Correction: 07-09-2024
Chapitre 14: Le foutu chien d'Hagrid
Harry fixait le plafond de son dortoir. Il le fixait de la même façon depuis près d'une heure avant de se tourner sur le côté droit, une fois de plus. Les yeux toujours grands ouverts et totalement éveillés. Il était bientôt minuit et le survivant se sentait toujours incapable de fermer l'œil.
Son cerveau refusait purement et simplement de se calmer. Il pensait beaucoup trop. Trop d'événements, d'informations et de plans plus ou moins potables tournaient dans sa tête. Il réfléchissait encore à Croutard dont il espérait pouvoir se débarrasser rapidement et que son plan, bien qu'ingénieux selon lui, fonctionne exactement comme il le souhaitait.
Il en allait de la sortie d'Azkaban de Sirius. Le fait de devoir attendre janvier pour simplement mettre en place le début de son plan pour le sortir de la prison la plus abominable de Grande-Bretagne faisait déjà suffisamment culpabiliser le survivant. Sirius y avait déjà passé près de dix ans pour un crime qu'il n'avait pas commis, et Harry n'osait imaginer ce que son parrain subissait actuellement là-bas.
Il pensait encore à la maladie de Poudlard. Le fait qu'il ne puisse aider son ami lui pesait sur la conscience et l'inquiétude grandissante de la voir disparaître le tourmentait de plus en plus régulièrement. Bien qu'aucun des deux ne puisse réellement dire si l'esprit de l'école était en bonne santé et parvenait à prendre le dessus sur Dumbledore, ou si elle s'affaiblissait bel et bien, Harry ne pouvait s'empêcher d'imaginer le pire scénario des deux hypothèses.
Quant au directeur lui-même, certainement responsable du problème de Poudlard, ne pas comprendre ses motivations ni ce qu'il avait accompli tout au long de la scolarité de Harry pour y parvenir ne faisait qu'enrager un peu plus le survivant déjà cruellement tourmenté.
"Putain", soupira de frustration le brun en jetant rageusement sa couverture loin de lui.
Il ferma les yeux un instant, voulant retrouver son calme et serra ses mains tremblantes contre les rideaux de son lit à baldaquin. Il ne supportait plus les battements inquiets de son cœur qui résonnaient dans ses oreilles et sa respiration qui refusait de se calmer. Il ouvrit tout aussi rageusement les rideaux, déterminé à trouver un moyen de s'apaiser avant de devenir fou.
Il attrapa sa cape de sorcier et quitta son dortoir.
Il se sentait si impuissant. Pourquoi devait-il avoir autant de problèmes ? La nuit ne l'aidait vraiment pas. L'obscurité faisait remonter à la surface ses nombreuses angoisses qu'il parvenait pourtant facilement à tenir éloignées le jour, lorsque les couloirs de Poudlard grouillaient de monde et de diverses choses capables de le distraire.
Il avait sincèrement besoin de se vider l'esprit. De se détourner de tous les tourments qui refusaient de le laisser en paix lorsque la lune remplaçait le soleil.
Whoo. Il se sentait l'âme d'un poète ce soir. Il fallait vraiment qu'il trouve quelque chose pour s'occuper. Il commençait à se dégoûter.
Il quitta la salle commune sur la pointe des pieds, bien à l'abri sous un sort de désillusion, et sortit la carte des maraudeurs pour connaître la position des différents préfets et de Rusard qu'il n'avait aucune envie de croiser, même en étant invisible. Et pour une fois, la chance était de son côté. Rusard était à l'opposé du château et les préfets semblaient tous rassembler dans la même salle de classe déserte au quatrième étage.
Soulagé, Harry ne se demanda pas un instant ce que les préfets faisaient tous ensemble au même endroit au lieu de surveiller les couloirs. S'il avait décidé de vérifier cette information, il aurait pu observer les élèves plus âgés en train de boire du Whiskey pur-feu mélangé à du jus de citrouille en quantité trop importante pour leur constitution.
Au lieu de cela, il commença son ascension vers la surface, bien loin des cachots lugubres et froids où il se trouvait actuellement, pour rejoindre une partie un peu plus chaleureuse du château, bien qu'il n'avait pas d'idée précise en tête. Tout ce qu'il désirait était une balade rafraîchissante qui l'éloignerait au moins un temps de ses angoisses qui lui donnaient des sueurs froides et provoquaient son insomnie.
Ses pas le guidèrent vers la tour Gryffondor. Lorsqu'il se rendit compte qu'il se tenait devant le portrait de la grosse dame qui dormait à poings fermés, il maudit ses réflexes.
"Pourquoi de tous les endroits, mon esprit a décidé de m'emmener ici ?" siffla-t-il de mauvaise humeur.
La tour Gryffondor, qui avait l'habitude de lui remonter étrangement le moral dans son ancienne vie, n'était maintenant rien de plus que la salle commune d'une autre maison que la sienne.
Du moins, c'est ce qu'il voulait penser.
Mais finalement, son inconscient n'avait pas encore fait réellement le deuil de sa première vie. Et qui pourrait lui en vouloir ? Il avait passé six années de sa vie à considérer cette salle comme une seconde maison. Une première en vérité, même à l'époque, la maison des Dursley était loin d'être un foyer à ses yeux.
Cette salle commune contenait presque tous les souvenirs de Harry, ses joies et ses peines, les premières amitiés qu'il s'était forgées, le premier sentiment d'appartenance qu'il avait ressenti après dix ans à se sentir comme l'être le plus indésirable de la planète chez son oncle. Il s'était senti chez lui pour la première fois entre les quatre murs de cette tour, confortablement installé sur les fauteuils rouges et réchauffer doucement par le feu de cheminée qui brûlait jour et nuit.
Il pouvait encore effleurer du bout du doigt la paix intérieure qu'il ressentait à l'époque en jouant aux échecs avec Ron dans un coin de la salle pendant qu'Hermione, confortablement installée dans un fauteuil à proximité, se moquait gentiment d'eux avec un livre ridiculement complexe dans les mains.
"T'es nul, mon pote," s'était souvent moqué Ron avec un sourire gentil et une fierté de vainqueur après un énième échec et mat.
C'était de loin le pire endroit pour se vider l'esprit. L'angoisse avait été remplacée par un sentiment pire encore aux yeux du survivant. Un sentiment qui lui broyait le cœur et lui donnait envie de se recoquiller dans un coin pour pleurer. Un sentiment qu'il pensait avoir laissé derrière lui depuis longtemps.
L'abandon.
Harry serra les dents, les lèvres un peu tremblantes, et se força à cligner des yeux pour chasser les larmes qui commençaient à s'y accumuler.
Ce n'était la faute d'aucun de ses amis, mais il se sentait cruellement abandonné. Toutes les personnes qu'il avait appris à connaître, toutes les amitiés qu'il entretenait avaient maintenant disparu. Personne ne se souvenait de lui et personne ne savait qu'il se souvenait d'eux. Il était longtemps parvenu à enfouir ce sentiment au fond de lui, aidé, entre autres, par les nombreuses choses qu'il avait à faire ou à penser. Mais ce soir, sa fatigue mentale semblait le faire craquer.
"Hey... Harry," murmura une voix douce.
Le survivant n'eut même pas la force de sursauter lorsqu'il se rendit compte qu'il n'était pas seul. Heureusement pour son cœur, il reconnaissait maintenant facilement la voix de la conscience de l'école, même lorsqu'elle ne sonnait pas aussi espiègle qu'habituellement. Il se tourna plutôt lentement vers Poudlard qui se tenait maintenant maladroitement à ses côtés. Le fantôme affichait un visage nerveux et se balançait d'un pied à l'autre comme si elle réfléchissait à ce qu'elle allait dire.
« Pourquoi es-tu là ? » demanda mentalement le brun.
"Hum, j'ai sentis que tu pensais à la salle commune de Gryffondor alors... Je ne t'espionnai pas, hein. Mais... cette salle fait un peu partie de moi donc je t'ai entendu et je m'inquiétait un peu parce que... eh bien... tu vois ?" essaya d'expliquer l'entité.
« Je vais bien, » affirma Harry doucement.
"Tu sais, je connais assez bien ce sentiment," commença Poudlard avec un regard un peu triste.
Harry la regarda, penchant la tête dans une interrogation non-verbale. Il n'avait encore jamais vu Poudlard être sérieuse si longtemps. Elle devait vraiment être inquiète pour lui.
"J'ai plus de mille ans maintenant. À part moi, il n'y a rien qui puisse vivre aussi longtemps ici. Tout ce que je connais finit tôt ou tard par disparaître. L'abandon est quelque chose que j'ai connu plusieurs fois dans le passé. Mais tu sais, c'est différent pour toi. Tes amis sont toujours là, tu peux toujours les côtoyer et reconstruire peu à peu ce que tu as perdu. Ce ne sera pas la même chose, c'est vrai. Toi-même tu es différent. Mais tu pourrais essayer et tu as même gagné de nouveaux amis alors... ne désespère pas. Je suis sûr que cela peut s'arranger... Si tu veux en parler, je suis là, d'accord ?" tenta de le rassurer Poudlard.
Harry hocha la tête. Il prit une inspiration difficile et se força à bouger. Poudlard avait raison. Il était à nouveau ami avec Hermione et la jeune fille était fidèle aux souvenirs du survivant. Drago était là aussi et peu importe qu'il ait été infecté avec lui pendant six ans, il était soulagé d'avoir quelqu'un à ses côtés et de ne pas être seul. Il reconstruirait tout ce qu'il avait perdu, le survivant s'en fit la promesse mentale avant de secouer la tête pour chasser les dernières traces de larmes dans ses yeux.
"Merci," murmura-t-il avec un sourire.
"Bien sûr," sourit Poudlard, rassuré que son discours maladroit ait pu aider Harry au moins un peu.
« Je vais sûrement aller me balader dehors, ça m'aidera à dormir, » expliqua le survivant.
"Pas de problème, je vais tâcher de faire en sorte que les préfets continuent à se saouler joyeusement pour être sûr que tu ne sois pas interrompu, alors. Je te retrouverai là-bas tout à l'heure," sourit-elle.
L'esprit disparut avant que Harry n'ait pu lui demander de quelle beuverie elle parlait.
Il ferait mieux de se rendre sur le terrain de Quidditch pour voler un peu. Peu importe sa vie, il savait que le balai l'aiderait à retrouver un peu de paix. C'était la seule activité qui éteignait son cerveau et lui vidait la tête. Et éteindre son cerveau était exactement ce dont il avait besoin en ce moment.
Il resta cependant un moment de plus sur place, souriant pour lui-même. Il était touché que Poudlard s'inquiète pour lui et soit venus le voir même si les sentiments négatifs des humains semblait clairement la mettre mal à l'aise. Il l'avait presque trouvé mignonne avec ses tentatives maladroite de lui remonter le moral et cela lui arracha même un léger rire en repensant à son visage fuyant et nerveux.
C'est le cœur légèrement soulagé qu'il commença à faire demi-tour pour se rendre à l'extérieur du château. Mais, alors qu'il s'approchait des grands escaliers de pierres blanches qu'il avait presque inconsciemment monté, il se figea. Les yeux plissés dans l'espoir de percevoir plus clairement dans l'obscurité du couloir, le survivant observa un peu plus attentivement son environnement avant d'afficher un visage surpris puis méfiant.
Là, sur le tapis non loin des escaliers qu'il voulait emprunté, se trouvait une ombre inquiétante allonger sur le sol. D'un réflexe exceptionnellement rapide, il sortit sa baguette et menaça la forme inconnue et potentiellement dangereuse et s'approcha silencieusement.
Plissant les yeux, il finit par baisser sa baguette et afficha un visage purement étonné. La forme sur le sol n'avait rien de menaçante, il ne s'agissait que de Neville qui dormait sur le tapis.
Attendez. Pourquoi Neville dormait-il sur un tapis ?
Le Gryffondor était effectivement sur le sol, dans une étrange position de chien de fusil avec une respiration régulière, à peine dérangé par le fait qu'il dormait sur le sol d'un couloir sombre et froid.
Et Harry qui pensait que Neville n'était pas très courageux. Ce n'était pas donné à tout le monde de pouvoir s'endormir paisiblement dans un endroit pareil. Surtout quand la possibilité de tomber sur Rusard était aussi haute. Le concierge savait parfaitement que les plus turbulents et les plus susceptibles de ne pas respecter le couvre-feu étaient les Gryffondor… Nul doute qu'il faisait régulièrement des tours dans cette partie du château juste pour avoir le plaisir fugace d'emmerder un maximum d'adolescents.
Pendant un court instant, le survivant se demanda ce qu'il devait faire ? Réveiller son camarade ou le laisser à sa sieste reposante dans un lieu inadapté et continuer sa route ?
"Neville…" fit-il doucement en s'accroupissant près du matelas de fortune poussiéreux.
Mais seul un souffle un peu plus profond lui répondit.
"Neville, réveille-toi," continua-t-il en lui secouant légèrement l'épaule.
Les yeux du Gryffondor s'ouvrèrent brusquement, écarquillés de peur avant de se fixer sur la forme invisible d'Harry, car oui, il était toujours sous son sortilège de désillusion.
Et c'est sans doute la raison pour laquelle le survivant dut plaquer sa main sur la bouche de l'héritier Londubat pour étouffer son hurlement de terreur qui aurait sans aucun doute pu rivaliser avec celui d'une banshee à l'agonie. Une belle défense qui aurait mis K.O. n'importe qui si vous demandiez l'avis du brun.
"Du calme !" siffla-t-il. "C'est moi, Harry," chuchota bruyamment le sauveur en se débarrassant de son sort.
Neville tremblait comme une feuille et respirait difficilement, ayant vu sa propre mort en se rendant compte qu'une main invisible était sur son épaule. Harry attendit patiemment que son camarade puisse reprendre ses esprits et sa respiration. Peut-être aurait-il vraiment dû le laisser dormir… ?
"Que fais-tu là ?" demanda finalement le survivant lorsqu'il fut certain que l'autre garçon ne ferait pas de crise d'asthme.
"Ça fait des heures que je suis coincé ici. J'ai perdu mon mémo avec tous les mots de passe des prochains mois. Je pense que je me suis évanoui de peur après le deuxième passage du Baron sanglant," expliqua Neville en bredouillant à quel point le Baron l'avait longuement regardé dans les yeux et qu'il s'était senti comme la proie d'un dangereux criminel.
Quand bien même le Baron sanglant était déjà mort et ne risquait pas de pouvoir lui faire grand-chose. Peeves était plus dangereux… Mais Harry se garda bien d'en informer l'héritier Londubat déjà à bout de nerf.
Harry grimaça discrètement en se souvenant que le mémo disparu avait, en vérité, été volé par nul autre que lui-même lors de ses différents plans pour capturer Croutard… Il est vrai qu'il ne lui avait jamais rendu. Il pesa le pour et le contre de le lui rendre maintenant, le rendant plus ou moins suspect. Mais finalement, il ne pouvait pas laisser le pauvre Neville ici.
Le Gryffondor ne méritait pas cela.
Cachant ses mains dans son dos, il lança un Accio discret pour récupérer le mémo qui se trouvait dans sa chambre et engagea la discussion avec Neville pour détourner son attention. Tentant au mieux de le rassurer.
"Un mémo ? J'ai trouvé un truc semblable avec plein de mots aléatoires en cours de potion il y a quelques jours…" inventa-t-il plus ou moins habillement.
Lorsque le bout de papier si important pour le Gryffondor arriva dans la main du survivant, celui-ci fit semblant de le chercher dans l'une de ses poches pour tenter au maximum d'endormir les possibles soupçons de son camarade.
Il aimait beaucoup Neville et avait un grand respect pour lui depuis la bataille de Poudlard. Son cœur se serra en imaginant celui-ci le craindre ou le prendre pour un méchant Serpentard, ne pensant qu'à le rabaisser ou à le maltraiter.
Il bénit sa chance, ou plutôt la douce naïveté attachante du jeune garçon, lorsque rien de tout cela n'arriva.
"C'est ça !" s'exclama bruyamment le Gryffondor avec des étoiles dans les yeux. "Je suis tellement chanceux que ce soit toi qui l'aies trouvé ! N'importe qui d'autre l'aurait sûrement jeté."
Neville sourit de soulagement en attrapant le mémo. Honnêtement, le jeune garçon ne pensait pas pouvoir le récupérer un jour. Sans compter qu'il était terrifié de devoir avouer à Percy Weasley, son préfet, qu'il avait égaré un papier aussi compromettant pour leur maison et la sécurité de leur salle commune. Le soulagement de Neville se lisait sur son visage et il arborait un regard plein d'admiration pour son sauveur. Harry avait rarement été aussi mal à l'aise pour des remerciements. Comment appelait-on ça déjà… ?
Ah oui. La culpabilité. Pff, encore un sentiment inutile.
Maintenant, rien ne retenait le pauvre Gryffondor à l'extérieur de sa salle commune…
Rien, jusqu'à ce qu'ils constatent tous les deux que la grosse dame qui ronflait bruyamment il a quelques minutes à peine avait décidé de disparaître soudainement comme par… magie.
Harry avait décidément la poisse et il semblait même que celle-ci fût contagieuse.
"Mais… elle était là, il y a un instant," souffla Neville dépité.
Du coin de l'œil, Harry la vit se déplacer de cadre en cadre, totalement somnambule et dérangeant les autres tableaux qui semblaient avoir l'habitude de ses crises. Il serra les lèvres pour éviter de soupirer avant de la fixer à nouveau soudainement, les yeux écarquillés.
Avait-il bien vu ?
…
Par Merlin, il avait bien vu.
La grosse dame avait perdu sa chemise de nuit qui était restée accrochée à l'une des cornes d'un trophée de chasse présent sur un tableau qu'elle venait de visiter. C'est donc complètement nue qu'elle se baladait à présent, à la grande horreur d'Harry qui voulait devenir aveugle.
Harry priait maintenant pour que Neville ne fasse pas attention à l'exhibitionniste somnambule qui lui servait de gardien de salle commune.
Heureusement, le garçon de onze ans ne remarqua rien.
Il se tourna à nouveau vers la grosse dame pour constater qu'elle avait dû partir loin, à son grand soulagement. Elle n'était plus sur les tableaux qu'ils pouvaient apercevoir.
Le survivant lança un dernier regard à Neville qui tremblait à nouveau comme une feuille en regardant autour de lui. Probablement mort de trouille à l'idée de croiser pour la troisième fois le baron sanglant ou bien pire encore, Rusard.
Et c'était certainement ce qui allait se passer si les deux premières années restaient sur place à patienter.
"Je n'arrivais pas à dormir, alors je suis parti me balader pour me changer les idées. J'ai pensé faire un petit tour sur le terrain de Quidditch. Tu peux venir avec moi en attendant que la grosse dame revienne, si tu veux," proposa Harry.
Le brun retient un sourire en voyant le regard horrifié de son camarade. On pourrait presque croire qu'il lui avait proposé de partir chasser le baron sanglant avec un filet à papillons.
"Tu n'es pas obligé de voler sur un balai," compléta-t-il.
Neville laissa échapper un souffle tremblant avant de regarder autour de lui, se demandant ce qui était le mieux. Mais le choix était tout de même assez rapide.
Rester là, seul, dans le froid et le noir, à attendre de se faire inévitablement prendre par Rusard qui n'acceptera jamais son excuse de perte de mots de passe, ou partir se balader avec le survivant, meilleur élève de Poudlard depuis des dizaines d'années - peut-être même des centaines - et sauveur du monde sorcier…
Un choix pareil expliqua facilement sa présence au terrain de Quidditch, assis dans l'herbe fraîche et un peu humide à regarder le survivant faire des cabrioles sur son nimbus 2000. Lesdites cabrioles avaient manqué de donner pas moins de quatre arrêts cardiaques au Gryffondor.
Il fallait vraiment être fou pour se laisser tomber en chute libre avec un balai et le redresser à quelques centimètres du sol à peine.
Finalement, après s'être vidé l'esprit et avoir presque oublié la présence de Neville, il atterrit avec grâce près de son camarade. Harry décida que c'était probablement bénéfique pour le Gryffondor d'apprendre à voler sur un balai sans être stressé par ses camarades ou le professeur Bibine qui manquait parfois de… délicatesse.
C'est pourquoi il tendit un balai de l'école - volé sans gêne il y a quelques instants - à Neville qui le regardait avec crainte.
"Ça ira, je reste avec toi et c'est simplement pour t'aider pour les prochaines cours. Le balai est vraiment cool, tu sais."
Mais Neville n'était, tout simplement, pas fait pour le balai. Et Harry le comprit rapidement lorsque, pour la troisième fois en moins de trente minutes, il dut le faire léviter pour qu'il ne s'écrase pas sur le sol. S'il continuait ainsi, le garçon allait faire une nouvelle crise d'angoisse.
Mais Harry n'est pas du genre à abandonner facilement. Juste une dernière fois, il demanda à Neville de monter sur un balai. Le Gryffondor avait des yeux suppliants qui s'écarquillèrent lorsque c'est le nimbus 2000 qui lui fut tendu plutôt que le vieux balai indomptable de l'école.
Rassurer par la présence d'Harry et le balai de compétition sur lequel il montait. Neville est parvenu à effectuer les manœuvres de base, et même à reposer le pied au sol sans s'étaler sur l'herbe.
Impressionnant.
"Vous êtes tellement a-do-rable !" sourit Poudlard en apparaissant au côté du survivant qui surveillait Neville.
Celui-ci s'élevait maintenant à dix centimètres au-dessus du sol et il tremblait à peine. Quel progrès !
Harry lui lança un coup d'œil avant de sourire.
« Ouais. Je suis content de pouvoir l'aider. Je lui devais bien ça. »
"Je sais pourquoi tu ne dors pas, mon cher ami. Mais lui, que fait-il là ?" fit l'âme en pointant Neville du doigt.
Harry détourna un peu le regard, embarrassé, avant de répondre :
« Ma faute, j'ai volé ses mots de passe il y a plusieurs jours et il s'est retrouvé coincé dehors… »
Le fantôme de l'école ne fit que rire doucement avant de demander au survivant si le balai avait eu l'effet escompté sur son esprit. Harry lui sourit pour la rassurer et expliqua qu'il se sentait mieux. La présence de Neville lui avait fait également beaucoup de bien sans même qu'il ne s'en rende compte.
"Tant mieux alors," dit doucement Poudlard avec un sourire soulagé.
L'esprit lança un regard à Neville avant que son sourire ne s'agrandisse un peu plus. Il se débrouillait beaucoup mieux maintenant. Harry était bien meilleur pédagogue qu'il ne le pensait. Finalement, après un toucher brûlant et glacial sur son épaule, Harry entendit Poudlard annoncer qu'elle surveillait l'horizon pour eux, tout en ajoutant qu'ils ne devraient pas tarder à aller se coucher, il était tard.
Lorsque Neville se posa maladroitement à côté du survivant, il était exalté.
"Tu as vu ?! Tu as vu ?! Je suis vivant !" cria-t-il.
"Félicitations," sourit Harry. "On devrait rentrer maintenant. La grosse dame doit avoir fini sa balade." Il murmura la dernière phrase pour lui-même. "Et retrouver ses vêtements avec de la chance."
N'ayant pas entendu le dernier commentaire, Neville hocha la tête avec un sourire fatigué. Jamais le jeune Gryffondor n'aurait pu imaginer que Harry soit un camarade aussi attentionné envers d'autres élèves qu'il ne connaissait pas du tout et n'appartenait pas à sa maison. Plus encore, le voir attentionné avec un élève comme lui relevait du miracle aux yeux de l'Héritier Londubat.
Les Serpentard et les Gryffondor étaient connus comme des ennemis naturels dans l'enceinte de l'école et Neville était lui-même un élève des rouges et or largement mis à l'écart par ses propres camarades pour son manque flagrant de compétence. Que quelqu'un comme Harry lui démontre une gentillesse sincère faisait un travail formidable pour éloigner les doutes que le jeune garçon avait envers lui-même depuis longtemps.
Le chemin du retour se fit silencieusement. Tous deux fatigués et de bonne humeur, rien n'avait besoin d'être dit. Du moins, jusqu'à ce que Neville prenne timidement la parole alors qu'il traversait un énième couloir.
"Dit, Harry… On est amis maintenant, non ?"
Le survivant leva les yeux vers lui avant de lui sourire. C'était tellement agréable cette capacité qu'avaient les enfants à devenir amis facilement et à le mettre en mots.
"Bien sûr !" répondit-il.
Le sourire soulagé de Neville lui fit chaud au cœur et l'éloigna un peu plus des tourments qui l'empêchait de dormir depuis le début de soirée. Cette soirée finissait bien.
Évidemment, le survivant étant le survivant, cela ne pouvait pas durer.
Et c'est nul autre que Rusard et Miss Teigne au fond du couloir qu'ils empruntaient qui gâchèrent l'ambiance. Harry attrapa la main de Neville pour s'enfuir avant d'être vu. Mais c'était loin d'être fini.
Une armure tomba bruyamment près d'eux, puis une deuxième et une troisième. Le bruit résonnant dans les couloirs sombres et vides du château. Un tapis mal placé fit alors trébucher Neville, qui emporta le survivant avec lui. Par la suite, et alors que les pas précipités de Rusard se dirigeaient vers eux, faisant battre de panique le cœur du survivant, un tableau pivota au mauvais moment, les forçant à changer de direction. Puis ce fut au tour de Peeves d'apparaître, souriant sadiquement avant de se mettre à hurler que des élèves n'étaient pas dans le dortoir.
Et pour finir, et comme si tout cela ne suffisait pas, les escaliers qui n'en faisait qu'à leur tête ou du moins qu'à celle de Poudlard, s'animaient brusquement comme pour se moquer d'eux.
« Poudlard ! »
"Je n'y suis pour rien !" dit-elle vivement en flottant à ses côtés. "Je ne contrôle plus rien !" Elle grimaça face à la sensation désagréable que quelqu'un d'autre contrôlait son propre corps à sa place.
Foutu Dumbledore, ça ne pouvait être que lui !
Harry retient un cri de rage lorsqu'il se rendit compte où tout ce foutoir les avaient menés, lui et Neville.
Ce foutu couloir interdit de mer-
Et aussi étonnant que cela puisse paraître. C'est Neville qui en déverrouilla la porte d'un Alohomora correctement effectué et tira le survivant à l'intérieur avant qu'il n'ait pu émettre une objection.
Pendant que le Gryffondor reprenait son souffle, une main sur le cœur et une hyperventilation inquiétante, le survivant fulminait silencieusement.
Il a été piégé par Dumbledore. Mais comment pouvait-il savoir qu'il serait en dehors de son dortoir à cette heure-ci ?
« Comment ?! »
"Peut-être qu'il ne le savait pas, mais qu'il a enchanté la porte de la salle commune des Serpentard pour voir quand tu en sortais…" proposa Poudlard en regardant par le trou de la serrure pour vérifier que Rusard était bien parti.
Ce qui était inutilement théâtral puisqu'elle pouvait parfaitement sentir sa présence si elle se concentrait sur lui en particulier. Elle était le château après tout.
Afin d'éloigner le concierge sadique, elle fit bouger les armures trois couloirs plus loin maintenant qu'elle avait repris le contrôle. Le concierge s'en alla aussi vite qu'il était venu.
« Penses-tu qu'il a pu lancer un sort directement sur moi ? »
"Peu probable… Tu n'es presque jamais seul avec lui et il n'est pas assez stupide pour le faire devant des témoins."
Harry regarda finalement le fond du couloir interdit pour constater la présence de Touffu, réveillé par le vacarme et visiblement de mauvaise humeur.
Pour sa défense, n'importe qui serait d'une humeur exécrable dans sa situation. Enfermé dans un couloir trop petit pour lui, sans possibilité d'aller se promener dehors. Réveiller à une heure impie de la nuit par deux amuse-bouche de onze ans…
Oui. N'importe qui serait en colère.
Neville lui attrapa la manche et pointa le monstre du doigt qui s'approchait tout doucement, comme si le survivant ne l'avait pas remarqué malgré les grognements et la taille immense de l'animal de compagnie de Hagrid. Le pauvre Gryffondor murmurait sans discontinuité à quel point ils étaient tous les deux sur le point de mourir, dévorés par une créature sortie du neuvième cercle de l'enfer et à quel point il aurait préféré rencontrer Rusard.
Harry soupira de défaite. Il attrapa le bras de Neville avant de le forcer à le regarder.
"Calme-toi. Tout ira bien. Je suis ton ami, pas vrai ? Je ne laisserai rien t'arriver."
Neville fut étrangement rassuré et reprit des couleurs plus humaines comparées au bleu violacé dont il commençait à se teindre à force de bloquer sa respiration, dont l'objectif vain était de se faire plus discret.
Dans le même temps, Harry sortit sa baguette et transforma l'une des torches qui éclairait l'endroit en un tourne-disque qui commença immédiatement à jouer de la musique. Les trois têtes commencèrent à bâiller et le chien s'endormit aussi rapidement qu'il s'était réveillé.
Si seulement Harry pouvait avoir cette capacité, rien de tout cela ne serait arrivé.
Le survivant resta trois bonnes minutes avec Neville pour le rassurer et le remettre sur ses pieds, car ses jambes avaient finalement lâché sous la pression et la peur. L'adrénaline avait quitté son corps en une fraction de seconde.
Puis, ils quittèrent le couloir juste après qu'Harry ait enlevé sa métamorphose pour ne pas laisser de trace.
Enfin arrivés à la tour Gryffondor, les deux étudiants se quittent en bon terme, au grand soulagement d'Harry qui avait peur que Neville ne veuille plus le voir puisqu'il portait visiblement la poisse.
"Je devrais aller voir Pomfresh demain matin. Peut-être a-t-elle quelque chose contre l'angoisse," murmura Neville pour lui-même en traversant le passage derrière le portrait de la grosse dame qui bailla à s'en décrocher la mâchoire, remarquant à peine le trou immense dans sa chemise de nuit.
Sur le chemin pour retourner dans sa propre salle commune, Harry observa un instant Poudlard qui l'accompagnait calmement. Le fantôme affichait une expression tourmentée qui contrastait beaucoup trop avec l'humeur habituelle qu'elle parvenait à afficher en toute circonstance. Harry resta silencieux un moment de plus avant de finalement lui poser la question qui lui brûlait les lèvres :
« Est-ce que ça va ? »
Et cette simple question maladroite sembla briser quelque chose chez elle. Elle cessa de marcher et pinça les lèvres avant de prendre une inspiration difficile.
"Non," dit-elle simplement avant de continuer. "Je ne sais pas si j'arriverai à le supporter encore longtemps."
Le survivant s'arrêta lui-même dans sa marche et se tourna vers elle, inquiet de la voix presque brisée avec laquelle l'esprit avait parlé. Le brun allait lui demander un peu plus de détails, ne sachant pas comment l'aider puisqu'il ne comprenait pas exactement ce qui n'allait pas soudainement, mais Poudlard le devança :
"Je suis l'école, Harry. J'ai été créée pour servir de refuge aux jeunes sorciers depuis plus de mille ans. C'est... C'est la raison pour laquelle j'ai été construite. Mon travail est de protéger les élèves contre le monde extérieur qui peut parfois être impitoyable envers eux," expliqua-t-elle en se forçant à garder son calme pour ne pas éclater en sanglots. "Et je ne fais qu'échouer dans cette tâche depuis tellement d'années..."
Harry ne savait pas quoi répondre et sa gorge se noua en voyant le fantôme dans un état de détresse qu'il ne pensait pas être possible pour l'esprit pourtant joyeux et moqueur.
« Ce n'est pas ta faute. Tu n'as rien fait de mal. »
"C'est le problème, Harry !" dit-elle avec un peu plus de force. "Je n'ai rien fait ! Je n'arrive pas à le combattre ! Je... je suis juste là et pourtant, en quelques secondes, le contrôle de mon propre corps m'échappe et je guide deux étudiants de première années vers la mort !"
Poudlard chassa violemment les larmes de ses yeux, presque en colère contre elle-même pour cet éclat soudain.
"Combien d'autres élèves vais-je perdre à cause de ma propre faiblesse ? Personne n'est mort cette fois, mais je sais parfaitement que je n'aurai pas toujours la même chance." Elle renifla. "Je n'ai pas toujours eu la même chance."
« Poud- »
"Je suis tellement désolé," continua-t-elle en reprenant son calme du mieux qu'elle pu. "Je suis tellement désolé de t'infliger ça à nouveau. J'ai essayé de toutes mes forces mais ça n'a jamais suffi. Je ne peux pas combattre Dumbledore toute seule. Je ne suis pas assez forte."
Alors qu'il regardait Poudlard pleurer, il se surprit à reconnaître ce même fardeau dans ses propres souvenirs. Combien de fois s'était-il senti coupable de la mort de ses proches, simplement parce qu'il n'avait pas été assez fort, assez rapide... Mais cette fois, il refusait de se laisser consumer par ces pensées.
L'esprit renifla avant de se forcer à prendre des inspirations plus calmes. Elle ne pouvait pas être triste. Elle ne devait pas être triste. Et elle continua à se répéter cela jusqu'à ce que Harry prenne la parole.
« Tu n'es pas faible, » pensa-t-il doucement, sa voix mentale plus ferme que ce qu'il ressentait. « Ce n'est pas toi qui es responsable de ce qui se passe. C'est Dumbledore. Il t'a piégée, tout comme il m'a piégée. Mais je suis là maintenant. Je ne te laisserai pas affronter tout ça toute seule. »
Poudlard le regarda avec des yeux fatigués, comme si elle portait le poids de chaque siècle, de chaque élève perdu, de chaque trahison. Elle secoua doucement la tête.
"Tu ne devrais pas avoir à porter tout ça, Harry," murmura-t-elle. "Je t'ai ramené ici, je t'ai donné cette seconde chance… mais à quel prix ? Je t'ai imposé un fardeau trop lourd pour tes épaules. Tu n'es qu'un enfant. Je ne voulais pas..."
Harry fronça les sourcils. Il sentait la colère monter en lui, pas contre Poudlard, mais contre cette idée qu'il était trop jeune, trop fragile pour affronter ce qu'il savait être nécessaire.
« Ne me parle pas comme si j'étais un gamin, » pensa-t-il fermement avant de s'adoucir en voyant la tristesse dans les yeux de Poudlard. « Je sais que tu regrettes de m'avoir ramené, que tu penses que tu m'as condamné à vivre ce cauchemar encore une fois. Mais ce n'est pas comme avant. Tu m'as donné un allié que je n'avais pas avant. Toi. »
Poudlard détourna les yeux, presque gêné.
"Je... je ne suis plus la protectrice que j'étais autrefois, Harry. J'ai failli à tant d'élèves, et même maintenant… je suis trop faible face à lui. Dumbledore m'a enchaînée, il a fait de moi un outil, et je ne peux pas me défendre contre lui. Je ne peux pas te protéger comme je le devrais."
Harry fit un pas en avant, décidé. Il plongea ses yeux dans ceux de l'esprit, cherchant à capter son attention, à la convaincre.
« Peut-être que tu ne peux pas te défendre seule. Mais ensemble, on le peut. On sait ce qu'il prépare, on sait comment il manipule tout le monde. Et je ne te laisserai pas affronter ça seule. C'est une entraide mutuelle. »
Poudlard le fixa un long moment en silence. Sa colère, son désespoir semblaient s'atténuer, remplacés par quelque chose de plus doux. Une lueur d'espoir, peut-être ? Mais elle resta hésitante.
"Je t'ai imposé cette responsabilité alors que je savais que tu la refuserais..." murmura-t-elle. "Et je m'en veux pour ça. Tu n'aurais jamais dû avoir à porter un fardeau aussi lourd à nouveau."
« Peut-être, » admit Harry, « mais c'est ce que je fais. Et cette fois, je ne me bats pas pour Dumbledore, ni pour les autres. Je me bats pour moi. Et pour toi. »
Un silence s'installa, pesant, mais étrangement réconfortant. Poudlard baissa les yeux, un mince sourire se dessinant sur ses lèvres pâles.
« Mieux ? » demanda Harry avec un haussement de sourcils.
L'esprit eut un rire triste.
"Oui, merci" dit-elle après avoir chassé les dernières larmes de ses yeux. "Peut-être que tu as raison. Peut-être que, cette fois... nous avons une chance."
Le survivant fut satisfait de sa réponse et repris son chemin vers les cachots. Il était heureux de pouvoir soutenir Poudlard comme elle le faisait souvent pour lui a sa manière. Il la salua une dernière fois avant de descendre le long colimaçon d'escalier qui le mena aux cachots où il regagna rapidement sa propre salle commune.
Salle commune où se trouvait Nerys, prince de Serpentard, qui était dans le salon, assis sur son fauteuil et lisant un livre comme s'il n'était pas deux heures du matin.
Le Serpentard de sixième année lui lança un regard plat avant de rapporter son attention sur son roman.
"J'espère pour toi que tu ne t'es pas fait prendre," dit-il sans lui donner un regard.
"Bien sûr que non. Je suis le survivant," répondit Harry. Cette excuse était presque devenue un réflexe qui justifiait tout à son propos.
C'était probablement le cas maintenant qu'il y pensait.
Nerys sourit, amusé, ferma son livre et lui frotta affectueusement les cheveux avant de lui dire d'aller dormir.
"Tu dois en avoir besoin. On dirait que tu as été poursuivi par des détraqueurs," compléta le prince en retournant dans sa propre chambre.
Harry se demanda pourquoi le prince de Serpentard était debout à deux heures du matin avant qu'un bâillement n'interrompe ses pensées et l'oblige à retourner dans sa chambre pour profiter des cinq heures de sommeil qui lui restait.
Le lendemain, Harry reçut, une fois de plus, un mot délicat de Drago.
"Le sommeil ne te réussit vraiment pas, tu es encore plus affreux qu'hier," fit platement le blond en terminant de nouer sa cravate.
"Bonjour Drago," répondit Harry en quittant leur chambre. "Je pars devant, on se rejoint dans la grande salle."
Le survivant voulait aller voir discrètement Neville à l'infirmerie. Son camarade était quelqu'un de bien et sera sans aucun doute un courageux Gryffondor comme celui de son ancienne vie. S'il pouvait l'aider pour le remercier de tout ce qu'il a fait dans sa vie précédente, il le ferait. Et il commencera aujourd'hui en lui disant qu'il pourrait toujours compter sur lui.
"Salut Harry," dit Neville en quittant l'infirmerie avec un flacon de pilule multicolore en forme d'étoiles.
"Salut Neville," lui retourna le survivant. "Ce sont des pilules pour l'angoisse ?"
Est-ce vraiment une bonne idée d'en donner à une personne aussi jeune que Neville et le tout sans la moindre instruction supplémentaire ou surveillance ? Et pourquoi avait-elle l'air aussi bonne ?
"Non, c'est juste des dragées au sucre. Pomfresh ne veut pas me donner autre chose. Elle dit que le sucre est bon pour le moral. Tu en veux ?"
Ce n'est pas raisonnable.
"Oui."
Mais Harry s'en moquait bien. Et Drago n'est pas là pour le gronder.
"Non, il n'en veut pas," fit une voix froide derrière eux.
Le survivant grimaça, il avait parlé trop vite, une fois de plus.
Neville se tassa un peu sur lui-même devant l'héritier Malfoy. Voyant cela, le brun décida de faire les présentations en indiquant, avec un regard lourd de sens, que le Gryffondor était son ami. Cela avait assez bien fonctionné pour Hermione, pourquoi pas Neville ?
Et ça marcha étrangement bien. Peut-être parce que Drago savait qu'il ne fallait pas attaquer les amis du survivant ou bien parce que Neville était un sang pur, Harry n'aurait su le dire, mais cela l'arrangeait bien.
Le trajet vers la grande salle fut agréable et les deux enfants de onze ans, bien qu'issues de maisons ennemies, discutaient ensemble sans insulte ou sous-entendu. Même si, fidèle à lui-même, Neville eut du mal à se détendre. Cependant, il n'avait pas la même appréhension envers Drago qu'il avait pu avoir avant son aventure de la nuit précédente. Entre-temps, il avait appris à connaître un peu plus Harry et se demandait maintenant si toutes les rumeurs sur les élèves de Serpentard étaient bel et bien véridiques.
Arrivé devant la porte, Harry se tourna vers Neville et lui dit au revoir.
"Si les Gryffondor te voient avec nous, tu risques d'être mis de côté, alors on se voit tout à l'heure."
"Même si vous êtes des Serpentards, je pense que vous êtes vraiment de bonnes personnes. Tu l'as prouvé plusieurs fois la nuit dernière," sourit Neville, touché par l'attention d'Harry.
Le survivant sourit. Peut-être que son ancienne vie était derrière lui. Que les amitiés et les relations qu'il avait mis tant d'années à développer et entretenir étaient redevenues poussière, mais il était heureux de voir que de nouvelles relations bénéfiques se développaient pour lui. Il lança un regard discret à Drago avant de hausser les sourcils d'étonnement.
Le blond était pris entre deux émotions et cela se lisait sur son visage.
"Drago ?"
"C'est bien… C'est la première fois qu'un élève d'une autre maison trouve qu'un Serpentard est une bonne personne," souffla-t-il en entrant dans la grande salle.
"Les Serpentards ne sont pas insensibles. Ça les blesse quand même de voir qu'ils sont détestés par les autres élèves," murmura Poudlard près de lui. "Surtout les premières années qui ne connaissent même pas l'origine de cette haine."
"Je ne m'en étais jamais rendu compte," dit doucement Harry. Heureusement pour sa réputation déjà bancale, Drago ne l'avait pas entendu.
"Ils sont doués pour le cacher."
«Mais les Serpentards étaient toujours mauvais avec nous dans ma première vie. Ils étaient moqueurs et méchants. Et c'était des tricheurs au Quidditch.» Réfléchis Harry.
"Pourquoi auraient-ils eu un autre comportement ? Qu'importe ce qu'ils font, ils seront toujours face à une méfiance et une hostilité vieille de plusieurs siècles. Il est plus facile d'être détesté pour quelque chose que l'on a vraiment fait plutôt que d'être détesté injustement," expliqua tristement Poudlard.
Harry sentit un poids s'installer dans sa poitrine. Il avait participé à cette image pendant de longues années. Il avait mis de côté tous les Serpentard lorsqu'il était à Gryffondor et il refusait d'imaginer une seconde qu'ils pourraient être autre chose que mauvais.
Quel hypocrite il était de juger McGonagall sur ce qu'il avait lui-même fait dans son ancienne vie.
Le brun soupira avant d'entrer dans la grande salle à son tour et de s'installer au côté de Drago qui avait repris son air habituel. Pour finalement se transformer en regard suspicieux.
"Tu as plus qu'intérêt à me dire ce qui s'est passé la nuit dernière et ce dont parlait Neville, ou je te jure que je serais vexé à vie d'être mis à l'écart alors que je suis ton ami. Et je suis insupportable lorsque je suis vexé."
Oh, ça, il le savait. La dernière fois, ça lui a valu six ans de haine mutuelle.
Harry lui expliqua alors son aventure avec un léger soupir défait. Drago bouda un peu de ne pas avoir été là pour faire du balai avant de dire que c'était peut-être une bonne chose en entendant l'histoire du chien à trois têtes pendant que son visage perdait des couleurs en s'imaginant face à une bête aussi monstrueuse.
Puis finalement, réfléchissant à l'aventure de son camarade, le blond eut une nouvelle illumination d'inspecteur Malfoy. Le cerbère est forcément un gardien. C'est d'ailleurs leur seul rôle connu.
"Il gardait probablement une porte !"
"Une trappe," ne put s'empêcher de corriger Harry avant de se gifler mentalement.
"Alors c'est sûr ! Il protège clairement quelque chose."
"J'imagine que tu ne m'écouteras pas si je te demande de… laisser tomber ?"
"Mon enquête avance et de nouveaux indices apparaissent," dit Drago en l'ignorant.
"Je m'en doutais."
