Différents points de vue
-Bien, maître Sirius, s'inclina Kreattur avant de disparaître.
Sirius resta songeur un bon moment après que son elfe de maison fut parti. Après sa discussion avec Poppy, il avait demandé à Kreattur de découvrir où les potions destinées au quotidien de l'Ordre du Phénix partaient. L'elfe avait été très minutieux et avec l'autorisation de Sirius, il avait usé de sa magie propre pour mener à bien sa mission. Ça avait pris le temps qu'il fallait mais il avait fini par faire son rapport final.
Un rapport surprenant, à ne pas en douter.
Personne n'ignorait qu'il y avait toujours des trafics de potions en tout temps. Mais Sirius ne se serait jamais douté que celles de Severus Snape étaient à ce point recherchées. Il ne s'était jamais rendu compte que le fait qu'il soit l'un des maîtres les plus jeunes ces derniers siècles lui apportait une renommée assez conséquente, au point que ce qu'il brassait s'échangeait à prix d'or. Or, généralement, ses potions étaient destinées à la population étudiante et la seule potion que le ministère réquisitionnait sans contrepartie était le véritasérum. Mais quand l'une de ses potions se retrouvaient sur le marché … c'était la folie.
Sirius avait ainsi découvert que sous couvert de commandes de l'école, Albus Dumbledore exigeait que Severus Snape brasse de nombreuses potions de haut niveau, les revendant trois voire quatre fois plus cher et bien entendu, le brasseur n'en voyait jamais la moindre noise. Depuis que Dumbledore n'était plus à l'école, c'était Molly Weasley qui se chargeait de la basse besogne et bien entendu, elle récupérait une confortable commission.
Sirius n'allait pas se gêner pour prévenir Severus de ce qui se passait dans son dos mais son but était bien de se venger de Molly Weasley qui se mêlait un peu trop de ce qui ne la regardait pas, notamment la vie d'Harry. Il se doutait que lui interdire strictement l'accès aux potions attirerait beaucoup trop l'attention mais il n'était pas un Maraudeur pour rien et il allait rappeler que l'intrigante vivait chez lui et non chez elle. Il avait donc une bonne base pour faire de sa vie un enfer en toute impunité.
A la suite de la tentative d'intégration forcée d'Hermione et d'Harry dans l'Ordre du Phénix, Sirius avait réduit l'espace dévolu à l'organisation. Molly Weasley avait bien entendu hurlé mais Albus Dumbledore l'avait retenu à temps avant qu'elle n'exige des explications qu'elle n'était clairement pas en droit d'avoir puisqu'il était conscient des menaces de Sirius si quelqu'un faisait mine de se mêler de ses affaires, auxquelles le manoir Black appartenait malgré son statut de QG.
La première idée qu'il avait était d'ensorceler l'armoire de rangement où se trouvaient les potions. Une barrière d'intention, pour différencier les personnes qui auraient réellement besoin d'une potion de ceux qui n'auraient pas des intentions louables, des grands absolus en fait. Ensuite, une seconde barrière qui métamorphoserait ceux qui n'auraient pas vraiment besoin de potions. Pas de transformation complète mais partielle et vraiment encombrante, qu'ils ne puissent pas la cacher.
Sirius eut un sourire vicieux. Au pire, il pourrait proposer à Severus d'ensorceler les fioles pour que ceux qui les prenaient en main sans intention de l'utiliser immédiatement voient le contenu se détruire sous leurs yeux. Oui, ce serait une bonne idée …
§§§§§
-La salle sur demande ? s'étonna Harry
-Oui, répondit Kreattur. Maître Regulus en avait eu connaissance quand il voulait s'entraîner aux cours que lui donnait sa famille. Elle peut prendre la forme que veut utiliser la personne qui y entre et ne s'ouvre qu'avec la bonne combinaison ou dès que la personne qui est à l'intérieur en sort. En plus, tous les objets qui sont laissés dans cette pièce y reste.
-Merci Kreattur, fit Harry. Tu peux rentrer à la maison, je te rappellerai si j'ai encore besoin de toi.
-Bien, maître Harry, s'inclina Kreattur avant de disparaître.
Quand ils étaient tous à Poudlard, il arrivait à Sirius d'envoyer Kreattur pour transporter des messages, des cadeaux ou des farces. L'elfe de maison était arrivé alors qu'Hermione et Harry parlaient du cul de sac dans lequel se trouvait Sirius dans la recherche de l'horcruxe de l'école. Le sort qu'il avait lancé le menait au septième étage mais impossible de trouver la cachette. Bien entendu, les deux élèves étaient au courant de l'existence de la salle sur demande depuis quelques années mais ne l'utilisaient qu'en tant que salle d'entraînement.
Les deux amis se regardèrent, gênés.
-On aurait dû y penser, verbalisa Hermione. Une salle qui réalise ce à quoi on pense peut parfaitement être un lieu de stockage.
-Ce qui me fait rire, pouffa Harry, c'est que Sirius parle du septième étage et qu'on n'a pas fait le lien avec la salle sur demande.
-Effectivement, rit Hermione. Il va falloir qu'on l'y conduise, comme ça, on sera débarrassé des horcruxes.
-C'est sûr ! fit Harry. Bon, en attendant, que nous veut Sirius ?
Le brun ouvrit la lettre mais son visage devint sombre au fur et à mesure de sa lecture. La brune, qui admirait le paysage du balcon qu'ils avaient découvert quelques mois plus tôt, se retourna, inquiète de son manque de réaction.
-Harry ? appela Hermione
-Ce n'est pas une lettre de Sirius mais de Gemna, révéla Harry.
-Ah bon ? s'étonna Hermione. Pourquoi être passé par Sirius ?
-Parce que ça le concerne indirectement, répondit Harry. Est-ce que tu te souviens de Remus Lupin ?
-Un peu, oui, grogna Hermione. Il a été l'un de mes interrogateurs quand tu as disparu. Tu comprendras donc que je n'ai pas les meilleurs sentiments à son égard.
-C'est évident, fit Harry. Bref, comme tu le sais, les legs des testaments de mes parents n'ont été versés qu'à mon dix-septième anniversaire. Dedans, mon père avait légué une certaine somme d'argent et une maison à Remus Lupin. Seulement, il s'avère que Dumbledore, en prenant illégalement ma tutelle, s'est emparé de l'intégralité des legs pour son propre bénéfice et la plupart du temps, les a distribués dans son propre intérêt. Par le plus grand des hasards, j'ai appris qu'il avait loué à Lupin la maison qui devait lui revenir. A mon dix-septième anniversaire, j'ai officiellement ordonné un audit de tous mes biens et puisque les clauses des testaments de mes parents n'étaient pas encore activées, les biens distribués sont toujours à moi. Lupin s'est fait notifier que j'étais le véritable propriétaire et qu'il avait jusqu'à la fin de l'année scolaire pour vider les lieux.
-Pourquoi ? demanda Hermione, étonnée
-Parce que je veux purger toutes les propriétés que Dumbledore a eu sous sa responsabilité, répondit Harry. La plupart des locataires ne sont pas au courant de la véritable personnalité de ce vieux fou et ont accepté un relogement temporaire avant de retourner dans leur maison avec des conditions bien plus avantageuses. Lupin est le seul à poser un problème.
-C'est-à-dire ? fit Hermione
-Il met en avant le fait qu'il était un ami de mes parents et qu'ils n'auraient jamais voulu que je le jette dehors, souffla Harry. Il n'a pas l'air de vouloir comprendre que c'est temporaire. Tu sais que Sirius a eu l'occasion de le « croiser » il n'y a pas si longtemps ?
-Pourquoi les guillemets ? sourit Hermione
-Lupin l'a suivi pendant deux heures avant d'avoir le courage de l'aborder, répondit Harry. Ils ont discuté une dizaine de minutes mais Lupin n'avait pas l'air de comprendre que la maison qu'il occupait devait lui appartenir et non lui être louée grâce à la « générosité » de Dumbledore.
-Donc, si je résume, il est vraiment fidèle à ce vieux fou, en déduisit Hermione, écœurée. Est-ce que je dois être vraiment surprise ?
-Non, absolument pas, répondit Harry.
-Que dit exactement la lettre ? recentra Hermione
-Lupin exige un rendez-vous avec le propriétaire, répondit Harry.
-Il sait que c'est toi ? s'inquiéta Hermione
-S'il a refusé de comprendre ce que Sirius lui a dit, je doute qu'il ait fait le lien, répondit Harry en haussant des épaules. Mais s'il est toujours en contact avec Dumbledore, lui l'aura fait.
-Un piège ? pressentit Hermione
-Ça en a tout l'air, fit Harry. De toutes les façons, ni Sirius ni Gemna ne le laisseront approcher sans être sûr de ses allégeances et pour l'instant, elles penchent vers Dumbledore.
-Quelle est la solution que Gemna propose ? demanda Hermione
-Elle va répondre favorablement à sa demande mais la réunion sera à Gringotts ou n'aura pas lieu, répondit Harry en consultant la lettre. Comme elle a déjà eu l'occasion d'être en présence des pions de Dumbledore, elle hésite entre porter un glamour gobelin ou charger un autre gobelin de l'entretien. Dans tous les cas, je n'approcherai pas ce sorcier.
-C'est une bonne chose, confirma Hermione.
-En parlant de personnes qui ne devraient pas nous approcher, tu as eu des nouvelles des Weasley ? demanda Harry
-Je sais qu'il a été tenté, puisque Ron m'observe sans se cacher, répondit Hermione. Mais Ginny l'a toujours empêché de le faire.
-J'imagine qu'ils sont curieux de savoir avec qui tu es fiancée et comment tu as pu le faire alors que ton gardien magique était censé être Albus Dumbledore, ricana Harry.
-Peu importe, renifla Hermione. Ils ne sont pas près de le savoir et si j'ai mon mot à dire, ils ne le sauront jamais.
Le visage d'Harry se referma.
-Ou ils peuvent chercher un moyen de contourner ces fiançailles, proposa sombrement Harry.
-Comment ça ? fit Hermione en fronçant des sourcils
-Les unions de force majeure, annonça Harry du bout des lèvres.
Hermione mit quelques instants à comprendre de quoi son ami parlait avant d'haleter.
Si le monde sorcier – et par extension, le monde magique – était bien plus ouvert que le monde moldu – l'homosexualité rencontrait quelques difficultés à se maintenir librement à cause de la méconnaissance des nés de moldus, les unions entre créatures magiques, y compris les sorciers, étaient respectées notamment – il se révélait assez arriéré sur d'autres points. Ici, tout enfant né d'un ou d'une sorcière devait l'être au sein d'une union légale, peu importe les circonstances. En sachant qu'il leur avait été impossible d'imposer un contrat de mariage entre Hermione et Ronald Weasley, la seule solution qui s'offrait à Molly Weasley et Albus Dumbledore était la conception d'un enfant entre eux, peu importe l'accord de la brune. Connaissant le comportement du roux concernant ses relations avec le sexe opposé, il ne serait pas surprenant que le viol d'Hermione soit prévu à plus ou moins brève échéance, surtout en sachant que l'union qui serait alors décrétée se passerait aussi bien de l'accord de ses parents que de celui de Severus Snape, d'où le terme de force majeure.
-Ils n'iraient pas jusque-là, fit Hermione d'une voix blanche.
-Ils sont allés jusqu'à vouloir activer un contrat de mariage qu'ils n'ont pas pris la peine de te présenter et de te faire accepter, rappela Harry. Je suis donc certain qu'ils seraient vraiment capables de le faire.
-Il est hors de question que je porte l'enfant de cet imbécile ! s'enflamma Hermione
-Je suis d'accord avec toi, sourit Harry. Mais pour cela, il faudrait prendre des précautions plus poussées que celles que nous avons prises pour le moment.
Harry n'avait jamais oublié le harcèlement dont faisait preuve Ginny Weasley à son encontre. Même si cette année, il faisait tout pour ne pas la croiser, il ne tenait pas à lui laisser une possibilité de s'imposer dans le clan Potter et par extension, dans le clan Black, encore plus de cette manière.
-Nous connaissons tous les sorts contraceptifs et on est déjà sous contraception magique, fit Harry.
Tous les deux rougirent. Si Helen et Malcolm étaient au courant de la contraception féminine, ils avaient été surpris quand Severus et Sirius leur avaient parlé de la contraception masculine. En effet, si les sorciers ne pouvaient pas mettre enceints leurs compagnons mâles, c'était le cas pour d'autres créatures magiques, comme les vélanes ou les elfes. Filles comme garçons étaient donc égaux devant la contraception et en plus, certaines versions permettaient aux patients d'être virtuellement stériles. Sans réelle concertation, tous avaient décidé qu'ils prendraient la version la plus complète, que la potion sera brassée par un maître de potions assermentée – Severus – et que la prise serait contrôlée par l'infirmière de l'école, comme elle le faisait pour la majorité des sangs purs de l'école. Aucune chance donc qu'on puisse leur mettre sur le dos une possible maternité ou paternité. Ils avaient également eu droit à un cours poussé sur la reproduction et la sexualité ainsi que leurs conséquences dans le monde magique, comme l'interdiction d'enfants nés hors mariage.
-Est-ce que tu penses qu'il serait temps qu'on ait des relations ? demanda Hermione
-Tu en as envie ? rougit Harry
-Pas vraiment, avoua Hermione, tout aussi rouge. On nous regarde déjà assez comme ça, pas la peine d'inclure quelqu'un d'autre. En plus, qui pourrait nous dire qu'il veut sortir avec nous et pas avec le Survivant ou la première apprentie à Poudlard depuis quasiment un siècle ?
-Pas faux, concéda Harry. Et puis, nous ne sommes pas pressés, non ?
-Exactement, rit Hermione.
§§§§§
Gemna avait enfin trouvé le lieu idéal pour détruire les horcruxes.
Comme l'avait proposé Malcolm et l'avaient validé Severus et Sirius, le groupe avait opté pour des moyens non magiques pour se débarrasser de ces abominations. Gemna avait rassemblé de nombreuses informations et avait dressé une liste des lieux qui pourraient être retenus. Centrales nucléaires, fosses marines, fusées spatiales … tout avait été envisagé. Mais la gobeline avait opté pour les hauts fours industriels. Tous pourraient s'assurer que l'horcruxe pourrait être totalement détruit et puisqu'il s'agissait d'objets magiques, la Magie ne devrait pas, en théorie, en permettre la destruction. Et même si c'était le cas … les artefacts étaient considérés comme perdus, ce n'était donc pas une grande perte.
Trouver des fours désaffectés dans le monde non magique s'était révélé bien plus facile qu'elle ne le pensait. L'évolution de la technologie étant ce qu'elle était, beaucoup d'industries avaient fait faillite, laissant leur matériel sur place. Racheter les lieux pour y installer des protections magiques fut donc d'une simplicité enfantine – ce qui lui avait donné l'idée de proposer la location des lieux aux nains, grands forgerons, qui avaient de moins en moins de mines dans les montagnes – et les briseurs de sorts s'étaient immédiatement mis au travail.
-Vous pensez que c'est une bonne idée ? demanda Ragnok
Le directeur de Gringotts Grande Bretagne, lui aussi sous glamour, observait la réhabilitation de la zone minière dans le nord de l'Angleterre. Il avait été intéressé par le projet de proposer les lieux aux nains et par extension un partenariat fructueux avec eux et voulait en discuter avec Gemna, qui était devenue l'une des gardiennes les plus efficaces de la dernière décennie en ayant en main les coffres du clan Potter et en ayant l'oreille de lord Black et de l'Héritier Prince, deux des plus grandes fortunes sorcières du pays.
-Les nains ou le plan pour anéantir Voldemort ? taquina Gemna
-J'ai des réticences pour les nains, vous pouvez parfaitement le comprendre, verdit Ragnok. Mais pour Voldemort … nous impliquer dans une guerre sorcière n'est clairement pas une bonne idée.
-Je suis du même avis que vous, assura Gemna. Mais la nation gobeline ne s'implique pas dans cette guerre, elle est payée pour un service.
-Développez, poussa Ragnok.
-J'ai été engagée par le clan Black pour trouver une vaste surface pour un projet immobilier futur, répondit Gemna. La présence de matériel industriel désaffecté n'est qu'une coïncidence et son utilisation future après son achat ne me concerne pas.
-Les sorciers ne seraient pas du même avis, pointa Ragnok.
-Nous avons passé sous silence pendant des siècles leurs possessions dangereuses pour leurs semblables, rappela Gemna. Peu importait leur orientation magique. Nous avons même hébergé sans le savoir l'un des horcruxes de Voldemort pendant des années ! S'ils nous reprochent notre aide dans cette affaire, nous pouvons tout à fait renégocier nos tarifs et pas sûre qu'ils s'en sortent gagnants.
Ragnok eut un rictus malfaisant car c'était la vérité : si les sorciers avaient à redire sur leur participation à la destruction des horcruxes de Voldemort – s'ils l'apprennent un jour – alors ils pourraient remettre en cause chaque transaction qu'ils pourraient avoir mené, peu importe les sorciers concernés. Pour payer leur attention malvenue dans ses affaires, Gringotts pourrait à l'avenir faire facturer sa neutralité au prix fort.
-Nous sommes d'accord, sourit Ragnok. Maintenant, parlons plus sérieusement. Est-ce que ce four pourrait convenir à ce projet ?
-Vous pensez à récupérer les reliques des Fondateurs ? demanda Gemna. Il y a une chance sur deux pour qu'elles soient détruites.
-C'est embêtant mais c'est un risque qui peut être pris, concéda Ragnok. Voldemort représente une trop grande menace pour qu'on envisage de les sauver à tout prix.
Les deux gobelins observèrent silencieusement les travaux qui se poursuivaient en contrebas. Ils étaient tous les deux d'accord pour tout faire pour que Voldemort ne soit plus qu'un mauvais souvenir.
-Vous voulez donc proposer les lieux aux nains une fois tout cela terminé ? fit Ragnok
-Installer une forge à ciel ouvert serait une bonne idée, sourit Gemna. Les nains se plaignent de ne plus avoir assez de place pour forger des armures magiques. Le ministère ne pourrait rien dire car tout appartient à lord Black et il fait ce qu'il veut sur ses terres, d'autant plus que les matières premières comme les produits finis ne passeront jamais par le Grande Bretagne. Et je ne vous ai rien dit mais Harry Potter a l'intention d'imiter son parrain pour construire un centre d'orfèvrerie à la surface.
Les yeux de Ragnok brillèrent. Cela voudrait dire que les gobelins aussi pourraient retourner vivre à la surface …
