I'm back where I belong,
Yeah I never felt so strong
(I'm back baby)
I feel like there's nothing that I can't try
And if you with me put your hands high
(put your hands high)

If you ever lost a light before,
This ones for you
And you, the dreams are for you

James et Lily étaient morts.

Depuis une semaine, cette vérité taraudait Sirius Black, inlassablement, irrévocablement. C'étaient les derniers mots qui lui résonnaient sous le crâne lorsqu'il se laissait succomber à l'inconscience, et la première pensée qui lui venait quand il se réveillait.

James et Lily étaient morts.

Mourir aurait probablement été moins douloureux que cette réalité. Seulement, cela aurait été trop facile, n'est-ce pas ? Peter – non, le rat était encore en liberté, encore capable de profiter de sa vie. Et s'il n'y avait eu que lui en jeu, ça aurait encore été trop simple.

James et Lily étaient morts. Et leur petite a survécu.

Sirius n'avait aucune idée du pourquoi ni du comment, il savait juste que lorsqu'il était arrivé sur les lieux, son quasi-frère et la femme de celui-ci avaient été réduits à l'état de cadavres, du Sombre Idiot ne restait trace que de longues robes noires tachées de substances inidentifiables, et bébé Nana qui braillait à tue-tête, le front bien entamé par une écorchure en forme d'éclair.

Il ne savait pas pourquoi ni comment. C'était juste un fichu miracle, et personne ne cherche à expliquer les miracles car ils sont toujours incompréhensibles, c'est dans leur nature. Tout ce qu'il pouvait comprendre de la situation, c'était qu'il avait une petite fille sur les bras et toute la Grande-Bretagne aux trousses.

Le rat n'avait pas perdu de temps pour se donner le beau rôle et attribuer au rejeton Black la place du salaud dans la pièce. Une autre raison d'expérimenter sur lui un ou deux des maléfices les plus réprouvés du répertoire de Tante Cassiopeia – mais il ne pouvait pas faire ça, il ne pouvait pas traquer le rat alors qu'il avait Nana avec lui.

Sirius était impulsif, pas irresponsable. Et en manque d'options, aussi – tous les gens de sa connaissance étaient ou morts, ou injoignables, ou convaincus qu'il était un Mangemort endurci à abattre à vue. En d'autres termes, il ne pouvait se fier à personne qui vive en Angleterre sorcière.

Ça tombait rudement bien, que la personne qu'il avait décidé d'appeler ne vive pas du tout en Angleterre, et soit probablement loin d'être une sorcière.

Dans sa main, le combiné téléphonique pesait lourd.

« Allô ? »

L'Animagus chien se mouilla nerveusement les lèvres, espérant se rappeler correctement le code.

« C'est le fleuriste. Rapport, ah, à votre commande d'il y a… deux ans ? Non, un peu moins. Disons qu'il y a eu un gros souci, et ça m'arrangerait bien que vous veniez discuter des arrangements très vite. Dans le sens, demain ou après-demain. »

Silence dans le combiné. Sirius commença à se sentir nerveux.

« … Je ne pourrais pas me libérer avant après-demain, mais je pourrais effectivement ouvrir un créneau dans mon emploi du temps. Vos locaux sont-ils toujours ouverts à Londres ? »

« On a déménagé à Plymouth, actuellement » rectifia le sorcier, le nœud au creux de son estomac se dénouant un peu.

« Ah oui, Plymouth. Je me suis laissée dire que l'Église de l'Ascension à Crownhill était sublime, surtout quand on la visite à partir de quinze heures. Est-ce bien le cas ? »

« Nous en discuterons après-demain, si cela vous dit. »

« Très bien. »

Et ça raccrocha à l'autre bout. Sirius remit son propre combiné en place et s'autorisa un frisson aussi bref que violent.

Mais quel autre choix avait-il ?


Il s'agissait effectivement d'une église remarquable, mais pour un sorcier auquel on avait appris à se méfier de la chrétienté pour des raisons autant racistes que légitimées, le bâtiment perdait en charme. Enfin, Sirius n'était pas venu pour admirer, même s'il s'efforçait de donner le change d'un touriste naïf, le couffin de sa précieuse charge posé à côté de lui sur le banc.

Il fixait l'un des vitraux sur le mur derrière l'autel quand des talons discrets remontèrent l'allée centrale pour venir s'asseoir à sa droite, plaçant le couffin entre deux personnes.

« C'est tout de même fou » finit-il par dire, « mettre autant d'acharnement et de soins dans un bâtiment, et vous n'êtes même pas sûr que le destinataire existe pour apprécier le boulot. »

« On pourrait dire que c'est tout l'intérêt de la foi » répondit un alto voilé, froid. « Il ne s'agit pas de savoir, il s'agit de croire. Au fait de confiance, ce n'est pas à vous que j'avais remis ma fille la première fois. Ses gardiens ont-ils eu un empêchement ? »

« Ses parents sont morts » lâcha Sirius d'une voix atone.

Le silence s'étira entre eux.

« Ce n'était pas un accident. »

« Non » reconnut l'Animagus chien. « Je-je dois essayer de coincer le responsable, mais… et bien, il y a elle. Je… elle doit rester en sécurité. »

« Et vous pensiez que ce serait une excellente idée de me la rendre » ironisa l'alto froid.

« Je pensais que vous risquiez moins de la tuer que la plupart des résidents de mon côté de l'Angleterre » riposta Sirius, se tournant enfin vers la femme.

En matière de beauté Arabe, Talia al Ghul avait certainement été gâtée par la nature avec ses hautes pommettes, ses lèvres boudeuses et le grain soyeux de sa peau brune. Néanmoins, tout désir qu'aurait pu éprouver Sirius était entièrement noyé devant cet impassible regard vert qui l'aurait observé se faire égorger sans broncher.

Comment ce même regard vert pouvait-il être si gai, si insouciant chez Nana, ça le dépassait.

« De toute façon, ce n'est que pour une semaine, au maximum. Après ça, vous en serez débarrassée. »

« Voilà qui suppose que vous n'échouerez pas dans votre entreprise, ou que celle-ci vous laissera la vie sauve. »

L'Animagus chien dénuda ses dents.

« Dans ce cas, vous lui trouverez de nouveaux parents, comme vous l'avez fait quand elle est née. Vous savez en choisir de bons. »

La bouche pulpeuse se pinça, mais Talia al Ghul ne pipa mot. Elle conserva le silence alors que Sirius caressait une dernière fois les boucles noires de la bambine endormie dans son couffin et se levait pour partir, ne le rompant qu'alors qu'il parvenait à la porte de l'église :

« Dans une semaine, donc. »

Sirius renifla.

« Ici aussi, même heure. Vous tracassez pas trop, je compte bien revenir. »


Sirius Black n'était jamais revenu.

Ce n'était pas pour arranger les affaires de Talia al Ghul, laquelle confessait sincèrement qu'en matière de dérapage, il s'agissait d'une belle catastrophe, et une qu'elle croyait avoir évité grâce à la bonté absurde d'un couple magique anglais.

Talia respectait son père, la Tête du Démon, elle l'aimait même, comme toute fille se doit d'aimer son père, et elle savait qu'elle était aimée de lui. En dépit d'être une fille. Sa grande tare, celle qui ne pouvait s'effacer que par la naissance d'un héritier digne de contrôler les Ombres.

Le Bien-aimé de Talia était supposé lui donner cet héritier, raison pour laquelle Ra's al Ghul avait permis leur amour. Il n'était pas sensé lui donner une fille.

Talia aimait son père, mais elle ne se faisait aucune illusion quand à sa réaction si elle lui présentait une petite-fille au lieu de l'héritier tant attendu. Alors elle avait pris la réaction qui s'imposait.

Cela avait été plus facile que prévu – l'enfant était née si petite et muette que Talia avait pu se persuader que ce n'était qu'une poupée, une parodie de bébé, un simple objet dont elle pouvait se délester sur les Potter qui, eux, avaient le cœur bien trop grand, large au point d'offrir leur aide à une femme se retrouvant à accoucher bien trop tôt alors qu'ils ne la connaissaient nullement. Elle avait pu quitter l'Angleterre avec un cœur non léger, mais pas lourd d'angoisse.

Mais voilà que le couple nourricier avait péri, et Talia s'était retrouvée à nouveau responsable du destin de sa fille, l'enfant qui ne pouvait devenir l'héritier des Ombres et qu'elle aurait voulu garder dans la sécurité qu'était l'éloignement.

« C'est donc elle, madame ? »

La question de Tessa était purement rhétorique : un aveugle pouvait voir que la bambine au teint sombre, au petit visage ovale était indiscutablement la progéniture de Talia, surtout lovée comme elle l'était dans les bras de la fille du Démon.

Talia aurait dû chercher une nouvelle famille, elle le savait. Pas ramener la fillette dans la plus secrète, la plus personnelle de ses bases. Pas courir le plus petit risque de l'exposer aux Ombres.

Et pourtant, quand Talia avait posé les yeux sur cette petite dont les boucles noires rebiquaient comme les cheveux de son Bien-aimé, dont les sourcils fronçaient comme ceux de son Bien-aimé, elle avait su que si elle la laissait partir encore, ce serait elle qui n'y survivrait pas.

(Les hommes nécessitent des héritiers, mais une femme a besoin d'une fille.)

« C'est en effet ma fille. Et elle se nomme Athanasia. »

I'm coming home
I'm coming home
Tell the world I'm coming home
Let the rain wash away all the pain of yesterday
I know my kingdom awaits and they've forgiven my mistakes
I'm coming home, I'm coming home
Tell the world that I'm coming

Coming Home by Dirty Money ne m'appartient pas, mais cette fic, oui.