homme.
— « Si tu fais quelque chose d'à moitié aussi réussi que la sécurisation de nos fenêtres, ils seront très heureux. »
Le blond hausse légèrement les épaules avant de couler un regard en coin vers lui. Bucky continue à épousseter tendrement ses épaules et son cou, peu importe si le vent continue à les fouetter de gerbes de sable.
— « … Si tu es d'accord, j'aimerais bien faire quelque chose pour la maison aussi. Nous ne manquons pas de meuble, mais je pourrais créer quelque chose pour toi », dit doucement Chris.
— « Un grand dressing serait une bonne chose, nos collections de tee-shirts et de chemises débordent de la penderie », le taquine le brun.
— « Je pensais à quelque chose d'un peu plus personnel et de moins fonctionnel. Mais je serai ravi de réfléchir à un nouveau dressing pour toi. »
— « … Est-ce que tu aurais l'inspiration pour une nouvelle tête de lit ? »
Chris esquisse un petit sourire et Bucky hoche la tête. Il effleure la cicatrice sur sa tempe, les doigts plongés dans ses cheveux. Après cinq mois, la marque blanchâtre est devenue à peine visible mais les deux hommes savent qu'elle est toujours là. Elle est importante pour eux.
— « J'ai choisi le mobilier de la chambre il y a longtemps mais ce n'est plus uniquement la mienne maintenant. Je serai heureux que tu y mettes également de toi et pas seulement parce que tu laisses toujours ton blouson en cuir traîner sur le lit. »
— « Je ne fais jamais ça. Ce sont tes tee-shirts qui débordent du dressing et que tu plies jusque dans mes tiroirs dans la commode. »
— « Tu ne t'es jamais dit que je voulais qu'ils aient ton odeur ? », répond le brun en papillonnant des yeux.
Chris lui pince la hanche et Bucky glousse. Il embrasse sa pomme d'Adam.
— « Je suis d'accord pour changer la tête de lit, je suis persuadé que tu feras quelque chose de très bien. Nous avons toute la soirée pour en parler si tu veux. »
— « Tu peux aussi me dire ce que tu aimerais. Je veux la faire pour toi, nous ne sommes pas obligés d'être d'accord. »
— « C'est notre chambre et notre lit, nous devons être d'accord tous les deux. J'ose espérer que tu feras aussi quelque chose qui te plaît », lui rétorque le brun en haussant un sourcil. « … Quelque chose en bois flotté me plairait assez. »
Son compagnon rit et se penche vers lui pour l'embrasser. Les lèvres de Chris ont le goût de la sueur et du sable chaud.
— « Cela risque de prendre du temps. Les vagues ne rejettent pas toujours de bois sur Manila Beach. »
— « Tu habites ici depuis cinq mois, je peux attendre que tu crées quelque chose d'aussi personnel pour notre chambre. La tempête en amènera probablement beaucoup cette nuit, on ira se promener demain. »
Une bourrasque plus violente que les autres projette soudain Chris en avant vers lui. Le blond lâche la caisse à outils qui tombe dans un horrible fracas tandis qu'il se retient à deux mains pour ne pas écraser Bucky contre la rambarde.
Le brun grimace. Le garde-corps lui est douloureusement rentré dans les reins.
Le vent siffle, tourbillonne et gronde autour d'eux tandis que les vagues se mettent à mugir bruyamment.
— « Viens m'aider à rentrer le salon de jardin. Mandy approche », dit le brun en jetant un regard derrière lui.
Le ciel est menaçant au loin, d'un noir d'encre.
Chris acquiesce, les sourcils froncés par l'inquiétude. Il s'empresse de poser caisse à outils et radio dans le salon avant de soulever un fauteuil à bras le corps. Bucky lui emboîte le pas, un autre siège entre les mains. Ils descendent prudemment l'escalier jusqu'à la plage puis entrent dans la réserve aménagée sous la terrasse. La lourde banquette reste en place, les deux hommes la fixent solidement avec des chaînes.
Ahanant, luttant contre le vent, Bucky essuie son front avec le bas de son tee-shirt. À côté de lui, Chris a retiré le sien pour le passer sur son visage. Ça le distrait un peu quand il sent son portable vibrer dans la poche de son jean.
— « Peggy ? Est-ce que tout va bien ? », grogne-t-il légèrement.
— « … Est-ce que j'interromprai quelque chose mon lapin ?
Son compagnon lui montre les baies vitrées et Bucky acquiesce. Chris se met immédiatement au travail, son tee-shirt humide jeté quelque part dans le salon. Ah. Bien. Le vrombissement de la perceuse résonne. Le brun roule des yeux et tend le combiné quelques secondes devant lui.
— « Tu as entendu ? Chris et moi, nous travaillons », répond-il en accentuant chaque mot. « Nous venons de descendre le salon de jardin dans la réserve. Je déteste Sam de m'avoir convaincu de l'acheter, il est atrocement lourd. »
— « Tu dis la même chose à chaque tempête depuis des années ans James et tu es ensuite le premier à dire qu'il est du plus bel effet sur la terrasse. Tu étais fier comme un coq quand tu as vu un jour une photo de la maison de Tom Cruise à Los Angeles et qu'il avait le même. (rires) J'appelais pour savoir si tout allait bien. »
— « Nous avançons bien, nous allons bientôt nous barricader dans la maison. » Le brun sourit. « David et toi êtes allés vous réfugier à Ruth Lake avec vos enfants ? »
— « Oui, nous sommes arrivés il y a environ une heure. Je t'ai appelé que nous nous sommes installés. Tu sais que s'il vous manque quoi que ce soit, vous pouvez vous servir dans les réserves de la maison, n'est-ce pas ? La clé est toujours cachée dans le pot du bégonia à côté du paillasson. »
— « Je te remercie mais nous avons tout ce qu'il nous faut. Chris et moi irons vérifier l'état de votre maison demain matin après la tempête. »
Debout devant lui, son compagnon acquiesce vigoureusement et Bucky sourit. Susan rit dans le combiné.
— « Je pense que vous aurez bien autre chose à faire demain au réveil. »
— « Je n'ai pas dit que nous y serons à neuf heures, nous ferons probablement la grasse matinée. Chris est un peu stressé par l'arrivée de Mandy, je doute qu'il parvienne à fermer l'œil. »
Le blond lui jette un regard noir et offusqué, Bucky lui adresse un sourire malicieux. Susan rit encore, particulièrement joyeuse.
— « Ce garçon est adorable. Serre-le bien contre ton cœur et embrasse-le pour lui changer les idées. Je suis sûre que tu sais très bien faire ça. »
— « Ma chérie, s'il te plaît. Laisse-les tranquille. »
— « Susan, salue aussi David de notre part », sourit Bucky.
Il entend un bruit de conversations un peu étouffé, d'autres voix plus loin dans le combiné.
— « Il vous embrasse aussi. Il a l'air très digne mais il sait pertinemment que je dis la vérité. C'est lui qui me raconte que Chris rayonne comme une supernova quand il le rejoint sur un chantier certains matins. Il est de ceux que l'amour rend plus beau, tu ne trouves pas ? »
— « … Si. »
Bucky contemple dans un silence presque religieux le dos nu de Chris dont les muscles se contractent et ondulent sous la peau dorée. Quand il lève les bras à angle droit pour tenir une planche en place, un sillon se creuse entre ses omoplates, plein d'ombres et de sueur. Il a envie d'y nicher son nez et de l'y frotter doucement. Il sourit.
— « J'ai de la chance, n'est-ce pas ? », demande-t-il doucement et Chris l'interroge d'un regard.
— « Vous avez énormément de chance de vous avoir trouvé mon lapin. Le bonheur vous réussi très bien à tous les deux. … Je sais que ta mère aurait été de mon avis et qu'elle l'aurait adoré. »
— « La tempête te rend un peu nostalgique, Susan », souffle affectueusement Bucky.
— « Je pense souvent au petit garçon qui, à sa première tempête à Manila, s'était caché sous la table à manger du salon. Tu t'agrippais au pied parce que tu craignais que la maison ne s'envole. »
Sam ne saura jamais que, bien avait lui, Bucky avait aussi craint de devenir Dorothée au pays d'Oz. Les chaussures rouges de la sorcière en moins la manière dont les pointes s'enroulaient sur elles-mêmes lui faisaient peur dans le film de 1939 avec Judy Garland.
Un cri d'enfant résonne soudain dans le combiné et un bruit sourd, le téléphone semble changer de main. Le brun entend Susan échanger quelques mots en aparté avant de rire doucement.
— « Susan ? »
— « Anne a compris que j'étais en train de te parler et elle veut te saluer. Je peux te la passer ? »
— « Bien entendu. »
Il observe encore Chris se redresser, achever de sécuriser les baies vitrées de la terrasse. Le jeune homme récupère les outils, la radio et l'interroge d'un regard. Bucky sourit, lui indique de rentrer et qu'il le suit. Il y a un horrible crépitement à son oreille et il grimace légèrement. Anne, une des petites-filles de ses vieux amis, semble toujours avoir les mêmes gestes un peu vifs.
— « Bucky ? C'est toi ? Tu m'entends ? »
— « Oui ma belle. Comment vas-tu ? Tu veilles bien sur tes grands-parents ? », demande-t-il en souriant.
— « Bien sûr, maman a apporté un gâteau pour tout le monde et j'ai participé. … Tu aurais pu en manger aussi si tu étais venu à Ruth Lake avec eux. … Tu ne pouvais pas ? »
— « Je dois rester à Eureka pour la tempête tu sais. Je n'aime pas laisser ma maison seule et je dois aussi surveiller celle de tes grands-parents. »
Un silence lui répond, seulement une légère respiration dans le combiné. Bucky imagine sans peine son petit visage un peu froissé par l'inquiétude et la contrariété. Anne a un peu le béguin pour lui depuis qu'elle a six ans et en amour comme en travaux manuels à l'école, la fillette est très spontanée.
— « C'est dangereux. »
— « C'est vrai, un peu, mais Mandy n'est qu'une tempête de force deux. Et je ne suis pas seul. »
— « … Grand-mère me l'a dit. »
C'est ridicule mais Bucky se sent un peu coupable de sa tristesse. Lui aussi a déjà eu un coup de cœur pour un voisin plus âgé, il lui suffit de penser à Aaron quand il s'est installé à Manila avec sa femme. C'était il y a seulement quatre ans.
Bien plus tôt encore, il y avait eu Kyle Brodnick, un étudiant à Arcata dont les parents habitaient une maison non loin. Il revenait chaque week-end et pour les vacances scolaire, à chaque fois un peu plus beau à ses yeux de tout jeune adolescent. Tout était plus beau chez Kyle que chez les filles de son école. Il était gentil aussi. Quand le brun lui avait dit qu'il peinait sur le programme de sciences, l'étudiant l'avait spontanément aidé chaque week-end en le traitant avec la bienveillance d'un grand frère. Comment Bucky n'aurait-il pas pu tomber un peu amoureux de lui ? C'était facile.
Un samedi, pour les vacances de printemps, il était revenu dans la maison familiale avec une fille. Bucky avait un peu pleuré dans sa chambre et il avait cessé les cours de soutien. De toute manière, il surjouait un peu ses difficultés Kyle était un très bon professeur. Il aimerait être avec Anne pour avoir un geste affectueux envers elle un geste de bon ami.
— « … Elle m'a dit que tu avais un amoureux. C'est vrai ? »
— « Oui. Il s'appelle Chris et nous nous sommes rencontrés sur la plage il y a cinq mois. »
— « Comme la petite sirène et le prince ? »
Bucky rit affectueusement. Anne est vraiment encore une petite fille et c'est précieux.
— « Il habite avec toi à Manila ? »
— « Oui. C'est chez nous. »
— « … Sandy l'aime bien ? »
La voix d'Anne a un léger trémolo, quelque chose d'un peu fragile. Bucky aimerait vraiment être à Ruth Lake pour la serrer dans ses bras. Il sait que Joe Jonas du groupe Jonas Brothers figure sur la deuxième place de son podium des garçons avec lesquels elle aimerait se marier un jour elle se consolera.
— « C'est Sandy qui a fait sa rencontre la première. Elle l'apprécie beaucoup, elle peut lui faire faire ce qu'elle veut d'un seul regard. Sand' est douée pour ça. »
La fillette rit légèrement. Il entend la voix étouffée de Susan puis le son flûté de quelqu'un en train de se moucher. Bucky sourit.
— « Elle sait faire ça. … Je pourrais le rencontrer plus tard ? Quand je viendrai à Eureka avec papa et maman ? »
— « Bien sûr ma belle, je serai très heureux de vous présenter. Je pense que vous vous entendrez très bien, Chris adore regarder Masterchef, comme toi. »
— « Il soutient qui ? Pas Jenny j'espère, elle cuisine trop mal… »
Le brun éclate de rire au ton brûlant de la petite fille.
— « … Tu sais que j'ai commencé à cuisiner ? J'aimerais bien devenir cuisinière plus tard. »
— « C'est un beau métier. »
— « … Si tu me dis ce qu'il aime, je pourrais essayer de le faire pour vous. Grand-mère vous invitera sans doute à dîner. (…) Il ne faut pas que ce soit trop compliqué, il y a encore des choses que je ne sais pas faire. »
— « Je vais demander à Chris ce qu'il en pense et nous apporterons le dessert. »
— « Ah non ! C'est ce que je préfère faire ! (…) Maman m'appelle, je dois raccrocher. … J'ai hâte de te revoir Bucky. »
— « Moi aussi. Soyez prudent à Ruth Lake et rassure tes grands-parents, Chris et moi nous veillons sur tout. »
— « … Faites attention à vous deux aussi. Bisous. »
Bucky a une pensée pour Kyle et sa petite-amie, une blonde ravissante que – même en essayant très fort – il n'avait réussi à détester réellement parce qu'elle était sympa. Surtout, Becka avait un cousin, également étudiant à Arcata, qui les avait accompagnés une fois pour camper sur Manila Beach. Il avait un peu de barbe et des tatouages sur ses bras musclés, ça avait fait rougir Bucky comme une écrevisse.
Il sourit affectueusement tandis que le téléphone change à nouveau de main.
— « Anne viendra te voir dès qu'elle reviendra à Eureka, je pense qu'elle veut vérifier que Chris est assez bien pour toi. Elle a son air un peu obstiné qui dit qu'elle a besoin de voir les choses par elle-même pour être convaincue. Elle est bien la petite-fille de David. »
— « …Est-ce qu'elle va bien ? »
— « Ça ira et je suis persuadée que ce sera plus vrai encore quand elle rencontrera Chris. Il est charmant etAnne est sensible aux très beaux garçons. »
Une violente bourrasque heurte soudain Bucky en plein visage, figeant son rire sur ses lèvres. Il serre les dents, courbe le dos pour faire face au vent. Il est temps de rentrer à présent, Mandy arrive.
— « James ? C'est le vent que j'entends ? Il souffle beaucoup plus fort qu'à Ruth… »
Bucky vérifie machinalement l'attache des chaînes de la banquette puis longe rapidement la maison, une main sur la rambarde. Les rafales ne cessent de le projeter contre la façade et il grogne d'agacement.
— « Je vais raccrocher Susan. Chris et moi avons encore des choses à faire dans la maison et Mandy approche. »
— « Oui, bien sûr. Embrasse-le pour moi et soyez prudent. »
La voix de son amie est un peu tendue et Bucky hausse un sourcil. Il s'abrite contre la façade principale de la maison et grimpe les marches du perron.
— « Tout va bien se passer tu sais, j'en ai vu d'autres. Si jamais quelque chose devait arriver, Chris est avec moi. Nous veillerons l'un sur l'autre », la rassure-t-il doucement.
— « Je sais mon lapin. … David et moi sommes soulagés de le savoir mais j'aurai dû insister pour vous faire venir à Ruth Lake avec nous. Je vous aurai eu à mes côtés et je ne me ferai pas un sang d'encre en priant pour que ta vieille maison soit encore bien solide sur ses fondations. (…) Je suis une vieille femme ridicule. »
— « Tu es une dame qui s'inquiète pour moi et je ne me moquerai jamais de toi pour ça. » Bucky sourit tendrement tandis qu'il se glisse enfin dans la maison. « Je t'enverrai un message quand Mandy sera passée pour te rassurer. »
— « Ne te sens pas obligé de – »
— « Je le ferai, Susan. »
La vieille dame rit doucement et Bucky sait tout ce que ce rire contient de remerciement et de soulagement. Encore quelques mots de réconfort et les deux amis raccrochent. Le brun ferme la porte de la maison derrière avec soulagement. Ses oreilles bourdonnent encore un peu du rugissement du vent et des vagues.
— « Chris ? »
Il tend l'oreille, perçoit le bruit de la douche à l'étage. Bucky monte l'escalier, abandonne sans façon ses vêtements humides sur le carrelage de la salle de bain et se glisse sous l'eau chaude. Son compagnon l'accueille en lui ouvrant les bras, le brun soupire de bien-être. Il ne sent plus sa peau désagréablement collante et le goût de sel. Les mains de Chris glissent jusqu'à ses reins.
— « Est-ce que David et Susan vont bien ? »
— « Ils s'inquiètent toujours beaucoup trop, je préférerais qu'ils pensent à eux », marmonne Bucky dans son cou.
— « Demande-leur de t'envoyer un message à leur départ de Ruth Lake et nous irons les attendre devant chez eux pour les accueillir. »
— « … Tu es brillant. »
Le brun sort la tête de son giron et Chris sourit en coin.
— « Je pense que tu les attendras car je serais en train de vérifier l'état de la toiture et des fenêtres », le corrige-t-il d'un ton pince-sans-rire.
Bucky ricane et mordille doucement sa pomme d'Adam. Son compagnon attrape son visage à deux mains et l'embrasse délicieusement pour le distraire.
Pendant un moment, le brun ne songe plus à Mandy et à ses vents à cent-soixante km/h. Le vent mugit pourtant toujours, Bucky l'entend s'enrouler furieusement autour de la maison. Les charpentes et le bardage craquent, Chris jette un regard un peu anxieux à la fenêtre calfeutrée à leur droite.
— « Tout va bien se passer », répète Bucky en ricanant.
— « … Tu es toujours d'accord pour qu'on regarde les trois épisodes en retard de Masterchef ce soir ? Ils sont rediffusés sur Fox. »
— « On les regardera jusqu'à ce que l'électricité soit coupée. Ensuite, je te propose un marathon cinéma sur l'ordinateur. »
Chris grommelle quelque chose dans son cou.
Bucky s'esclaffe tandis qu'il glisse une main dans ses cheveux blonds. Les grains de sable crissent sous la pulpe de ses doigts.
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Bucky sait que les tempêtes font tomber les poteaux des lignes électriques et que, immanquablement, celle-ci est coupée pour une durée plus ou moins déterminée.
C'est quelque chose d'aussi certain que le fait que Sandy adore les choses mortes sur la plage, que Chris est beau comme un dieu et que le volet de son ancienne chambre d'adolescent baille toujours un peu, même fermé.
Pourtant, quand les plombs sautent après la tombée de la nuit, le brun a un léger sursaut de surprise. Immanquablement aussi. Il pince les lèvres d'agacement. Son seul réconfort est que le bond de Chris est un peu plus spectaculaire que le sien.
Les deux hommes sont en train de terminer la vaisselle dans la cuisine. Bucky hausse les épaules, les mains plongées dans l'eau savonneuse.
— « Au moins, nous avons pu manger chaud. »
Chris ricane alors que les ténèbres envahissent la maison.
Le vent souffle une haleine d'enfer autour d'eux, faisant gronder charpente et toiture comme un animal. Mandy rugit sur le comté d'Humboldt depuis plus de trois heures.
Bucky tâtonne un instant pour trouver un torchon et s'essuyer les mains. Il espère que la couverture en bois de la maison tient bon, des pluies diluviennes tombent sans discontinue sur Manila. L'œil de la tempête n'est probablement plus très loin. Le bruit des gouttes sur les panneaux en contreplaqué était assourdissant au début à présent, les deux hommes n'y prêtent plus attention. Chris continue pourtant à parler un peu plus fort, comme lorsqu'il essayait de couvrir ce fracas. Bucky trouve ça adorable.
Chris se racle la gorge, les doigts du brun effleurent les siens sur le linge humide.
— « Tu as raison, le réseau n'a pas tenu. »
Bucky rit doucement. Il tâtonne encore un peu sur le plan de travail pour trouver la lampe électrique qu'il a sortie un peu plus tôt et l'allume. Le brun balaye brièvement la pièce du halo lumineux avant de la diriger vers Chris. Le blond cligne des yeux et pose le torchon à côté de lui.
— « J'ai l'impression que la tempête souffle encore plus fort depuis qu'il n'y a plus d'électricité. C'est stupide… »
— « J'ai beau savoir que cela va arriver, je sursaute toujours quand le réseau est coupé », lui répond gentiment le brun parce que ce serait méchant de se moquer. « Je vais allumer le générateur. »
— « Je viens avec toi. »
Bucky haussa un sourcil vaguement surpris avant d'esquisser un sourire discret. Personne n'aime être seul dans l'obscurité.
Le brun le prend par la main et le guide jusqu'à la buanderie. Il retire le tapis sur le parquet devant le plan de travail, révélant une large trappe. Le brun soulève le vantail et le cale contre le mur. En dessous, un escalier un bois un peu abrupt.
Une bourrasque particulièrement brutale en jaillit soudain et le déséquilibre. Chris le retient d'une main autour de son coude. Il se penche pour regarder dans la cavité et la balaye d'un va-et-vient de torche électrique.
- « Il n'y a pas de lumière… », note le blond.
Bucky roule des yeux. Il s'empare de la lampe, lui vole un léger baiser et s'engouffre dans la réserve pour allumer le générateur de secours. L'appareil émit un léger crachotement avant de ronronnement d'une manière agréable. Une forte odeur d'essence envahit l'endroit et le brun grimace. Il déteste ça.
Le parquet craque au-dessus de lui. Chris semble s'agiter, allant et venant entre la buanderie et le salon.
— « Bucky, le courant est revenu. L'éclairage ne fonctionne pas mais l'électroménager est en train de biper de tous les côtés. »
— « Est-ce que tu peux vérifier le frigo ? », demande le brun en haussant la voix.
Le parquet craque encore.
— « C'est bon, le moteur tourne. La télévision est toujours hors service par contre… »
— « Le générateur n'est pas un modèle très puissant, il permet de parer au plus urgent. Je suis navré mais la télévision n'en fait pas partie. »
— « C'était le moment des éliminations dans Masterchef. Je ne sais pas si Jacob va rester dans la compétition. »
Bucky ricane tandis qu'il se glisse à nouveau dans la buanderie. Il referme la trappe avec soin, la couvre du tapis et rejoint Chris dans la cuisine. Celui-ci est en train d'allumer des bougies.
— « Prêt pour notre tête-à-tête à la lueur des flammes ? », lui demande-t-il avec malice.
Le brun rit et l'embrasse rapidement, ses doigts déjà refermés sur la boîte d'allumettes.
— « Je m'occupe de ça. Sors le brownie de Sam pour qu'on retourne s'installer dans le salon. Je veux te montrer toute la beauté des vieux Terminator produits de James Cameron. »
Bucky dispose des bougies sur la table basse et le meuble télé en face du canapé, il installe avec soin l'ordinateur et connecte un vieux disque dur externe pour retrouver la filmographie du réalisateur canadien. Chris pose le gâteau à côté de lui. Quand il esquisse un geste pour retourner dans la cuisine, le brun le retient doucement par la main.
— « Juste des cuillères Chris, on mange dans le plat. »
— « … Tu es un homme des bois. »
— « Une tempête de catégorie deux souffle sur nous et nous n'avons plus d'électricité. Robinson Crusoé n'avait pas d'assiette quand il était seul sur son île. »
Son compagnon roule des yeux et s'assoit sur le canapé.
Bucky lance le premier film de la saga, grimpe à côté de lui et tire le brownie sur ses genoux. Chris l'a mis dans une grande assiette, cela à l'avantage de lui éviter de se salir les doigts à cause du gras qui transpercerait le carton d'emballage. Son compagnon est parfait et il entame le gâteau avec enthousiasme.
Chris le tire doucement un peu plus vers lui, Bucky se love contre son flanc. Parfait.
— « J'avais oublié combien les brownies de Nancy's Bakery sont délicieux », grogne-t-il de contentement à la première bouchée.
Il pousse l'assiette vers le blond et lui rend sa cuillère. Ce dernier refuse d'un signe distrait, les yeux déjà rivés sur l'écran et le prologue.
— « Plus tard Bucky. J'ai le temps, la saga dure plus de douze heures. »
Le brun embrasse son cou et s'installe confortablement contre lui.
Il ne sait pas vraiment à quoi ressemble une lune de miel en pleine tempête mais si elle a le goût du chocolat, le charme des vieux effets spéciaux des années 1980, la chaleur de Chris contre lui et leur maison, ça lui paraît bien.
o0O0o
Bucky se frotte les yeux alors que les crédits de Terminator 2 : Le Jugement dernier défilent lentement sur l'écran.
Il frissonne agréablement de plaisir quand les doigts de Chris viennent se perdre distraitement sur son cou. Le brun penche la tête pour embrasser son poignet du bout des lèvres, son compagnon passe malicieusement son pouce sur sa bouche avant de recommencer à effleurer son cou.
La tête sur les cuisses du blond, Bucky se cale plus confortablement contre lui pour apprécier la caresse. Sans remord, il pense s'être assoupi un instant pendant le énième affrontement entre T-800 et T-1000 malgré l'allure séduisante de Robert Patrick, l'acteur du Terminator nouvelle génération. Les doigts de Chris lui faisaient trop de bien.
L'emballage vide du brownie est nonchalamment posé sur le parquet, non loin de sa main qui y récolte encore distraitement quelques miettes oubliées.
Plaisir simple, contentement hédoniste, langueur un peu sensuel.
Son portable sonne dans le salon doucement éclairé par les bougies à demi fondues. Le brun rouvre paresseusement les yeux, il se contorsionne maladroitement sur le canapé pour le récupérer en bougeant le moins possible. Le brun a trouvé l'angle parfait d'inclinaison de sa nuque sur les cuisses de Chris.
— « L'application météo du comté indique que la tempête est passée et s'évacue vers le sud le long de la côte », lit-il avant de tendre l'appareil derrière sa tête pour montrer l'écran au blond. « C'est fini, je t'annonce donc officiellement que tu as perdu ta virginité avec Mandy. »
— « C'est horrible. Comment s'appelait la tienne ? »
— « … Ronda, je crois. »
Bucky ricane à sa mauvaise plaisanterie tandis qu'il envoie rapidement le message promis à Susan. Il repose l'appareil, incline la tête en arrière pour jeter un regard à son compagnon mais il inspire soudainement. Un sourire narquois aux lèvres, Chris vient de glisser sa paume sur son torse, frôlant à dessein ses tétons. Le brun déglutit. La paume de son compagnon est large, lourde et chaude sur lui.
— « Je sais que nous partageons le même lit depuis peu de temps mais il me semblait que nous travaillons plutôt bien à rattraper notre retard », répond Chris d'un air faussement nonchalant.
— « … Je ne peux pas dire que tu n'y mets pas du tien. Certains jours, je me demande si nous parviendrons à quitter le lit », souffle le brun en enroulant ses doigts sur son poignet.
— « Tu exagères. J'ai lu dans un magasine de la salle d'attente de Providence que le plaisir est quelque chose de très sain. Sam était d'accord avec moi. »
— « Qu'est-ce Sam vient faire dans cette histoire ? »
Bucky se redresse d'un coude sur le canapé et dévisage son compagnon avec surprise. Chris rougit légèrement et l'invite à se rallonger contre lui d'une caresse un peu trop appuyée pour être honnête.
Le brun fronce les sourcils.
— « De quoi est-ce que Sam et toi avez parlé ? »
— « De rien de très important », élude un peu son compagnon.
— « Chris, si Sam est devenu l'espace d'un instant notre sexologue, je dois être au courant. Je ne dois pas être pris au dépourvu s'il me dit quelque chose bourré de sous-entendus.
— « Sam fait toujours des sous-entendus. »
— « Oui, mais c'est moins gênant quand tu peux jouer à armes égales avec lui. »
Chris esquisse un rictus et hoche la tête. Sa main dans son cou, il caresse l'arête de sa mâchoire de son pouce.
— « J'attendais mon rendez-vous avec mon neurologue et Sam prenait sa pause, il est resté avec moi. … Nous discutons aussi quand tu n'es pas là tu sais. Sam s'est plaint du fait que son restaurant préféré ne faisait plus de crumble aux pommes et que son infirmière préférée partait en congé maternité pour plusieurs mois ce qui le désolait. Nous avons de vrais sujets de discussion… », ricane le blond.
Bucky roule des yeux et lui pince légèrement le genou.
— « N'essaye pas de tenter de sujet. Je sais que tu me caches quelque chose… »
— « Pas vraiment… Le médecin avait du retard alors on a feuilleté Cosmopolitan et on a juste fait le test des pages sexo ensemble pour rire », marmonne Chris en détournant maladroitement le regard.
— « Quoi ? »
— « Il était vraiment très en retard », se défend le blond. « Le deuxième film est terminé, on regarde le suivant ? »
Cette fois, le brun se redresse vraiment. Il sourit affectueusement en voyant Chris fixer l'écran noir de l'ordinateur comme s'il contenait toutes les vérités du monde.
Bucky rampe un peu pour se rapprocher de lui à genoux.
— « On le regardera plus tard, ou demain. James Cameron n'était plus le réalisateur de la saga et je le trouve moins bon. Tu parlais d'un test sexo… »
— « Ce n'était pas vraiment – » Chris passe une main nerveuse dans ses cheveux. « C'était juste un truc stupide pour découvrir mon animal totem au lit. »
— « C'était un test gay ? »
Son compagnon secoue lentement la tête.
— « … Cela n'a pas vraiment d'importance quand on t'interroge sur ta position préférée pour faire l'amour. Tous les couples le font de la même manière, non ? »
Bucky acquiesce lentement. Oui, sans doute. Pour lui, c'est juste bien meilleur avec un homme qu'avec une femme.
Il se rapproche encore, enroule un bras autour des épaules Chris. Glisse une main dans ses cheveux et ses ongles effleurent doucement son crâne.
Le blond gigote contre lui.
— « Et donc ? Quelle position tu as choisi ? », demande-t-il avec une curiosité intéressée.
Chris pince les lèvres et détourne ostensiblement les yeux.
— « On peut regarder Terminator, s'il te plaît ? »
— « Oh aller, tu ne peux pas m'avouer ça et ne pas développer un peu. Tu sais que je ne me moquerai pas de toi. Alors ? »
— « … Le missionnaire. Ce n'est pas très original et ça ne m'a rapporté presque aucun point au test. … C'est une position très adaptée pour… débuter, elle est confortable et facile. »
Bucky sourit tendrement et frotte son nez contre sa tempe d'un air câlin. Il connaît Chris, il sait lire tout ce qui se trouve entre les lignes, écrit en très petit et en très timide.
— « Je suis touché par ta délicatesse mais je ne suis plus vierge tu sais. Sans être un Don Juan, j'ai tout de même un peu d'expérience alors quand ça arrivera, ça n'aura pas forcément à être confortable et facile », souffle-t-il doucement.
Chris rougit un peu et enfonce sa tête entre ses épaules dans une vaine tentative de se cacher. La chose était impossible parce que Bucky le trouve atrocement beau à la lueur des bougies. Les ombres creusent délicatement les traits de son visage et la lumière diffuse paillette d'or sa barbe et ses cheveux.
— « Ne fais pas comme si cela ne signifiait pas que je ne devais pas prendre sur toi », proteste-t-il avant de se mordiller nerveusement les joues. « Et je ne pensais pas à le faire forcément dans ce sens. Tu sais, moi dessus et toi en dessous. »
Le brun déglutit. Il a envie de lui dire que le sexe gay n'est pas une question de dessus et de dessous, c'est un peu ringard comme manière d'envisager les rapports entre homme mais Chris tente désespérément de le faire se rallonger contre lui et surtout – surtout – de le faire cesser de le regarder comme il le fait.
Bucky lutte un peu et grommelle dans sa poigne ferme et un peu désespérée.
— « Je n'ai pas envie de reste sur tes genoux quand on parle de ce genre de choses Chris », proteste-t-il vigoureusement.
— « Ce n'était qu'un fichu test sur les animaux totem. Je ne suis même pas certain que ce soit autre chose qu'une invention de la journaliste de Cosmo. »
— « Ne change pas de sujet. » Bucky sourit et attrape habilement la main qui appuie sur ses reins et insiste. « … Tu aimerais que les choses se passent comme ça ? »
— « Quelles choses ? »
— « S'il te plaît, mets-y du tien… », grommelle le brun en pinçant doucement son poignet.
Chris le regarde puis soupire lourdement, une main crispée sur son genou.
— « … Et toi ? », demande-t-il un peu timidement.
Bucky rit. Son compagnon a la subtilité d'un camionneur pour essayer d'esquiver son embarras. Malheureusement pour lui, le brun est un homme un peu obstiné et pas uniquement quand il s'agit de le faire jouir vite, fort et bien.
— « Je veux juste la même chose que toi Chris, je suis d'accord avec tout. … Sauf la douleur. Le sexe et la douleur sont deux choses incompatibles pour moi. Et l'humiliation. »
— « Bucky, je ne te ferai jamais ça », répond son compagnon d'un air défait.
— « Je sais mais je préfère te l'affirmer maintenant. »
Chris hoche lentement la tête, encore un peu pâle.
Le brun se penche vers lui pour l'embrasser tendrement. Inutile de s'étendre sur le sujet, c'était il y a longtemps, ça n'avait duré que le temps que Bucky comprenne que son amant était en train de lui attacher les poignets. Il l'avait repoussé d'un coup de pied en refusant tout net de poursuivre. Camden avait parfois des envies aussi mais le brun a toujours été intraitable. Faire plaisir à l'autre ne signifie pas aller contre ses propres envies. Il n'y aurait jamais trouvé son plaisir alors ce n'était pas une bonne idée.
Chris glisse sa main dans sa nuque pour le tenir un peu plus longtemps contre lui.
— « J'ai vraiment envie de frapper celui qui t'a demandé de faire ça », souffle-t-il contre sa bouche.
Bucky l'embrasse encore. Christian ne lui avait pas vraiment demandé son avis cette fois-là. Le blond caresse doucement son cou de son pouce.
— « Tu l'as déjà fait comme ça ? Au-dessus de ton partenaire ? », demande Chris d'un air un peu hésitant.
Le jeune homme sait qu'il ne pense pas du tout à la position de l'Amazone, une de ses préférées, et son compagnon est trop nerveux pour qu'il se moque gentiment de lui. Il hausse légèrement les épaules.
— « Cela m'est déjà arrivé mais je préfère la sensation d'être pénétré. »
Chris hoche sagement la tête mais le mot est dit. Plus de circonvolutions élégantes ou d'euphémismes un peu hésitants. Bucky voit ses oreilles devenir un peu rouges aussi il sourit affectueusement et fait courir un doigt le long de leur courbe délicate. Quand son pouce effleure la peau fine derrière le lobe, le blond frissonne imperceptiblement.
— « J'ai essayé à l'université et quand j'étais avec Camden, il nous arrivait parfois d'échanger les rôles. C'était bon mais ça ne nous contentait jamais autant que de faire l'amour en échangeant à nouveau nos positions. Je dois être un peu maladroit », sourit-il.
– « Tu sais me faire jouir avec une rapidité qui est parfois un peu mortifiante », proteste doucement Chris.
— « Je te remercie mais faire entièrement l'amour avec toi sera un peu différent. C'est quelque chose de beaucoup plus intime, même si je connais bien ton corps et ses réactions. »
Bucky caresse encore le lobe de son oreille puis la peau derrière jusqu'à la racine de ses cheveux blonds sur sa nuque. Son compagnon pince les lèvres de plaisir. Il sourit tendrement.
— « Je n'arrive pas à croire que tu aies pensé à la manière dont je pourrais te faire l'amour », reprend le brun à voix basse.
— « Je n'ai pas d'a priori. … Le contraire me plairait bien aussi. »
Chris esquisse un petit sourire un peu timide.
Bucky enroule un bras autour de ses épaules et se love contre lui, sa tête appuyée contre la sienne. Il frotte doucement son nez dans ses cheveux blonds, respire son parfum de vétiver et d'épices. Délicieux et chaud, comme leurs matinées passées à se cajoler au lit sans penser au lendemain. Devant eux, le générique de Terminator 2 est fini depuis longtemps. L'ordinateur se met en veille prolongée, écran noir, et le disque dur externe cesse de vrombir doucement. La maison est envahie par un silence confortable et la seule lueur des bougies.
— « Tu as songé à d'autres choses à ce sujet ? Pas sur nos rôles respectifs mais sur le déroulement ? »
— « Faire l'amour n'a rien d'un scénario de cinéma… »
— « Bien entendu mais ça ne t'empêche pas d'y avoir pensé quand même. Je ne pense pas que tu l'aies remarqué mais tes mains s'égarent de plus en plus sur moi quand on fait l'amour. »
Chris tourne la tête et enfouie son visage dans son cou. Bucky sait qu'il se rappelle comme lui la fois où ses doigts, qui jouaient si délicieusement avec ses testicules, avaient glissé plus bas et effleuré son intimité. Le brun est presque certain d'avoir couiné ou d'avoir fait un autre petit bruit empli de désir. Son compagnon l'avait regardé d'un air interdit, la main levée entre eux. Pas de la gêne, jamais avec lui, juste le brûlant désir de quelque chose de plus.
Le blond frotte son nez dans son cou, Bucky caresse gentiment sa nuque de son pouce.
— « J'ai aimé ça tu sais. J'avais envie que tu ailles plus loin », avoue-t-il dans un souffle.
— « Nous n'en avions pas parlé avant… »
— « Mais c'était vraiment bon et tu avais l'air particulièrement désireux aussi ce matin-là. Je pense que tu as arrêté de me toucher seulement parce que tu pensais que ton geste était trop inattendu ou trop intrusif. Tu n'as pas idée de combien j'avais envie de prendre le lubrifiant dans le tiroir de ta table de chevet pour te le donner. »
— « Tu ne l'as pas fait. »
— « C'est toi qui ne me semblais pas tout à fait prêt, Chris. »
— « … J'aurais préféré qu'on en parle avant. »
Bucky sourit dans ses cheveux.
Son compagnon parvient à le faire jouir avec un instinct incroyablement sûr mais il garde parfois des pudeurs charmantes. Appréhension de mal faire, besoin féroce de s'assurer que son désir est partagé.
Le brun ne précise pas qu'ils auraient pu en parler dans le feu de l'action, alors que Chris le rendait fou de plaisir en ondulant vigoureusement contre lui, leurs érections serrées dans sa grande main chaude. Juste un accord, un regard et un hochement de tête, un « Tout va bien se passer, tu ne feras pas mal, j'en ai envie aussi » et ils auraient pu faire l'amour.
Bucky sait que Chris a besoin d'échanges un peu plus formels, même si cela donne parfois les conversations les plus étranges du monde à ses yeux. C'est son côté procédurier, le même qui fait enrager les entreprises travaillant pour David Dumault parce que Chris étudie systématiquement tous les devis qui lui sont envoyés. Et que souvent, il les refuse pour des dépenses inutiles.
— « La sixième question du test demandait qu'elle était la position qu'on fantasmait de faire pendant l'amour. J'ai répondu la cuillère », reprend finalement le blond après un silence.
Bucky hausse un sourcil. Si Chris pense que c'est audacieux, il vaut mieux qu'il n'apprenne jamais ses frasques d'étudiant et sa rencontre avec Folke Holgerson. Pas de raison que ce soit le cas cependant, Sam lui-même ignore l'existence du charmant étudiant suédois en échange universitaire qu'il a fréquenté pendant un semestre avant son retour à Stockholm.
Chris lève les yeux sur lui et grimace.
— « Ce n'est pas très original non plus, c'est ça ? »
— « Je l'aime beaucoup aussi. »
— « Mais ce n'est pas celle que tu préfères. Dis-la moi, je veux que tout soit parfais quand on sera ensemble Bucky. »
— « Ça n'a pas à l'être. La première fois que nous avons dormi ensemble en rentrant de Ruth Lake, les choses ont été très empressées et ça a été vraiment bon. Nous n'avons pas besoin d'être techniquement stupéfiant dès le premier essai, je sais déjà que j'aurai un fantastique orgasme et ce sera uniquement parce que ça se sera passé avec toi. »
Oui, c'est un peu banal mais Bucky le sait déjà. C'est ce que provoque en lui le fait de toucher Chris, de sentir la salinité de sa sueur dans son cou, le parfum musqué de son pubis quand il prend dévotement son sexe dans sa bouche puis l'amertume de son sperme quand il jouit et que le brun frissonne en sentant son frein palpiter sur sa langue. Il n'est pas question de technique ou de prouesse, Bucky sait que ce sera bon parce qu'ils seront ensemble.
Il sent son regard peser sur son front, sur son visage, avide de réponses.
Le brun lève les yeux au plafond. S'il le veut après tout. Ils se sont promis d'être honnête l'un envers l'autre, ils ont cette discussion ensemble et ils n'ont jamais été aussi près de conclure. Bucky n'est pas non plus un homme qui a honte ou qui regrette.
— « La cuillère est bien mais je n'ai rien contre le fait de ne pas voir mon partenaire quand on fait l'amour. Sur le ventre », précise-t-il en regardant Chris dans les yeux.
Son compagnon cligne des yeux, détourne brièvement le regard avant de fixer avec insistance l'écran noir de l'ordinateur portable. Bucky caresse la ligne serrée de sa mâchoire de son pouce avant de prendre son menton entre deux doigts pour l'obliger à tourner la tête dans sa direction.
— « Je ne sais pas ce quel scénario un peu glauque tu es en train d'imaginer mais cela n'a rien d'avilissant. Être allongé sur le ventre et avoir les reins levés rend la pénétration beaucoup plus profonde. »
— « Ça te rend un peu vulnérable. Et tu es vraiment en dessous », répond Chris en se raclant la gorge.
— « Je sentirai aussi tout ton poids sur moi, tu serais partout comme la manière dont tu t'enroules autour de moi certaines nuits et que je me réveille parce que j'ai trop chaud. Faire l'amour comme ça nécessite une grande confiance en son partenaire et j'ai une confiance absolue en toi. »
Chris sourit doucement.
Bucky sent l'infime tension dans ses épaules s'apaiser enfin, il l'embrasse chaudement et son compagnon enroule un bras autour de sa taille, léchant et suçant ses lèvres avec envie et désir. Le brun se sent frémir agréablement.
— « Le panda. »
— « Quoi ? »
— « Le panda, c'est mon animal totem. Cosmo a écrit que ça fait de moi un amant gourmand, attentionné et passionné. »
— « De quoi t'inquiètes-tu alors ? En plus, c'est un animal très mignon », le taquine Bucky.
Peu importe que l'idée que le panda ait une libido soit complètement absurde. Stupide magazine.
Le blond lui pince légèrement la taille et il ricane avant de s'amollir en sentant la caresse de sa main sur ses reins. Chris glisse le bout de ses doigts sous la couture de son pantalon, frôlant ses fesses et le brun soupire doucement, le visage niché dans son cou. Sa respiration est chaude, un peu moite.
Les doigts du blond descendent un peu plus bas, mutins et avides. Bucky creuse le bas du dos et commence à onduler imperceptiblement pour accompagner son geste et le sentir plus, beaucoup plus.
Il sent Chris déglutir contre lui puis son corps bouger un peu, se déplacer sur le canapé pour lui faire face. Son torse solide se presse, s'écrase contre le sien. Le brun a envie de coller son bassin sur ses hanches et de bouger plus fort.
— « Bucky… »
— « Ne dis rien et embrasse-moi », demande-t-il chaudement.
L'autre main du blond se glisse sous son chandail, remonte dans son dos en frôlant les crêtes de sa colonne vertébrale. Bucky siffle doucement, il est sensible à cet endroit, juste au milieu. Il songe à Chris qui ne cesserait de le couvrir de baisers tandis qu'il viendrait dans son dos, son sexe profondément enfoui en lui. Ses hanches ont un léger sursaut. Une boule chaude et douce commence à vrombir dans le creux de son ventre.
— « … Tu ne veux pas savoir quel est l'animal totem de Sam ? », demande Chris en l'embrassant.
— « Je m'en contrefous. Il doit probablement être un animal bruyant, comme une corneille. Je préfère songer au fait que tu es un panda et le laisser très loin de nous pour le moment », grogne-t-il.
Son compagnon rit dans son cou. Son haleine est chaude pourtant Bucky sait que sa peau se couvre de chair de poule. Il se cambre un peu plus. Les doigts de Chris sont passés sur son torse, ils effleurent ses pectoraux et le relief discret de ses abdominaux, ses tétons jusqu'à la lisière de son pantalon. Le brun ne cache pas son gémissement de plaisir.
— « À quelles autres questions tu as répondu dans ce test ? », marmonne-t-il.
— « Il y en avait beaucoup, c'était un test très long. »
— « Nous avons tout le reste de la nuit maintenant que le toit ne risque plus de s'envoler. »
Bucky sent Chris partout autour de lui mais ce n'est pas assez.
Quand la main dans son dos se pose finalement sur la courbe de sa fesse droite, c'est le signal qu'il attendait. Il grimpe sans façon sur ses cuisses, à califourchon. Il recommence à onduler doucement.
Chris enveloppe ses fesses et l'accompagne lentement. C'est quelque chose d'un peu languide et paresseux, juste destiner à les chatouiller et à nourrir leur désir ils savent que ce n'est que le début.
Bucky se mord les joues quand son compagnon a un sursaut voluptueux, il devine son sexe qui presse légèrement contre la toile de son pantalon.
Il ondule encore, plus fort. Il a envie de faire l'amour avec lui sur ce canapé, sur le plan de travail de la cuisine ou dans leur lit. Peu importait où, il ne s'agit plus que de réveiller le panda gourmand en Chris et lui rendre au centuple son plaisir.
— « Dis-moi », répète-t-il en mordillant doucement sa pomme d'Adam.
— « … Il – Il y avait une question sur les zones érogènes du corps de l'autre. »
— « Qu'est-ce que tu as répondu ? »
— « Je pense que je les connais plutôt bien », sourit Chris dans un air charmant de suffisance qui donne envie au brun de l'enfoncer dans le canapé sous ses coups de reins. « Tu es sensible au creux des reins et sur le bas-ventre, juste en dessous du nombril. »
Le blond le touche et Bucky ondule plus fort, la tête bourdonnant agréablement. Leurs soupirs de plaisir meurent sur les lèvres de l'autre.
— « Tu aimes aussi quand je t'embrasse à l'intérieur des cuisses. Tu fais toujours de jolis sons quand je t'embrasse là. »
Ses doigts habiles s'égarent, touchent et effleurent.
Quand le dos de sa main rencontre son sexe sensible par-dessus son pantalon, Bucky grogne. Il crispe les doigts sur le dossier du canapé, enfonce ses ongles dans les coussins, de part et d'autre du cou de Chris. Il se demande brièvement si cette position est audacieuse pour lui.
— « Fais-le. Touche-moi encore s'il te plaît », souffle-t-il chaudement.
Chris émet une sorte d'étrange grondement, quelque chose de grave et de guttural qui rend le brun un peu tremblant. Cela ne dure qu'une fraction de seconde avant que son compagnon ne le saisisse à bras le corps pour le renverser lentement sur le sofa.
Bucky écarte les cuisses et Chris se faufile entre, appuyant son bassin contre le sien.
Qu'elle est loin l'appréhension délicate de leurs premières étreintes à Ruth Lake.
Un grondement sourd et terrible vient soudain heurter la maison, faisant craquer le bardage et la charpente. Le blond, très occupé à caresser son ventre nu sous son polo, relève la tête avec inquiétude. Bucky se tortille un peu sous lui, lève le bassin pour poursuivre leurs délicieuses frictions mais le jeune homme l'immobilise d'une main sur sa hanche.
— « Tu as dit que la tempête était passée, n'est-ce pas ? »
— « Ce ne sont que des vents résiduels, ça arrive. Mandy est en train de s'évacuer vers le sud, je t'assure qu'elle n'est plus sur nous. Je peux t'assurer que le danger est passé maintenant, l'application météo doit être passée au vert », gémit-il.
Chris jette un regard vers la table basse, vers son portable posé sur le plateau. Le brun rut contre lui d'indignation et son compagnon ricane.
— « La confiance n'exclue pas le contrôle », répond-il en guettant encore les bruits alentour.
Bucky tend distraitement l'oreille, bien plus préoccupée par leurs débuts d'érection. Il se concentre de mauvaise grâce, perçoit le sac et le ressac furieux des vagues sur Manila Beach et les bourrasques violentes qui font grincer la maison. Il hausse les sourcils. Rien d'inquiétant, juste un désagrément à peine bruyant qu'il n'entendra plus quand il fera gémir lourdement de plaisir son compagnon. Le brun enroule ses doigts autour de son poignet et le serre doucement.
— « Je t'assure que tout va bien », dit-il en plongeant ses yeux dans les siens.
Tout va bien et quelque chose de spécial va se passer entre eux à présent. Ça flotte dans l'air avec un léger parfum de sueur et d'envie, quelque chose de piquant et de doux qui fouette leur sang et leur désir. Ça ressemble à ce qu'ils ont vécu ensemble à Ruth Lake, ces promesses informulées alors qu'ils se serraient l'un contre l'autre dans cette luxueuse cabine de douche.
Bucky en a envie, douloureusement envie.
Les aveux de Chris résonnent dans son esprit avec la même acuité que ses mots d'amour. Ses fantasmes, les positions qu'ils vont peut-être prendre ensemble et à la pensée de Chris lui faisant l'amour allongé sur lui, de dos, le brun frémit.
Le jeune homme se penche sur lui et l'embrasse profondément. Bucky a l'impression de perdre un peu le contrôle de ses pensées, il crochète ses jambes autour de ses reins.
— « Le sens que je préfère utiliser quand on est ensemble est la vue », poursuit-il.
Dans son brouillard de sensations brûlantes, Bucky comprend que Chris parle toujours de ce fichu questionnaire sexo. Il cligne des yeux.
— « C'est parce que tu es un amant attentionné et que tu veux voir la manière dont je réagis pour ne pas me blesser ? », le taquine-t-il.
— « C'est parce que tu es beau et que te voir jouir est quelque chose que je n'oublierai jamais. »
— « … Je ne peux pas te contredire sur ce point », répond Bucky d'un ton un peu crâne.
Chris rit joyeusement mais ses yeux s'assombrissent légèrement.
Les sexes tendus s'effleurent. Le brun ondule fort sous lui, ses mouvements les font se frotter avec une redoutable efficacité l'un contre l'autre. Chris relève son polo sur son torse, caresse ses côtes. Quand il commence à jouer doucement avec son téton droit, Bucky siffle et se cambre légèrement. Il est sensible aussi à cet endroit et Chris le sait. Il le butine du bout des lèvres avec application tout en frottant l'autre du plat de la paume. Le brun se tortille et halète doucement. Oh oui. Oui.
Ils approchent lentement de ce point de non-retour dont il rêve depuis des semaines, des mois. Cette union pleine et entière, cette nouvelle et parfaite intimité entre eux. Faire réellement l'amour avec Chris. Ne plus sentir son sexe magnifique dans sa main ou entre ses cuisses, lourd et brûlant pour lui, mais en lui. En lui.
Bucky se cambre, le dos creusé et les reins en feu. Il tire fort sur le bas du tee-shirt de Chris, tord le tissu, désespéré de ne pas parvenir à se fondre déjà en lui. Le retirer. Vite. Fort. Le voir à demi-nu. Le sentir à demi-nu. Sa peau. Sa chaleur. Son goût. Son parfum. Tout. Entièrement nu.
Les prunelles de Chris sont incandescentes, sa mâchoire serrée et ses sourcils légèrement froncés.
Concentré, les gestes précis, la volonté farouche de lui donner du plaisir.
Bucky inspire brusquement.
— « Aide-moi à le retirer, je veux te voir », souffle le blond en attrapant le bas de son chandail.
Il tire dessus avec insistance, les muscles bandés pour se maintenir au-dessus de lui sans se soutenir. Bucky lève docilement les bras, se tortille un peu pour l'aider comme il le peut. Le brun frissonne légèrement au contact de l'air frais sur sa peau nue, il s'enroule autour de Chris et le tire à lui.
La tête dans son cou, son compagnon se contorsionne d'une manière un peu ridicule pour parvenir à se dévêtir à son tour.
Bucky effleure son corps avec admiration, incapable de s'en lasser. Les flammes dansantes des bougies projettent des ombres mouvantes sur sa peau dorée et creusent les reliefs de ses muscles contractés.
Si beau. Si beau.
Chris sourit.
Assis sur ses talons, il les berce d'un délicieux mouvement de hanches, juste ce qu'il faut pour les faire respirer un peu fort et frémir de désir.
Ses mains recommencent à le caresser, sa paume vient envelopper son érection à travers la toile de son pantalon et le brun siffle de plaisir. Les doigts de son autre main remontent lentement sur son corps, effleurent son cou. Le brun le sent frotter quelque chose, une petite parcelle sur sa clavicule droite puis le creux à la base de sa gorge. Il sourit d'un air languide, son pouce caressant distraitement son poignet. Les doigts habiles migrent encore le long de son cou jusqu'à sa bouche. Ils dessinent le modelé de ses lèvres, Bucky mordille leur pulpe en une invitation des plus explicites. Il goûte une légère odeur de chocolat, un peu étrange mais qui lui plaît. Il sourit avec toute la séduction du monde tandis qu'il lape avec soin la chair chaude.
— « … Tu as des miettes de brownie sur le torse. »
Bucky cligne des yeux. Quoi ? Chris sourit en coin et caresse à nouveau son torse.
— « Tu as des miettes de brownie sur le torse. Elles ont dû tomber quand je t'ai retiré ton haut. »
Le brun cligne encore des yeux, baisse légèrement la tête et louche maladroitement sur sa peau. Ce qu'il a pris pour une caresse insistante sur sa clavicule droite n'était qu'une tentative de le nettoyer un peu. Malgré la lumière diffuse, il discerne une vague trace un peu sombre.
Bucky rougit violemment.
— « Merde, je – Désolé », balbutia-t-il maladroitement en cherchant son polo à tâtons sur le parquet.
— « N'y pense même pas », le gronde doucement Chris.
Son compagnon se penche et récupère une serviette sur la table basse. Bucky s'essuie frénétiquement, les oreilles incandescentes et avec l'horrible sensation de s'être ridiculisé devant l'homme de sa vie.
— « Je suis désolé… »
— « Je l'aurai léché si tu m'avais demandé mon avis », répond le blond d'un air nonchalant.
— « Ce n'est pas drôle. »
Le jeune homme lui jette un regard noir.
Chris lui sourit tendrement, il ne tente de pas de le retenir quand il se redresse sur le canapé pour s'étudier avec soin. Bucky grogne parce que la torche électrique est trop loin et qu'il aimerait vraiment s'inspecter un peu mieux que sous l'éclairage romantique de quelques bougies à moitié fondues.
Son compagnon reste assis à genoux devant lui, caressant doucement sa cuisse d'un geste réconfortant. Il roule des yeux quand le brun tente d'observer son dos, juste pour être sûr.
— « N'exagère pas, tu ne manges pas si salement que ça. »
Bucky lui jette un regard encore plus noir avant d'attraper un coussin sur le canapé pour lui jeter. Chris rit joyeusement, le carreau à motifs entre les mains.
— « Je regrette que Sandy ne soit pas là, elle m'aurait déjà nettoyé », grommelle-t-il en se rallongeant paresseusement.
— « Pas moi. Si elle avait été avec nous, on aurait dû la sortir de la chambre pour la nuit. Pour être tous les deux », précise le blond en s'étendant à son tour contre lui.
Le brun glisse une main dans ses cheveux clairs et gratte doucement son crâne du bout des ongles.
— « Tu veux continuer ? », demande-t-il doucement.
Chris hoche la tête sous la caresse, Bucky l'attire à lui pour l'embrasser chaudement. Les mains de son compagnon sont à nouveau sur lui, partout sur sa peau nue, aventureuses autour de la braguette de son pantalon. Il se cambre doucement, frotte le renflement sensible de son érection dans la large paume. Leurs hanches se rencontrent, les deux hommes soupirent doucement en chœur.
Chris cligne les yeux, une mèche de cheveux tombée sur son front.
— « … Je veux aller plus loin avec toi. J'aimerais te faire l'amour », souffle-t-il.
C'est une confession faite à voix basse mais elle a l'ardeur et la puissance d'un ouragan dans le salon silencieux.
Bucky hoche lentement la tête, accompagnant voluptueusement les mouvements de bassin de son compagnon. C'est comme un prélude à ce qui les attend et bon sang, le brun sent sa tête bourdonner d'enthousiasme.
Bouche contre bouche, l'haleine chaude et leurs corps brûlant, ils se murmurent des mots d'amour, ils frissonnent et bâillonnent leurs gémissements par des baisers.
Leur première séance de pelotage sur le canapé était empressée, celle-ci est douce, réfléchie leurs gestes sont précis pour attiser leur excitation et leur envie. Elle annonce leur union à venir et Bucky ne veut pas que ce soit sur ce bout de canapé, avec le risque de tomber d'une manière ridicule à tout moment. Les coups de rein de Chris peuvent être très puissants et l'habilité de ses hanches, diabolique. Pourtant, c'est si bon ce qu'ils s'offrent maintenant.
Il prend le visage du blond en coupe, dévore sa bouche, effleure son palais de sa langue et l'arrière de ses dents. Bon. Délicieux. Il cambre les reins pour faire se toucher leurs érections et une de ses mains se faufile entre leurs corps pour prendre l'avant de son pantalon en coupe. Il gratte ses ongles sur le coton épais du jean, glisse le bout de ses doigts sous la couture supérieure. Plus loin, toujours plus loin. Chris siffle entre ses dents quand il touche les boucles de son pubis, très près de sa virilité.
— « Bu- Bucky… », halète-t-il.
Le brun se montre ardent son compagnon ondule voluptueusement dans sa paume. Ses épaules musclées se nacrent légèrement de sueur. Bucky en embrasse fiévreusement l'arrondi.
— « Allons dans la chambre, Chris… », souffle-t-il à son oreille.
Les hanches du blond s'écrasent contre les siennes en un sursaut incontrôlable. Le brun sent son sexe pulser au bout de ses doigts, sa chaleur est incandescente.
Chris respire fort dans son cou, des mèches éparses ombrent son front, ses lèvres sont rougies par leurs baisers et Bucky ne l'a jamais trouvé plus beau qu'à cet instant.
Son compagnon déglutit, il se redresse. Ses yeux bleus sont rivés sur son torse à demi nu, luisant d'une telle faim de lui que le brun frissonne légèrement.
Sans un mot, les deux hommes se lèvent et éteignent soigneusement les bougies du salon. Le brun s'autorise à en conserver une seule, fichée dans une assiette à l'aide d'un peu de cire fondue pour les guider jusqu'à l'étage. Il aurait pu prendre la torche électrique, il préfère faire comme ça.
Chris lui emboîte le pas, une main posée sur ses reins.
— « Nos vêtements sont toujours par terre », murmure-t-il tandis qu'ils montent les premières marches.
— « Nous les récupérerons demain matin. Je vais t'enlever ton pantalon et ton boxer dans quelques secondes alors nous n'en avons plus besoin. »
Le blond rit dans son dos et embrasse maladroitement sa nuque dans le noir.
Bucky sourit. Il fixe la flamme dansante de la bougie qui les entoure d'un halo doré.
