Mes petits chats,

Dans cette partie, nous faisons ensemble (et avec Chris-Steve et Bucky) un petit bond dans le temps. Suite à leur première nuit d'amour ensemble, la publication d'aujourd'hui inaugure le dernier chapitre de leur vie ensemble ; un long chapitre dans lequel il se passe pas mal de choses (petit teasing… ;))

A la relecture, j'ai dû modifier la chronologie initiale que je trouvais un peu incohérente et trop rapide. Résultat, je publie quand même fin mai quelque chose qu'il se déroule fin janvier ; mea culpa. J'essaye de faire de mon mieux :)

Je vous souhaite une agréable lecture, j'espère sincèrement que cette suite vous plaira :)

Bien à vous,

ChatonLakmé


Le Mont Shasta est un ancien volcan situé en Californie dans la chaîne montagneuse des Cascades, haut de 4317 mètres. Il a la particularité de surplomber la plaine d'environ 3000 mètres.

Le Martin Luther King's Birthday Day est un jour férié fédéral aux États-Unis qui a lieu chaque troisième lundi du mois de janvier. Il commémore le jour de la naissance de Martin Luther King, le 15 janvier 1932, fervent défenseur des droits civiques.

Johnny Cash (1932-2003) est un chanteur, guitariste et auteur-compositeur américain de style country qui s'est aussi essayé au rock'n'roll, au rockabilly, au folk, au blues et au gospel.

Le pain de viande (meat loaf) est un plat américain constitué de viande hachée, d'œufs, d'aromates et de mie de pain cuits au four.


L'homme de la plage

o0O0o o0O0o

Vingt-troisième partie


Fin janvier


— « Bucky ? »

Le brun frotte paresseusement sa joue contre le ventre nu de Chris. Il tourne légèrement la tête pour y étouffer son bâillement, savoure l'odeur de sommeil sur sa peau chaude. Son compagnon rit, légèrement chatouillé par son souffle.

— « Est-ce que tu peux me rappeler ta date de naissance ? »

Bucky fronce légèrement le nez et mordille doucement la chair nue du bout des dents. Chris gigote imperceptiblement sous lui.

— « Tu ne t'en rappelles pas ? », répond-il d'un ton un peu vexé.

Il enfouit son nez contre son ventre d'un air un peu boudeur. Le blond caresse tendrement l'arrondi de son épaule en guise d'excuse.

— « S'il te plaît », répète Chris d'un ton caressant.

— « Quelle importance, il est passé de toute façon… »

Son compagnon ricane et tire malicieusement sur une longue mèche sombre. Bucky grommelle pour la forme les doigts de Chris sont en train de déranger le petit chignon un peu trop lâche sur sa nuque. Il incline légèrement la tête en avant pour mieux sentir la caresse.

— Je ne te connaissais pas encore quand tu l'as fêté et je suis persuadé que Sam n'en a parlé qu'une seule fois. Je me souviens juste que c'est au mois de mai… Aller Bucky, j'aimerais te lire ton horoscope », reprend le blond.

Bucky tourne mollement la tête pour lui jeter un regard interdit.

Chris lui sourit malicieusement, agite doucement devant lui le magazine qu'il tient d'une main, un stylo dans l'autre. Le brun voit ses doigts se crisper imperceptiblement sur le petit tube en plastique et il fronce les sourcils il remarque à peine le titre de l'article imprimé en gros caractères ronds et les dessins aux couleurs criardes censés représenter le signe de la Vierge, « Le signe du mois ! ».

Bucky donne une pichenette à la page imprimée sur papier glacé avant de se réinstaller confortablement sur le ventre de Chris.

— « Tu l'as pris dans le porte-revues du salon, c'est un exemplaire du New York Times Magazine périmé depuis 1987 », se moque-t-il.

— « Le mouvement des planètes est cyclique, je suppose que ce que… Martha Bakers a écrit il y a plus de trente ans peut tout aussi bien être à nouveau valable aujourd'hui. » Le blond hausse les épaules. « Tu peux juste me donner ton signe astrologique si tu m'en veux encore d'avoir oublié ta date d'anniversaire… »

Bucky renifle légèrement. Il passe un bras en travers des jambes de Chris et caresse distraitement sa cuisse à travers le coton de son pantalon de nuit. Les yeux à moitié fermés, il inspire profondément l'odeur chaude de sa peau à la lisière de son vêtement. Malgré ce lit qui n'est pas le leur, son parfum l'enveloppe comme s'ils étaient à la maison et traînaient le matin dans leur chambre.

Un frisson agite imperceptiblement le grand corps musclé de Chris, Bucky sourit en coin en sentant sa main serrer doucement son épaule. Peut-être un peu plus lourde et pesante sur lui. Il embrasse son bas-ventre avant de fermer les yeux.

Juste… bien.

— « Fais plutôt les mots croisés », marmotte-t-il mollement.

— « Un autre client du chalet les a finis. C'était le 3 décembre 1987, il a même signé en bas de la page. » Chris tend le magazine devant lui pour lui montrer la page. « J'ai fait les mots fléchés à côté. »

Bucky plisse légèrement les yeux avant de sourire avec tendresse. Il reconnaît sans peine l'écriture un peu angulaire de son compagnon dont pas une seule lettre ne déborde des petites cases du jeu. La grande grille de mots croisés a été remplie d'une manière plus expérimentale par plusieurs personnes s'il en croit les graphies différentes mais elle a sans le moindre doute été achevée par « Franck Sadowa – 3-12-87 » dont il lit le nom en bas à droite.

Le brun esquisse un rictus narquois. Le client de leur chalet avait de l'humour. Ou un égo démesuré.

Bucky glisse un peu plus sa main le long de la cuisse de Chris d'un geste distrait. Son corps est si chaud sous la couverture, ses muscles parfaitement fermes mais doux.

Il soupire de contentement et frotte une nouvelle fois sa joue contre son ventre nu avec plaisir. Il est si bien.

À moitié allongé sur lui, le brun jette un regard par la fenêtre aux rideaux ouverts. Ces derniers sont assez hideux – en épais velours à motifs floraux – et l'air incrédule de Chris quand il les a découverts il y a quelques jours est un souvenir impérissable.

La vue depuis la petite chambre de leur chalet aussi.

Dans le parc national de Shasta Trinity, pas de cris de mouettes ni de roulis de vagues, pas de brises aux odeurs d'embruns ni d'herbes sèches des dunes. Juste la silhouette découpée du Mont Shasta dont les reliefs blancs se détachent sur le ciel incroyablement bleu de janvier. Et des odeurs résineuses de forêt.

Bucky sent les doigts de Chris caresser distraitement sa nuque et il soupire de plaisir.

Son compagnon a abandonné le vieil exemplaire du New York Times Magazine – le supplément hebdomadaire du dimanche – dans les draps pour regarder aussi l'ancien volcan.

Ils ne sont qu'à quatre heures de route d'Eureka, toujours en Californie, pourtant tout a le goût de bout du monde. Leur chalet a été construit en bois, comme la maison de Manila Beach, mais il ressemble à l'endroit d'une lune de miel c'est ce que Sam a dit, hilare, quand les deux hommes ont déposé Sandy chez le couple, sur le départ pour Mount Shasta. Bucky s'est contenté d'un regard noir, Chris souriait doucement, presque un peu timidement. Bien entendu que c'était ce dont il s'agissait, ces vacances juste tous les deux qu'ils avaient évoqués lors de leur premier séjour à Ruth Lake.

La fin de l'année a été très stressante pour Chris qui souhaitait à tout prix que le gros œuvre des chantiers soient achevées avant la chute des températures prévue pour le début de l'année. Les fêtes de Noël n'ont pas été beaucoup plus reposantes pour lui. Les deux hommes ont été invités par tant de personnes pour le réveillon qu'ils n'ont pas pu contenter tout le monde et même si Bucky n'aime pas déplaire, ça l'a rempli de joie. On s'est arraché la présence de Chris, comme si le blond avait toujours vécu à Eureka, avec lui parmi ses amis. Miss Patty leur a offert a tous les deux leur première coupe de cheveux de l'année, comme elle le fait avec le brun depuis presque toujours ils sont allés manger ensemble une part de tarte aux noix de pécan chez Cherry Blossom Bakery. Le sapin trône encore dans le salon avec ses décorations, même s'il commence à perdre ses épines et que Bucky en retrouve jusque dans leurs draps parce que, même en aspirant régulièrement le sol, elles se coincent partout. Chris et lui ont vécu une fin d'année de parfaite félicité, mangeant des choses délicieuses jusqu'à l'indigestion et faisant l'amour plus que jamais. Ils ne se sont pas échangés de cadeaux – pas vraiment, juste quelques bricoles utiles – et se sont promis de s'offrir plutôt un joli moment à deux prochainement. David les a aidé sans le savoir. À l'occasion du Martin Luther King's Birthday Day, il a exigé que Chris prenne encore un peu de repos et de temps pour lui parce que : « Tu en as besoin mon garçon, tu n'as pas arrêté depuis deux mois et tu as plus que droit de te reposer. » Un regard entendu échangé avec Bucky qui a vigoureusement acquiescé le brun s'est empressé de prendre une semaine complète de congés pour rester avec Chris. Sept jours dont cinq rien que pour eux donc, seuls dans ce chalet un peu perdu dans les bois à côté de la route 5 menant à Mount Shasta.

Le brun embrasse délicatement le bas-ventre de Chris et y frotte son nez d'un air câlin.

Une lune de miel c'est peut-être vrai après tout.

Depuis leur arrivée lundi, les deux hommes ont peu quitté leur location. Le mois de janvier est bien avancé et les températures sont plus fraîches qu'au bord de l'océan Pacifique ils se sont consciencieusement attachés à se réchauffer sensuellement dans le chalet. Chris et Bucky sont des hommes particulièrement appliqués et il y a une cheminée dans le salon.

Le brun frissonne agréablement quand les doigts de son compagnon jouent distraitement avec les mèches folles échappées de son chignon.

Il s'est réveillé il y a une environ une heure, il a roulé depuis au moins aussi longtemps sur le torse de Chris pour achever d'émerger confortablement du sommeil. Le soleil est haut dans le ciel limpide, il fait briller délicatement les plaques de neige accrochées aux pentes du Mont Shasta mais les deux hommes ne sont pas pressés de sortir du lit. Ils sont en vacances et Chris en a besoin.

— « … Et donc ton anniversaire est le… ? », reprend nonchalamment son compagnon.

Bucky grogne légèrement.

— « Je n'ai pas besoin de Martha Bakers pour savoir que ma vie est parfaite et qu'elle va le rester », lui répond-il en fermant les yeux. « … Je n'aime pas trop voir les années passer. »

— « Laisse-moi donc juger de ton pouvoir de séduction quand tu auras les tempes un peu grises. »

Le blond s'esclaffe et vient chatouiller son épaule.

Bucky frissonne et lui jette un regard. Chris lui sourit doucement, avec la même tranquille assurance qui est la sienne quand il le regarde. Le brun retire sa main de son épaule et embrasse délicatement ses doigts.

— « Nous n'avons pas besoin d'elle, tu sais déjà tout ce qui va nous arriver dans le futur. »

Le cou de Chris rougit un peu, le blond vient effleurer ses lèvres de son pouce. Il fronce légèrement les sourcils mais Bucky le voit à peine. La caresse de son compagnon, un peu languide, fait naître une agréable boule de chaleur dans le creux de son ventre. Il s'avachit un peu plus contre son corps.

— « Je ne connais pas la date de mon anniversaire, je voulais juste choisir le signe qui serait le plus compatible avec le tien. Je trouvais ça amusant mais c'est peut-être un peu bêtement sentimental », avoue finalement le blond avec une pointe de gêne.

Ah.

C'est plutôt craquant. Est-il possible de tomber encore plus amoureux de Chris qu'il ne l'est déjà ? Il semblerait.

Bucky roule lentement sur le dos, cale sa nuque sur la hanche de son compagnon et tourne la tête pour le regarder. Malgré leurs mains toujours liées, le blond caresse toujours l'ourlet de son arc de Cupidon avec délicatesse. Le brun embrasse la pulpe de ses doigts mais il est un peu troublé. C'est vrai, Chris n'a pas d'âge ni de date d'anniversaire.

— « Est-ce que c'est une mauvaise chose pour toi ? On pourrait les inventer », demande-t-il doucement.

Le blond hausse un sourcil avant de rire doucement et de pincer son nez.

— « Ce n'était qu'un moyen de faire passer le temps, n'y vois pas le signe d'un regret ou d'un manque Bucky. Je veux juste savoir ce que l'année 1987 nous réserve. »

Le jeune homme rit joyeusement et le brun pianote doucement sur le dos de la main de Chris.

— « … Tu dois être né en été », dit-il finalement après un silence.

— « Pourquoi ? »

— « Tu sens le soleil et ta peau est toujours chaude, je suis le mieux placé pour l'affirmer », lui répond Bucky avant de froncer le nez. « … Je suis né le 3 mai, un pur signe du taureau. »

Le jeune homme grignote sa main avec taquinerie, faisant gigoter Chris sous la sensation un peu chatouilleuse.

Le brun sent son corps s'agiter sous lui, ses abdominaux se durcir d'une manière séduisante sous son crâne. Il songe distraitement qu'il aimerait rester dans ce lit avec lui pour toujours.

— « Si tu penses que je suis né pendant l'été, cela fait de moi un Gémeau, un Cancer ou un Lion. … Martha écrit que le Cancer est le signe le plus compatible avec le tien. C'est incroyable… », reprend le blond en regardant attentivement le magazine.

Son compagnon semble si absurdement heureux que Bucky roule des yeux.

— « C'était le cas en 1987. Nous n'étions même pas nés à cette date », ne peut-il s'empêcher d'ajouter avec malice.

Chris hausse un sourcil avant de rire. Le jeune homme glisse ses doigts taquins sous la lisière de son tee-shirt de nuit et pose sa paume sur son ventre. Son pouce caresse distraitement la peau nue juste à la lisière de son pantalon et Bucky inspire doucement.

Peut-être rester pour plus longtemps encore que pour toujours.

— « Je peux quand même te lire ton horoscope ? »

— « Commence par le tien », lui rétorque Bucky du tac-au-tac.

Son compagnon hausse les épaules. Le brun le sent glisser un peu contre les oreillers pour s'installer plus confortablement, le dos bien calé.

Chris remonte un peu sa main sur son torse, effleure son ventre et son flanc gauche avant de caresser son aine de son pouce. Bucky referme ses doigts sur son poignet.

— « Nous décidons que je suis Cancer, donc. … J'aime vraiment beaucoup le dessin », commente le jeune homme et Bucky pince doucement sa main pour le faire poursuivre. « 1987 sera pour vous l'année du renouveau. Vous aurez les faveurs de Pluton, la plus puissante et transformatrice des planètes du zodiaque. Elle vous insufflera son énergie alors si vous avez des projets, lancez-vous. Pluton pourrait également apporter un grand changement dans votre vie. Santé : Vous donnez beaucoup aux autres et aurez tendance à vous oublier. Pensez à vous et prenez du temps pour vous ressourcer avec les gens que vous aimez. … Est-ce que tu penses que quelques jours de vacances au Mont Shasta en font partie ? »

— « Continue à lire, je sens déjà les effets bienfaisants de Pluton dans ta voix… », marmonne Bucky.

Chris ricane et ajuste sa large carrure dans les oreillers.

« Amour : Si votre cœur est à prendre, ouvrez l'œil car l'amour pourrait se trouver dans votre entourage. Déjà engagé, vous êtes comblé. Entre février et avril, Mars et Vénus seront à leur apogée et vos envies d'amour et de sensualité aussi. Vous êtes heureux et ce bonheur vous portera toute l'année. » Chris fait une légère pause. « … J'aime vraiment beaucoup ce qu'écrit Martha… »

— « Moi aussi. Il n'y a aucun nuage dans ton année de parfaite félicité ? »

Le blond lui pince doucement le téton et Bucky se tortille contre lui. Mince, c'est un peu chaud. Il doit avoir l'air particulièrement débrouillé à cet instant, un peu étalé sur le matelas, le tee-shirt roulé sur son torse et la main de Chris glissée en dessous. C'est délicieux.

Le brun ferme les yeux, bercé par le froissement des pages tandis que son compagnon tourne le magazine et le porte à nouveau à ses yeux.

« Attention », reprend-il et Bucky ricane en coin. « Soyez toutefois prudent entre le 10 et le 17 février, Saturne entrera dans votre décan et altérera un peu cette belle harmonie. Le renouveau peut aussi être signe de bouleversements selon le chemin que vous déciderez d'emprunter. Vous devrez vous faire confiance et suivre votre instinct pour faire le bon choix. … Je préférai le début de mon horoscope. »

Le brun étouffe un bâillement dans leurs mains jointes et hausse nonchalamment les épaules.

— « Ce ne sont que quelques lignes écrites par une femme qui pense lire l'avenir dans le mouvement des étoiles et des planètes. Rien qu'en le disant, je me rends compte à quel point c'est ridicule. »

— « … Peut-être mais je vais quand même lire le tien. Tu m'as dit que tu étais Taureau… »

Chris tourne une autre page du magazine, Bucky n'ajoute rien. Il ne peut rien refuser à son compagnon et encore moins quand il caresse aussi délicatement son corps alangui.

Les doigts habiles viennent effleurer à intervalle régulier la couture de son pantalon de nuit en coton, le faisant agréablement frissonner un frémissement qui agite sa peau et hérisse ses poils mais il n'a pas froid. Bucky repousse mollement un bout de la couverture pour dégager le haut de ses jambes. Il a chaud, il est bien une agréable torpeur étreint ses membres.

Les prédictions de Madame Julia, entendues il y a sept mois sur la terrasse de la maison à Manila pendant le journal de KMUD, lui reviennent soudain en mémoire.

« Pour les célibataires, une rencontre impromptue pourrait changer votre vie. (…) N'oubliez pas que l'amour frappe souvent quand on ne l'attend pas. »

C'est absurde mais l'excentrique astrologue de la station de radio du comté d'Humboldt a dit vrai. Il a rencontré Chris moins d'une heure après sur la plage. Il est tombé amoureux et s'était mis en couple avec lui, ils habitent ensemble.

… Après tout, pourquoi pas.

Le brun grommelle légèrement, son compagnon vient de tirer doucement sur une de ses mèches de cheveux pour attirer son attention.

— « Tu m'écoutes ? »

— « Oui. Vas-y, parle-moi de notre avenir ensemble », roucoule le brun.

Le blond gronde doucement, une vibration rauque et chaude qui agite sa poitrine et son ventre. Le jeune homme la sent résonner en lui et il frotte distraitement sa tête contre les abdominaux de son compagnon. Leur cabane aux rideaux moches est plus qu'un lieu de lune de miel, c'est un paradis.

« Taureau. Le début de l'année sera compliqué dans votre vie professionnelle. On attend beaucoup de vous mais vous manquez de temps et vous vous dispersez un peu. Organisez vos journées et fixez-vous des objectifs de travail pour vous voir avancer. Votre situation en sera facilitée et vous sortirez ainsi de ce mauvais pas. Je te dis la même chose depuis des semaines parce que tu dis que tu n'avances sur ta traduction », ricane Chris.

Le brun lui jette un regard peu amène.

Son compagnon lui sourit, de cette manière charmante qui tord toujours quelque chose de chaud dans son ventre mais Bucky sent quelque chose de différent. Chris sourit mais la commissure de ses lèvres est un peu pincée. Une ombre se creuse dans sa joue droite tandis qu'il fronce imperceptiblement les sourcils. Tout est un peu forcé. Le brun esquisse un geste pour s'éloigner de lui, son compagnon attrape ses doigts et embrasse tendrement ses jointures.

— « Ça va Bucky. Est-ce que je peux continuer ? »

Le jeune homme plisse légèrement les yeux avant de s'installer à nouveau confortablement contre son ventre et de fermer les yeux. Chris reprend ses caresses sur son ventre.

« Du 1er mars au 31 juillet, Jupiter entre dans votre signe et vous apportera chance, espoir, enthousiasme et réussite. Faites-vous confiance, c'est le moment de lancer ou de conclure des projets qui vous tiennent à cœur », poursuit-il. « Mars et Vénus vous poussent vers votre moitié pour passer les plus délicieux des moments et réchauffer votre cœur. À partir du 25 septembre, soyez prudent, la sombre Pluton sera votre planète maîtresse. Vous pourriez être confronté à des difficultés y compris dans votre vie sentimentale. Faites confiance à votre moitié et chérissez-la pour la garder à vos côtés. Célibataire, restez observateur et sage. »

— « Est-ce que tu as fini ? Je n'ai pas vraiment envie d'en apprendre plus sur la destinée de ma vie sentimentale à cause de Pluton », grommelle Bucky d'un ton peu amène.

Son compagnon pouffe et passe une main dans ses mèches sombres. Il rit mais le brun le sent bouger imperceptiblement sous lui, de toute évidence moins à son aise.

— « … 1987 n'aurait pas été ta meilleure année », reconnaît Chris en effleurant son front.

Bucky hausse les épaules. Cela n'a pas d'importance, il ne s'agit que d'élucubrations New Age, rédigées par une journaliste au brushing trop crêpé et aux ongles probablement beaucoup trop longs. La mode des années 1980 n'est pas le meilleur de ses souvenirs non plus, même si Chris rit avec tendresse en regardant les albums photos des Barnes dans leur salon. Le brun doit reconnaître que sa mère portait magnifiquement bien les chaussures à plateforme et le perfecto en cuir.

Il renifle légèrement.

Cela n'a vraiment aucune espèce d'importance. La position de Pluton dans le ciel ne signifie rien de particulier pour son futur personnel et sentimental. Il a une confiance aveugle en Chris, ils se montrent qu'ils s'aiment chaque jour. Vénus et Mars peuvent bien continuer à tourner en rond et même y gagner des anneaux comme Saturne ou autant de satellites qu'un collier de perles cela ne veut rien dire.

Chris bouge encore sous lui, il l'entend étouffer un grognement entre ses dents serrées et un froissement de feuilles en papier. Le jeune homme n'a pas besoin de le regarder pour savoir que son compagnon vient encore de changer de main pour tenir le vieil exemplaire du New York Times Magazine.

Après un dernier grommellement, le blond finit par abandonner la revue et le stylo dans les draps avec frustration. Il s'affale un peu plus contre les oreillers, Bucky le sent glisser doucement sur le matelas et appuyer sa tête contre le cadre de lit. Il caresse distraitement son torse nu du bout des doigts, traçant des arabesques sur sa peau et regarde par la fenêtre aux horribles rideaux.

Le silence entre eux est confortable, domestique.

Bucky baisse la tête pour embrasser sa main du bout des lèvres et enroule ses doigts autour de son poignet. Si Christ continue, le brun songe qu'il pourrait réellement se rendormir malgré le soleil déjà haut levé. Il sent son corps et ses membres s'appesantir agréablement, cette torpeur langoureuse l'étreindre encore un peu plus. Le brun frotte sa joue contre la peau de son bas-ventre dénudé. Oui, il pourrait juste s'assoupir un peu et avoir le plaisir de se réveiller à nouveau aux côtés de Chris pour paresser dans les draps. Puis recommencer à l'infini. C'est sans doute à ça que ressemble le paradis des gens heureux.

— « … Nous devrions nous lever. Mr. Bolkonski doit venir dans la matinée pour nous apporter la tronçonneuse », murmure le blond

— « Je pense que nous devrions un jour nous pencher sérieusement sur ton envie immodérée de devenir un homme de bois. Nous pourrions prendre la voiture et aller acheter du bois à Mount Shasta. »

Chris lui pince doucement la peau du ventre et Bucky se tortille.

— « J'ai dit à notre hôte que je couperai ce qu'il a posé sous l'appentis pour notre séjour. Il a plus de soixante-dix ans, ce n'est pas à lui de faire ça », proteste le blond.

— « Mr. Bolkonski est aussi rugueux que les pentes du Mont Shasta, il doit bien rire à tes envies de te transformer en bûcheron. Je te rappelle que nous sommes venus ici dans ta belle berline urbaine Mercedes… »

Le blond roule des yeux. La main posée sur son torse a un tressaillement et ses doigts se crispent sur le tissu de son tee-shirt. Bucky caresse doucement son poignet en un petit geste rassurant mais sous sa tête, il sent le corps musclé de son compagnon se contracter.

Chris passe une main sur son visage, le brun sait qu'il va devoir se lever très prochainement.

— « … Je veux bien me lever et être présentable si Mr. Bolkonski vient avec une tarte faite par sa fille. Peut-être que pour ça, je pourrai mettre un jean et un pull. »

— « Tu es trop aimable », ricane Chris d'une voix un peu rauque. « Tu sais qu'Irina sera là aussi. Elle est ravie de pouvoir parler russe avec toi et elle adore ton style un peu désuet. Je ne comprends pas le russe mais j'ai bien entendu qu'elle trouvait que ça te faisait ressembler à un prince. »

Le jeune homme ricane. Quelle chance y avait-il que – parmi les trente-neuf millions d'habitants de la Californie – ils louent un chalet à un veuf d'origine russe, dont la femme était de Moscou et qui ont transmis leur culture à leur fille unique ? C'était tout était aussi improbable pour Dimitri Bolkonski que de trouver un interlocuteur dans sa langue dans ce coin plutôt rural des États-Unis.

Depuis leur installation dans ce chalet qu'ils louent à des touristes, Irina passe les saluer tous les jours et leur offre des plats faits maison malgré leurs protestations. Outre le fait qu'ils sont délicieux, Bucky apprécie d'autant plus la jeune femme quand elle parle du couple merveilleux qu'il forme avec Chris.

— « Kniaz. Cela veut bien dire prince, n'est-ce pas ? C'est comme ça qu'elle t'appelle pour te taquiner », lui demande le blond avec une pointe d'hésitation.

Le brun rit tendrement et hoche la tête.

— « Ton accent est horrible mais c'est mignon », se moque-t-il gentiment avant de bailler paresseusement. « … Il faudra vérifier le rangement du salon avant leur arrivée. »

La main de Chris a un sursaut sur son torse. Quand elle reprend ses caresses, Bucky la trouve plus chaude et plus lourde.

— « … Tu crois qu'ils vont deviner qu'on a fait l'amour devant la cheminée ? », demande-t-il avec une pointe d'appréhension.

— « Chris, tous les couples qui louent cet endroit à cette période de l'année doivent faire l'amour devant elle. La cheminée est en bois et il y a une peau d'ours sur le parquet, on se croirait dans le scénario d'un téléfilm de Noël. Cela me paraît évident. »

Le blond esquisse un sourire un peu timide.

Bucky pourrait se damner pour ce sourire.

Il sent un frisson tiède et agréable remonter le long de son dos à ce souvenir celui d'une étreinte incroyablement légère, pleine de rires et de bruits de baisers volés. Ils s'étaient déshabillés dans des gestes fébriles, impatients et avides, avant de tomber sur le canapé du salon dans un amas de membres emmêlés puis de glisser sur le parquet. Ils s'étaient nourris de l'autre avec une faim emplie de gourmandise Chris a le palais aguerri d'un connaisseur qui sait savourer son plaisir et déguster le sien. Mais son compagnon conserve encore de touchantes pudeurs d'adolescent, capable d'arranger des coussins pendant de longues minutes pour tenter d'effacer jusqu'à la forme de leurs corps emmêlés. Dieu qu'il est amoureux de lui.

Bucky entend le blond inspirer légèrement. Il pourrait penser qu'il partage son agréable souvenir sensuel mais ses doigts se serrent spasmodiquement sur le coton un peu élimé de son tee-shirt de nuit.

Le brun tourne légèrement la tête.

Le crâne appuyé contre la tête de lit, Chris a fermé les yeux et ses sourcils sont à nouveau froncés. La fossette pleine d'ombre creuse à nouveau sa joue droite et la commissure de ses lèvres est si serrée qu'elles ont blanchi légèrement. Ce n'est plus du tout parce qu'il s'inquiète de ce qu'Irina et Mr. Bolkonski penseront de leurs galipettes dans leur chalet, sur leur peau d'ours, devant leur cheminée de toute manière, Bucky soupçonne déjà la jeune femme d'avoir compris au sourire malicieux qu'elle arborait quand elle leur avait déposé ce délicieux plat de boulettes de bœuf il y a deux jours.

Le brun embrasse ses jointures avant de se redresser. Chris tente de le retenir d'une caresse sur ses reins mais il s'est déjà glissé hors en dehors du matelas.

— « Bucky… », l'appelle-t-il doucement.

— « Je vais chercher ton attelle dans la salle d'eau. »

Bucky se lève souplement, ignorant son compagnon qui marmonne entre ses dents serrées. Il traverse la chambre, gagne la pièce attenante ses pieds frôlent le parquet un peu froid.

Quand le brun revient, son compagnon boude un peu. Bucky lève les yeux au plafond – en bois aussi, entièrement lambrissé en sapin rouge de Californie, la fierté de Mr. Bolkonski – et rampe vers lui. Chris s'assombrit, les yeux rivés sur l'attelle qu'il tient dans sa main droite. Frustration, agacement. Malheureusement pour lui, Bucky est obstiné et suffisamment consciencieux pour deux si son compagnon refuse de se soigner correctement. Il pose un verre d'eau et deux cachets sur la table de nuit, Chris respire profondément dans son cou et embrasse sa peau.

— « N'essaye pas de me distraire, c'est inutile. Prends aussi tes antalgiques, tu as mal à la tête. »

Son nez frotte délicatement contre sa joue. Le blond pose immédiatement ses mains sur ses hanches pour le tirer vers lui. Sa bouche parsème sa gorge et sa mâchoire de baisers chauds et invitants. Bucky pince les lèvres. Il est vraiment très obstiné mais pendant sa convalescence, Chris s'est révélé buté comme une mule et particulièrement doué à le faire penser à autre chose qu'à son attelle et à ses comprimés. Le brun gigote un peu quand son compagnon trouve sa bouche.

— « Je vais bien. Ça passera quand nous irons marcher autour du chalet et que je prendrais l'air », marmotte Chris contre ses lèvres.

Bucky roule des yeux. C'est bon quand même, cette manière qu'il a de –

Il fronce les sourcils et s'éloigne de lui. C'est plus prudent.

— « Je t'ai vu te masser plusieurs fois les tempes, tu le fais toujours quand une migraine menace. Et cesse de croire que la vie au grand air peut tout guérir comme je te l'ai dit avant, tu n'es pas un homme des bois. Tu n'es censé porter ton attelle que trois semaines et elle doit t'aider à guérir, elle n'est pas ton ennemi. »

Son compagnon resserre ses doigts sur lui et il rit mais c'est un peu étranglé et forcé. Le brun esquisse un sourire un peu triste en sentant Chris se tendre inconsciemment contre lui. C'est douloureux bien sûr que c'est douloureux. Bucky brosse une dernière fois ses lèvres des siennes et s'éloigne quand le blond tente de happer sa lèvre inférieure avec envie, son souffle chaud caressant son visage.

— « N'essaye pas de me distraire », le gronde-t-il doucement en lui jetant un regard noir. « S'il te plaît, mets ton attelle et prend tes comprimés. Tu sais que tu te sentiras mieux dans à peine quelques minutes. »

— « … Ça fait déjà presque quinze jours. On avait dit que je ne la porterai pas la nuit parce qu'elle me gênait, Sam était d'accord », marmonne-t-il entre ses dents serrées.

— « J'ignore encore comment tu as réussi à le convaincre que c'était une bonne idée. »

— « J'ai dit que je m'économiserai pendant la journée… Tu le sais bien, tu étais là pendant la consultation. »

Bucky n'a pas vraiment envie de rire. Il lit les signes – la ligne contractée de la mâchoire, la pâleur des joues, les yeux à demi-clos parce que ça lance déjà dans son front – et la migraine de Chris commence à se réveiller. Elle peut s'avérer dévastatrice, ils le savent tous les deux, alors le brun roule des yeux. Il caresse sa nuque du bout des doigts et tire légèrement sur les petits cheveux blonds et doux.

— « Cesse de bouder et fais-moi plaisir s'il te plaît », répète-t-il. « Tu es réveillé et ne pense pas que je n'ai pas remarqué que tu n'arrêtais pas de changer le magazine de main. Ton poignet foulé te gêne. Tu n'aimes pas ton attelle mais Sam te l'a donné pour ton bien et tu es déjà plus de la moitié de ta convalescence. Je sais que tu es un homme fort et résilient, tu vas y arriver. »

Chris ricane mais l'ombre bleutée dans sa joue droite se creuse un peu plus. Il papillonne des yeux, les lèvres pincées.

Bucky lui présente l'attelle ouverte et, si son compagnon lève les yeux au plafond d'un air de martyr, il tend quand même la main devant lui. Le brun la glisse délicatement à son poignet et referme soigneusement les scratchs. Le regard particulièrement noir que jette Chris à l'orthèse le fait rire au moins autant que celui qu'il donne au verre d'eau et aux cachets. Bucky sait qu'ils n'ont pas bon goût, leur odeur est déjà désagréable quand il ouvre l'opercule métallique de la plaquette mais son compagnon est beau est fort, il survivra.

Bucky sourit affectueusement et termine d'ajuster l'attelle avec soin.

— « Je ne l'ai pas trop serré ? »

— « Ça ira. »

— « Ce n'est pas ce que je veux entendre », grogne-t-il en lui pinçant l'avant-bras. « Est-ce que tu es bien avec ? »

Chris acquiesce lentement, bougeant précautionneusement son poignet pour vérifier la bonne tenue de l'appareil médical.

— « … Tu es inquiet… », dit-il doucement.

— « Bien entendu que je le suis. Je déteste te voir souffrir », rétorque vivement Bucky, la poitrine un peu serrée.

— « Je vais mieux, l'accident était il y a deux semaines. Ce n'est qu'une entorse et j'ai moins de migraines qu'il y a quelques semaines. »

— « Tes maux de tête n'ont rien à voir avec ta blessure. Le mois de décembre a été particulièrement compliqué, tu as même dû poser des jours de congé pour te reposer », marmotte le brun.

— « Tu as raison mais j'en ai quand même moins mal à présent. Quant à l'entorse, Sam lui-même a dit que ce n'était pas grand-chose. Je suis juste tombé et je me suis mal rattrapé à l'échafaudage, j'ai été maladroit. »

— « Ne dis pas ça comme si cela devait tout expliquer. Tu aurais pu te blesser bien plus gravement. »

— « Ce n'est pas ce qu'il s'est passé… »

Chris cherche sa bouche pour l'embrasser tendrement. Cette fois, le brun ne s'échappe pas et lui offre avidement ses lèvres.

Il ne veut pas rappeler précisément à son compagnon que si ses migraines sont plus rares depuis quelques semaines, elles sont encore d'une puissance qui l'oblige parfois à quitter un chantier pour s'allonger dans la Mercedes en priant pour qu'elles passent seules. Une fois, Bucky a dû aller le récupérer à Cedar Street parce qu'il était incapable de conduire.

Il n'a pas non plus envie de lui rétorquer que Sam n'est pas en couple avec lui – Dieu merci ! – et qu'il ne peut pas comprendre. Il ne peut pas comprendre la manière dont Bucky a senti son cœur s'arrêter dans sa poitrine quand David l'a appelé pour lui dire qu'il venait de conduire Chris aux urgences de Providence et qu'il l'attendait à l'accueil. « Est-ce que tu veux venir James ? » « Je suis déjà en route. » Ça avait été comme un cauchemar. Le brun sait qu'à leur retour du Mont Shasta, il trouvera probablement une contravention pour excès de vitesse dans la boîte aux lettres quand il conduisait beaucoup trop vite sur West Avenue. Dans le vide-poche de la cuisine, il y a déjà celle qu'il a reçue pour mauvais stationnement et qu'un policier zélé a coincé dans l'essuie-glace du vieux pick-up. Bucky l'avait plus jeté sur le trottoir que réellement garé devant l'hôpital, il le reconnaît humblement mais cent dollars pour ça, il s'en serait bien passé. Même si Chris a adorablement proposé de régler l'amende pour lui.

— « Ce n'est que foulé et le Dr. Fenlaw aux urgences a dit que j'avais besoin de porter mon attelle que pendant trois semaines. En temps normal, c'est plutôt le double », poursuit le blond contre sa bouche.

Le brun opine de mauvaise grâce. C'est vrai.

Son compagnon a trébuché sur un échafaudage posé devant une maison sur Washington Street, il s'est spontanément agrippé à un barreau pour ne pas tomber. Il n'était pas monté très haut – moins de trois mètres lui avait raconté David dans le hall de Providence – il y avait des sacs de ciment en dessous qui aurait amorti un peu sa chute. Quelque chose de bien moins dangereux que les poutrelles en acier ou les éléments de charpente posés à quelques mètres de là. Tout ça était vrai aussi. Mais Chris aurait pu tomber sur la tête ou se briser la nuque ça arrive ce genre d'accidents stupides, il y a même des sites internets morbides pour les référencer. Tête. Cicatrice sur sa tempe. Sang sur sa peau. Inconscience. Amnésie. Ou plus rien parce que –

Le brun sent sa poitrine se serrer désagréablement.

— « Ce n'est même pas une vraie blessure. »

Bucky roule des yeux et il tire un peu plus fort sur les mèches un peu longues sur la nuque de Chris.

— « Tu n'es pas obligé de croire tout ce que raconte Sam ou le Dr. Fenlaw ni de le répéter. Ils l'ont fait pour me rassurer pendant que tu planais un peu à cause des antalgiques. »

Le brun boudait encore son meilleur ami quand ils avaient déposé Sandy chez lui. Quel médecin affirmait à son patient amené aux urgences qu'il ne s'en sortait pas si mal et que ce n'était pas grand-chose ? Dans le hall de Providence, Bucky avait fusillé Sam du regard tandis que son compagnon regardait déjà son attelle d'un air mauvais il louchait très légèrement à cause des médicaments et c'était adorable mais le brun était vraiment en colère. Il paraît qu'il prenait la chose trop à cœur Sam, lui, était déjà hilare en observant Chris tenter de boutonner seul sa chemise alors que sa main dominante était immobilisée. C'était avant que Bucky ne le rhabille avec une tendresse de mère.

Il esquisse quand même un imperceptible sourire. Les dix premiers jours, c'est lui qui s'est dévoué à cette tâche pour aider Chris, habillant et déshabillant son corps matin et soir. … C'est plaisant et ponctué de beaucoup de baisers volés. Vraiment beaucoup.

Bucky caresse du bout des doigts la cicatrice à la racine de ses cheveux. Ils repoussent correctement à présent et cachent presque entièrement sa cicatrice. Le brun se mord les joues.

— « Je serai rétabli dans à peine quelques jours et ce sera comme s'il ne s'était rien passé », souffle gentiment le blond à son oreille. « Je pourrais enfin retirer cette horrible attelle qui me gratte. Tu viens à peine de me la mettre et je sens déjà que ça chatouille… »

Le jeune homme ricane. Il frotte doucement son front contre son épaule.

— « Je sais que tu as en partie raison mais je ne peux pas m'en empêcher. La dernière fois que tu as eu une migraine, tu es resté couché pendant plus de deux heures dans notre lit, j'étais sur le point d'appeler les urgences. Et quand David m'a appelé pour dire que tu étais à l'hôpital, c'était… » Bucky déglutit. « J'ai eu la trouille. »

Chris passe un bras autour de ses épaules pour le serrer contre lui, il frotte son nez contre sa tempe d'un geste rassurant.

— « Tu es mon héros mais tu ne peux pas me protéger de tout », sourit-il. « Sam dit que mes migraines ne sont pas extraordinaires, tu sais qu'il serait le premier à demander des examens s'il le jugeait nécessaire. Mon neurologue non plus ne semble pas surpris. »

— « Ils ne sont pas amoureux de toi, ils ne s'inquiètent pas de la même manière », grommelle Bucky.

— « C'est certain. Personne d'autre que toi n'accepterait de masser mes doigts engourdis pendant plus d'une demi-heure à cause de cette saleté… »

Il agite un peu la main droite et le brun lui pince le flanc. Il n'est pas encore assez rétabli et il espère que Mr. Bolkonski a oublié cette histoire de tronçonneuse.

Chris le tire à lui, le fait s'appuyer contre son torse tandis qu'il se cale contre la tête de lui Bucky se laisse entraîner malgré la position, pas très agréable. Il baille quand même paresseusement contre son épaule, son regard s'égare par la fenêtre de la chambre pour admirer les nappes de neige sur les flancs du Mont Shasta qui brillent au soleil.

Le bras de son compagnon glisse lentement de ses épaules à sa taille, effleurant ses reins. La caresse est lourde et chaud. Le brun déglutit.

— « … Je sens à nouveau des chatouilles dans ma main droite », chuchote Chris.

— « Tu ne dois pas retirer ton attelle. Sam a quand même insisté pour que tu la portes quand tu as mal pour ne pas aggraver les lésions. »

— « Je pensais juste à un moyen de les faire passer. … C'est vraiment désagréable Bucky. »

Le brun tourne la tête. Il est sur le point de lui proposer de le masser mais l'étincelle brûlante qui voit dans les prunelles de son compagnon fait mourir ses mots sur ses lèvres.

Chris sourit en coin. Sa main appuit sur ses reins avant de se glisser habilement sous son vêtement de nuit. Il sourit mais c'est plus languide. Plus affamé.

Bucky se mord les joues.

Il ouvre la bouche, il veut protester parce qu'il est raisonnable ; il a dit à Sam qu'il le serait pour eux deux entre deux diatribes pendant lesquelles il accusait son ami de négligence coupable.

Chris hausse un sourcil. Il enlace soudain puissamment sa taille et le renverse sur le matelas.

Le brun veut vraiment lui dire qu'ils ne devraient pas, que Mr. Bolkonski et Irina vont probablement frapper à la porte.

Il a déjà refermé ses cuisses sur les hanches de son compagnon pour le serrer contre lui, le tenir bien tout contre son bas-ventre. Chris ondule savamment, berçant leurs deux corps enlacés.

— « Tu as mal à la tête et à la main, ce n'est vraiment pas raisonnable », déglutit inutilement Bucky.

— « Fort heureusement, j'en ai deux et il est hors de question que je ne fasse pas l'amour avec toi en prétextant une migraine. Les endorphines sont excellentes contre la douleur. »

Le brun ricane mais son rire meurt sur ses lèvres. Chris a faufilé ses doigts dans son pantalon de nuit, juste dans les boucles sombres autour de son sexe.

Le jeune homme les enfouit dedans avec un plaisir si évident qu'il en est presque indécent. Ses caresses sont des effleurements délicats, parfaitement dosés pour éveiller son désir et son envie de lui.

Bucky gémit doucement contre ses lèvres et ondule à son tour pour accompagner ses mouvements. Il sera raisonnable plus tard. Chris a peut-être raison, il s'inquiète un peu trop pour lui et doit apprendre à lâcher prise.

Le brun se cambre légèrement en sentant les doigts habiles courir sur lui. Son sexe pulse dans son vêtement de nuit. Les draps sont enroulés autour de leurs corps, le couvre-lit est tombé en dehors du matelas à un moment que Bucky n'a pas remarqué. Leurs odeurs mêlées sont partout, comme chez eux.

Il grogne de contentement alors que son aine devient brûlante et qu'un bourdonnement sourd vrille ses reins. C'est comme à la maison, les mêmes sensations, le même parfum de sel et les mêmes grondements de Chris qu'il sent résonner jusque dans sa propre poitrine.

Sa main trouve naturellement le chemin du sous-vêtement du blond. Chris ondule puissamment contre lui, ses hanches diaboliquement habiles et les muscles de ses cuisses contractés.

Bucky l'embrasse férocement et le blond rit contre sa bouche, au moins aussi avide que lui.

o0O0o

Quand la Mercedes de Chris passe sur Samoa Bridge et traverse les eaux de la baie d'Humboldt, Bucky entrouvre légèrement la fenêtre de sa portière.

Malgré la température un peu fraîche, il laisse les odeurs d'embrun envahir la voiture, piquantes et familières. Le brun esquisse un sourire. Manila lui manque toujours quand il s'éloigne de chez-lui.

À ses côtés, son compagnon pianote du bout des doigts sur sa cuisse dans un rythme un peu saccadé. Chris a été contraint de lui laisser le volant à cent kilomètres d'Eureka, le poignet douloureux et les doigts trop raides. Depuis, il serre les dents de frustration et ne cesse de changer les stations de la radio dès qu'une chanson lui déplaît. Malgré la douceur de son caractère, cela arrive bien trop fréquemment, surtout quand il a décidé qu'il détestait Johnny Cash alors que Bucky l'adore.

Le brun le couve du regard sans pouvoir s'en empêcher. Ses bougonneries sont déraisonnablement adorables. Cela lui fait même oublier les paroles de Marry Carrey, All I Want fort Christmas is You, que Chris chante d'un ton particulièrement faux depuis qu'ils se sont engagés sur la route 101 le long d'Arcata Bay. C'est douloureux à entendre mais le blond marmonne d'une façon qui fait rouler joliment les muscles de sa mâchoire alors Bucky sourit toujours et il détourne nonchalamment le regard quand son regard croise le sien.

Alors que la Mercedes dépasse Tuluwat Island, le jeune homme se redresse légèrement sur son siège.

— « Regarde, nous sommes rentrés à la maison », lui dit-il en pointant l'horizon du doigt.

Devant eux les pentes nues de la côte de Manila se découpent, son relief plat et un peu austère. Chris esquisse un sourire, un peu plus vrai que tous les autres depuis qu'il ne conduit plus.

— « J'ai aimé le mont Satcha. »

— « C'était une excellente idée, tu pourras remercier Caleb de t'avoir suggérer d'aller passer du temps à Mount Shasta. Il me tarde d'être à nouveau aux beaux jours, j'aimerais bien repartir avec toi. »

— « Est-ce que tu voudras choisir la destination ? »

— « Tu m'as parlé du Mexique quand on était à Ruth Lake, n'est-ce pas ? »

Bucky fait danser ses sourcils et Chris rit joyeusement. Il aimerait bien faire l'amour avec lui sur une plage un peu confidentielle du côté de Cancùn. Le brun ne se lasse jamais de parler de futur et d'eux- plus-tard. Une nuit, il a rêvé qu'il rejoignait Chris sur un chantier, que ce dernier descendait souplement d'un échafaudage – c'était avant l'accident et que le brun décide qu'il les déteste profondément – pour venir l'embrasser. Le brun enfouissait ses mains dans ses cheveux pour un baiser un peu sauvage, sa barbe était un peu striée d'argent et son rêve s'était terminé avec un érotisme digne d'une libido d'adolescent.

Son compagnon presse doucement son genou.

— « La prochaine que nous partons, j'aimerais emmener Sandy avec nous. Elle m'a manqué et je suppose que dans quelques mois, Sam et Maria seront sans doute trop occupés par les préparatifs de leur mariage. »

Bucky hoche la tête en ricanant. Cela nécessitera tout de même de revoir leur projet. Outre le fait que de nombreux hôtels n'acceptent pas les animaux, Sandy semble toujours penser que leurs étreintes sont un jeu. Ou quelque chose d'inquiétant. Un gémissement trop bruyant suffit à l'affoler quand elle dort dans le salon et il est à la fois gênant et hilarant de devoir rassurer – complètement nu et très excité – une chienne de trente kilos vautrée dans leurs draps.

— « Nous la récupérons demain, Sam nous a assuré qu'il nous la ramènerait. »

— « Nous aurions pu la prendre en passant avant de rentrer », marmotte Chris.

Bucky lève des yeux au plafond.

La luxueuse berline s'engage sur New Navy Base Road vers l'est puis tourne sur Peninsula Dr. La route est plus sauvage puis soudain, devant eux, ils voient Manila Beach et la maison. Le brun inspire profondément les nouvelles odeurs de sable et d'herbes des dunes. C'est vraiment chez eux.

Le jeune homme emprunte le chemin sableux menant à la maison avant de plisser les yeux. Le perron est déjà occupé et une voiture familière est garée devant. Bucky sourit tandis qu'il gare souplement la Mercedes de Chris. Quand il coupe le contact, son compagnon se penche sur la banquette arrière pour fouiller dans son sac. Avec un sourire satisfait, il en sort une casquette neuve brodée de la silhouette du mont Sashta qu'il coiffe avec un petit sourire suffisant.

— « Je m'habille, nous avons de la visite », le taquine-t-il avant de sortir de la voiture.

Bucky sourit avec satisfaction. Chris est si ridiculement heureux qu'il lui ait acheté ce nouveau couvre-chef sur la route du départ du Mont Shashta qu'il a envie de remplir leur dressing de casquettes aux motifs plus ou moins ridicules. Il continue à chérir la vieille casquette au logo de Ruth Lake qui lui a appartenu mais celle-ci lui sied plutôt bien. Chris est un des rares hommes de sa connaissance à être sexy en portant un tel couvre-chef comme un bûcheron de série télé.

Son compagnon ouvre la portière arrière pour récupérer son bagage et le jeter nonchalamment sur son épaule. Même en faisant ça de sa mauvaise main dans un geste un peu maladroit, Chris est sexy.

Bucky sort à son tour de la berline et récupère son sac. Il a à peine le temps de refermer la portière que Sandy se jette sur lui, folle de joie. Le brun la cajole tendrement et jette un regard au perron. Maria le salue d'un sourire tandis que Sam ouvre largement les bras devant eux, non sans un regard d'envie vers la Mercedes.

— « Surprise ! Maria et moi avons pensé que vous apprécierez de trouver un comité d'accueil chez vous », s'exclame-t-il d'un air ravi.

— « C'était ton idée Sam. Je t'ai suggéré de les laisser rentrer et se réinstaller tranquillement chez eux. »

Maria embrasse Chris sur la joue puis Bucky qui parvient enfin à s'arracher à l'accolade puissante de son meilleur ami.

— « Ils ne sont partis que quelques jours ma chérie, ils n'ont pas besoin d'un week-end pour s'en remettre et je dois partir pour cet ennuyeux congrès médical à Sacramento dimanche. Je voulais les voir un peu plus que quelques heures. Bon retour mon pote. »

Sam roule des yeux et enlace le blond qui le serre un peu gauchement contre lui de son mauvais bras.

Le jeune homme est particulièrement volubile et Sandy aboie vigoureusement autour d'eux un accord détonnant après quelques jours de vacances dans la solitude de leur chalet. Maria leur adresse un petit sourire d'excuse ses yeux marron s'attardent un peu plus sur Bucky. Le brun remonte son sac sur son épaule et hoche la tête. Bien. Son meilleur ami depuis le collège a quelque chose à lui demander quelque chose d'important s'il en croit ses gestes un peu trop emphatiques. Mince, il n'est pas sûr de pouvoir redescendre aussi rapidement de sa tour de félicité parfaite où il a vécu d'amour et d'eau fraîche pendant une cinq jours.

Bucky ouvre la porte de la maison, tenant Sandy par le collier car la chienne, la truffe dans le sable, s'intéresse un peu trop à ce qui ressemble à des déjections. Bon retour dans la vraie vie.

— « Est-ce vous avez un moment ? », leur propose-t-il gentiment.

Sam hoche vivement la tête et lui emboîte déjà le pas, Chris et Maria sur les talons. Le blond récupère le sac de Bucky et l'embrasse du bout des lèvres.

— « Reste dans le salon, je vais les monter dans la salle de bain. »

— « Ne commence pas à trier le linge pour faire la machine, on s'en occupera plus tard », crie le brun depuis la cuisine.

Sam ricane, accoudé à l'îlot central.

— « Vous avez l'air incroyablement reposé… et satisfait. … Un peu d'activité physique peut-être ? Je t'avais demandé de t'économiser Chris », les taquine-t-il en les regardant tour à tour.

— « Ce n'est pas grave, j'ai deux mains », répond distraitement le blond dans les escaliers.

Il règne un bref silence avant que Chris ne dévale les marches et ne passe la tête à l'angle du mur.

— « Ce n'est pas ce que je voulais dire ! »

— « Bien entendu Chris… »

Sam est hilare, Maria le prend par le bras pour l'entraîner jusqu'au salon et l'y faire asseoir. Elle s'installe à son tour élégamment sur le canapé et appuie sur l'arrière-train de Sandy pour la faire s'allonger dans son panier, posé contre la baie vitrée. Elle attrape une peluche en forme de pieuvre dans la panière en osier voisine et commence à jouer avec elle pour la distraire. Bucky lui en est reconnaissant, la chienne est agitée et très empressée auprès de son compagnon. Chris est un peu fatigué, il a mal le brun doit à nouveau lui faire avaler des cachets. Sandy tire avec énergie à l'autre bout du jouet, grognant, écumant et se contorsionnant dans son panier.

— « Vous lui avez manqué. Depuis hier, elle n'arrête pas de couiner en direction de la porte, on dirait qu'elle savait que vous alliez rentrer », sourit Maria en se prêtant de bonne grâce au jeu.

Le brun sourit tendrement à la chienne qui continue à se tortiller à côté de son amie. Elle lui a manqué aussi.

— « Est-ce que tout s'est bien passé ? »

Bucky leur montre la machine à café d'un signe de tête et le couple opine. Il sort trois tasses du placard, Chris dit que le café lui donne mal à la tête quand il est migraineux et ils n'ont plus de boisson décaféinée. Le brun fronce les sourcils. Ils auraient dû s'arrêter au WinCo sur la route du retour plutôt que de repousser les courses alimentaires au lendemain. Le brun sort un autre verre et une bouteille de jus de fruit du frigo.

— « Sandy a été adorable », répond Maria en le remerciant d'un sourire quand il dépose une tasse devant elle. « Elle n'a presque pas aboyé et a été très propre. Sam a fait un peu la tête quand il a fallu la sortir un soir qu'il pleuvait des trombes d'eau, j'étais en service à Saint-Joseph. »

Bucky ricane alors que son ami lève les yeux au ciel.

— « Et votre séjour au Mont Shasta ? Est-ce que vous êtes allés marcher un peu ? »

— « On le voyait depuis la fenêtre de la chambre. Le sommet était couvert de neige, c'était très beau. Notre hôte nous avait indiqué quelques randonnées à faire depuis la ville mais Chris et moi n'étions pas équipés pour, nous avons préféré rester au chalet », lui répond le brun

— « Bien entendu », sourit son ami d'un air malicieux.

Bucky remplit leurs tasses et roule des yeux.

Alors qu'il revient dans le salon, il jette un regard noir au sapin, le parquet est jonché d'épines. La queue touffue de Sandy balaye le sol, les étalant joyeusement et se coinçant dans les longs poils dorés. Il grimace.

Chris les rejoint et plante un baiser chaud sur ses lèvres en prenant son verre de jus de fruits. Il se laisse tomber sur l'autre bout du canapé, attirant le brun à lui d'une main posée sur sa hanche. Le brun s'appuie doucement contre son torse. Du coin de l'œil, il voit Sam tapoter du pied sur le parquet d'un geste un peu nerveux. Il se racle la gorge.

— « … Pas d'autres nouvelles d'Eureka ? », demande-t-il gentiment.

- « Est-ce que je t'ai dit que j'allais à Sacramento à la fin de la semaine ? »

- « En effet. Rien d'autre ? »

C'est un encouragement, il sait que Sam peut avoir la parole un peu difficile parfois. Son meilleur ami hausse légèrement les épaules. Maria lève les yeux au ciel, ses doigts fouillant dans sa veste pour sortir son portable.

— « Nous avons bien avancé sur l'organisation de la cérémonie. Nous pensons à nous marier en juillet, ce qui nous laisse… sept mois pour faire tout ce que nous avons à faire », dit-elle en consultant une note sur son smartphone.

La jeune femme tend l'appareil vers eux et Bucky écarquille les yeux de surprise. L'écran est ouvert sur une liste soigneusement organisée, trop longue pour apparaître en une seule fois. Son amie la fait défiler. Longuement. Elle compte plusieurs pages.

— « … Quand on vous a amené Sandy il y a cinq jours, vous songiez à prendre un wedding planner parce que vous pensiez être très en retard », note-t-il avec étonnement.

— « Certains d'entre nous sont efficaces quand il s'agit de conclure », ricane Sam.

— « Tu paniques encore quand je te demande si nous devons choisir un gâteau aux fruits rouges ou au chocolat pour le dîner », lui rétorque Maria et Bucky ricane. « Tu oublies aussi de dire que nous n'avons trouvé aucun wedding planner disponible d'ici deux ans. Sam et moi ne voulons pas attendre aussi longtemps alors nous allons faire les choses par nous-même. »

— « Vous pourriez demander conseil à cette nouvelle pâtisserie qui a ouvert en décembre sur 7th Street. Les gâteaux en vitrine sont très beaux et je crois qu'il y a un book sur le comptoir pour les commandes exceptionnelles », suggère gentiment Chris.

— « Tu as raison, le choix n'est pas assez difficile avec seulement deux options », grommelle Sam.

Il pousse un gémissement de martyr en voyant sa compagne ajouter une note à leur liste déjà très fournie. Maria lui donne un coup de coude dans les côtés avant de sourire au blond.

— « … Nous avons aussi pensé au lieu de la cérémonie. Est-ce que tu es toujours d'accord pour créer une arche pour nous sur la plage ? », lui demande-t-elle.

— « Ce n'est pas comme si ta question lui laissait l'opportunité de refuser… », marmotte son compagnon.

Bucky rit et pose une main sur la cuisse de Chris.

— « Il accumule des morceaux de bois flotté dans la réserve depuis des semaines. Après le passage de Mandy, Chris a presque nettoyé Manila Beach à lui tout seul », lui dit-il en faisant un clin d'œil.

— « J'en ai aussi gardé pour le projet de notre future tête de notre lit. »

Ah oui, le délicieux et très domestique projet commun. Le brun a hâte d'observer son compagnon travailler au mobilier de leur chambre à coucher. Il croise le regard de Chris, velouté et tendre. Lui aussi semble pressé de l'installer.

— « Je les ai triés et j'ai fait quelques croquis en regardant les morceaux que j'ai rassemblés. Certains sont suffisamment gros et solides pour soutenir toute la structure, je n'aurai pas besoin d'ajouter de poutres. Je pense que le rendu sera vraiment beau », explique le blond.

Bucky hoche la tête. Il n'en sait rien en réalité, il peine à se projeter avec les dessins de Chris mais son compagnon semble très sûr de lui et il trouve que l'assurance est quelque chose de sexy. Donc Chris doit avoir raison.

Sam le remercie d'un sourire. Il frappe pourtant toujours le parquet de son talon d'un air un peu nerveux. Le brun l'interroge du regard et son ami se racle la gorge. C'est ça, ce n'est que lui, qu'eux, les deux amis ayant fait les quatre cents coups ensemble qui se sont fait renvoyer du cours de chimie de Mrs. Hunlow parce qu'ils n'avaient pas voulu avouer lequel d'entre eux était responsable de ce léger incident avec le bec Bunsen. Aucun d'eux en réalité, c'était la faute de Charlie Adamiak qui avait voulu brûler le petit mot que venait de lui faire passer Adrian Moore. Bref.

— « … Il y a autre chose dont nous allons devoir nous préoccuper rapidement », dit-il. « Maria a pris plusieurs rendez-vous pour sa robe. Je vais aussi rencontrer le tailleur Manneli dans quelques semaines. »

— « Manneli ? À San Francisco ? Il ne fait que du sur-mesure, tu vas être très beau. »

Bucky siffle doucement d'admiration. Très beau et un peu ruiné, il a le vague souvenir d'un numéro spécial homme de Vanity Fair qu'il avait feuilleté un jour en attendant Tony dans son bureau cher Stark Publishing. Le shooting photo montrait plusieurs costumes Manelli avec le prix, imprimé en tout petit à côté de la description. Il s'en souvient parce qu'il avait trouvé le nom de la marque assez sympa. Et que le mannequin – Gian de l'agence Élite – était vraiment torride.

— « C'est effectivement ce que j'aimerai Buck' », ricane Sam en roulant des yeux. « … Est-ce que tu as quelque chose de prévu le 25 mars ? »

— « Je ne pense pas mais je dois regarder mon agenda. »

Le brun se gratte distraitement la mâchoire avant d'écarquiller les yeux. Oh… Son meilleur ami lui jette un regard entendu et Bucky sent sa gorge se serrer un peu. Bon sang. Ils en avaient ri lors de la soirée d'anniversaire de Sam mais à présent, son ami est suffisamment nerveux pour rendre cela très officiel. Il lui sourit d'un air un peu maladroit.

— « … Tu veux qu'on aille faire les magasins ensemble ? Nous n'avons jamais fait ça en quinze ans d'amitié… »

— « C'est un peu plus que d'aller dans les friperies d'Old Town pour t'acheter des tee-shirts vintage Buck' », grogne Sam.

Bucky rit mais c'est un peu étranglé. Chris serre gentiment sa cuisse.

— « … Je serai disponible bien sûr, toute la journée et même avant et après si tu en as besoin. Chris aussi. »

Son meilleur ami se mord les joues et passe une main gênée dans sa nuque.

— « … Je pensais plutôt à quelque chose qu'on ferait tous les deux, entre meilleurs amis depuis le collège. Ne le prends pas mal Chris mais c'est un peu spécial, tu comprends ? »

— « Bien entendu. » Le blond le rassure d'un gentil sourire. « Quand vous serez chez Manelli, peut-être que tu pourras essayer de convaincre Bucky d'acheter une chemise et une cravate neuves. »

— « C'est la journée de Sam », rétorque le brun en lui jetant un regard en coin.

— « Si ça ne tenait qu'à moi, nous aurions déjà pris rendez-vous pour te faire confectionner un costume pour le mariage. Tu serais très beau en gris perle », répond Chris du tac-au-tac.

Maria et Sam opinent d'un air résolument appréciateur. Bucky sent ses joues chauffer un peu et il se tortille légèrement quand son compagnon vient frotter son nez dans son cou. Sans doute, il aimerait être beau pour lui mais il déteste faire les magasins. Il a réussi à éluder plutôt habilement jusqu'à présent, sans compter que ses amis n'ont pas parlé du thème de la cérémonie ou du dress code ; inutile de se précipiter, n'est-ce pas ?

Quand le couple quitte la maison après un dernier salut, le brun s'imagine pourtant dans ce costume clair auquel pense son compagnon pour lui, avec chemise blanche et cravate noire parce que – sans qu'il ne comprenne pourquoi – la discussion a dérivé sur ce qu'il porterait le mieux et que tous se sont mis à regarder des catalogues en ligne.

Bucky a aussi une certitude, Chris serait renversant en bleu.

Il ramasse leurs tasses et les lave dans la cuisine. Appuyé contre l'îlot, son compagnon rédige une liste de courses. Le brun grommelle légèrement.

— « Nous aurions dû y aller en rentrant », répète-t-il en reposant l'éponge sur le rebord de l'évier.

— « Le marché de producteurs a lieu demain matin, lui rappelle Chris. Tu es le premier à dire que les produits frais y sont bien meilleurs qu'au WinCo et Sandy adore aller saluer ce type qui vend du pain de viande. La saison de la chasse est finie depuis plusieurs semaines, il doit avoir des plats avec du gibier. »

— « Charmante perspective… Hors de question de lui acheter quelque chose de trop exotique, la dernière fois nous avons dû faire manger Sandy sur la terrasse tellement ça sentait fort. »

Le blond acquiesce d'une petite moue et recommence à écrire.

Debout devant lui, Bucky fait l'inventaire à haute voix des placards et du frigo, un peu surpris par leur vacuité. Bon sang, ils sont vraiment partis en lune de miel, sans se préoccuper de la moindre contingence matérielle. Quand il ouvre le garde-manger, pas plus fourni, le brun se demande quand même ce qu'ils vont pouvoir manger le soir-même.