Mes petits chats,

Les tourments de Bucky et Chris/Steve continuent ce soir dans ce nouveau chapitre de "L'homme de la plage". Elle est un peu un moment de bascule dans cette histoire qui se dirige plus que jamais vers sa dernière partie.

Sans plus attendre, je vous laisse en leur compagnie (avec Natasha et Clint qui n'a pas fini de se faire détester…). Très bonne lecture à tous et à bientôt pour la suite :)

Bien à vous,

ChatonLakmé


Alexandre Pouchkine (1799-1837) et Mikhaïl Lermontov (1814-1841) sont deux romanciers et poètes russes de la période romantique ayant notamment écrits sur l'amour.

Le syndrome de Stockholm est un phénomène psychologique définie suite à une prise d'otages ayant eu lieu dans une banque de Stockholm en 1973. Après six jours de négociation avec les forces de l'ordre, les ravisseurs ont libéré leurs otages mais ceux-ci ont montré une forme d'attachement envers eux jusqu'à aller les visiter en prison après leur condamnation. Le syndrome de Stockholm se caractérise notamment par une forme d'empathie et l'établissement d'un lien de confiance entre les otages et les ravisseurs et la naissance d'une forte défiance à l'égard des forces de l'ordre.

Les Painted Ladies désignent familièrement les maisons de style victorien et édouardien de San Francisco, toutes peintes de deux à trois couleurs différentes. On peut notamment en voir dans le quartier de Haight Ashbury, le quartier hippie.

L'île d'Alcatraz est située dans la baie de San Francisco à environ 2 kilomètres du port. Transformée en forteresse militaire à partir de 1850, elle a abrité successivement une prison militaire puis une prison fédérale de 1934 à 1963. Alors pénitencier le plus célèbre des États-Unis, elle concentre des détenus considérés comme particulièrement dangereux dont des célébrités tel que le parrain de la pègre Al Capone. Sa situation isolée et la force des courants marins alentour rendait toute évasion impossible. En 1962, trois détenus parviennent toutefois à fuir. La prison est fermée l'année suivante, considérée comme trop vétuste et trop coûteuse à l'entretien. Aujourd'hui, l'île et ses bâtiments sont devenus un site touristique, géré par le service des parcs nationaux des États-Unis.

Lombard Street est une rue emblématique de San Francisco située dans le quartier de Cow Hollow, caractérisée par des lacets en épingle très serrés. Elle est apparue de multiples fois au cinéma ou dans des séries télé.

Dans le roman Anna Karénine, les personnages de Lévine et de Kitty représentent l'amour harmonieux, la paix et le bonheur conjugal auquel s'oppose la passion de l'héroïne pour l'officier Vronsky.

L'homme de la plage

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Vingt-septième partie


Fin mars


Malgré ses efforts et son amour – son immense amour – Bucky ne parvient pas à repousser le cours du temps il n'a pas ce pouvoir.

Les Détails de La Suite arrivent, les choses se déroulent alors étonnamment vite.

Clint et Natasha reviennent le lendemain comme convenu, restent à peine une heure à Manila et tout est arrêté. Le blond a l'air de préparer un plan de bataille – excepté qu'il sourit comme un bienheureux – son amie est plus pragmatique et discrète mais elle participe activement à la discussion. Bucky lui en veut malgré ses pensées embrumées par le manque de sommeil. Ni lui ni Chris n'ont réellement réussi à fermer l'œil la nuit passée.

Son compagnon garde sa main dans la sienne pendant toute la durée de la conversation, caressant ses jointures de son pouce, clignant des yeux pour humidifier ses yeux trop secs.

En temps normal, Bucky prendrait probablement son visage en coupe et embrasserait ses paupières en riant tendrement de sa mauvaise mine. Il n'y arrive pas, il n'ose pas non plus.

Chris quittera Eureka le lendemain avec un petit sac de voyage. Il a insisté malgré les protestations de Clint qui voulait le faire immédiatement déménager – « Ta vie est à San Francisco, mec ! Pas ici ! » – il ne s'agit que d'un premier trajet pour retrouver sa mère et continuer à comprendre l'homme qu'il a un peu oublié qu'il était.

Clint a acquiescé avec raideur, négociant toutefois un départ au plus vite le lendemain matin. Lui et Natasha reviendront donc le chercher à dix heures – le cabinet d'avocats qui les emploie attend également leur retour avec de moins en moins de bienveillance malgré cette situation exceptionnelle. Bucky est certain qu'il sera à la maison plus tôt.

Les deux amis les laissent seuls pour la fin de la journée. Clint a ajouté en riant qu'il n'est pas cruel au point de leur permettre de se dire au revoir.

Bucky a eut envie de le frapper.

Natasha a entraîné son ami derrière elle pour les quitter le plus rapidement possible et apaiser l'ambiance électrique qui régnait dans la maison. Elle comprend.

Le reste de la journée – de leur dernière journée – est ponctuée d'activités normales de leur vie commune ensemble. Sortir Sandy, marcher le long de la plage, préparer à manger, faire une lessive, regarder un épisode de Masterchef en début de soirée en se disputant gentiment sur les mérites de leurs candidats favoris. Des choses banales qu'on fait à deux.

Surtout ne pas en parler, tout pourrait être normal.

Dans un angle de leur chambre, il y a un sac de voyage ouvert dans lequel sont déjà rangées quelques affaires. Et une trousse de toilette, posée sur le meuble à vasques de la salle de bain.

Bucky l'ignore soigneusement dès qu'il entre et sort de la pièce.

Comme chaque soir, le soleil décline sur Manila Beach et les eaux du Pacifique, marbrant de rubans rose, violet et orange le ciel encore clair de mars. Chris et le lui le contemplent depuis la terrasse, appuyés l'un contre l'autre tandis qu'ils grignotent des chips.

Après de longues minutes, il se couche sur la ligne d'horizon et les étoiles apparaissent entre les nuées. Bucky note que la nuit est particulièrement claire, le temps sera beau pour le départ de Chris. C'est mieux pour sa sécurité – Clint conduit une petite citadine nerveuse et très sportive – c'est moins bien pour lui. Avec de la pluie ou du brouillard, Chris serait resté un peu plus longtemps à Eureka.

Allongé dans leur lit, le jeune homme regarde le ciel, la tête appuyée contre ses oreillers et les mains croisées sur sa nuque pour la soulever un peu. Par la porte ouverte, il entend Chris qui achève de se préparer dans la salle de bain, l'eau qui coule et les tiroirs qu'il ouvre. Le léger bruit de l'interrupteur que l'on éteint.

Le blond entre dans la chambre.

Bucky remarque qu'il a du linge plié dans les mains et même si Chris effleure gentiment ses cheveux en passant à côté du lit, il le voit seulement marcher jusqu'à son sac de voyage pour les y ranger. Son compagnon tire lentement sur la fermeture éclair Sandy y a déjà enfoui plusieurs fois son museau pour en tirer des vêtements. Le brun esquisse un sourire triste. La chienne ne les a pas suivis, elle ne les a même pas regardés monter l'escalier pour aller se coucher. Comme si elle savait.

Chris se redresse, s'étire, fait rouler ses épaules avant de s'allonger contre lui. À l'idée de ne plus voir les muscles de son compagnon vibrer ainsi sous la peau – un geste machinal qu'il fait régulièrement dans la journée – Bucky pince les lèvres, le cœur un peu douloureux. Le blond roule sur le flanc, l'attire sur son torse d'un bras passé autour de sa taille. Chris embrasse son épaule par-dessus son tee-shirt.

— « J'ai peur tu sais. »

Le brun tourne la tête. Il sourit, lisse tendrement d'un doigt le pli soucieux qui marque le front de son compagnon et Chris ferme les yeux de contentement.

— « J'ai peur de te quitter Bucky. Je ne sais pas ce que je vais trouver à San Francisco », répète-t-il.

— « Tu ne le sais pas encore. Ça va te revenir. Et si c'est trop, si tout est trop pour toi, tu peux m'appeler. Tu peux revenir à Eureka dès que tu le désires. »

— « Je vais emporter les clés de la maison avec moi », acquiesce Chris.

Bucky ricane et lui pince doucement la hanche.

— « Ton porte-clé est trop gros pour que tu puisses l'oublier. Si tu ne l'as pas dans ta poche, je suis persuadé que tu seras le premier à remarquer que tu marches un peu trop droit », le taquine-t-il.

Le jeune homme se tortille légèrement quand Chris glisse une main sous son tee-shirt pour lui chatouiller le flanc. Ses doigts sont frais. Il avale son rire d'un baiser.

— « … Tu as aussi ta mère. Je donnerai tout pour revoir la mienne… », reprend Bucky quand Chris consent à le laisser respirer.

— « J'aurais aimé la rencontrer aussi. » Le blond l'embrasse dans le cou. « Je t'enverrai des messages et je t'appellerai plusieurs fois par jour. Tu vas tellement me manquer. »

— « Toi aussi Chris. »

C'est bien trop faible pour exprimer réellement son propre désarroi. On peut manquer de temps ou de confiture pour faire des tartines.

Voir Chris partir pour plusieurs jours – la durée totale est encore indéterminée – et renouer avec son passé est un déchirement.

Bucky ne sent pas non plus prêt à partager ce moment avec lui même si son travail de traducteur lui permet de travailler hors de son domicile Clint ferait de sa vie un enfer et il ne veut pas subir ça ni mettre Chris en porte-à-faux avec ce crétin qui est quand même, semble-t-il, un ami très proche. Il sera plutôt du voyage à l'occasion du deuxième ou du troisième séjour de son compagnon à San Francisco. S'ils sont encore ensemble parce que là-bas, il y a une Sharon.

Bucky pince les lèvres.

Non, il doit avoir confiance.

Chris doit penser à lui le brun doit penser à eux deux. Le jeune homme traduit des romans russes depuis des années, il s'est spécialisé en littérature du XIXe siècle. Alexandre Pouchkine ou Mikhaïl Lermontov ont beaucoup écrit sur de beaux amours, parfois sacrificiels. C'est beau quand il travaille sur leurs mots trouver l'expression juste afin de retranscrire au mieux l'essence du texte est une quête de perfection. Dans la vraie vie, l'amour vrai empli d'abnégation est corrélé à une douleur qui étouffe et donne l'impression de suffoquer. Il y a aussi rarement un meilleur ami qui pense que vous êtes un dangereux psychopathe ayant réussi à faire un lavage de cerveau à sa victime. Dans sa colère, Clint a osé parler une fois de syndrome de Stockholm. Merde.

Bucky déglutit et Chris le serre un peu plus fort contre lui. Même besoin de se sentir, c'est une triste manière de se rassurer. Le brun tourne la tête pour enfouir son visage dans les cheveux de son compagnon. Il embrasse fiévreusement son crâne, son front puis sa tempe, enfonçant ses doigts dans la chair tendre de son avant-bras. Le blond ne proteste pas, son bras pèse plus lourd sur son torse et sa main plus ferme encore sur son ventre.

— « …Le temps sera beau quand tu prendras la route. La route 1 permet de longer la côte, le point de vue est très beau. »

— « Clint veut rentrer le plus vite possible, nous allons prendre la route 101 et passer par l'intérieur des terres… »

— « … Vous serez à San Francisco en quatre heures et demie, c'est bien. Ce sera… rapide », souffle Bucky.

Chris embrasse son cou, laisse ses lèvres courir sur sa peau.

— « Nous prendrons la route 1 ensemble quand tu m'accompagneras la prochaine fois. J'aimerais bien conduire le long de la côte, on pourrait louer une décapotable », propose-t-il gentiment.

Le brun ricane mais ça sonne un peu gêné. Il n'est pas prêt à se projeter aussi loin. Il n'est pas prêt à rencontrer la vie de Steve Rogers. Il préfère garder sous les yeux leur maison à Manila et leur chambre devant l'océan.

Bucky se réfugie dans le silence, le cœur gros, mais cette nuit, Chris préfère réfléchir et rêver à voix haute.

C'est la première fois qu'ils ne se comprennent pas.

— « On louerait une Chevrolet ancienne pour ne pas dépareiller dans les rues du centre-ville. J'aurai peut-être des difficultés à la garer devant mon immeuble mais ce n'est pas grave. On s'installerait dans ma chambre. Il y a un pan de mur avec du papier peint à motifs bleus, je pense qu'il te plairait. Sandy aurait son panier dans le salon, le soleil rentre à flot dans la pièce aux beaux jours. Ma mère habite sur… à… Je me souviens qu'elle habite assez prêt, nous irions déjeuner chez elle en arrivant. Je suis sûr qu'elle t'adorera », reprend-il en caressant distraitement son ventre.

Le brun exhale un souffle un peu tremblant. Il crispe ses doigts sur le poignet de Chris en une supplique silencieuse de cesser de raconter mais son compagnon embrasse délicatement son épaule. Il continue à parler de sa vie loin d'Eureka à son oreille. Bucky pince les lèvres mais cela n'a évidemment aucune conséquence sur la qualité de son audition. Il entend tout, il comprend tout. Lui ne songe à rien, il n'a jamais vraiment aimé San Francisco.

— « Je t'emmènerais visiter les Painted Ladies à Haight Ashbury et le Golden Gate Park. Et je t'inviterai à dîner dans un restaurant que j'aime beaucoup sur… Je ne me rappelle plus son nom exact mais la cuisine est excellente. Je t'offrirai une casquette avec la silhouette du Golden Gate. »

Bucky se mord les joues.

— « J'ai déjà joué au touriste à San Francisco », proteste-t-il mollement.

— « C'est vrai mais nous ferions des choses différentes. Et nous serions ensemble. Il y a beaucoup de chose que j'aimerai te montrer et partager avec toi. Tu es déjà allé à l'ancienne prison d'Alcatraz ? »

— « … Non. »

Bucky ne se sent pas capable de lui mentir et le sourire de son compagnon est charmant d'enthousiasme et d'envie. Le brun esquisse un sourire un peu faible mais qui ressemble moins à une grimace qu'il ne le pensait. Il ne peut pas le décevoir ou le blesser. Chris l'embrasse dans le cou.

— « C'est un de mes endroits préférés, j'espère que tu l'apprécieras aussi. »

Le jeune homme hoche la tête et ferme douloureusement les yeux. La main de Chris est chaude sur son ventre, ses caresses sont douces mais Bucky a un peu froid. Son compagnon part pour San Francisco pour se souvenir mais il se souvient déjà de tant de choses des choses si nombreuses qu'il les partage systématiquement avec lui comme pour canaliser sa mémoire.

Le brun le sent se lover contre son flanc, ses doigts caresser presque langoureusement sa peau nue.

Son corps est chaud et il sent bon.

Bucky déglutit.

Il a besoin de plus, il a besoin de lui. Avant son départ de Manila, il a besoin d'eux. Ses reins picotent doucement.

Quand Chris passe distraitement une jambe entre les siennes, son genou effleurant son entrejambe, un frisson remonte le long de son dos. Bucky resserre inconsciemment les cuisses, il frotte une de ses chevilles contre celle de son compagnon. Ses orteils se glissent sous l'ourlet de son pantalon de nuit et frôlent son mollet. Ils entraînent lentement le coton et le remontent un peu sur sa jambe. Le brun frotte plus fort le muscle de la plante de son pied. Chris gigote imperceptiblement contre lui, étouffant un rire dans le creux de son cou.

Le brun embrasse sa tempe puis cherche sa bouche. Son compagnon lui offre obligeamment ses lèvres pour un baiser un peu paresseux, déjà au léger goût de sommeil. C'est bon mais ce n'est pas assez.

Bucky roule légèrement sur le flanc et glisse une main sur la hanche de Chris. Il crochète ses doigts sur sa taille, l'attire puissamment à lui. Leurs hanches s'emboîtent. Le blond soupire doucement de surprise et il en profite pour envahir sa bouche.

La réponse de Chris est avenante mais toujours aussi douce. Tendre. Attentionnée. Pas assez.

Bucky a besoin de désir alors qu'il sent son aine chauffer plus fort.

Il commence à onduler imperceptiblement, juste un petit peu pour attiser la flamme qui couve dans son ventre et entraîner Chris à brûler avec lui. Sa main glisse sur ses reins nus comme une invitation alors qu'il masse doucement son entrejambe sur le sommet de sa cuisse. Son compagnon grogne dans sa bouche, son bassin a un léger sursaut contre le sien. C'est sexy.

Bucky frissonne, il a chaud et froid en même temps mais c'est bon.

Il ondule savamment, consciencieusement. Le brun se redresse sur un coude et commence à rouler sur son compagnon pour le surplomber. Son bas-ventre s'écrase plus franchement contre le sien. Leurs peaux se frottent alors que Chris le tient fermement par les hanches, ses mains crochetées à ses hanches sous son tee-shirt de nuit.

Bucky inspire profondément par le nez, respire l'odeur de sa peau dans son cou. C'est ça, c'est tout ce qu'il veut.

— « Bucky… », chuchote Chris contre sa bouche.

Il gémit doucement, ses reins sont agités d'un délicieux frémissement sensuel. Le brun sait comment faire pour réveiller les désirs de Chris, il les berce un peu plus fort, frottant plus franchement son entrejambe contre la sienne. Le jeune homme siffle entre ses dents.

— « Bucky… »

Ses doigts serrent plus fort ses hanches, ses ongles s'enfoncent dans sa chair. C'est une invitation.

Le brun rampe un peu plus sur son corps. Il parcourt son torse nu d'une main, flatte ses abdominaux parfaits et ses flancs, s'égare sur la peau fine de son bas-ventre et le fin duvet blond qui guide ses doigts vers son pubis. Son compagnon cambre les reins alors qu'il s'attarde à dessein son aine.

Il effleure déjà les boucles dorées qui entourent son sexe sensible quand une main ferme l'attrape par le poignet.

Bucky embrasse chaudement son cou et suce la peau fine derrière son oreille. Les doigts de Chris sont des serres sur lui, si puissants qu'il finit par grimacer et sort la tête de son giron.

Le brun papillonne légèrement des yeux.

Un fleuve de glace coule dans son ventre, étouffant les flammes qui venaient le lécher agréablement et le réchauffait d'une chaleur sensuelle et familière.

Chris a les yeux brillant, les lèvres gonflées de leurs baisers. Mais ses sourcils sont froncés et un pli barre son front.

Bucky déglutit, la gorge serrée.

Le bercement voluptueux de ses hanches ralentit – il doute – mais il a tant besoin que soudain, comme un défi, il ondule à nouveau puissamment contre lui, ses yeux plongés dans les siens. Le brun discerne aisément le relief du sexe réveillé de Chris sous le fin coton du pantalon de nuit, il a aussi envie de lui alors il tente d'y poser sa paume pour le caresser gentiment, sentir sa chaleur et ses tressaillements sous sa main. Les doigts de son compagnon se resserrent autour de son poignet.

— « Non, Bucky. »

Le brun se fige, il écarquille les yeux. Il s'appuie sur son genou pour se relever lentement, sa cuisse frotte contre l'intérieur de celle de Chris – là où il est si sensible en temps normal et qui ne le fait pas ciller ce soir. Bucky s'assoit sur le matelas.

— « … Non ? »

— « Non », répète gentiment le blond. « Pas ce soir. »

Le jeune homme s'appuie sur ses talons, vaguement incrédule.

Non.

Chris n'a jamais dit non pour faire l'amour, tout comme lui. Ils sont même plutôt très enthousiastes, à toute heure et à tout moment de la journée.

Bucky pince les lèvres. Chris est toujours allongé devant lui, les jambes légèrement écartées et parfaitement désirable. Le brun voit qu'il est excité, il sait repérer les signes sur son corps aussi sûrement qu'il peut conduire d'Eureka à Ruth Lake sans carte routière il sait lire les signes. Mais Chris ne veut pas.

Bucky passe une main nerveuse dans ses cheveux, enroulant ses doigts et tirant sur les mèches sombres.

— « Tu ne veux pas », constate-t-il un peu stupidement.

Chris fronce les sourcils. Appuyé sur les coudes, il se redresse à son tour et s'assoie sur le matelas. Il est un peu débraillé mais il est toujours absurdement beau. Le blond presse gentiment son genou mais Bucky ne se sent pas vraiment rassuré. De quoi que ce soit.

— « Tu n'as pas envie de moi », ajoute-t-il d'une voix rauque.

Le brun a la gorge serrée. Tout était parfait, c'était leur lune de miel de cinq mois depuis leur séjour à Ruth Lake. Comment tout cela a-t-il pu s'effondrer en à peine quelques jours au point que Chris ne le désire plus ? La main de son compagnon remonte doucement sur sa cuisse, douce et chaude, pour chercher la sienne. Le brun s'y agrippe avec la force du désespoir.

— « Je ne sais pas ce que tu vas t'imaginer mais je peux te dire que tu as tort. »

— « En quoi ai-je tort ? Tu ne veux pas me toucher. »

Son ton est plus vindicatif qu'il ne le pensait ce n'est pas ce que Bucky souhaitait dire, pas comme ça. Il ressemble à un mec comme il les déteste, ceux pour lesquels le sexe est une chose due dans un couple et qui ne comprennent pas que non, leur corps n'est pas à lui seul une source de fantasme inépuisable pour le monde entier. Bucky en a connu à l'université, il s'est soigneusement tenu à l'écart. Merde. Le brun serre doucement les doigts de Chris.

— « Excuse-moi… », souffle-t-il.

Son compagnon lève les yeux au plafond mais il sourit.

Bucky lui répond un peu timidement, cela ne doit pas être si grave que cela, n'est-ce pas ?

Chris le tire par la main, le brun rampe un peu sur le matelas pour se rapprocher de lui. Il ouvre la bouche, veut encore s'excuser mais son compagnon lui vole son souffle en l'embrassant passionnément. Bucky inspire brusquement. La main de Chris est ferme et brûlante sur sa nuque tandis qu'il fouille méthodiquement sa bouche de sa langue. C'est bon et langoureux. Il s'éloigne et Bucky cligne des yeux tandis que son sexe pulse agréablement dans son pantalon. Oh. Chris le regarde avec une infinie tendresse, son corps est brûlant, sa bouche est avide de la sienne et le brun ne comprend rien. C'est le genre de baiser que son compagnon lui donne quand il le renverse dans leurs draps, qu'il ondule contre lui et lui donne déjà du plaisir de ses doigts habiles. Il ne comprend plus rien.

— « Je veux te toucher et je veux faire l'amour avec toi. J'ai toujours envie de faire l'amour avec toi », sourit Chris.

— « Mais… ? »

— « Mais pas ce soir Bucky, ça ressemblerait trop à un adieu. »

Le brun fronce les sourcils. C'est sans doute un peu vrai mais c'est bien ce qui le taraude douloureusement depuis le début de la journée.

Il jette un regard torve à Chris qui sourit toujours. Ses doigts remontent lentement sur son crâne pour masser son cuir chevelu, son pouce traînant un instant sur la peau fine et douce derrière son oreille. Bucky frémit un peu c'est un point sensible et son compagnon le sait parfaitement. Chris a toujours des attentions toutes particulières pour cette petite parcelle de chair qu'il fait rosir ou rougir sous ses lèvres, si petite alors que les réactions physiques de Bucky sont si fortes. Chris frotte encore son doigt derrière son oreille et le brun se mord les joues. Ouais, c'est érogène pour eux deux – même foutrement érogène – mais Chris reste loin de lui. Même si leurs genoux et leurs mains se touchent, ils sont trop loin pour évoquer une de ces étreintes voluptueuses qui les emporte toujours si haut, si fort.

La bouche de Chris cherche la sienne.

— «C'est un adieu », marmotte le brun contre ses lèvres.

— « Cela n'a rien à voir. Je ne pars que quelques jours et San Francisco n'est pas à l'autre bout du monde. »

— « Pourtant c'est toi qui changes la manière dont les choses se passent d'habitude entre nous. Quand tu es allé passer une nuit à Ruth Lake au début du mois pour superviser le projet de construction de l'annexe, on a fait l'amour la nuit et le lendemain avant même que tu ne prennes la voiture. Tu es le premier à avoir dit que tu ne voulais pas que ça se passe autrement si tu devais t'absenter plus longtemps », insiste Bucky.

— « Tu as ri en disant que c'était aussi intense que de faire l'amour avant de partir à la guerre. Et je n'ai pas aimé ça. »

— « Tu as aussi ri en disant que tu pourrais partir plus souvent si ça me rendait aussi passionné. Je n'étais pas le seul DU reste, tu étais encore en moi et tu semblais sur le point de recommencer », lui répond le brun du tac-au-tac.

Chris hausse un sourcil avant de détourner brièvement les yeux de gêne. Bucky sourit d'un air de triomphe. Ouais, lui aussi se souvient très bien de la manière dont les choses se sont déroulées malgré les endorphines qui pulsaient sans fin dans son cerveau et ses reins très sensibles. Le blond masse gentiment sa nuque.

— « … Tu te souviens aussi qu'on a également été assez merveilleux à mon retour », dit-il doucement.

— « Tu es rentré avec ta casquette de Ruth Lake sur le crâne et tu ressemblais à un bûcheron. Tu sais l'effet que ça me fait de te voir comme ça », marmotte le jeune homme.

Son compagnon rit joyeusement. Sa main glisse sur sa peau pour prendre sa joue en coupe et le guider à ses lèvres. Bucky enroule ses bras autour de son cou, tente de grimper un peu sur ses genoux pour s'enrouler autour de Chris tandis qu'ils s'embrassent. La position du blond le gêne, il effleure habilement ses cuisses et son compagnon croise machinalement les jambes tandis qu'il recule pour appuyer son dos contre la tête de lit. Bucky suit le mouvement et s'assoit immédiatement sur lui. Il écrase son bassin contre le sien, roule un peu des hanches et Chris grogne doucement dans sa bouche. Le brun insiste un peu, appuie plus fort pour frotter leurs entrejambes mais le jeune homme recule, sa bouche lâche la sienne et ce n'est pas assez.

— « Nous n'avons pas de plan pré-établi mais les choses pourront se passer de la même manière à mon retour. Je suis resté une seule nuit à Eureka, imagine ce que nous allons parvenir à faire après une semaine d'absence. »

Chris lève très légèrement le bassin pour venir à la rencontre du sien, un sourire languide aux lèvres. Bucky apprécie mais il croise les mains sur la nuque du blond pour le garder contre lui.

— « … Clint doit avoir un plan légèrement différent du tien. Je doute qu'il accepte que tu ne restes que sept jours à San Francisco… Il te dira que c'est bien trop peu pour te reconnecter à ta vraie vie et que c'est exactement l'endroit où tu dois être », souffle le brun.

Il sourit, une risette un peu pauvre qui essaye de lui faire croire qu'il comprend et qu'il n'y a pas réellement de problème. Même si c'est un atroce mensonge.

Le blond fronce légèrement les sourcils. Bucky sourit encore mais la manière dont Chris le dévisage le met mal à l'aise. C'est un atroce mensonge et le blond le sait pertinemment. Il détourne les yeux, hausse les épaules d'un geste un peu nonchalant. Chris prend doucement son menton entre deux doigts pour l'obliger à le regarder.

— « Ce n'est pas comme ça que les choses vont se passer », dit-il lentement.

— « … Tu n'en sais rien. Tu ne peux pas prévoir ce qu'il va arriver à partir de maintenant. … Tu te souviens un peu mieux chaque jour, Chris. »

Le blond cligne des yeux, ferme les paupières puis appuie son front contre le sien. Bucky fait de même, un pauvre sourire toujours accroché à sa bouche. Bien entendu que c'est ce qu'il se passe et il ne lui en veut pas. Il ne peut pas lui en vouloir.

— « Ça ne veut pas dire pour autant que j'oublie tout ce que je vis avec toi. J'ai une vie, elle est juste un peu plus riche que celle de la plupart des gens », souffle Chris contre son visage.

Bucky mâchonne ses joues. C'est vrai aussi mais il ne peut pas faire comme si Steve Rogers n'existait pas. Il est un homme avec un métier, un appartement, une famille et Chris lui parle de lui alors qu'il ne possède rien de tout ça à Eureka. Les deux hommes sont ensemble, avec Sandy et leurs amis. Bucky est peut-être un peu buté, un peu simplet, mais pour lui, il s'agit de deux vies bien différentes. Une avec lui et une autre, sans lui et loin de la maison de Manila.

Le brun soupire, un peu las.

Il en a assez, il est fatigué de toutes ces appréhensions qui le taraudent et qui gâchent ses nuits. Il a envie que Chris soit déjà parti et déjà revenu. Bucky esquisse un rictus. Ce qu'il pense n'a aucun sens, c'est n'importe quoi et tout est tellement en bordel.

— « Je t'aime », chuchote Chris.

— « Moi aussi. »

— « Et tu sais que c'est vrai, n'est-ce pas ? C'est aussi vrai que tout le reste. »

— « … Je sais. »

— « C'est certifié médicalement. Tu te souviens que j'ai échangé avec Sam et mon neurologue à propos de mes sentiments pour toi, je n'ai rien inventé. »

Bucky ricane. Il effleure sa bouche.

— « Je n'oublierai jamais que tu as parlé d'amour avec Sam. Il nous le rappellera un jour et ce sera vraiment terrible… »

Chris rit chaudement, son torse tressaute légèrement contre le sien.

— « Tu exagères, j'ai surtout évoqué les séquelles neurologiques de mon agression et ce qu'elles pouvaient induire dans ma vie personnelle », s'esclaffe-t-il en picorant sa bouche. « J'ai accepté le fait de ne jamais pouvoir me souvenir de ce que j'avais perdu mais retrouver la mémoire restait une possibilité. Cela fait partie des rares sujets que j'ai évoqués avec la psychologue de Providence. »

— « Tu n'es allé qu'à quatre rendez-vous… »

— « Ils ont tous été très intenses. »

Bucky ricane. C'est Chris, mon Dieu c'est tellement Chris cette manière de répondre, ce sourire légèrement suffisant mais plein de malice et de douceur. Le brun prend son visage à deux mains et plaque un baiser sur sa bouche. Le blond enroule ses bras autour de sa taille et le tire plus près, l'allongeant à moitié sur lui dans un grand désordre de membres. Bucky respire contre ses lèvres, il savoure son goût et sa chaleur. C'est Chris, comme si rien n'avait jamais changé, comme s'il était toujours et parfaitement le même.

— « Le Dr. Galansino m'a dit des choses assez sensées (Bucky se souvient que c'est le nom de la psychologue) quand nous avons travaillé sur cette question. J'avais peur aussi mais elle m'a assuré que retrouver un peu ou complètement ma vie d'avant ne signifiait pas oublier les mois que j'ai passés à Eureka. Le cerveau n'est pas un disque dur qui passerait en position reset, je ne peux pas t'oublier ni les sentiments que j'ai pour toi. Je sais que cette situation te met très mal à l'aise mais je suis définitivement amoureux de toi, Bucky. Tu n'es pas une parenthèse. »

Le brun caresse doucement ses pommettes et esquisse un sourire un peu timide.

— « J'aurai peut-être dû aller consulter la psychologue avec toi. Tu as raison, je ne sais pas vraiment comment – »

— « Faire face ? »

Bucky acquiesce lentement, un peu honteux. Il culpabilise sur son égocentrisme et sa relative lâcheté à essayer de ne surtout pas rencontrer Steve Rogers.

Chris sourit tendrement. Il tourne légèrement la tête, embrasse sa paume sans le quitter du regard tandis qu'il cajole ses hanches du bout des doigts. Le brun soupire doucement, enfouit son visage dans son cou et Chris lui rend presque douloureusement son étreinte, l'obligeant à creuser légèrement les reins pour se coller à lui. Il comprend, ils sont pareils, ils ont autant besoin de l'autre parce qu'ils ont un peu peur.

J'ai peur tu sais.

Chris le lui a dit quand il s'est couché contre lui un peu plus tôt, Bucky n'a pas vraiment écouté et il s'en veut. Il a mal agi, ruminant sa colère contre le monde entier – surtout contre Clint – tétanisé par cette horrible sensation d'impuissance. C'était laid, c'était injuste. Chris embrasse sa gorge et y frotte son nez d'un air câlin.

— « Nous pourrions en parler ensemble », suggère-t-il doucement.

Bucky déglutit. Oui, c'est exactement tout ce qu'il a refusé de faire depuis quatre jours parce que ce qu'on ne dit pas à voix haute n'existe pas réellement. Il a été tellement stupide.

Il enfonce ses doigts dans les cheveux de Chris, joue distraitement avec les mèches qui balayent sa nuque.

— « … Tu parles de tant de choses que je ne connais pas. J'ai découvert avec toi ton goût immodéré pour les programmes télé culinaires ou le fait que tu passes ton temps à nettoyer autour des lavabos de la maison mais je ne connais pas Steve Rogers. Et tu lui ressembles de plus en plus… »

— « Vraiment ? J'ai pourtant l'impression d'être toujours le même. »

Le blond hausse un sourcil et Bucky sourit. Bien sûr, c'est toujours lui. Mais plus tout à fait non plus.

Steve Rogers est un inconnu à ses yeux, un homme qui parle d'une ville et de gens dont il ignore tout. Le brun a l'impression d'être sur le bord de la route et de ne pas pouvoir monter en stop, d'être obligé de rester un spectateur silencieux. Il pince les lèvres. Il ne tient sans doute qu'à lui de sauter dans la voiture pour partir, ça demande juste un peu de courage.

Bucky soupire, enfouie son visage dans le cou de Chris. Le blond le serre plus fort contre lui et les deux hommes restent étroitement enlacés. Sur la table de chevet de Bucky, le réveil indique 23h15. Il leur reste encore toute une nuit mais ce n'est pas assez. Chris embrasse sa gorge.

— « Je dois aussi apprendre à vivre avec celui que j'ai été. Ne crois pas que me réveiller les matins avec de nouveaux souvenirs est quelque chose de naturel. J'ai l'impression de regarder le film de la vie d'un inconnu avant de réaliser que c'est bien moi. » Il trace un chemin de baisers jusqu'à son oreille. « Le plus étrange pour moi est que tu n'es pas là alors que nous habitons ensemble depuis neuf mois. Ce n'est pas – »

— « Naturel ? », propose Bucky et le blond acquiesce. « Alors, je suis presque le centre de ton monde ? Flatteur… »

Le jeune homme lui pince les reins et il gigote sur ses genoux en ricanant. D'accord, ça commence vraiment à le rassurer.

— « Je pars demain mais je vais revenir à Eureka, je te le promets », souffle Chris en cherchant son regard.

Le brun plonge ses yeux dans les siens avant de hocher la tête. Il a dit « revenir » – pas « rentrer » – mais c'est acceptable, seul le résultat final compte. Chris chez eux, à Manila, dans leur maison. Il sourit.

— « Tu veux que je t'attende ici comme l'épouse du pêcheur qui guette la mer chaque jour ? », demande-t-il d'un ton un peu emphatique.

Chris ricane.

— « J'espère que tu soupireras longuement et que tu marcheras d'un air mélancolique le long de Manila Beach en songeant à notre bonheur », le taquine-t-il.

— « Je suis navré, je serai trop occupé à essayer d'empêcher Sandy d'attraper une mouette ou de jouer avec quelque chose d'un peu dégoûtant. Lui faire prendre un bain sans ton aide va être une horreur. »

Bucky renifle d'un air un peu suffisant et Chris l'attire à sa bouche pour l'embrasser chaudement. Le brun resserre ses bras autour de son cou, leurs bassins et leurs torses parfaitement alignés pour sentir. Son compagnon est méthodique et appliqué, sa bouche est douce et sensuelle, pleine de promesses. Le brun lui répond avec enthousiasme, enroulant sa langue autour de la sienne, ses doigts ébouriffant les mèches dorées.

— « Ça va bien se passer, Bucky », souffle Chris contre ses lèvres.

Il acquiesce lentement. Oui, ça se passera bien quand il sera rentré à Eureka. Le jeune homme caresse son cou de son pouce, faisant frissonner Chris sous lui.

— « … J'ai hâte que tu sois de retour », avoue-t-il.

— « Moi aussi, je veux la même chose que toi. »

Le sourire du blond est joli et tendre, sans la moindre hésitation ou appréhension. Bucky doute que les choses se passent réellement aussi facilement une fois qu'il sera à San Francisco, pas quand on a un Clint Barton pour ami. Et une mère. Il pince les lèvres. Chris respire lentement dans son cou, ses lèvres effleurent distraitement sa peau, l'étreinte de ses bras sur lui est solide et puissante. Le brun enfonce un peu plus son visage contre son épaule.

— « Tu sais ce que je veux réellement mais je ne peux pas te demander de rester à Eureka et de repousser indéfiniment ton départ pour San Francisco. Je ne peux pas exiger ça de toi », chuchote-t-il à regret.

— « Si tu me le disais réellement, je ferai tout pour rester le moins de temps possible là-bas. »

— « J'en suis sûr mais les choses ne dépendent pas uniquement de toi. Tu as des choses importantes à faire à San Francisco, des gens encore plus importants à revoir. C'est… la bonne chose à faire. »

Bucky embrasse sa tempe droite et la fine cicatrice blanche, perdue dans les mèches dorées. Chris l'enlace encore, l'obligeant à cambrer un peu plus les reins.

— « C'est parce que tu ne me dis rien de tel que je t'aime encore plus. Tu penses toujours à moi », souffle le blond.

Le brun esquisse un rictus. C'est un peu faux compte tenu des événements des derniers jours. Chris cajole tendrement ses reins, ses doigts glissent sous l'ourlet de son tee-shirt.

— « Est-ce que je pourrais t'envoyer des photos de ce que je vois et de ce que je fais ? », lui demande-t-il.

— « Tu as raison, je n'ai jamais vu le Golden Gate ou Lombard Street… », ricane Bucky en roulant des yeux.

Chris lui jette un regard un peu noir. Ses mains se replacent sagement sur son tee-shirt et le brun gigote de dépit. Oh non, c'était bien mieux avant.

— « Je peux aussi commencer à dégager une partie de mon dressing pour que tu y mettes tes affaires », reprend le blond.

Bucky sourit gentiment. De son point de vue, c'est mille fois trop tôt mais cela semble faire plaisir à Chris alors il peut essayer de se projeter – un peu – dans cet appartement à Tenderloin qu'il ne connaît pas. Il caresse distraitement sa nuque.

— « Tu m'enverras des photos de ton appartement ? »

Le sourire de Chris est rayonnant. Il l'embrasse, un rire aux lèvres et Bucky le savoure.

— « Je suis sûr que tu apprécieras le lit. On y fera très bien l'amour », dit-il en haussant un sourcil malicieux.

Ses mains deviennent plus caressantes sur ses reins, douces et chaudes, posées sur sa peau nue.

Bucky gigote un peu. C'est invitant, tentateur. Il ondule doucement du bassin contre le sien.

Chris embrasse sa gorge, la jointure de sa clavicule pour le brun, c'est un accord silencieux.

Il recommence, un roulement lent et précis pour attiser leur désir. Le réveil indique 23h22 à présent, ils ont si peu de temps. Il rampe pour remonter un peu plus haut sur les cuisses de Chris, pour sentir le réveil de son excitation. Le blond soupire contre lui, ses doigts effleurent la lisière de son pantalon de nuit et il faudrait si peu de choses pour qu'il faufile ses doigts sous le coton. Bucky l'aide, creusant les reins tandis qu'il frotte soigneusement leurs entrejambes l'une contre l'autre.

— « Bucky… »

Le brun enveloppe soigneusement les épaules solides de Chris d'un bras tandis qu'il glisse son autre main le long de son torse. Il effleure, caresse, survole doucement, descend lentement sur ses abdominaux contractés et son bas-ventre. Bucky sent le fin duvet blond qui court jusqu'au pubis et il se mord les joues. Chris gigote un peu sous lui, le brun resserre ses cuisses autour des siennes en une demande silencieuse de ne plus bouger. Il parsème ses épaules de baisers et son compagnon grogne de contentement.

— « Bucky… »

— « Tu as dit que tu avais toujours envie de moi », chuchote-t-il à son oreille.

Il mordille délicatement le lobe et Chris gronde.

— « Je ne t'ai jamais menti mais je ne veux pas faire l'amour avec toi si ça ressemble à – »

— « Je sais Chris mais ce n'est pas ce dont il s'agit. » Bucky laisse ses lèvres courir sur sa mâchoire, sa barbe éraflant délicieusement sa chair sensible. « On fera l'amour dès que tu passeras la porte de la maison peut-être que je garderai ton blouson en cuir sur les épaules comme un ado et peut-être que je ne te laisserai même pas le temps de sortir de la Mercedes. »

— « Tu ne peux pas faire ça, je n'oserai plus regarder David en face », lui rappelle le blond.

Le jeune homme fronce les sourcils. Il ondule plus fort et les grondements de Chris se transforment en un bourdonnement un peu gémissant.

— « C'est une voiture avec sellerie en cuir et une banquette arrière aussi large qu'un lit. Elle est sexy et tu es atrocement sexy quand tu la conduis », insiste le brun.

— « C'est une voiture de fonction… »

La protestation de Chris meurt entre ses lèvres entrouvertes, dévorée par un lourd gémissement et un halètement brûlant. Bucky sourit, il sent les hanches du blond accompagner les mouvements de son bassin sans le réaliser pour les bercer tous les deux.

Chris remonte une main le long de son dos et l'enfouie dans ses cheveux. Il resserre ses doigts sur les mèches sombres, ses ongles courts frottent le cuir chevelu.

— « On peut se contenter de le rêver et de garder ça parmi nos fantasmes quand je rentrerai », tente le blond.

Bucky fronce les sourcils et rut contre lui, pressant leurs excitations l'une contre l'autre. Dieu, c'est bon.

— « On peut aussi en avoir un avant-goût maintenant. … Tu vas partir et j'ai besoin de te sentir maintenant, Chris. S'il te plaît. »

— « On dirait des adieux, tu mérites mieux que ça », marmotte Chris contre sa bouche.

— « Je vois plutôt ça comme une manière d'avoir de délicieux souvenirs et de nous retrouver. »

— « Tu continues de penser que je vais t'oublier, tu n'as rien écouté de ce que je t'ai dit avant. »

La voix de Chris teinte d'une pointe de dépit et de peine. Bucky l'embrasse gentiment, brossant sa bouche de la sienne.

— « J'ai confiance – j'ai vraiment confiance en toi – et ce n'est pas un adieu mais la promesse de quelque chose d'encore meilleur quand tu rentreras chez nous. »

— « Tu es tellement têtu », soupire le blond.

Bucky rit joyeusement.

Chris hausse soudainement les hanches, faisant s'entrechoquer leurs bassins et le brun inspire brusquement. Son compagnon hausse un sourcil défiant tandis qu'il entreprend de les soulever puissamment à un rythme soutenu. Bucky agrippe immédiatement la tête de lit d'une main pour éviter de tomber et ricane. Le sale petit con. Il écarte légèrement les cuisses, retrouve son équilibre et accompagne savamment les coups de bassin de Chris. Merde, c'est déjà tellement bon. Les deux hommes échangent un regard, Bucky comprend sans parole. Il agrippe l'épaule du blond pour se soutenir, rut plus fort avant de gémir, la tête renversée en arrière. Chris vient de glisser ses mains sous son pantalon, empoignant vigoureusement ses fesses nues.

— « Pas de sous-vêtement ? », grogne-t-il en lui volant un baiser.

— « On perd trop de temps à les enlever quand on fait l'amour », rétorque Bucky du tac-au-tac.

Chris rit chaudement contre sa bouche. Ses mains repoussent le pantalon, le brun se soulève brièvement sur les genoux pour l'aider à le baisser. Encore un dernier geste et son érection libérée tressaute joyeusement contre son ventre. Le regard de son compagnon est brûlant, Bucky rougit un peu quand leurs yeux se croisent. C'est parfois encore un peu intimidant d'être ainsi dévisagé par Chris dans l'intimité.

Le jeune homme a les sourcils légèrement froncés, la mâchoire serrée par la concentration tandis que la sueur perle à la racine de ses cheveux.

Bucky aussi a trop chaud.

Il se trémousse pour retirer entièrement son pantalon, passe vivement son tee-shirt par-dessus sa tête et le jette quelque part derrière lui dans la chambre. Son sexe tressaille de joie quand Chris l'effleure du bout des doigts. Le blond est toujours habillé sous lui, c'est un peu indécent et merde, c'est tellement sexy que le brun grogne de désir. Les yeux dans ceux de Chris, il tressaille quand le blond commence à le caresser langoureusement. Bucky accompagne les mouvements de son poing d'une légère ondulation. Ils se regardent encore, sans un mot, le silence de leur chambre seulement troublé par le grincement discret du sommier et le froissement des draps. Le brun bouge souplement dans la main de son compagnon ses yeux bleus luisent dans la semi pénombre de la pièce.

— « … Tu penses réellement que je pourrais ne plus avoir de désir pour toi ? », souffle Chris.

— « Tu as dit que tu n'avais pas envie », marmotte Bucky.

— « Cela n'a rien à voir avec toi, Bucky. J'adore faire l'amour avec toi et tu es tellement beau. »

Mince, le brun rougit encore un peu. Ses épaules et ses joues picotent agréablement. Aucune hésitation, juste une absolue certitude. Bucky se mord les joues pour contenir les gémissements bruyants que provoquent en lui les caresses et les mots de Chris. Il renverse la tête en arrière, le corps agité d'un frisson. Le blond vient titiller un téton du bout des lèvres. Oh, merde.

— « Je ne peux pas t'oublier », répète-t-il.

D'accord. D'accord, c'est – Il peut vivre avec ça.

Bucky l'embrasse un peu salement tandis qu'il plonge une main dans son pantalon pour l'empoigner. Chris siffle contre sa bouche et ondule entre ses doigts. C'est un peu désordonné, un peu fébrile. Ça a le goût de la sueur, l'odeur du sexe, la moiteur d'une respiration hachée, la sensibilité exacerbée de terminaisons nerveuses trop sollicitées. Le brun aimerait que ça dure pour toujours.

— « Déshabille-toi », gémit-il.

— « Tu dois me lâcher. »

Bucky secoue vigoureusement la tête. Non, jamais. Il veut le toucher pour toujours. Chris rit et embrasse sa peau humide.

- « Fais-le et je te promets de te renverser dans les draps avant d'entrer en toi. »

Oh. Ah.

Le brun grogne et obtempère. Chris a à peine le temps de poser ses vêtements sur le parquet, Bucky est à nouveau sur lui, enroulé autour de son corps. Leurs érections frottent voluptueusement l'une contre l'autre, leurs jointures se heurtent alors qu'ils se caressent à nouveau. C'est bon mais malgré toute sa bonne volonté, Bucky reconnaît que leur étreinte a le goût de la tristesse. Il redouble d'ardeur, avale la respiration de Chris de fougueux baisers tandis qu'il ondule fougueusement dans son poing fermé. Le blond repousse une mèche égarée sur son front.

— « Nous avons le temps Bucky… »

Le brun secoue frénétiquement la tête.

— « J'aimerais que tu sois déjà en moi pour te sentir le plus longtemps possible », grogne-t-il.

— « Tu as une grande confiance en mes capacités… »

- « Tu es parfait, tellement putain de parfait. »

Bucky déglutit, la fièvre dans son corps s'apaise un peu tandis que son compagnon embrasse son nez et ses lèvres d'un geste câlin. Il prend son visage en coupe, plonge son regard dans le sien, un peu embué de plaisir.

— « Reviens vite à Eureka, Chris. Juste… reviens vite », souffle-t-il.

Sa voix est un peu trop étranglée à son goût mais Chris tourne la tête pour embrasser sa paume, ses yeux toujours dans les siens. C'est une promesse et ça le rend vraiment heureux.

Bucky les retourne d'un puissant coup de reins, allonge le blond sous lui tandis qu'il s'assoit sur son bassin. Il récupère le lubrifiant dans le tiroir de sa table de chevet d'un geste décidé. Chris tend la main pour s'en emparer mais le brun la repousse gentiment. Il fait couler le gel translucide sur ses doigts, son compagnon cligne des yeux d'incompréhension.

— « … Qu'est-ce que tu fais… ? »

Bucky le fait taire d'un baiser. Pas d'inquiétude à avoir, il veut juste l'étourdir de caresses et d'amour pour oublier un peu le lendemain et ce qui les attend. Le brun espère aussi se perdre quelque part en chemin.

— « Bucky ? »

Le jeune homme étale le liquide avec soin tandis que Chris caresse doucement ses cuisses d'un air un peu incertain. Bucky se penche pour l'embrasser tandis qu'il glisse une main dans son dos puis plus bas. Quand il fait entrer un doigt lubrifié en lui, il ondule inconsciemment, ses lèvres glissent sur le menton de Chris puis sur sa mâchoire. Sa main s'active lentement, le blond lève la tête pour le regarder faire, l'air un peu incrédule. Il cligne à nouveau des yeux et cela le rend beau et touchant.

— « Tu… Oh merde, Bucky… », gémit-il bruyamment.

Bucky s'applique, les genoux bien à plat sur le matelas pour ne pas tomber sous les sursauts incontrôlés des hanches de Chris. Son compagnon accompagne inconsciemment ses mouvements.

Quand il le voit s'empoigner pour se caresser au rythme des doigts qui vont et viennent en lui, le brun gémit lourdement. Oh merde, c'est sexy tellement sexy. Chris est concentré, son corps est bouillant sous le sien.

Le brun s'appuie d'une main sur son torse mais il glisse sur la peau luisante de transpiration. Il tente de crocheter ses doigts aux muscles saillants de sa hanche mais son compagnon vient la prendre dans la sienne. Leurs doigts emmêlés sur son ventre, il continue à se toucher.

Bucky contemple sa virilité superbe, la veine épaisse qui palpite le long de son frein. Il se mord les joues. C'est très bien mais ça pourrait être tellement mieux.

Les reins creusés, il fait encore quelques mouvements de ciseaux en lui, frôle sa prostate et il manque de jouir, les nerfs chauffés à blanc. Chris cligne des yeux pour chasser une goutte de sueur accrochée à ses cils, Bucky semble être la plus belle chose qu'il a jamais vu au monde à cet instant.

Le brun retire ses doigts de son intimité et les essuie négligemment dans les draps. Courbé en avant, il rampe sur le corps de Chris, les yeux rivés sur la peau luisante de son bas-ventre et les boucles dorées et humides qui entourent son sexe.

Il veut voir.

Le jeune homme se baisse encore pour embrasser fiévreusement son aine.

Il veut goûter.

Il lèche délicatement, presque avec révérence.

Avec le goût viennent aussi les parfums ceux du sel de la sueur et du savon. Puis en note de fond, plus délicate mais aussi plus durable, celle de la peau de Chris celle qui traîne toujours dans leurs draps et sur la taie de son oreiller dans laquelle le brun enfouit parfois son visage le matin.

Bucky hésite un instant puis baisse un peu la tête pour enfouir son nez dans les boucles du pubis. Encore une profonde inspiration. C'est un peu animal, un peu instinctif mais il n'oubliera jamais. Sa joue frotte contre son érection et Chris se cambre, les joues écarlates tandis qu'il tire spasmodiquement sur les draps.

— « Tu – Merde Bucky, tu ne peux pas faire ça… », souffle-t-il d'une voix rauque.

Sa voix goûte, sent, ressemble à du sexe et c'est bon.

Le tressautement de ses hanches s'accentue, Chris est en train de perdre le contrôle et c'est grâce à lui.

Bucky est un peu fier.

Il caresse tendrement l'intérieur de ses cuisses, embrasse son érection avant de se tourner.

Un dernier regard, le blond a l'air vaincu sur leur lit, membres épars et paupières mi-closes. Il est le seul à pouvoir faire ça. Les gens autour d'eux le font rire, sourire, parfois ils le mettent en colère ou le troublent mais Bucky est le seul le seul à le rendre aussi désireux et éperdu puis aussi repu. C'est son super-pouvoir.

Dans son dos, Chris caresse ses reins, suit le tracé de sa colonne vertébrale d'un geste un peu hagard. Ses doigts viennent effleurer la naissance de ses fesses, un peu incertains. Ça ressemble à une interrogation et Bucky sourit. Il se soulève sur les genoux, s'installe confortablement sur les cuisses du blond avant de le guider en lui. Quand il écarte une de ses fesses et dévoile son intimité, Chris gémit lourdement. Quand il le pénètre, le sursaut de son bassin le fait brièvement décoller du matelas. Son sexe glisse en lui tandis que Bucky s'empale. Parfaitement parfait.

Leur étreinte est si profonde, le brun sent des étincelles courir le long de sa colonne vertébrale, un picotement vif ressemblant à un courant électrique.

Derrière lui, Chris agrippe ses hanches et marmonne des choses un peu incohérentes et – oh – Bucky est tellement fier.

Ils ne s'oublieront pas après cette nuit. Chris portera ses marques d'amour quand il quittera Eureka, il aura le corps aussi fourbu que le sien le brun va y veiller car après tout, il n'est que 23h36.

Bucyk sourit et entame un langoureux va-et-vient sur sa virilité. Chris devient encore plus incohérent et il rit, le cœur gonfler de bonheur. C'est son super-super-pouvoir. Les mains appuyées sur ses cuisses, il ondule voluptueusement. Une goutte de sueur coule dans son dos mais une main tendre la cueille dans le creux de ses reins avant de les caresser.

— « Tu es trop loin… », marmonne Chris.

Bucky pose ses mains sur sa taille puis ses fesses et les écarte légèrement, s'offrant mutinement. Ils ne sont pas loin l'un de l'autre, ils ne pourraient être plus liés qu'ils ne le sont à cet instant. Un grondement sourd et rauque lui répond et le brun persiste. Il décrit de petits cercles souples du bassin au-dessus du sien. Son compagnon s'étrangle et se cambre sous lui. Ses doigts se crispent sur ses hanches et le brun sait qu'il laissera aussi des marques sur sa peau. Cette seule pensée l'enflamme et il ondule plus fort. Bucky s'applique, travaille pour chercher le meilleur angle et toucher ce point si sensible en lui.

Quand il trouve sa prostate, sa réaction est étourdissante. Il râle bruyamment, frissonne violemment, la tête rentrée entre ses épaules.

Chris s'agite vigoureusement sous lui, heurtant ses hanches des siennes.

— « Tu es trop loin », répète-t-il du même ton frustré.

Le brun dodeline lentement de la tête.

Il doit se concentrer encore. Il doit ressentir les tressaillements des cuisses de son compagnon sous ses mains, les pulsations de son sexe en lui, les frissons de ses muscles.

Il tend une main derrière lui, effleure son torse à l'aveugle. Le corps de Chris semble vibrer sous le sien.

Bucky ferme les yeux.

Sentir. Ressentir. Enregistrer. Enregistrer encore. Enregistrer toujours pour ne pas oublier. La manière dont il bouge, la manière dont il gronde, la manière dont il le remplit si parfaitement.

Son compagnon accompagne ses mouvements de grognements de plaisir qui l'enflamment et le brun ondule toujours.

Il lui manque encore une donnée pour que ses souvenirs soient parfaitement complets.

L'orgasme.

Plus fort, plus vite, plus profondément.

Plus profondément, plus vite, plus fort.

Bucky sent une boule familière commencer à se nouer dans son bas-ventre, quelque chose qui bourdonne et qui chauffe en même temps. Chris bouge de la même manière que lui, ses mains fermement accrochées à ses hanches. C'est bon, ils y sont presque, ils vont –

Son compagnon embrasse soudain fiévreusement sa nuque. Dans le brouillard du plaisir, Bucky comprend qu'il s'est redressé et il lui jette un regard par-dessus son épaule. Ses pupilles dilatées avalent complètement le bleu de ses yeux et un bras s'enroule autour de sa taille. Chris le tire contre lui, collant son dos contre son torse. Il parsème son épaule et le haut de son dos de baisers brûlants. Ses prunelles, attentivement fixées sur lui, sont incandescentes. Elles lèchent sa peau pour mieux l'incendier, elles le dévorent. Tout entier.

- « Bucky, tourne-toi vers moi s'il te plaît. »

Bucky pince les lèvres et secoue lentement la tête. Il n'a pas encore tout enregistré de son compagnon dans l'amour et voir Chris prendre son plaisir est distrayant. Le blond enroule doucement une main sur sa nuque pour l'amener à sa bouche. Leurs langues combattent un instant l'une contre l'autre avant de se fondre parfaitement. Bucky en oublie les muscles de son dos qui tiraillent un peu et la torsion douloureuse de son buste.

— « Laisse-moi te regarder. Je te regarde mais je ne te vois pas. Je veux te voir Bucky », poursuit Chris en embrassant férocement son épaule.

— « Je ne sais pas si tu en as conscience mais tu fermes souvent les yeux quand tu jouis. Tu n'as pas réellement besoin de me regarder. »

Chris lui pince légèrement les reins du bout des doigts et le brun glousse. Il ondule plus fort, les hanches de son compagnon ont un sursaut brusque et incontrôlé sous lui.

— « Je ne le ferai pas cette fois, je ne vais pas te quitter des yeux. »

Il y a comme une fièvre dans ses mots, une autre promesse et Bucky acquiesce lentement. Chris l'embrasse rapidement et effleure son dos pour l'inviter à se redresser. Son sexe glisse hors de son corps – le brun déteste ça – mais presque immédiatement, Chris le prend à bras le corps pour le rallonger dans leurs draps. Il entre à nouveau en lui d'un souple coup de reins. Bucky sent un long frisson remonter le long de son dos tandis que des paillettes lumineuses et colorées dansent derrière ses paupières. La boule dans son ventre grossit encore tandis que les mouvements de hanches de Chris deviennent un peu erratiques. Bucky se mord les lèvres, son compagnon les caresse tendrement de son pouce.

— « Regarde-moi, je te vois aussi », souffle-t-il contre lui.

Le brun sent sa poitrine se creuser un peu, sa gorge se serrer.

Il referme lentement ses bras autour de ses épaules, enfouit son visage dans le creux de son cou. Il cambre les reins pour accueillir Chris plus profondément en lui. Le blond continue à les bercer savamment l'un contre l'autre sa respiration un peu hachée, moite et chaude effleure son visage et sa peau en sueur. Bucky lèche doucement la chair humide et salée de sa gorge, il suce avec application sa pomme d'Adam. Le brun veut y laisser une marque qui donnera des insomnies à Clint.

Il ferme les yeux et se laisse emporter par Chris.

Le brun n'a pas besoin de le voir, il peut faire usage de toutes les données qu'il a déjà enregistrées depuis qu'ils font l'amour. Il peut se concentrer sur la sensation familière de perdre lentement l'esprit et la conscience de son propre corps, de se noyer dans le plaisir.

C'est simple, c'est rassurant.

Ça étouffe un peu la tristesse infinie seulement assoupie en lui et qui n'attend que son tour pour exploser.

o0O0o

Le matin arrive. Bien trop tôt à leur goût.

Les deux hommes se réveillent étroitement serrés l'un contre l'autre, leurs jambes emmêlées. Le torse de Bucky est fermement pressé contre le dos de Chris, il a passé un bras autour de sa taille et une jambe entre les siennes. Son visage est enfoui dans son cou et ses lèvres frôlent sa nuque. Toujours endormi, son compagnon tient son avant-bras comme un naufragé.

Le réveil sonne, Bucky laisse le tintement un peu strident résonner dans la chambre. Il devrait rouler sur le matelas pour l'éteindre, il ne veut pas lâcher Chris.

Il sonne encore deux fois avant que le blond ne se retourne dans son étreinte, un grognement aux lèvres. Bucky l'enveloppe immédiatement de ses deux bras dans une étreinte serrée. Front contre front, ils respirent au même rythme, sans un mot, sans un geste. Juste eux.

Derrière la porte fermée de leur chambre, Sandy gémit doucement elle a entendu le réveil. La chienne gratte contre le seuil, ses griffes crissent sur le parquet. Chris soupire d'une haleine chaude contre sa gorge et remue un peu.

— « Ouvre-lui ou elle va dégonder la porte… », marmonne-t-il.

— « Ouvre-lui toi-même. Je n'ai pas envie de te lâcher. »

Le blond rit doucement, son torse vibre contre le sien tandis qu'il l'embrasse paresseusement. Sandy pleure un peu plus fort et Bucky se contorsionne pour ouvrir la porte sans sortir du lit il aime son seuil tel qu'il est. La chienne entre en trottinant. Elle renifle, la truffe en l'air, avec une attention qui pourrait être gênante. Leur chambre doit encore sentir le sexe et la transpiration Bucky en est certain quand elle plonge soudain la tête dans les draps et inspire bruyamment.

— « Va te coucher », grogne le brun en la repoussant d'une main.

Chris rit encore tandis qu'il se pelotonne un peu contre lui.

Sandy obtempère, Bucky referme immédiatement ses bras autours du blond. Il ferme les yeux, caresse son flanc du bout des doigts. Ils sont nus. C'est paresseux, c'est délicieux. Ça les fait oublier une seconde que dans leur système cosmique, les planètes vont connaître une véritable révolution.

Le soleil commence à inonder lentement la pièce, réchauffant l'air et pailletant d'or les lames du parquet. Ses rayons sont de plus en plus hauts dans le ciel, ils finissent par effleurer les draps puis remonter jusqu'à leurs corps toujours imbriqués l'un dans l'autre. Bucky sent Chris frissonner agréablement sous ses caresses. Ses doigts flattent tendrement le creux ses reins et le blond se cambre imperceptiblement pour accentuer le contact.

C'est parfait mais quand le soleil commence à les éblouir, leur chambre noyée de soleil, Chris chuchote qu'ils doivent se lever. Bucky proteste d'un grognement, il tente de s'enrouler autour de lui. Son compagnon l'embrasse avec gourmandise, caressant brièvement son corps alangui avant de se redresser. Assis sur le bord du matelas, il s'étire et les muscles de son dos roulent sous la peau. Bucky contemple et effleure ses reins avec passion, irrésistiblement attiré par les deux fossettes pleines d'ombre et de promesses qu'il aime tant embrasser. Chris se tourne vers lui, prend sa main dans la sienne et embrasse ses jointures. Il sourit mais une ombre un peu triste se creuse au coin de sa bouche.

— « Nous devons vraiment nous lever, il est déjà huit heures passées », souffle-t-il.

— « Nous pouvons faire beaucoup de choses en moins de deux heures. »

— « Nous pouvons le faire ou pas du tout », rétorque Chris en haussant un sourcil entendu. « Lève-toi, je prépare le petit-déjeuner. »

Il se lève et le brun déglutit légèrement, le cœur serré. Il le contemple, magnifique dans sa glorieuse nudité. Chris traverse un rayon de soleil pour contourner leur lit, il passe une main dans ses cheveux et ramène en arrière une mèche égarée sur son front.

Bucky sent sa gorge se serrer plus fort. Il est douloureusement beau.

Son compagnon disparaît sur le palier, un sourire aux lèvres et le brun le rejoint dans la salle de bain dans un grand désordre de draps et de membres. Ils prennent leur douche ensemble tandis que Sandy se roule en boule sur le tapis de bain posé devant la baignoire. Les deux hommes se savonnent mutuellement en s'embrassant. Cela ressemble à leur séjour à Ruth Lake, là où ils ont abordé ensemble leur sexualité. Ce matin, c'est la dernière fois. Ça finit comme ça a commencé et c'est parfaitement ironique.

Le début de la matinée s'écoule comme plongée dans un de ces légers brouillards chargés d'humidité qui noient Manila Beach certains jours. Excepté que ce matin est radieux.

Bucky esquisse un rictus. Ça aussi, c'est vraiment ironique.

Assis sur la terrasse, face à la plage, Chris et lui achèvent la tarte apportée hier par Natasha en guise de petit déjeuner. Le jeune homme le goûte enfin et reconnaît qu'il est bon. Son compagnon le termine avec application. Leurs baisers ont le goût de sucre, de fruits et de crème. C'est bien trop riche pour un premier repas mais qui s'en soucie. Tout fout définitivement le camp ce matin.

Leurs épaules, leurs flancs et leurs cuisses se touchent sur la banquette tandis qu'ils regardent ensemble l'océan dont les eaux changent de couleur sous les rayons du soleil. Ce matin, il a la couleur que Chris préfère, ces teintes émeraude et nacrées qui le font ressembler à la mer des Caraïbes. Foutue foutue ironie.

— « J'ai envie de marcher un peu sur la plage. Tu m'accompagnes ? », demande le blond.

Bucky acquiesce.

Pieds nus, leurs mains liées, ils font quelques pas sur le sable mouillé que viennent lécher des vagues paresseuses.

Le brun regarde devant eux, loin devant, et plisse les yeux.

S'ils s'éloignent encore un peu de la maison, ils n'entendront pas la sonnette de la porte d'entrée. Il sait aussi que non loin, vers Humboldt Beach, il n'y a pas de couverture téléphonique, une zone blanche. Il le sait mais il ne le fait pas.

Sandy les précède, un morceau de bois dans la gueule. Elle est attentive, la tête droite et les pattes alertes. Elle trottine et leur jette régulièrement de petits regards comme pour les inviter à la suivre. Plusieurs fois, Chris et lui jettent aussi loin que possible un morceau de bois – pas forcément celui qu'elle tient dans sa gueule, Sandy a changé plusieurs fois de bâton au gré de ses humeurs depuis qu'ils ont quitté la maison. Elle semble heureuse de ses jeux, elle leur lèche tendrement les doigts et se jette dans leurs jambes mais sa jolie tête a un air de gravité que Bucky ne lui connaît pas. Alors que le brun lui jette une nouvelle fois le bâton – c'est son tour et Sandy semble toujours un peu circonspecte quand il s'exécute parce que Chris lance beaucoup plus fort et plus loin – la chienne se fige brusquement.

Le corps nerveux, les muscles tendus, elle regarde en direction de la maison.

Comme lui, Chris arrête de marcher. Il prend le bâton, le laisse dans le sable et caresse le dos de sa main de son pouce.

— « Nous devrions rentrer, ils sont là », dit-il doucement.

Bucky hoche la tête. Il a compris, Sandy a entendu le moteur puissant de la Audi de Clint. Il siffle la chienne, celle-ci vient se coller contre ses jambes. Elle oublie son morceau de bois derrière elle.

Le retour vers la maison est trop rapide à son goût. Ils auraient dû marcher plus vite, partir plus loin sur Manila Beach Sandy n'aurait rien entendu. Clint et Natasha auraient fini par se lasser de sonner à une porte close. Ni lui ni Chris n'avaient pris leur portable, un acte manqué sans doute. Bucky ricane. La prochaine personne qui se serait présentée chez eux aurait sans doute été l'officier Ruiz Clint tendant le cou derrière elle pour regarder avec indiscrétion dans la maison tout en appelant Steve Rogers à pleins poumons. Non, ils peuvent s'épargner cela.

Le brun monte l'escalier de la terrasse d'un pas de condamné. Chris ne semble pas beaucoup plus vaillant à côté de lui mais ses épaules sont moins basses que les siennes. Quand ils passent le seuil de la baie vitrée du salon, Bucky jette un regard au sac de voyage posé à côté du canapé. Ils n'ont pas reparlé une seule fois de San Francisco depuis leur réveil mais le brun sait que Chris y pense, qu'il songe à ce qu'il va retrouver là-bas. Il y a une forme de fébrilité dans les gestes du blond quand il prend les lanières du sac et le pose sur le canapé une certaine nervosité dans la manière dont il ajuste son polo sur ses épaules.

Bucky effleure ses reins du bout des doigts, l'embrasse dans le cou et va ouvrir la porte avant que Natasha et Clint ne sonnent. La jeune femme est sortie et, une main appuyée sur la portière, elle le salue d'un petit sourire. De l'autre côté du véhicule, le blond exulte littéralement. C'est obscène Bucky préfère penser qu'il ne le fait pas intentionnellement par un excès de cruauté destiné à le faire souffrir.

Les pas de Chris font craquer le parquet tandis qu'il le rejoint et se colle contre son dos. Quand il l'aperçoit, le visage déjà réjoui de Clint s'illumine comme un sapin de Noël.

— « Steve ! Prêt à rentrer chez toi mon pote ? », s'exclame-t-il bruyamment.

Connard. Chris hoche lentement la tête derrière lui, Bucky le ressent comme un coup de poing dans l'estomac. Sans un mot, il s'efface du seuil pour les inviter à entrer. Aller, un dernier café, un dernier… n'importe quoi pour qu'ils restent encore un peu.

Natasha secoue la tête, un sourire peiné aux lèvres.

— « Je suis désolée James, nous ne pouvons pas nous attarder. Il vient juste d'y avoir eu un accident sur la route 101, la circulation est très ralentie à Rohnervile. »

— « Boire un café ne vous prendra pas beaucoup de temps et ça vous permettra d'attendre la régulation du trafic », tente-t-il avec une pointe de désespoir.

Clint pianote du bout des doigts sur le toit de la Audi. Il pince les lèvres puis claque sa portière d'un geste d'agacement avant de contourner la voiture.

— « Il y a plusieurs heures de route jusqu'à San Francisco, nous ne pouvons pas perdre de temps. J'ai repéré une sortie à l'embranchement de Rohnerville et d'Alton qui devrait nous permettre d'éviter l'accident mais j'aimerai l'emprunter avant que tous les conducteurs du comté aient la même idée », explique-t-il d'un ton sec en marchant jusqu'au perron. « Steve, donne-moi ton sac et monte dans la voiture. »

— « Je peux m'en occuper moi-même, merci Clint. »

Bucky sent qu'on le pousse légèrement dans le creux des reins. Il jette un regard à Chris qui passe devant lui, la lanière de son sac de voyage en bandoulière. Oh merde, c'est tellement… ça fait si mal. Son compagnon récupère le bombers en cuir accroché dans l'entrée puis glisse sa main dans la sienne pour le tirer derrière lui. Le brun descend les marches du perron puis se laisse traîner jusqu'à la voiture des deux amis.

— « Je suis désolée », répète doucement Natasha en cherchant son regard.

Clint ne dit pas un mot, il est déjà en train d'ouvrir le coffre et de faire de la place pour le bagage de Chris. Bucky pince les lèvres. Non, le bagage de Steve. Chris est en train de devenir Steve, il serait injuste de sa part de le priver de ça.

Sandy renifle avec intérêt les roues de la berline, sa queue touffue battant l'air avec intérêt. Le brun espère qu'elle pisse contre les belles jantes à huit cents dollars pièce. Clint la suit du regard d'un air parfaitement suspicieux et la chasse d'un sifflement entre ses dents quand elle commence à s'intéresser d'un peu trop près à la banquette arrière. Ouais, elle pourrait pisser là aussi, sur ce superbe cuir pleine fleur de vachette.

Chris va la chercher par le collier et la ramène vers lui. Bucky enroule machinalement ses doigts dans l'attache en cuir. Clint ferme le coffre sans douceur et jette un regard mauvais au sac de voyage posé entre sa valise cabine et celle de Natasha.

— « Ton bagage est vraiment minuscule. On peut faire un aller-retour rapide chez WinCo si tu as besoin d'acheter quelque chose de plus grand… », dit-il en lui jetant un regard en coin.

Accroupi devant Sandy, Chris la cajole gentiment et joue avec ses oreilles.

— « Je ne prends que le strict nécessaire, Bucky veillera sur le reste de mes affaires jusqu'à mon retour. Ce n'est qu'un premier voyage, je ne retourne pas m'installer définitivement à San Francisco », répond-il doucement.

Clint ouvre la bouche puis pince les lèvres d'un air sombre tandis qu'un regard glacial de Natasha l'empêche de répliquer quoi que ce soit. Il ne peut toutefois pas s'empêcher de grimacer d'une manière un peu laide quand Chris se redresse, le bombers en cuir sur les épaules.

— « Tu pars avec à peine trois boxers et deux tee-shirts mais tu portes ce truc ? C'est une veste en cuir, Steve », reprend le blond d'un ton incrédule.

— « C'est un blouson en cuir vintage », le corrige-t-il.

Son ton est malicieux mais Clint n'a pas envie de rire. Il fronce les sourcils si fort que son front se plisse. Ça le vieillit et Bucky songe distraitement qu'il n'aimerait probablement pas voir ça. Le blond croise les bras sur son torse et jette un regard peu amène au vêtement, comme s'il lui en voulait personnellement d'être là.

— « Mais il est en cuir. Tu détestes le cuir, tu n'en portes pas pour des raisons éthiques. Tu as vu un reportage sur les élevages d'alligator en Floride pour l'industrie de la maroquinerie et ça t'a révolté. Tu avais une montre ancienne héritée de ton grand-père dont tu as même fait changer le bracelet. Tu ne peux pas avoir ce blouson », insiste Clint.

Bucky lui jette un regard noir. C'est le blouson du fils de David et Susan il est précieux et Chris est incroyablement sexy quand il est sur ses épaules. Il y a l'odeur de son aftershave contre la doublure.

— « Il n'est pas en alligator mais en mouton », proteste le brun.

— « C'est du foutu cuir quand même ! », grogne Clint.

— « … C'est un cadeau. »

— « Eh bien la personne qui le lui a offert le connaît vraiment très mal. Elle ne sait même rien du tout de l'homme qu'est Steve. »

Bucky et Clint s'affrontent du regard. Connard, connard, connard, connard ! Le brun a envie de l'insulter mais Chris glisse doucement une main dans la sienne et la serre gentiment. Il lui sourit tendrement et le brun sait qu'il est perdu. Il ne fera aucune insulte, il ne réagira pas aux mots cruels de Clint, il laisse passer au-dessus de sa tête parce qu'il a plus important à penser.

Chris lui sourit encore, il caresse le dos de sa main de son pouce. Natasha entraîne Clint vers la voiture pour leur laisser une dernière fois un peu d'intimité mais le blond s'empresse d'appuyer férocement sur le klaxon de la Audi comme un rappel à l'ordre. Connard, connard, connard, connard, connard, connard…

— « Tu as tout ce dont tu as besoin ? Tes clés, ton portable et ton portefeuille ? Ça pourrait te sauver. »

Chris rit doucement et hoche la tête.

— « J'ai vérifié plusieurs fois. J'ai aussi mon chargeur et mon carnet de croquis. J'aimerais continuer à réfléchir à notre future tête de lit quand je serais là-bas. »

Bucky sourit un peu timidement. Il baisse les yeux sur leurs mains liées, le ventre un peu serré.

— « Nous y sommes alors, tu pars… »

— « Je pars momentanément », le corrige le blond.

Le jeune homme lève les yeux au ciel. Les bras de Chris s'enroulent autour de sa taille pour le serrer contre lui, Bucky resserre les siens sur son torse et enfouit son visage dans son cou. Que Clint aille se faire foutre, avec son foutu klaxon et ses foutues insinuations, le brun le respire à plein poumons.

— « … J'ai ajouté quelque chose dans ton sac ce matin », avoue-t-il à son oreille et Chris l'interroge d'un regard. « Ce n'est pas quelque chose d'extraordinaire mais je me suis dit que tu pourrais apprécier. »

— « Si c'est un paquet de biscuits qu'on a acheté au marché, je préfère que tu les gardes. Il ne reste que ceux au chocolat et se sont tes préférés. »

Bucky hausse un sourcil avant d'éclater de rire. Il se penche et l'embrasse chaudement.

— « Ça ne se mange pas. Regarde quand tu seras arrivé à San Francisco. »

Chris acquiesce. Les deux hommes s'embrassent encore et Clint klaxonne à nouveau. Bucky crispe ses doigts sur le dos de son compagnon.

— « … Tu veux bien garder mon blouson pour moi ? J'aimerais que tu l'aies avec toi », souffle-t-il contre sa bouche.

— « Nous sommes en mars, il fait à peine quinze degrés les matins et c'est un cadeau de David et Susan que tu adores. Je ne peux pas le prendre, peu importe ce que Clint raconte. … Et j'aime te voir dedans. »

— « Ne te méprends pas, ce n'est pas un cadeau permanent et je compte bien le récupérer à mon retour. Je pense juste qu'il pourrait aussi t'être utile, tu adores le porter. »

Chris continue de parler de tant de choses avec lui, de leur vie quand il rentrera à Manila. Bucky sait que Clint n'en perd pas une miette, il devine dans son dos sa mâchoire serrée et ses épaules raidies. Le brun caresse le dos et la doublure en mouton. C'est tentant, il hésite, mais finit par l'arranger sur les épaules de Chris, relevant le col avec une pointe de crânerie.

— « Prends-le à San Francisco et envoie-moi une photo de toi en train de le porter sur le Golden Gate. Ça me distraira un peu quand je serai en train de travailler », sourit-il.

Le blond le serre une dernière fois contre lui et l'embrasse avec cette passion dévorante qui transforme si facilement les jambes de Bucky en gelée. Il ne peut contenir son léger gémissement de plaisir et il entend Clint vociférer bruyamment. Le brun prend le visage de Chris en coupe et envahit sa bouche, goûtant sa langue contre la sienne. Chris gronde doucement.

Le klaxon de la Audi retentit à nouveau, plusieurs fois, et une volée de mouettes effarouchées passe au-dessus d'eux dans un bruissement sourd.

— « Steve ! Il faut y aller ! », l'appelle le blond.

Bucky savoure, se nourrit, s'abreuve du souffle de Chris qui se mêle au sien. Malgré ses efforts, il doit s'éloigner pour reprendre une respiration un peu plus normale. Son compagnon a les joues légèrement rosies et les cheveux ébouriffés. Il est beau et Bucky sourit.

— « Steve ! »

— « Pour l'amour du Ciel, laisse-leur un peu de temps ! », grogne Natasha.

— « Nous n'en avons pas. »

— « Je me débrouille pour en trouver, je prendrai le volant quand on sera à nouveau sur la route 101 », rétorque la rousse du tac-au-tac.

— « Seigneur… »

Le jeune homme se décompose un peu tandis que Chris rit doucement. Il rit parce qu'il a compris, qu'il y a là une insinuation dont Bucky ignore tout et ça le peine. Déjà sur le bord de la route.

Son compagnon embrasse son cou, ses joues, ses lèvres une dernière fois.

— « Je dois y aller… »

— « … Sois prudent s'il te plaît et envoie-moi un message quand tu seras arrivé. Si tu veux bien », souffle Bucky d'une voix un peu douloureuse.

— « Je te le promets et je t'appelle dès que possible. »

Chris dénoue lentement ses mains de ses reins et Bucky s'agrippe férocement à ses avant-bras, le gorge serrée.

— « Je t'aime. »

— « Je t'aime aussi », sourit le blond.

Un dernier serment contre sa bouche.

Ses mains glissent doucement sur ses flancs, sur ses hanches puis quittent son corps.

Chris s'accroupit pour caresser Sandy et lui murmurer aussi des choses tendres. La chienne se trémousse d'aise sous ses caresses et roule sa tête contre la sienne en gémissant de contentement. Le blond rit, la gratifie d'une dernière caresse sur l'encolure puis se relève souplement.

Bucky et lui échangent un sourire, un regard qui parle encore d'amour puis le jeune homme montre dans le coupé sport.

Très empressé, Clint le salue d'un geste un peu vague, marmonne quelques mots polis – Heureux d'avoir fait ta connaissance, merci pour l'accueil, jolie maison – et se jette presque derrière le volant. Natasha se montre plus cordiale, elle lui serre la main mais à peine la portière refermée derrière elle, la rousse se détourne pour discuter avec Chris assis à l'arrière. Le brun les entend rire.

Le moteur gronde, Clint manœuvre pour faire demi-tour devant la maison.

Sandy se relève brusquement, aboyant furieusement après et Bucky s'empresse de la retenir par le collier. Il s'agenouille dans le sable et tente de la garder contre lui, de l'apaiser par des caresses. La chienne se rebiffe, se contorsionne en gémissant tandis qu'elle regarde la voiture s'éloigner en direction de Vance Avenue. Ses aboiements résonnent entre les dunes et chassent quelques mouettes perchées sur l'arête du toit derrière eux.

Bucky agrippe le collier à deux mains, tente de la coincer entre ses jambes. Lui aussi observe la Audi partir.

Sandy se tord vigoureusement sous sa prise et parvient à lui échapper. Elle bondit en avant, s'élance sur la route sableuse en galopant d'un train d'enfer après le pare-chocs.

Ses oreilles volent comiquement autour de sa tête, Bucky n'a pas envie de rire.

Sans un mot, sans songer à la rappeler, il la regarde juste cavaler en avant. Il sait que Sandy s'arrêtera d'elle-même quand elle sera sur la route, elle n'a pas le droit d'aller plus loin, là où la circulation est plus dense et les voitures plus rapides. Sandy continue pourtant à courir et pour la première fois, le brun la voit disparaître derrière un bosquet d'épineux. Il n'est pas certain qu'elle soit déjà allée aussi loin. Ses aboiements sont étouffés mais toujours perceptibles, ils sonnent d'une manière complètement désespérée.

Bucky déglutit, la gorge serrée.

Il attend encore quelques secondes, espère peut-être un peu voir la Audi faire demi-tour pour la ramener Chris, jaillir de la banquette arrière et le serrer presque douloureusement contre lui.

Ça n'arrive pas, ils ne sont pas dans un roman.

Le ronronnement du moteur diminue puis finit par devenir inaudible, avalé par le vent qui souffle depuis l'océan par les centaines de mètres qui séparent à présent la voiture de la maison et qui ne cessent d'augmenter.

Le brun se redresse et monte le perron, laissant la porte ouverte derrière lui pour Sandy.

Depuis l'entrée, Bucky regarde autour de lui d'un air un peu absent. Il voit leurs tasses à café encore posées sur la table basse de la terrasse, les assiettes sales de leur petit déjeuner abandonnées sur le plan de travail.

Le brun fronce les sourcils.

Il rassemble la vaisselle dans des gestes un peu brusques, la dépose dans l'évier puis jette le plat en carton du gâteau dans la poubelle.

Bucky est en train de remonter ses manches sur ses avant-bras quand Sandy apparaît soudain dans le salon. Sa respiration est haletante, une houle roule sous ses flancs et ses muscles tressaillent puissamment. La chienne lui jette à peine un regard avant de commencer à arpenter le salon, la truffe collée au plancher. Sandy cherche, elle cherche le membre manquant de leur famille.

Quand elle saute sur le canapé et se couche à la place de Chris, enfouissant son nez dans le coussin que le jeune homme calait si régulièrement dans son dos, c'est juste trop.

Bucky se détourne et ouvre le robinet d'eau chaude à grande eau, inondant le plan de travail. Les mains trempées, il s'empare de leurs tasses. Celle de Chris lui échappe. Elle rebondit dans le fond de l'évier et Bucky inspire brusquement. Elle retombe et se brise. Bucky expire douloureusement.

Leur paire – cette paire de tasses achetée quelques petits dollars achetée au WinCo – est dépareillée.

Ses yeux s'humidifient un peu, sa vue se brouille. Ce n'est pas grave, il en rachètera une autre – la même et peut-être même plusieurs par sécurité – pour que son compagnon la retrouve à son retour.

Le brun jette un regard à la porte du frigo. Entre le prospectus d'un nouveau restaurant dans Old Town que les deux hommes souhaitaient essayer et le planning des visites de chantiers de Chris, il y a un autre calendrier, partagé. Nous sommes mardi. Mercredi, jeudi, vendredi, samedi, dimanche, lundi, mardi donc. Une semaine complète. Chris ne rentrera probablement pas en semaine, il attendra vraisemblablement l'approche du week-end. Oui, une semaine et deux à trois jours supplémentaires. C'est ainsi que les choses doivent se passer.

Bucky se sent un peu nauséeux, il se mord douloureusement les joues pour ne pas pleurer. Merde, il n'est pas l'épouse du pécheur attendant son retour en guettant la mer chaque jour. Il n'est pas non plus un héros de roman.

Le brun ne pleurera pas mais son cœur pèse une tonne quand il se traîne jusqu'au salon et se laisse tomber à côté de Sandy.

Sur la table basse, il remarque l'exemplaire en russe d'Anna Karénine de la bibliothèque de Winnifred Barnes. Chris l'a sorti un peu plus tôt et lui a demandé de lui en lire quelques pages. Le brun soupire, passe une main lourde dans sa nuque. Sandy rampe jusqu'à lui et il accueille le poids de sa tête sur ses cuisses avec soulagement. Chris a ouvert le livre au hasard, choisissant un passage du mariage de Lévine et de Kitty.

Une seule créature sur terre représentait pour lui l'univers entier et constituait en même temps la seule raison d'être de sa vie.

Grandiloquent, tout à fait romanesque. … Un peu vrai.

Bucky s'affale dans le canapé et enfouie ses doigts dans la fourrure chaude et dorée de Sandy.

La chienne ferme les yeux contre lui.

Pas de larmes mais ils pleurent ensemble.