Ouvrir son cœur
Eddie quitta la chambre de Buck, son cœur lourd de colère et de frustration.
Ses parents étaient toujours dans le salon, les visages tendus et les épaules raides. En les voyant, une vague de rage monta en lui. Ils ne comprenaient pas, ils ne voyaient pas à quel point Buck comptait pour lui et pour Christopher.
– Eddie, c'est insensé, commença son père, mais Eddie le coupa immédiatement.
– Non, papa, ce qui est insensé, c'est que vous n'ayez pas compris à quel point Buck est important pour nous ! s'écria-t-il, sa voix tremblante de colère.
– Eddie, cet homme…
– …a failli mourir en protégeant Christopher. Il s'est fait passer à tabac à cause de moi, parce que ces enfoirés pensaient qu'il était moi. C'était moi qui étais visé !
Ses parents le regardèrent, choqués par l'intensité de ses mots. Eddie prit une profonde inspiration, essayant de calmer la tempête en lui.
– Ces types s'en sont pris à Buck parce qu'ils voulaient m'atteindre moi. Et Buck... Buck a pris les coups pour protéger Christopher, continua-t-il, sa voix brisée par l'émotion. Il est dans cet état à cause de moi, et je ne peux pas... je ne peux pas le laisser seul. Pas maintenant. Jamais si j'ai mon mot à dire là-dessus. Et oui papa, je suis gay si tu te poses encore la question et ça me fait tellement de bien d'enfin pouvoir l'admettre.
Sa mère, visiblement bouleversée, s'approcha de lui, les larmes aux yeux
– Eddie, nous ne savions pas..., dit-elle doucement. Enfin si, nous savions très bien que tu préférais les garçons mais nous ne savions pas ce qui s'était passé avec Buck.
Eddie se figea avant de soupirer et de hocher la tête, sentant la colère se dissiper légèrement.
– Depuis quand le savez-vous ?
– Depuis que tu as environs quoi ? s'enquit-elle en regardant son père. Huit ans ?
– Je dirais sept, confirma-t-il avec un sourire. Tu t'es toujours intéressé aux garçons Eddie, avant même de comprendre ce qu'était la sexualité. Et ne crois pas qu'on ne sait pas que tu embrassais le petit Thomas dans les toilettes de l'école. Ton instituteur nous en avait informé.
– Mais alors pourquoi… ? Vous auriez dû me le dire.
– C'était à toi de nous le dire ! répliqua son père. Mais tu es plus têtu qu'une mule. Toujours à faire ce que tu penses qu'on attend de toi alors que tout ce que nous voulions c'était que tu sois enfin toi-même.
– Nous t'aimons tel que tu es Eddie.
– Alors pourquoi vous avez réagi comme ça quand vous avez vu Buck ?
– Pour qu'enfin tu admettes qui tu es, que tu nous confrontes une fois pour toute pour enfin nous dire la vérité, lâcha sa mère.
– Alors tout ça…, cette dispute, c'était de la comédie ?
– Oui, admit son père. Pour qu'enfin tu admettes qui tu es.
– Eddie, tu as toujours fonctionné comme ça, sous le coup de la colère et je n'ose imaginer ce par quoi tu es passé en voyant ton petit ami dans cet état.
– Wow, attend maman, non ! la coupa-t-il. Buck n'est pas mon petit-ami.
– Il ne l'est pas ?
– Non, il est… mon vraiment très hétéro meilleur ami mais même s'il m'a aidé à sortir du bois nous ne sommes pas ensemble.
– Oh ! souffla-t-elle. C'est… dommage, il est bon pour toi.
Et Eddie le savait et il le voulait tellement.
Il n'osait imaginer que Buck puisse lui rendre un jour ses sentiments, et même s'il le faisait est-ce qu'Eddie ne finirait pas par le briser. Buck avait déjà failli mourir à cause de lui. Buck était mort, seulement une minute, mais il était mort quand même par sa seule faute.
Est-ce qu'il le lui pardonnerait vraiment un jour ?
– Buck a risqué sa vie pour protéger Christopher. Il a besoin de nous, et je veux être là pour lui, quoi qu'il arrive, déclara-t-il avec détermination.
Son père, plus silencieux, s'approcha également, posant une main réconfortante sur l'épaule de son fils.
– Nous comprenons. Mais il y a autre chose, n'est-ce pas ? demanda-t-il, son regard perçant.
Eddie se sentit soudain vulnérable, exposé. Il baissa les yeux, sentant ses joues rougir.
– Tu peux tout nous dire, Eddie, le rassura sa mère.
– Ne te cache plus de nous, insista son père alors qu'il hésitait. Tu l'as fait toute ta vie déjà. Ça va finir par te détruire, fils.
– Oui, papa, déglutit-il enfin. Il y a autre chose, admit-il, sa voix à peine audible. J'aime Buck... de façon romantique. Mais il ne ressent pas la même chose pour moi. Nous sommes seulement amis.
Il y eut un silence lourd dans la pièce. Eddie pouvait sentir le regard de ses parents sur lui, essayant de comprendre.
Sa mère, radoucie, fit un pas en avant et le prit dans ses bras.
– Oh, Eddie, murmura-t-elle. Je suis désolée. Nous sommes là pour toi. Nous allons rester quelques jours pour t'aider avec Buck et Christopher.
– Non maman ça ira, je ne vais pas t'imposer…
– Tu ne m'imposes rien, le coupa-t-elle. Et m'occuper des personnes malades a été mon métier pendant plus de vingt ans. Je sais faire.
– Ta mère a raison. Appuie-toi sur nous ! Tu n'es plus seul.
Eddie sentit un poids se lever de ses épaules. Il n'était plus seul. Ses parents étaient là, prêts à l'aider. Il en avait toujours rêvé et s'il avait ouvert les yeux, il l'aurait vu plus tôt.
Aussitôt sa mère pris possession de sa cuisine.
Elle prenait les choses en main s'activant comme si c'était normal pour elle de le faire. Eddie en aurait pleuré de soulagement s'il était moins introverti. Son père l'emmena à l'écart, hors de la vue et de l'ouïe de sa mère.
– Donc tu es… amoureux de lui ?
– Ouais, souffla-t-il.
– Et tu ne lui as pas dit, n'est-ce pas.
– J'en avais l'intention, admit-il. Mais il a été agressé à cause de moi, de ce que je suis, et tout est devenu plus compliqué.
– Je ne comprends pas pourquoi on a voulu te faire du mal ?
– Parce que je suis gay. Papa, ce monde n'est pas encore prêt pour les gens comme moi.
– Tu restes un être humain avec des envies et des préférences. Bon sang, je pensais que, ici au moins, tu serais plus en sécurité qu'au Texas pour te découvrir.
– Je le pensais aussi mais je n'ai pas été assez prudent et c'est Buck qui a pris. L'ironie du sort c'est que j'avais l'intention de lui dire ce jour-là.
– Oh Eddie…
– Ouais, ce n'est pas de chance, railla-t-il. Ma vie n'est qu'une gigantesque blague.
– Ne dis pas ça ! Ce n'est pas de ta faute. Ecoutes, je comprends que tu te sentes coupable et que tu aies peur de perdre Buck comme ami. Mais tu ne peux pas garder ces sentiments enfermés en toi. Tu dois être honnête avec lui, lui dire ce que tu ressens, conseilla-t-il, sa voix empreinte de sagesse.
Eddie hocha la tête, sentant les larmes monter à ses yeux.
– Je sais, papa. Mais si je lui dis et qu'il ne ressent pas la même chose, je pourrais le perdre. Et je ne peux pas... je ne peux pas vivre sans lui, avoua-t-il, sa voix tremblante.
Son père le regarda avec compassion, serrant son épaule.
– Eddie, la vérité est que si tu gardes ces sentiments en toi, ils finiront par te détruire. Tu dois prendre le risque. Parce que vivre avec ces sentiments non partagés est bien plus destructeur que de les exprimer, dit-il doucement.
Eddie savait que son père avait raison. Mais la peur de perdre Buck était plus forte que tout. Il soupira, se sentant tiraillé entre la peur et le désir d'être honnête.
– Je vais essayer. Mais ce n'est pas facile, répondit-il finalement.
Son père hocha la tête, comprenant.
– Je sais. Mais tu es fort. Et quel que soit le résultat, nous serons là pour toi, dit-il avec un sourire réconfortant.
Eddie sourit faiblement en retour, sentant un peu de réconfort dans les paroles de son père.
Ils retournèrent dans la cuisine, où sa mère s'affairait déjà à ranger la vaisselle propre. Elle lui jeta un regard compréhensif et rassurant.
– Nous allons t'aider, Eddie. Nous allons tous nous en sortir ensemble, dit-elle avec détermination.
Il sentit une nouvelle vague de détermination l'envahir.
Il allait tout faire pour aider Buck à se rétablir, et peut-être, un jour, trouverait-il le courage de lui avouer ses sentiments. Mais pour l'instant, il se concentrerait sur l'essentiel : être là pour Buck et Christopher, et leur offrir tout le soutien et l'amour dont ils avaient besoin.
Il se redressa, se sentant plus fort et plus déterminé que jamais. Avec ses parents à ses côtés, il savait qu'il pouvait surmonter cette épreuve. Ensemble, ils feraient face à tout ce qui viendrait.
