Bonjour chers lecteurs/trices !
J'espère que vous vous portez bien.
Je suis contente de vous livrer enfin le Chapitre 25. Avec lequel - je dois bien le reconnaître - j'ai eu quelques déboires. À cause d'un problème de chat, qui adore écraser ses coussinets sur tout clavier à disposition, j'ai perdu une grosse sauvegarde. Résultat : j'ai été obligée de rédiger une deuxième fois ce chapitre, dont une grande partie de mémoire. Bref après une bataille ardue et une bande de scotch disposée stratégiquement sur mon ordinateur, j'ai été dans la capacité de boucler le tout à temps.
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Réponse Review :
Guest : J'ai fait ma minute de silence pour la bêtise d'Ace ! Je sens que ça ne va pas se passer comme prévu toute cette histoire et ça va finir par se savoir... j'ai presque envie que Marco soit au courant pour voir sa réaction ! Si ça arrive moi je dis RIP Ace. lol
- Merci beaucoup pour ce commentaire et surtout d'avoir pris le temps de le rédiger ! Malheureusement je ne peux pas réellement te répondre sans te spoiler. ^^ Mais tu vas pouvoir dès à présent découvrir si la minute de silence pour Ace lui aura porté chance ou non. ;)
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Je vous laisse avec ce chapitre. Comme d'habitude, j'espère que vous en apprécierez la lecture.
Chapitre 25
Erevan, lieu inconnu.
Un vent cinglant et froid s'était levé sur le paysage uniquement teinté de gris. Le sol dépourvu d'herbe était caillouteux et seuls quelques buissons secs semblaient pouvoir survivre sur ces terres désolées. D'imposants rochers presque noirs, reposaient de-ci de-là et de nombreux arbres, qui paraissaient desséchés depuis longtemps, tendaient leurs branches nues et tordues vers le ciel. Le terrain n'était pas plat, loin de là. Au détour d'une montée accidentée, on pouvait voir apparaître une crevasse ou un canyon. L'eau avait dû creuser ces failles il y a fort longtemps. Avant de se retirer, laissant ces cicatrices qui déchiraient le paysage. De plus, un silence absolu y régnait en maître. À l'exception des bourrasques puissantes, qui raisonnaient lugubrement en s'engouffrant dans les crevasses. Même le ciel nuageux, grisâtre tout comme l'endroit, rendait le tableau d'autant plus sinistre et presque angoissant.
Durant leur recherche d'abri, ils n'avaient pas croisé âme qui vive, pas le moindre animal ou quelconque et insignifiant insecte. Tout semblait mort, endormi dans un profond sommeil éternel. Comme si la vie elle-même, avait déserté ces tristes lieux, en emportant la chaleur et les couleurs au passage.
En haut d'un imposant rocher qu'elle avait escaladé, Isaya observait l'horizon. Une main au dessus des yeux pour maintenir en place ses cheveux, balayés par le vent violent. Dans son dos, son poncho voletait furieusement comme s'il pouvait s'envoler à chaque instant. Depuis son perchoir, elle essayait de reconnaître la chaîne de montagne qu'elle pouvait apercevoir au loin, afin de se situer avec plus de précision. Pendant qu'elle réfléchissait, un raclement de gorge puis une voix s'éleva en contrebas :
- Du coup tu sais où on se trouve ?
Après encore une minute d'observation, elle désescalada la roche pour atterrir aux pieds d'Ace. Tout comme elle, il avait rangé son chapeau dans son sac afin que ce dernier ne lui soit pas arraché de la tête.
- Je pense qu'on est à l'extrême nord-ouest du royaume. Mais je n'arrive pas à savoir où exactement. À mon avis on est bien enfoncé dans le territoire des géants.
Le pirate ouvrit de grands yeux intrigués.
- Les géants existent aussi ici ?
- Tout à fait. Mais ils vivent reclus et évitent tout contact avec les autres peuples.
- Ce serait sympa d'en croiser un !
- Je dirais plutôt le contraire, crois-moi. Ils détestent les êtres humains suite à une guerre qui eut lieu il y a plus de deux cent ans. À cette époque ils ont été traqués et repoussés jusqu'en ces terres désolées. On peut donc parfaitement comprendre leur rancœur. Surtout qu'ils ont une espérance de vie de plusieurs centaines d'années et une très bonne mémoire.
- Ah. Moins cool alors.
La dragonnière le vit grimacer. Lui qui voulait découvrir ce monde, se retrouvait dans l'un des endroits les plus hostiles du royaume.
- Au final le hasard t'a puni. On se retrouve dans un lieu désolé, loin de tout et sans aucun signe de vie à l'horizon.
Le commandant ne répondit rien mais elle devina, à son expression faciale, qu'il était fortement déçu.
Ils reprirent alors leur route car la jeune femme avait repéré l'entrée d'une grotte non loin. En effet, ils avaient besoin de se reposer un peu, à l'abri des bourrasques glaciales. Isaya espérait également que l'assimilation du fragment se passe ici. Ils avaient donc quelques heures devant eux avant le lever du jour dans l'autre monde.
Après quelques minutes de marche, le duo s'engagea dans un ancien lit de rivière. Avant de tomber sur le fameux endroit repéré préalablement. Au final il ne s'agissait pas d'une simple grotte mais d'une gigantesque caverne, d'une hauteur vertigineuse et s'enfonçant profondément dans la roche. Un dédale de boyaux semblait s'étirer dans la pénombre ambiante. Mais ne voulant pas prendre le risque de se perdre, ils restèrent à proximité de l'entrée.
Les traces d'un très ancien foyer, cerné de pierre, étaient présentes et un reste de bois mort reposait non loin. Isaya démarra rapidement un feu; tandis qu'Ace se délestait du fardeau qu'était l'homme inconscient sur son épaule. Compte tenu de la manière dont le pirate l'avait mis KO, il était très peu probable qu'il se réveille de sitôt. Et c'était tant mieux ainsi, car la dragonnière aurait été obligée de l'assommer de nouveau et cela ne la réjouissait guère. Après tout l'homme avait juste eu le malheur d'absorber un fragment de pouvoir et subir un coup infusé de haki, était déjà assez brutal. Alors autant éviter de l'amocher encore plus.
Une fois installé à ses côtés, le commandant se proposa de monter la garde pour que la jeune femme puisse faire un court somme. Ce qu'elle accepta avec joie puisque son mal de tête n'était toujours pas passé. Sans oublier la fatigue qui accompagnait le passage d'un monde à l'autre. C'est donc près de la chaleur du foyer et emmitouflée dans son poncho, qu'elle ferma les yeux avant de s'endormir presque instantanément.
Seulement une petite heure s'était écoulée quand Ace la tira brusquement de son sommeil réparateur. À sa mine inquiète et sa posture extrêmement tendue, Isaya comprit qu'il y avait un problème. De son côté, le pirate avait les yeux rivés vers l'entrée de la caverne. Elle se retourna immédiatement avant de se figer à son tour.
Juste devant eux, comme une apparition fantomatique, se tenait un géant. Ce dernier ne faisait pas moins de dix mètres de haut et les fixait intensément. Ses yeux noirs et le bas de son visage, dissimulé sous une étoffe, ne permettaient pas de déterminer ses pensées. Surtout que rien ne se dégageait de lui, aucune aura ni intention particulière. Comme s'il n'était pas réellement présent mais le fruit de leur imagination. Seul le bruissement de ses vêtements dans le vent, attestait de sa présence.
Tout comme son regard, ses cheveux longs et décoiffés étaient d'ébène. Le manche long, de ce qu'on devinait être une claymore gigantesque, dépassait de son dos. Ses habits composés d'un mélange de tissu et de cuir, dans des teintes de gris sombre et de noir, se révélaient tout juste sous sa cape élimée. Son apparence générale faisait qu'il se fondait parfaitement dans le paysage et malgré sa taille, il respirait la discrétion même.
Le duo se releva alors très lentement et le commandant lui chuchota :
- Je ne comprends pas, je ne l'ai pas du tout senti arriver et pourtant j'étais sur mes gardes. Même maintenant mon haki ne le détecte pas.
Soudainement l'énigmatique apparition leva la main pour abaisser l'étoffe lui dissimulant le visage. Ainsi une profonde et hideuse cicatrice partant de son oreille gauche jusqu'à la commissure de ses lèvres, se révéla à leurs yeux. Puis il fit lentement, quelques pas en leur direction. Étonnamment ce déplacement était léger, silencieux, alors que le duo s'attendait clairement à ce que le sol tremble sous ses pieds.
À son approche, Ace voulut se placer devant la jeune femme mais cette dernière lui retint le bras pour l'en empêcher. Car de son côté, l'esprit d'Isaya tournait à toute vitesse. Quelque chose chez le géant lui semblait presque familier, comme un souvenir lointain. Elle creusa alors dans sa mémoire avant que l'information qu'elle cherchait ne lui revienne subitement. Elle se souvenait enfin pourquoi sa cicatrice, son épée et le fait qu'on ne puisse le détecter, lui rappelait quelque chose.
En effet son maître lui avait longuement parlé de l'affrontement entre les humains et les géants, qui partait d'une simple querelle pour des territoires. Mais le mage guerrier lui avait plus particulièrement conté le récit d'un dragonnier, qui avait déserté son poste et son devoir, pour s'allier à un redoutable géant. Se révoltant ainsi contre les dirigeants des deux peuples belliqueux, afin de stopper l'inutile guerre sanglante. Malheureusement ils avaient échoué dans leur titanesque entreprise et leur combat utopique avait brutalement pris fin lors d'une embuscade. Le géant y avait été terriblement blessé, y comprit au visage et ce de l'oreille jusqu'à la lèvre. Le dragonnier, quant à lui, avait péri sous les coups d'un de ses anciens camarades. Non sans faire don d'une partie de ses pouvoirs à son unique allié et frère d'arme, avant de rendre son dernier souffle.
Cette histoire avait marqué l'adolescente qu'elle était à l'époque, s'imaginant les deux rebelles contre le reste du monde. Unis malgré leurs différences pour un but commun. En réalité cet événement était bien connu des dragonniers, mais la royauté avait fini par en bannir les traces écrites des bibliothèques de l'académie militaire.
Quant au maître d'Isaya, il considérait cela important d'étudier chaque point de vue des différents partis, pour mieux comprendre les tenants et aboutissements d'un conflit. Sans oublier qu'explorer le passé et son histoire permettait d'en tirer des enseignements éclairés. Au passage, le mage lui apporta les clés pour se forger une réflexion propre à elle-même et surtout, lui inculqua la tolérance et l'ouverture d'esprit. Après tout, Iron Gawallel Oak avait toujours été un homme critique et intelligent. N'hésitant pas à remettre en question l'ordre établi, si celui-ci lui semblait absurde ou discutable. D'ailleurs ce trait de caractère lui valut la réputation d'être un mage inflexible et tenace.
C'est donc forte de sa mémoire des événements du passé, que le surnom donné au géant à cette période, glissa entre ses lèvres :
- Le Fantôme Noir d'Urthos...
De son côté il s'arrêta net en l'entendant et la sonda énigmatiquement, de ses yeux plissés. Il était tout bonnement impossible de deviner ses réflexions. En cet instant le temps sembla se figer, tout comme les personnes présentes dans la caverne. Mais quand un bûche crépita bruyamment dans le feu, la jeune femme sortit de son étrange état de suspension. Elle s'avança d'un pas et c'est humblement, qu'Isaya plaça sa main sur son cœur. Tout en s'inclinant dans le salut des dragonniers et prononçant le véritable nom du guerrier :
- « Ae Oquoa », Sieur Slimir Flenmalog. C'est un immense honneur et privilège, que de croiser votre chemin.
Cela aurait été mentir de dire qu'elle se sentait sereine face à une telle légende. Et lorsque le célèbre personnage lui répondit d'une voix profonde et puissante, elle sursauta très légèrement. Mais c'était bien assez pour qu'il remarque sa nervosité flagrante.
- Cela faisait bien longtemps que mon nom n'avait pas été prononcé de la bouche d'un humain. Dragonnière ?
- Bengali, Isaya Bengali.
Le géant s'inclina à son tour et lui rendit son salut :
- « Ae Oquoa », Dragonnière Isaya Bengali.
Derrière elle, Ace n'osait plus bouger. Il ne comprenait rien à ce qu'il se passait et se contentait d'observer la scène pour éviter tout faux pas de sa part.
Slimir Flenmalog quant à lui, jeta un œil au pirate et à l'homme qu'ils avaient « momentanément kidnappé ».
- Une jeune dragonnière à la chevelure immaculée et sans son dragon, deux hommes dont un restreint et inconscient, tous trois affublés de bien étranges habits. Cela est à se demander ce que fait une si mystérieuse compagnie en ces terres désolées. Cependant, une question en entraînant toujours bien d'autres, je tairai les miennes et vous garderez les vôtres.
Isaya ne put que s'incliner face à ses propos pleins de bon sens et le géant lui offrit un léger sourire appréciateur. Puis il replaça l'étoffe sur son visage et prit la direction des profondeurs de la caverne. Non sans lancer un dernier avertissement :
- Bien des périls se tapissent dans la noirceur de ces lieux. Humains prenez garde et que le destin guide vos pas.
C'est ainsi que le Fantôme Noir d'Urthos s'évapora dans la pénombre souterraine. Aussi soudainement qu'il était apparu, sans un bruit, tel la légende d'un autre temps qu'il incarnait. Sa venue et l'échange n'avaient duré qu'un bref instant, mais l'intensité du moment était bien assez important, pour les marquer à coup sûr.
Le duo resta alors un long moment silencieux, analysant l'étrangeté de ce qu'ils venaient de vivre. Se posant dès lors un millier de questions. Mais au bout d'un moment, le commandant n'y tint plus :
- Tu m'expliques ce qu'il vient de se passer ?
Alors encore grisée et émerveillée par cette rencontre improbable, elle lui raconta en détail l'histoire de l'illustre guerrier.
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Arakum, Palais Royal.
Cela faisait plus d'une heure qu'Iron Gawallel Oak se trouvait dans l'antichambre des appartements royaux. D'après le règlement et l'étiquette du palais, il devait patienter dans le calme, jusqu'à ce que le roi daigne le recevoir. Mais la patience ne collait certainement pas avec son tempérament. Et tandis qu'on attendait du maître mage qu'il reste silencieux et assis, ce dernier faisait les cent pas dans la petite salle. Heureusement qu'elle était pourvue d'épais tapis au sol, sinon on l'aurait entendu répéter inlassablement le même parcours en boucle.
Au bout d'un moment, son ballet incessant fut interrompu par un valet, qui arriva par un passage dérobé. Il murmura des paroles aux gardes royaux, postés devant les portes closes, qui n'avaient eu de cesse de narguer le mage par leur immobilité. Alors quand les hommes armés eurent l'ordre d'ouvrir, Iron souffla d'impatience. De l'autre côté des lourds battants se trouvait le chambellan royal. Ce dernier l'invita à le suivre et ils se dirigèrent vers le bureau du souverain.
Ce n'était pas son cabinet officiel, où il recevait les personnes de marque et ses généraux, afin d'y régler ses obligations d'état. Mais celui qu'il utilisait dans le privé ou pour les affaires secrètes. Le chambellan toqua jusqu'à ce qu'une voix s'élève et l'invite à entrer. L'homme s'exécuta en laissant le mage le devancer. Puis il referma la porte tout en se retirant afin de laisser les occupants dans la confidentialité.
La pièce n'était pas très grande mais richement décorée. Une bibliothèque parcourait tout le mur de droite et débordait d'ouvrages, vases et objets précieux en tout genre. Le mur gauche quant à lui, était recouvert de tapisseries délicatement brodées, représentant des scènes de batailles ou retraçant l'histoire riche et ancienne du royaume. On pouvait également apercevoir des tableaux et portraits d'anciens dirigeants. Ainsi que quelques trophées de chasse, de créatures toutes plus rares et féroces que les autres. Les mêmes tapis que dans l'antichambre, finement tissés, reposaient sur le sol de marbre. L'unique fenêtre des lieux était camouflée par de longs rideaux en velours rouge, tirés et ne laissant pas la lumière du jour passer. Imposant ainsi une ambiance sombre et intimiste. Seuls de nombreux orbes lumineux, qui flottaient à chaque coins de la pièce et au plafond, apportaient la clarté nécessaire à une réunion secrète. Enfin, face à l'entrée, trônait l'imposant bureau, fabriqué dans un bois précieux et noirci par les années. Derrière celui-ci, assis dans un lourd fauteuil de cuir, se trouvait le roi.
Ayant délaissé ses habits d'apparat et sa couronne, il était simplement vêtu d'une tunique bleu saphir et brodée de fils d'or, aux couleurs de l'emblème royal. Penché en avant dans son siège, le monarque avait les coudes sur son bureau, ses mains entremêlées devant le visage. Dans une posture pensive et soucieuse. À l'arrivée d'Iron et une fois la porte close, il releva la tête et se redressa dignement. Ses longs cheveux bruns et ondulés, se replacèrent sur ses épaules, dévoilant un profond regard bleu indigo. Puis il passa ses doigts sur sa barbe taillée assez court, dans un tic habituel et familier.
Le roi était accompagné de son fidèle conseiller et secrétaire royal, posté à sa droite, légèrement en retrait. Ce dernier s'avança droitement et prit la parole :
- Maître Iron Gawallel Oak, vous êtes en présence de Sa Majesté, témoignez votre respect...
Le monarque sembla agacé par tant de cérémonie mais laissa l'homme continuer sa tirade protocolaire.
- ... et saluez Favian Aylard Godefroy de la Maison Astarel de Larmafort, Souverain du Royaume d'Erevan et -
Cette fois-ci, n'y tenant plus, le roi leva la main pour interrompre l'homme.
- Il suffit Isambard, faisons fi de toute cette bienséance ronflante. La journée fut bien assez longue pour cela.
- À votre guise votre Majesté.
Le conseiller royal reprit donc sa place initiale. De son côté le mage s'inclina profondément et respectueusement, avant de s'exprimer :
- Vous m'avez fait quérir Sire ?
- Tout à fait Maître Mage. Vous devez vous douter que si nous nous retrouvons ainsi, dans le plus grand des secrets, c'est pour discuter du cas d'Isaya Bengali.
Le mage resta silencieux afin que le souverain puisse développer ses propos. Mais il décela la tension latente dans sa voix.
- Dame Cassandre d'Albenas, étant notre conseillère en magie, nous tient informé des détails et avancées de cette fâcheuse affaire. C'est ainsi que nous avions appris la mauvaise nouvelle, à propos de la potentielle survie de votre ancien élève, Jace Loksann. Sans en être pour autant, tout à fait certain. Mais les dernières informations recueillies à son sujet, nous paraissent des plus inquiétantes... Deux questions se posent donc. Comment se fait-ce, que nous le découvrîmes par le biais de nos propres sources et recherches ? Et quand comptiez-vous nous en faire part ?
À ses paroles, le souffle d'Iron se figea un court instant. Quelqu'un autre que Cassandre, Lance et lui-même, avait appris que Jace comptait s'en prendre à Isaya et se venger. La discrète Dame n'aurait jamais parlé sans l'en aviser au préalable et le dragonnier avait prêté serment de confidentialité. Il devait donc s'agir d'un des nombreux espions et informateurs du roi. Peut-être avait-il mis la main sur la dernière missive, plus qu'alarmante d'Isaya ?
En effet la terrible nouvelle avait ébranlé l'homme, dit fait d'acier. Au point de n'en pas fermer l'œil de nombreuses nuits consécutives, à cause du terrassant sentiment de culpabilité et de son échec en tant que maître. De plus il avait profondément peur pour la jeune femme. Car dorénavant il savait Jace capable de tout pour la retrouver. Y compris mener une vengeance sanglante. Sans parler du lien unissant ses deux anciens élèves, probablement suite au sort de bannissement, et qui facilitait le jeune mage dans sa traque.
Devant son silence qui en disait long, le conseiller Isambard le pressa:
- Maître Gawallel Oak, Sa Majesté attend une réponse.
Le mage se reprit donc à l'injonction et se redressa dans une posture digne.
- Sire, je comptais vous en parlez dès que j'aurai collecté un maximum d'informations à ce sujet. Je ne tenais pas vous donner de quoi vous inquiétez plus que de raison.
Dès qu'il eut cessé de parler, le souverain explosa. Il tapa du poing sur le bureau, faisant sursauter les deux hommes présents avec lui dans la pièce. Le geste renversa au passage un encrier, qui se déversa sans retenue sur le bois. L'atmosphère était électrique et l'air pesant de tension, tout juste contenue. La voix du roi gronda :
- Une fois qu'il aurait été trop tard ? Quand le mage aurait tué la Dragonnière Bengali, puisé dans ses pouvoirs et trouvé un moyen de revenir ici-même ? Le parjure cherche vengeance ! Nous avons donc déjà de quoi nous en soucier. Il a trahi son roi, sa patrie, sa plus fidèle camarade et même son maître ! Sans oublier qu'il a déniché, d'on ne sait où, un puissant artefact qui s'est avéré terriblement dangereux, pour le mettre au profil de l'ennemi ainsi que de ses ambitions personnelles.
Le mage répliqua :
- C'est impossible qu'il y parvienne, votre Majesté. Le monde dans lequel il se trouve, est bien trop vaste et dangereux pour qu'il réussisse si aisément.
Cette réponse n'apaisa pas le roi, au contraire :
- Mais comment voulez-vous que nous le sachions si vous ne nous donnez aucune information à ce sujet ! Expliquez-nous tout en détail, une bonne fois pour toute !
Bien que buté et n'hésitant pas à défier l'autorité, Iron sentit qu'il devait tout révéler au roi et ainsi apaiser sa colère. Il n'avait rien à gagner de cette situation et le sort d'Isaya dépendait entièrement de son bon vouloir. Alors le mage s'empressa de relater tout ce qu'il avait appris sur le monde étrange où avaient atterri ses anciens élèves.
Un lourd silence prit place. Le souverain semblait réfléchir profondément et le mage eut un mauvais pressentiment. Rompant l'angoissante attente, le roi déclara :
- L'objectif premier de la Dragonnière Bengali ne sera plus de nous revenir au plus vite. Mais de se débarrasser du félon coupable de parjure.
Sur le coup, ce fut au tour du maître de perdre toute contenance :
- Impossible ! Révoquez cette idée insensée Sire !
Le secrétaire et conseiller réagit immédiatement à ce manque de respect :
- Surveillez vos paroles Maître Mage, vous êtes en la présence de Sa Majesté ! Je pensais que la Dame d'Albenas vous avait appris, au moins, le bon sens. Quel temps perdu pour sa bonté de cœur, je l'en plains sincèrement. Car de ce que je vois, il semblerait que vous soyez un cas désespéré et profondément incurable.
Devant l'insulte à peine dissimulée, Iron serra les poings tout en regardant sombrement Isambard. Une brève lueur de magie passa dangereusement dans ses pupilles. Alors fatigué de cette mésentente entre les deux hommes – qui prenait racine il y a de nombreuses années – le monarque interrompit le conflit qui s'annonçait :
- Isambard, veuillez-nous laisser.
- Si cela est votre souhait, Sire.
L'homme congédié s'inclina, avant de claquer les talons et se retirer du bureau. Non sans toiser le mage une dernière fois au passage. Une fois fait, le roi poussa un long soupir avant de s'adosser dans son siège, d'une manière lasse. Abandonnant complètement l'étiquette de son rang et du palais, il s'adressa familièrement au maître :
- Bon, trêve de bavardages et autres pertes de temps Iron. Parlons d'homme à homme et non de souverain à sujet. Je crois savoir ce que vous pensez mais je veux entendre vos réticences. Expliquez-vous donc.
- Isaya n'a toujours pas recouvré la totalité de ses capacités et Ojutaï est faible. Tous deux ne sont pas de taille à affronter Jace dans l'immédiat. Dame Cassandre a presque fini de travailler sur un moyen de faciliter la récupération des fragments de pouvoir. Vous devez donc leur laisser du temps afin de se renforcer, avant de lui faire face. Je pense que...
Le mage s'était stoppé, peu sûr de la réaction que déclencherait le reste de ses propos. Mais d'un geste de la main, le monarque l'invita à terminer sa phrase.
- ...ce serait folie de bêtement perdre l'un de vos meilleurs éléments, à cause de la précipitation qu'engendre la peur.
Il y eut alors un moment de flottement, les deux hommes se scrutaient fixement. Iron abaissa le premier son regard, laissant son vis-à-vis méditer sur l'affront de ses mots. Mais ce dernier ne s'en offusqua pas :
- Je vais vous pardonner votre attitude rude et offensante, mais uniquement pour cette fois. En tant que père, je peux comprendre votre angoisse. Car je sais que vous avez tissé des liens forts avec la Dragonnière Bengali, plus profonds et filiaux que ceux d'un simple maître et élève. Moi-même j'ai été terrifié lorsque j'ai envoyé guerroyer mon fils aîné, encore adolescent à ce moment. Priant pour qu'il me revienne sain et sauf. Mais vous devez tout de même intégrer, qu'Isaya n'est plus sous votre responsabilité. Elle a brillamment réussi ses classes et s'est illustrée pendant cette horrible guerre, ce n'est donc plus une enfant et ce depuis bien longtemps. Des années même ! Notre unique dragonnière, fait désormais partie intégrante des forces armées du royaume. Avec les devoirs et les obligations qui appartiennent à sa caste. Tous nos dragonniers s'y plient, elle y compris.
Le mage resta silencieux. Il savait que le souverain avait raison. En temps normal, l'homme dur et froid ne se serait pas autant pris d'affection pour un élève, car beaucoup ne parvenaient pas au bout de leur formation. Mais avec Isaya, cela lui avait été tout bonnement impossible. À l'époque, l'enfant s'avéra être intelligente, douée, humble, d'une droiture sans demi-mesure et la meilleure élève qu'il ait jamais eu. Mais surtout, elle lui rappelait un passé qu'il s'était efforcé d'enterrer à tout jamais. En effet nul ne le savait, mais Iron Gawallel Oak avait été marié et père, avant de tout perdre brutalement. La dragonnière lui rappelait donc, par extension, sa petite fille qu'il n'avait pas eu la chance d'élever et de voir grandir.
Inconscient de ses pensées, le roi continua d'un ton compréhensif et doux :
- Iron, vous êtes au fait de la situation politique et économique du royaume. Nos terres sont pillées et mises à sac chaque jour. De plus des félons sans scrupules se tapissent dans les ombres, et convoitent ce qui leur étaient inaccessible auparavant. Sans oublier que notre ennemi attend la moindre faille pour relancer le conflit. Pour l'instant la couronne tient bon mais je ne peux décemment pas prendre le moindre risque. Donc cela signifie qu'on ne peut laisser une chance à Jace Loksann. Il pourrait revenir détruire ce précaire équilibre et c'est le peuple tout entier qui en pâtirait. Mais ça vous le savez déjà.
Le mage passa une main sur son visage tout en soufflant doucement. Il savait que le monarque avait – encore une fois – entièrement raison. La sûreté d'un royaume tout entier, prévalait sur le sort d'une unique personne.
- Je le sais Sire... Après qu'ils aient été prêts à se sacrifier, je souhaitais juste épargner un peu plus longtemps Isaya et Ojutaï. Même si cela n'est pas objectif de ma part.
- Iron, ne vous reprochez pas votre bienveillance à leur égard. Erevan peut s'estimer chanceux et reconnaissant d'avoir de tels protecteurs sous sa bannière. Les moyens qu'ils ont employés pour arrêter le mage renégat, sont admirables et la couronne leur en est infiniment redevable. Hélas, je dois leur en demander toujours plus pour le bien commun, car tel est leur devoir. Je veux bien leur accorder un peu de temps mais ce sera tout.
Le roi se leva alors avec prestance. Revêtant de nouveau son fardeau et rôle de dirigeant, il prit une voix forte et autoritaire :
- Maître Iron Gawallel Oak, ceci n'est pas une requête mais un ordre. La Dragonnière Isaya Bengali doit à tout prix éliminer le parjure Jace Loksann. Veillez donc à faire parvenir notre parole de souverain. À présent vous pouvez disposer.
Puis il tourna le dos au mage, dans une invitation silencieuse à débarrasser les lieux. Ce dernier n'eut donc d'autre choix, que de s'exécuter. Dorénavant il avait pour devoir de prévenir Isaya de la volonté du roi. Mais pour l'instant il s'empressa de rejoindre Dame Cassandre afin de recueillir ses paroles toujours avisées.
[...]
Nouveau Monde.
Les heures défilant et ne pouvant attendre plus longtemps, Ace et Isaya furent contraints de repartir. La dragonnière les ramena donc juste avant le lever du soleil, dans la bâtisse abandonnée. Les horribles sensations du retour furent bien plus intenses qu'à l'aller. Du moins pour le pirate. Ce dernier se retrouva - de nouveau - à rendre le contenu de son estomac, avant de momentanément perdre conscience. Mais une fois ressaisi et les effets du passage dissipés, il se chargea d'abandonner l'homme kidnappé dans un recoin désert. Quant à la dragonnière, elle en profita pour rassembler leurs affaires qui s'étaient éparpillées, lors de leur brusque arrivée.
L'assimilation ne s'étant toujours manifestée, ils restèrent dans leur cachette temporaire. Hésitant entre patienter ou se mettre en mouvement. Mais à peine eurent-ils le temps de tergiverser, que la crise se déclencha soudainement. Avant d'entrer en phase de méditation, Isaya se fit la réflexion que dans ce monde, l'intégration du fragment à son organisme semblait presque toujours, se produire rapidement après son retour. Au contraire d'Erevan, où cela était activée par des émotions intenses et fortes. En tous cas jusque là mais il lui faudrait creuser sérieusement cette théorie plus tard.
De son côté, Ace découvrit alors que la jeune femme se retrouvait profondément concentrée et coupée de l'environnement extérieur. Sans oublier que la maîtrise du procédé s'accompagnait toujours d'une immense fatigue. Résultat de l'intense effort de contrôle, afin de ne pas laisser l'énergie acquise s'échapper violemment. D'où le fait qu'il devait veiller sur elle pour la protéger de tout danger. Il resta alors en retrait durant l'opération délicate et ne s'approcha qu'une fois Isaya reconnectée à la réalité. Elle était très pâle et son corps tremblait légèrement. La décision de la laisser se reposer encore un peu, s'imposa alors naturellement. Dès que la jeune femme émergea de sa sieste et fut assez en forme pour se déplacer, ils prirent le chemin du port. Le duo ne s'arrêta que pour acheter quelques provisions avant de reprendre la mer. Leur log pose étant rechargé, tous deux se guidèrent grâce à celui-ci, vers l'île suivante.
Le premier jour de navigation, la dragonnière passa beaucoup de temps à somnoler sur Striker. Mais elle fut totalement requinquée dès le lendemain matin. Ne détectant plus aucun fragment à proximité, ils décidèrent de cesser leurs recherches. Puis se fixèrent le but final de rejoindre le point de rendez-vous, déterminé avec Barbe Blanche et son équipage. Bien sûr le commandant prit le temps d'appeler régulièrement leurs camarades et les tenir au courant de leur avancée. Histoire de ne pas se prendre une soufflante.
C'est après un court arrêt sur une petite île, qu'Ace décida de tenter sa chance en esquivant la prochaine, pour foncer directement vers Applenine. Grâce à cette prise de risque et leur rapide embarcation, ils gagnèrent plusieurs jours de voyage. Réduisant ainsi le nombre à quatre jours depuis Prodence. De plus le duo ne rencontra aucun problème en route et la météo resta clémente la plupart du temps, leur facilitant grandement la navigation.
C'est donc avec un temps record d'un peu plus de deux semaines, depuis leur départ du Moby Dick, qu'ils arrivèrent en vue de l'île hivernale. Cela marqua enfin la fin de leur escapade. Et c'était tant mieux, car tous deux étaient éreintés par le rythme élevé qu'ils s'étaient imposés. Une fois à proximité de l'île, ils purent apercevoir le navire de leurs amis, mouiller dans le port au loin. À cette vision Isaya se sentit grandement soulagée. En effet les dernières heures de voyages furent difficiles à cause de la température qui n'avait de cesse de chuter.
Prévenus par un Ojutaï frémissant d'impatience, quelques pirates avaient réussis à s'extirper de leurs lits en cette heure matinale. Ils les attendaient, alignés le long du bastingage, en leur faisant de grands signes. Engourdie par le froid, la dragonnière eut bien du mal à se hisser le long de l'échelle de corde qui avait été déployée. Mais arrivée presque au sommet, une paire de mains la saisit sous les bras, pour la soulever sur le pont. Elle découvrit alors un Marco radieux et tout sourire, lui souhaitant la bienvenue. La joie apparente du pirate à ces retrouvailles, la toucha et lui fit réellement plaisir.
Mais la jeune femme n'eut pas le temps de répondre à son accueil chaleureux, car une masse écailleuse la plaqua brusquement au sol. Le dragon semblait avoir oublié qu'il avait déjà bien grandi et que son poids n'était plus le même qu'auparavant. Bien évidement cette scène déclencha une vague de rires et on aida la dragonnière à se relever. Une fois sur ses jambes, elle enlaça longuement Ojutaï, se reconnectant à lui et profitant de sa présence réconfortante.
Malgré tout, le premier commandant écourta leur accolade, voyant qu'Isaya commençait à sérieusement trembler de froid. À tel point que ses muscles et son corps étaient victimes de spasmes et contractions. Il la poussa donc gentiment vers le réfectoire, où Satch accueillit la troupe avec des tasses fumantes. Le commandant avait même préparé des viennoiseries rien que pour son retour. Avec Ace en face, Satch et Marco de part et d'autre d'elle, la jeune femme se réchauffa doucement, tout en profitant d'un petit déjeuner plus que bienvenu. Le dragon s'était également positionné derrière elle, sa tête reposant sur sa cuisse. Ronronnant presque de contentement lorsqu'elle lui caressait distraitement le front.
Le Moby Dick s'éveillant, la salle se remplit progressivement. Les deux voyageurs furent très vite priés de conter leur périple. Des exclamations fusèrent quand Ace, tout fier, raconta son expérience à Erevan. Mais au fil du récit de leurs aventures et quand les questions devinrent plus précises, le commandant se fit discret. Évitant de donner certaines explications compromettantes. Surtout quand le regard sévère du phénix se posait sur lui, alors qu'il tiquait sur tel ou tel détail de leur voyage. Rapidement il décida de se soustraire aux yeux inquisiteurs et fila rejoindre sa cabine, laissant Isaya tout raconter aux retardataires à peine réveillés. Bien sûr, cette dernière évita de mettre le jeune pirate dans une position compromettante. En effet ils avaient passé un accord à Erevan et Ace avait réussi à acheter son silence à propos de son geste impulsif et irréfléchi. Au final tout s'était bien passé, de leur arrivée dans son monde, jusqu'à leur retour dans celui-ci.
Bien que prise dans les discussions animées, la dragonnière se sentit succomber aux quatre derniers jours intenses de navigation. Elle commençait même à somnoler au dessus de son troisième café, qui avait échoué dans sa mission de la garder éveillée. C'est donc quand elle manqua de se cogner le front sur la table et sous les rires des commandants attablés autour d'elle, qu'elle décida d'abandonner sa lutte inutile. Barbe Blanche qui les avait rejoint depuis un certain temps, l'invita à aller se reposer pendant quelques heures. Quant à Ojutaï, il décida de rester en compagnie de l'équipage. Depuis l'assimilation du dernier fragment, il ne passait plus par l'étroite porte de la chambre de sa maîtresse.
Tout à sa fatigue écrasante, Isaya ne vit pas les regards malicieux des pirates quand Marco s'empressa de prendre son sac, afin de l'accompagner jusqu'à l'infirmerie. Elle se retrouva alors à le suivre à travers le navire, tel un zombie. Une fois arrivée, elle salua Gil d'un rapide bonjour, avant de s'effondrer encore habillée sur son lit. À ce contact moelleux, son corps sembla se déconnecter et le peu d'énergie lui restant, la quitta définitivement. Devant la scène, le commandant se moqua d'elle :
- Fais un effort Isaya. Tu as réussi à atteindre ta chambre alors reste éveillée au moins le temps de te déchausser.
Bien trop heureuse de retrouver enfin le confort d'un matelas, elle grommela :
- Mmh... Pas grave. Plus tard...
Voyant qu'elle menaçait réellement de s'endormir ainsi, le phénix la secoua un peu avant de la retourner sur le dos. Puis il la tira par les épaules afin de l'asseoir. Non sans pouvoir s'empêcher de sourire face à sa mine endormie. Puis il tira sur le poncho, l'incitant à lever les bras. Ce qu'elle fit sans broncher pour ensuite retomber en arrière, dès le vêtement retiré. Le pirate s'attaqua ensuite à ses bottes et rangea le tout proprement. Mais voyant qu'elle ne semblait pas vouloir se mettre sous la couverture, il la remua de nouveau.
- Isaya s'il-te-plaît, je sais que tu es épuisée mais tiens encore quelques secondes et mets-toi sous les draps.
La jeune femme grommela encore mais s'exécuta avec l'aide du commandant. Une fois bien installée, elle se roula en boule et Marco s'installa sur le bord du lit. Il passa alors délicatement sa main sur sa tête et dans ses cheveux, jusqu'à ce qu'elle s'endorme profondément sous le geste léger et empreint de douceur.
[...]
Quand Isaya se réveilla, elle n'avait pas la moindre idée de l'heure. Tout ce qu'elle savait, c'est qu'il faisait encore jour. Encore fatiguée, elle resta dans la chaleur confortable de son lit, ayant beaucoup de mal à trouver la motivation de se lever. En plus il faisait froid, trop même. Le hublot de la petite pièce lui servant de chambre, était gelé et à chaque expiration, de la condensation d'air sortait de sa bouche en une petite vapeur blanche. Luttant pour s'extirper de son cocon, elle frissonna immédiatement puis s'empressa d'enfiler son poncho et ses bottes. Hésitant même à porter son manteau. À la dernière seconde elle se ravisa. Car si elle le mettait de suite, son corps aurait du mal à supporter les sorties hors du navire, sans nouvelle couche de vêtements. D'ailleurs à cette pensée, la jeune femme se figea. En réalité elle ne possédait aucun habit chaud. Bien qu'elle connaisse un sort basique pour se couper du vent glacial, elle ne pouvait pas l'utiliser en publique dans ce monde. Il allait donc sérieusement falloir qu'elle emprunte des vêtements à Izou ou bien qu'elle aille faire quelques achats.
Gardant cette idée en tête, elle chercha le sac contenant les fragments de pouvoirs dans ses affaires de voyage. Mais il n'y était pas. Un début de panique s'empara d'elle, jusqu'à remarquer une note sur le petit bureau. Les quelques lignes griffonnées étaient de Marco. Ce dernier lui expliquait qu'il s'était permis de mettre les cubes en sécurité, dans la cabine du capitaine. C'est donc bien plus sereine qu'elle rassembla quelques affaires avec l'objectif de prendre une douche brûlante.
Ses vêtements sous le bras, elle sortit de sa chambre pour trouver l'infirmerie vide. Il semblait que Gil n'était pas présent. En même temps vu le froid qui y régnait, quiconque aurait tenté de se réfugier ailleurs. Elle fila donc se décrasser dans l'une des salle de bains à l'étage des commandants. La dragonnière y passa un très long moment, se délectant du plaisir que lui procurait l'eau chaude. C'était fou à quel point elle avait pu s'habituer si rapidement à ce genre de confort. À Erevan, quand son énergie était épuisée ou qu'elle devait s'économiser en vue d'une bataille, ses ablutions s'apparentaient plus à une toilette rapide dans une rivière glacée ou un simple broc d'eau. Au final, là-bas, ce genre de luxe dépendait entièrement de la magie.
Une fois propre et réchauffée, elle se mit à la recherche du commandant de la seizième division, afin de lui exposer son « problème vestimentaire ». Grâce à l'un des hommes de ce dernier, elle le trouva en salle de repos. Il lisait un livre dans la pièce relativement calme. Mais à son arrivée et dès qu'elle souleva l'idée d'une sortie achats, Izou s'illumina. Il abandonna bien vite sa séance de lecture, pour courir prévenir le capitaine qu'il sortait avec Isaya. Quand il revint, le commandant la pressa pour qu'elle aille enfiler une veste et lui donna rendez-vous cinq minutes plus tard.
Enfin parée de son manteau et munie de l'argent récolté sur Prodence, la jeune femme retrouva le pirate. Mais quand l'homme poussa la lourde porte qui menait au pont extérieur, elle se stoppa un instant. En effet elle fut surprise par d'épais flocons de neige, charriés par un vent puissant. Pendant sa longue sieste, un blizzard s'était abattu sur le port et rendait donc la visibilité quasi-nulle. On ne voyait rien à plus de deux mètres. Isaya en fut un peu déçue. En arrivant plus tôt ce matin, elle n'avait pas pris le temps d'observer la ville et elle avait eu hâte de découvrir l'île hivernale.
Ne se formalisant pas de son arrêt soudain, Izou l'entraîna par la main vers la rampe du navire, qui avait été abaissée. Connaissant déjà l'île et sa ville principale, il la guida à travers les bourrasques de neige, jusqu'à la boutique la plus proche. Une fois à destination, la commerçante ravie que des clients bravent la météo capricieuse, leur offrit un chocolat chaud de bon cœur.
Isaya laissa le pirate lui choisir ce dont elle avait besoin, sachant qu'il respecterait ses préférences. Au passage elle eut l'extrême bonheur, de découvrir la merveilleuse invention qu'étaient les chaussettes polaires. Il fallait absolument qu'elle s'en procure car cela lui serait bien utile de retour à Erevan. Pendant ses longues patrouilles sur le dos d'Ojutaï, ses jambes avaient tendance à s'engourdir à cause du froid et de l'immobilité forcée.
Rapidement elle se retrouva avec deux-trois pulls, des chaussettes polaires montantes, une paire de gants fourrés, ainsi qu'un bonnet et une écharpe en laine. Puisque son manteau actuel était fin et taillé trop près du corps pour accueillir des vêtements épais, le commandant la poussa à un essayage de plus. Il réussit donc à lui dégoter un très large blouson bombardier noir et à capuche. À sa plus grande surprise, ce dernier s'avéra être extrêmement confortable et chaud, grâce à une doublure en laine épaisse. Alors bien qu'elle nageait un peu dedans, la dragonnière le prit également.
Une demi-heure plus tard, Isaya sortit de la boutique, équipée de ses nouveau habits. Les anciens dans un sac que la vendeuse leur avait donné. Elle fut ravie de ne sentir la morsure du froid que sur ses pommettes, qui dépassaient au dessus de son écharpe. Le duo affronta donc de nouveau le blizzard avant de se réfugier sur le navire.
Le reste de l'après-midi s'écoula tranquillement et dans le calme. La météo démotivait quiconque de s'aventurer à l'extérieur. Alors l'équipage vaquait à ses occupations. Certains se reposaient, tandis que d'autres jouaient aux cartes ou s'affrontaient en salle d'entraînement. À un moment donné, Isaya fut conviée par Gil et Marco, pour faire un rapide bilan de santé. Dans le but de voir si le dernier passage à Erevan avait eu le moindre impact sur son corps. Une fois réalisé, ils discutèrent tous trois d'Ojutaï et des avancées de sa croissance. Le médecin lui montra alors le carnet d'observation, où il retranscrivait tout ce qui concernait le duo venu d'un autre monde.
Le soir venu, l'équipage se retrouva au réfectoire pour le dîner. Puisque tout était excuse à la fête, il avait été décidé de célébrer le retour d'Isaya et Ace. Le repas se déroula donc dans la bonne humeur et surtout l'alcool. Mais arrivé au dessert, un incident éclata.
{-}
Assis à la table des commandants, Satch observait attentivement Isaya et Marco en face de lui, attablés côte à côte. Son camarade était de très bonne humeur et blaguait avec la dragonnière, qui rigolait volontiers à ses réflexions. Ils étaient complices et semblaient un peu dans leur bulle. Le quatrième commandant se demandait quand ces deux là allaient finir par se sauter dessus. Il rêvait d'une longue discussion avec son ami de toujours, à ce sujet. Mais ce dernier était buté et refusait de se livrer en détail. Même s'il avait déjà amplement reconnu et démontré son attirance flagrante. D'ailleurs il aurait fallu être complètement aveugle, pour ne pas voir que le phénix se métamorphosait en compagnie de la jeune femme. Encore plus depuis leur dernier aller-retour à Erevan. Suite à cela, le duo s'était bigrement rapproché.
Satch s'interrogeait seulement si cette attraction était purement physique et temporaire, ou bien plus profonde et sentimentale. Curieux, le pirate se dit qu'il devait peut-être se rabattre sur Isaya afin d'avoir quelques réponses à ses questions. Enfin si il arrivait à lui tirer les vers du nez, vu comment il avait bien pu la taquiner à ce propos.
Sentant son regard sur elle, la jeune femme se tourna vers lui. Il se contenta alors de lui offrir un sourire malicieux. Elle fronça les sourcils avant d'être interrompue par Ace, qui lui glissait discrètement sa part de gâteau au chocolat. Les deux échangèrent un coup d'œil entendu et la dragonnière afficha même une petite moue victorieuse. Cette scène n'échappa pas à Satch et il commença à s'étouffer bruyamment avec sa gorgée de bière. Est-ce qu'il venait bien de voir le plus gros morfale du navire céder son dessert ?
Sa quinte de toux attira les regards et lorsqu'il fut en mesure de parler, il s'écria :
- Mais QUOIII ! T'es malade Ace ?
Les commandants regardèrent alors le concerné, qui s'en retournait le plus discrètement possible à sa place. Vista, ne comprenant pas cette soudaine sidération, interrogea son camarade :
- Qu'est-ce qu'il y a Satch ?
Il s'empressa donc d'expliquer la raison de sa surprise, tout en pointant du doigt le deuxième commandant :
- Ace vient de donner VOLONTAIREMENT son dessert à Isaya !
Un silence tomba sur la tablée et même Barbe Blanche leva un sourcil interrogateur, extrêmement surpris. Tous reportèrent alors leur yeux sur la table devant leur camarade, dépourvue de toute assiette. Puis sur les deux parts de gâteau qui reposaient devant la jeune femme. Les bouches et les yeux des pirates s'ouvrirent en grand, tellement ils étaient sidérés. Il était tout bonnement impensable, que leur plus jeune commandant, cède aussi facilement de la nourriture.
Marco fut le premier à s'exprimer :
- Tu nous expliques Ace ?
Le brun au chapeau se contenta de hausser les épaules.
- Je n'ai plus faim, c'est tout.
À l'entente de sa réponse, Gil se précipita vers lui pour apposer une main sur son front et tenter de déterminer sa température. Ace le repoussa rapidement, baissant les yeux au passage et rigolant nerveusement. Le médecin se tourna d'une manière soucieuse vers la tablée.
- Il n'a pas l'air d'avoir de la fièvre, ni même être malade en réalité.
Cherchant des réponses ailleurs, le phénix se tourna alors vers la dragonnière.
- Isaya ?
- Oh hum, Ace m'en doit une. C'est pour ça qu'il m'offre son dessert.
Dans sa voix on pouvait deviner qu'elle disait la vérité. Elle semblait tout de même avoir du mal à soutenir le regard de Marco, bien que cela reste subtil. Alors un nouveau silence plana sur l'assemblée. À présent tous se demandaient ce que devait le brun à Isaya, et pourquoi. Surtout que celle-ci en omettait clairement la raison et semblait réticente à s'expliquer. De son côté, Ace commençait à transpirer à grosses gouttes, en gigotant nerveusement sur son banc. Il tenta même de lancer un nouveau sujet de conversation mais personne ne se laissa berner. Tenace, le second de l'équipage, ne cessait de passer son regard sur les deux personnes semblant détenir un secret. Tout cela était extrêmement louche et Satch réfléchissait à un moyen de leur faire cracher le morceau.
Mais contre toute attente, ce fut Ojutaï qui exposa la vérité avec nonchalance :
- «Ace a supplié Isaya et ils ont passés un accord. Il lui doit deux semaines de desserts, en échange de sa discrétion.»
Il laissa une courte pause afin d'obtenir l'attention de tous, en s'approchant un peu plus de la table. Il s'installa derrière le deuxième commandant et le fixa sournoisement. Puis il reprit :
- «Pour faire simple, Ace a désobéi à Isaya. Il l'a suivi de force à Erevan en les mettant tous deux en grand danger. À cause de lui, ils auraient pu atterrir n'importe où et c'est pour ça qu'ils se sont retrouvés sur le territoire hostile des géants. Il a donc agi de manière stupide sans réfléchir aux conséquences.»
L'accusé se tourna lentement vers le dragon qui le regardait toujours, tout en se léchant distraitement une griffe, de manière menaçante. Le pirate déglutit avant qu'Ojutaï n'ajoute sombrement :
- «La vie de ma dragonnière a été mise en péril et cela aurait pu très mal se terminer. Isaya a laissé couler mais ça ne veut pas dire que moi oui. En plus pas de chance pour toi petit homme, je suis de nature rancunière.»
Satisfait de sa dénonciation, le dragon vert s'en retourna vers les autres tables pour quémander de la nourriture. Comme si de rien n'était, alors qu'il venait de lâcher une bombe.
Isaya fut la première à se reprendre et tenta vainement de sauver la peau du pirate :
- Alors oui, Ace a fait une erreur et d'ailleurs je l'ai frappé pour cela. Puis on s'est expliqué et il s'est longuement excusé. Je pense qu'il a largement compris sa faute et ne le refera plus.
Satch, accompagné des autres commandants, explosèrent de rire à sa tentative inutile. En effet c'était bien trop tard et même le capitaine posait un regard sévère sur lui. Bien sûr son second avait bondit sur ses pieds, totalement furieux. Le brun était foutu et de manière indéniable.
- AAACE...
Comprenant qu'il fallait fuir le plus loin et vite possible de Marco, Ace sauta par dessus la table tandis que le phénix tentait de l'attraper. S'ensuivit une course poursuite et les deux pirates disparurent du réfectoire. Le tout sous l'hilarité générale et l'ambiance festive reprit rapidement le dessus. Certains se permirent même de parier sur le temps que le phénix mettrait pour l'attraper, ou encore quel genre de punition il allait bien pouvoir inventer.
{-}
Puisqu'elle ne pouvait plus rien pour le deuxième commandant, Isaya se contenta donc de savourer ses deux parts de gâteaux. Certes, elle n'avait pas prévu qu'Ojutaï révèle toute l'histoire. Mais après tout, c'est Ace qui avait fauté et elle avait respecté sa part du marché. Elle fut interrompue dans sa dégustation par Vista et Satch, fortement amusés :
- Alors comme ça tu l'as frappé ? Tu devais sacrément être en colère pour perdre ton sang froid.
- Quel imbécile ! De toute façon son plan ne tenait pas la route, on l'aurait forcément remarqué. N'empêche je m'attendais pas à ce qu'il soit balancé par le dragon.
Ils discutèrent alors tous trois pendant un bon moment, jusqu'à ce que Marco revienne. Bien plus détendu mais sans Ace. Il reprit alors sa place auprès de la jeune femme et lui offrit même un sourire satisfait. Inconsciemment elle fut soulagée qu'il ne lui reproche pas d'avoir décidé de taire cet événement de son voyage. Isaya lui rendit alors son sourire et n'osa pas lui demander ce qu'il était advenu du brun. Elle ne souhaitait surtout pas interrompre sa bonne humeur, tout juste retrouvée. Ils continuèrent donc les festivités comme si de rien n'était.
Ce n'est que tard dans la nuit, quand la jeune femme sortit de la grande salle, qu'elle vit le fautif. Ce dernier était attaché à un des piliers dans le couloir, grâce à de lourdes chaînes en granit marin. Il était recouvert de bosses et semblait avoir passé un sale quart-d'heure. Pour autant, le pirate ronflait comme un bien heureux, très certainement habitué à se retrouver dans ce genre de situation. La dragonnière ne s'en alarma donc pas et alla tranquillement se coucher.
[...]
Isaya marchait tranquillement dans les rues, émerveillée par la visite de sa première île hivernale. Elle avait encore du mal à comprendre comment chaque île pouvait avoir son propre climat et ce sans aucun changement de saison. Mais celle-ci en particulier, l'intriguait fortement. Actuellement ses yeux étaient fixés sur un fruit titanesque, se demandant comment son existence même était possible et si elle ne rêvait pas. En effet Applenine était recouverte de pommes de différentes tailles, dont une bien plus haute que les montagnes environnantes. La ville s'était développée autour des fruits et les toits rouges des maisons étaient aussi à l'effigie de ces derniers. Une mince couche de neige recouvrait les bâtiments et le sol, donnant une ambiance féerique au tout.
Plongée dans ses observations, la jeune femme ne vit pas que Namur et Joz s'étaient arrêtés et elle leur rentra dedans. Se concentrant de nouveau où elle mettait les pieds, elle s'excusa rapidement auprès des commandants. Mais ces derniers ne lui tinrent pas rigueur de son inattention, causée par l'émerveillement.
Puisque l'île ne faisait pas partie du territoire de Barbe Blanche, son équipage avait l'ordre de ne se déplacer qu'en duo au minimum. C'est pour cela que la dragonnière se retrouvait en compagnie du troisième et huitième commandant. Elle s'était proposée de les accompagner dans leur mission. Tout d'abord, pour participer aux tâches relatives au navire et ne pas se sentir inutile. Mais également afin de lui permettre de voir la cité de plus près.
Au passage cela lui permit d'en apprendre un peu plus sur ces deux là. De prime abord, Joz semblait être bourru avec ses bras tout le temps croisés, dans une position fermée. Alors qu'en réalité il était simplement de nature calme, posée et était un homme de peu de mots. Et puisqu'il faisait partie de l'équipage depuis plus de trente ans, plus grand chose n'arrivait à réellement le surprendre. Quant à Namur, Isaya avait été impressionnée la première fois qu'elle l'avait rencontré. Bien que connaissant les sirènes, elle n'avait jamais rencontré d'homme-poisson. Surtout que le seul de l'équipage, restait toujours impassible et elle ne l'avait jamais vu sourire. Parfois il pouvait lâcher un ricanement amusé mais c'était tout. Pourtant au fil du temps, les deux pirates intimidants s'étaient un peu plus ouverts et la jeune femme commençait à réellement apprécier la sérénité qui les entourait.
D'ailleurs les deux pirates l'accompagnant – bien que silencieux – étaient très avenants et attentifs. Isaya devinait qu'ils traînaient des pieds exprès pour qu'elle puisse découvrir les lieux. Vu que sa courte sortie la veille avait été gâchée pas le mauvais temps, elle était d'autant plus reconnaissante envers les deux commandants. Croisant alors un stand de nourriture, l'homme de diamant le lui indiqua d'un geste de la tête. Curieuse et intriguée, elle s'arrêta. Là il lui offrit ce qui s'appelait une pomme d'amour. C'était une sorte de confiserie, constituée d'une pomme fraîche entourée de sucre caramélisé et piquée dans un bâtonnet. Et bon sang, c'était diablement bon ! Alors tout en dévorant la pomme, elle continua de les suivre dans les rues animées.
Seulement, arrivée à l'entrepôt où le trio devait récupérer des caisses de marchandises, Isaya comprit qu'elle ne serait d'aucune aide. Il lui était tout bonnement impossible ne serait-ce que soulever à vide, l'un des lourds contenants en bois. Alors plein... Devant sa mine dépitée, Joz posa sa main sur sa tête tandis que Namur lui tendait le bon de commande. Les commandants ne parlèrent pas, mais la dragonnière devina qu'ils la chargeaient de vérifier si tout était en ordre et que rien ne manquait. Ils auraient largement été capables de le faire seuls. Mais ainsi ils lui donnaient l'occasion de participer et ne pas se sentir si inutile que ça. Contente de leur considération, elle leur offrit un sourire appréciateur avant de foncer vers le marchand pour régler l'administratif. Au final et même s'ils le cachaient, ces deux là avaient le cœur tendre.
Sur le chemin du retour ils croisèrent Marco, Satch, les jumeaux, ainsi que quelques hommes de la quatrième division. Apparemment les pirates avaient déjà terminé leurs tâches et maintenant, tous essayaient d'entraîner leur commandant dans quelconque traquenard. Quand l'homme à la coupe banane vit Isaya, il s'illumina et vint à la rencontre du trio. Suivi par le reste de son groupe.
- Aaahh Isaya ! Ça te dit une petite activité ? Les gars ne me lâchent pas alors autant t'embarquer au passage.
Embêtée, la dragonnière désigna les caisses que portaient Namur et Joz, ainsi que les papiers qu'elle tenait en main.
- Et bien, c'est qu'on n'a pas tout à fait fini. Il nous reste à ramener tout ça au navire et je dois encore les intégrer au registre d'inventaire.
- Ne t'inquiète donc pas. On a une équipe qui gère l'état des réserves et l'enregistrement des rentrées de marchandises.
Ne sachant s'il disait la vérité et ne voulant pas se soustraire à ses obligations, elle jeta un œil à Marco. Celui-ci lui sourit en hochant la tête, affirmant les dires du commandant. Alors elle se tourna vers ses deux camarades de mission. Joz grogna son approbation et Namur se contenta de lui prendre les feuilles des mains, avant de la pousser vers le groupe.
Libérée pour le reste de la journée, la jeune femme emboîta le pas aux hommes. Seulement au bout de quelques mètres, Satch interpella le phénix qui les suivait silencieusement, un peu en arrière :
- Je croyais que tu ne voulais pas venir ?
Le premier commandant se contenta de hausser les épaules avant de répondre :
- J'ai changé d'avis.
- Comme c'est étrange. Je me demande bien pourquoi...
Le brun ricana avant de ralentir sa marche pour rester à la hauteur de Marco et il murmura quelque chose à son oreille. Intriguée Isaya le regarda faire de loin, s'interrogeant sur son comportement cachottier. Mais quand le second d'équipage le frappa au dessus du crâne, elle se dit que finalement, elle n'avait pas envie de savoir qu'elle bêtise avait bien pu raconter Satch. Surtout au point de s'attirer les foudres de son camarade. D'ailleurs ce dernier posa son regard sur elle et un sourire en coin apparut. La dragonnière fronça les sourcils mais reprit sa route, se concentrant sur Watson et Gabirel qui étaient d'humeur bavarde.
Très vite ils quittèrent la ville, pour se retrouver dans une grande forêt de sapins, qui la bordait. Les pirates y avaient découvert un lac gelé, où de nombreux habitants y pratiquaient du patin à glace. Une petite cabane à proximité louait du matériel et les hommes avaient décidé de tenter l'activité.
C'est ainsi qu'Isaya se retrouva affublée de chaussures avec deux lames intégrées, alors qu'elle n'avait jamais fait cela de sa vie. D'ailleurs elle découvrait le principe seulement aujourd'hui. Même si l'idée l'avait enchantée sur le coup, les débuts furent plus que laborieux. Bien que dotée d'un très bon équilibre, la jeune femme ne cessait de tomber, sous les moqueries de ses camarades. Mais petit à petit elle prit de l'assurance et commença à pouvoir se venger des jumeaux qui n'avaient eu de cesse de la renverser.
Un pirate en particulier avait surpris l'assemblée et il s'agissait de Marco. Ce dernier était parfaitement à l'aise et se déplaçait de manière légère et aérienne sur la glace. Le voyant ainsi et fascinée par ses mouvements à la fois gracieux et puissants, la dragonnière n'arrivait pas à le quitter des yeux. Elle s'était donc arrêtée sur le côté pour admirer le spectacle qu'il donnait. Du moins jusqu'à ce qu'elle se fasse lourdement faucher de nouveau, par un Gabriel ravi de sa blague. Pour lui rendre la pareille, elle l'immobilisa et lui fourra une poignée de neige dans son haut. Sous l'action du froid, le pirate se contorsionna pour lui échapper et quand elle fut satisfaite de son coup, elle le relâcha enfin. Il repartit alors bien vite pour se plaindre auprès de Watson, tandis qu'elle riait de sa mine déconfite.
S'étant fait un peu mal lors de sa chute, Isaya décida de faire une pause. Elle retira ses gants pour se masser son genoux douloureux. Avant de s'asseoir sur l'un des nombreux bancs, présents aux bords du lac. De là, elle observa la scène et les personnes présentes. Marco virevoltait et faisait des pirouettes dans son coin, Satch draguait toutes les femmes présentes avec un minimum de charme et les jumeaux, accompagnés de leurs camarades, avaient formé une sorte de chaîne humaine en prenant de la vitesse et forçant tout le monde à s'écarter de leur trajectoire. Elle ne put s'empêcher de sourire avec amusement face au tableau. À l'instant présent, la jeune femme était heureuse et se sentait libre. D'ailleurs cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas pris du recul et fais le point avec elle-même.
Les deux dernières semaines avaient été, certes un peu rocambolesques, mais fructueuses. Elle avait réussi à récolter quelques fragments d'avance avec Ace et cela lui procurait un sentiment de sécurité. En plus son maître avait promis un artefact pour l'aider dans sa quête et une fois en sa possession, tout devrait être bien plus aisé. Sans oublier que depuis qu'elle avait complètement accepté l'aide d'Edward Newgate, elle se sentait sereine et soutenue. Grâce aux hommes qui l'avaient accueilli et accepté, en étant chaleureux et bienveillants.
La seule ombre qui planait, était Jace. Mais en compagnie des pirates, cette menace semblait un peu moins pressante et lourde à supporter. Surtout depuis que la dragonnière s'était enfin confiée. Après tout, ils étaient même prêts à l'aider sur ce sujet. De plus elle commençait même à digérer la restriction de ses capacités, qui pourtant lui facilitaient tant la vie. Lesquelles lui semblaient encore indissociables de sa personne il y a peu. Certes elle était bien moins puissante qu'auparavant mais il existait bien d'autres moyens de prendre en force. Et puis elle était bien entourée maintenant.
Isaya savait qu'elle avait profondément changé et s'était épanouie dans ce monde mystérieux et fascinant. Au fil de ses expériences et découvertes, c'était elle-même qu'elle avait trouvé. Se surprenant chaque jour et se révélant de plus en plus. Même son penchant pour la solitude tendait à s'apaiser et elle supportait de mieux en mieux la présence quasi-constante, des nombreuses personnes autour d'elle. Mais elle n'était pas la seule, Ojutaï avait également évolué. Il était devenu bien plus doux, tolérant envers les humains et même s'il ne voulait pas le reconnaître ouvertement, il appréciait sincèrement les pirates. Objectivement, ces derniers leur avaient ouvert le champ des possibles et accordé une liberté qu'ils n'avaient jusque là, jamais connu. Débarrassés du poids du devoir, tous deux s'étaient ouverts au monde, s'en imprégnant et l'observant avec un regard neuf. Dorénavant ils avaient seulement à se concentrer sur eux-même et leur retour.
Dragon et dragonnière devaient ces profonds changements uniquement à un capitaine et son équipage. Tout cela en seulement six mois. Au final, cette aventure qui avait si mal débuté, s'avérait être une incroyable chance. Et bien qu'apaisée, une seule interrogation revenait parfois, la réveillant de temps en temps la nuit. Comment allait-elle vivre son retour à Erevan ? La jeune femme espérait que sa réintégration dans son monde, si différent de celui-ci, se passerait sans encombre. Elle savait qu'il lui faudrait faire son deuil de cet endroit et que ce serait difficile de retrouver ses marques au début. Surtout après une si longue absence. Car elle ne se faisait pas d'illusions, elle resterait ici encore un bon moment. Mais au final ce n'était pas si mal. Elle profiterai ainsi de ce monde et de ces gens, le plus possible afin de n'avoir aucun regret.
Cette dernière pensée la fit profondément sourire. Alors tout en fermant les yeux, Isaya réfléchit à ce que chaque pirate, avait bien pu lui apporter et à quel point cela l'avait impacté. Elle s'attarda sur un en particulier : Marco. Elle rit donc doucement d'elle-même et de sa mémoire, qui s'attardait un peu trop sur la manière dont ses yeux se plissaient quand il souriait. Ou encore son regard malicieux, lorsqu'il s'apprêtait à la faire passer par dessus bord, pendant leurs entraînements. Aussi sa passion pour les cartes, son intérêt pour la médecine et comment son visage s'illuminait quand il en parlait. Également la façon dont il se souciait d'elle, même s'il essayait de le faire discrètement. Sa force, tant physique que d'esprit et ses silences confortables qui voulaient tout dire. Mais en particulier, son respect et son soutient indéfectible. La dragonnière appréciait toutes ces choses chez le pirate, qu'elle tenait en grande estime.
Dans sa semi-méditation, elle entendit quelqu'un s'approcher mais elle garda les paupières closes. Inspirant doucement, elle reconnut l'odeur unique du premier commandant et un nouveau sourire s'étira sur ses lèvres. Une fois qu'elle sentit qu'il se tenait devant elle, la jeune femme attendit quelques secondes. Avant d'ouvrir lentement les yeux, pour finalement croiser les siens. L'intensité qu'elle put y déceler, la fit frissonner. Tout ce qu'elle pouvait y lire était empli à la fois de douceur et de passion. Cet homme la désirait et elle reconnaissait qu'elle aussi, le désirait tout autant. Ce depuis un certain temps maintenant, même si elle n'avait jamais complètement osé se lancer dans quelque chose qu'elle aurait pu regretter. Mais le futur n'était pas aux regrets. Le commandant le lui avait déjà démontré à Foodvalten. Maintenant c'était à son tour de le lui prouver sa détermination.
Alors c'est sereinement et doucement qu'elle l'attira à elle par un pan de sa veste. Il se laissa faire sans émettre la moindre résistance. Une fois qu'il fut penché sur elle, Isaya apposa ses mains de part et d'autre de son visage, ses pouces caressant délicatement ses joues. Se gorgeant de la sensation que lui procurait le contact de sa peau. Puis le regardant toujours tendrement, elle l'embrassa après un dernier sourire.
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Quelques instants plus tôt.
Tout à la sensation grisante de la glisse sur la glace, Marco n'avait pas vu le temps passer. Au final l'idée des hommes de Satch était excellente et il n'avait pas pensé y prendre autant de plaisir. De plus voir Isaya découvrir et s'émerveiller face à l'inconnu, était devenu l'un de ses passes-temps favori. C'était d'ailleurs la raison pour laquelle il était venu. Au départ il avait refusé l'offre, mais quand la jeune femme suivit le groupe, il ne put que changer d'avis. Il était donc resté à ses côtés jusqu'à ce qu'elle soit assez assurée pour se déplacer seule. Puis il prit un peu de temps pour lui, afin de tenter quelques figures, se challengeant lui-même.
Se rendant enfin compte de l'heure qui avançait, le pirate fit encore quelques allers-retours, avant de se diriger vers ses camarades. C'est là qu'il se rendit compte que la dragonnière ne se trouvait plus sur le lac. Il la chercha alors du regard avant de la repérer, assise sur un banc un peu à l'écart. Elle semblait happée par ses pensées. Pendant quelques instants, le phénix crut qu'elle ruminait de sombres réflexions, comme elle pouvait si bien le faire. Esquivant l'espèce de chenille de pirates qui passait à toute vitesse, il s'approcha discrètement, inquiet pour elle. Mais il se stoppa bien vite, à quelques mètres seulement.
En effet, dans le scintillement de la neige, que quelques rais de soleil illuminaient par intermittence, Isaya souriait. Elle semblait profondément sereine et une aura de paix l'entourait. Jamais il ne l'avait vu aussi paisible. Marco était bien incapable de savoir à quoi elle réfléchissait mais là tout de suite, elle semblait coupée du monde. Dans une bulle de tranquillité et de bien-être. N'osant briser l'instant, il resta simplement immobile, silencieux et sincèrement heureux de la voir ainsi. Profitant juste du calme pour la détailler et graver cette image dans son esprit.
Soudain elle se mit à rire. C'était un rire doux et délicat, marqué d'un bonheur simple. Il raisonna aux oreilles du phénix comme un appel hypnotique. Alors ne pouvant se retenir plus longtemps, il se laissa glisser discrètement jusqu'à elle. Désireux de comprendre cette quiétude. Dans le fond il voulait s'immiscer dans ce moment de plénitude et le partager avec la jeune femme. Arrivé presque à son niveau, il remarqua qu'elle avait détecté sa présence mais ses yeux restaient clos. Le pirate hésita à briser le silence malgré le sourire qui venait illuminer son visage détendu. Alors il attendit et sa patience fut récompensée de la meilleure des manières.
Comme si le soleil avait décidé de lui faire un présent, l'un de ses rayons passa sur le visage d'Isaya, au moment où elle ouvrait lentement les yeux. Devant cette vision, Marco oublia de respirer. Toutes ces inquiétudes s'envolèrent instantanément. Dans la lueur de l'astre qui l'illuminait, l'éclat de ses yeux ambré était tout juste incroyable. La jeune femme le regardait d'une façon tellement profonde et intense. Comme si elle pouvait sonder son âme et il eut l'impression d'être mis à nu. Là tout de suite elle aurait pu le mettre à genoux, l'emportant dans sa bulle et le coupant du monde à son tour. Mais ce qui lui déclencha un frisson, fut ce qu'elle-même révélait. D'un simple regard, Isaya lui livrait toute son affection et son désir dans une pure transparence. Cela le cloua sur place.
Happé par le moment présent, l'homme était bien incapable de tout mouvement. Docilement, il la laissa donc l'attirer à elle, fasciné par son visage à la fois serein et résolu. Quand les mains délicates de la dragonnière, rencontrèrent son visage, un nouveau frisson le parcourut. Tout son être irradiait de tendresse et Marco pria pour que cet instant ne cesse jamais. Mais le sourire qu'elle lui offrit fut le coup de grâce, le rendant presque impatient. Alors enfin elle embrassa, comme si ses lèvres lui murmurait mille promesses.
Vraiment, jamais il n'aurait pu rêver plus belle surprise.
Et oui, ce chapitre est terminé. J'espère qu'il vous aura plu et peut-être un peu surpris.
Sinon je dois vous avouer éhontément, que je n'ai pas relu le chapitre pendant la phase d'édition. À l'heure actuelle où j'écris ces lignes, je ne l'ai relu que trois fois sur Word. Et je sais que parfois à la publication, ce site peut avaler des bouts de phrases. N'hésitez donc pas à m'en faire part et je corrigerai les erreurs ! (Idem pour les fautes d'orthographes, erreurs d'inattention, etc)
Pardonnez-moi pour ma paresse ^^'
Je vous dis à la semaine prochaine prochaine pour la suite de l'aventure !
AprilAwake
