When we were young the future was so bright (Whoa)
The old neighborhood was so alive (Whoa)
And every kid on the whole damn street (Whoa)
Was gonna make it big and not be beat
Now the neighborhood's cracked and torn (Whoa)
The kids are grown up but their lives are worn (Whoa)
How can one little street
Swallow so many lives?
Dick adore les gens, il n'en a jamais fait un mystère. Une partie de ça vient d'avoir été un enfant de la balle, comme on dit, grandir sous le feu des projecteurs avec les paillettes et les plumes, exposé depuis qu'il arrive à marcher en ligne droite aux applaudissements et aux vivats du public installé sur des gradins plus ou moins branlants, forcément on devient un papillon social – ou alors on disparaît prestement dans les coulisses pour installer les décors ou nourrir les animaux. Se retrouver exposé à la curiosité médiatique en tant que pupille fraîchement recueilli de Bruce Wayne, et avec un passé aussi coloré qui plus est, n'a réussi qu'à exacerber la tendance.
Une autre partie de la chose, c'est simplement que la plupart des gens est juste fascinante. Bon, de temps à autre on trébuche sur un gros malade, après avoir été Robin et maintenant que Nightwing a plusieurs années d'expérience sous la ceinture c'est impossible de conserver un brin de naïveté là-dessus, les Joker ça existe, et les Roman Sionis, et les Cobblepot, et il en passe, s'il essaie de nommer absolument jusqu'au dernier de ces pitoyables spécimens incarnant la face peu glorieuse de l'humanité, ça lui bouffera le restant de la soirée et il est certain qu'il peut perdre son temps de manière nettement plus agréable et moins déprimante.
Mais la plupart des gens… ils sont mesquins, et ils râlent, et ils pleurent, et ils rigolent, et ils sont généreux, et ils sont capricieux, vous ne savez jamais sur quel pied danser, chaque rencontre est une aventure, la porte ouverte sur un pays inexploré, vaste et beau et dangereux, et Dick a toujours été curieux.
Quand il rencontre un enfant, c'est peut-être encore pire. Les enfants sont souvent décrits comme des esquisses, des promesses qui ne vont se réaliser que bien plus tard, des possibilités plutôt que du concret, mais c'est un mensonge outrageant. Les enfants vous raconteront des trucs abjectement dingues, croiront absolument n'importe quoi, agiront selon les diktats d'une logique parfaitement claire dans leurs petits crânes truffés de neurones bouillonnant d'imagination mais entièrement hermétique à la logique des grandes personnes qui regardent ces graines d'humain et ne se souviennent plus que le monde était autant complexe avant la puberté qu'après.
Et puis, en règle générale, les enfants ont confiance dans les grandes personnes. Ils croient que rien de mal ne leur arrivera du moment qu'un adulte est dans les parages, que maman peut effacer les pires blessures d'un simple bisou sur le front, que papa peut terrasser les hordes de monstres campant dans le placard et en-dessous du lit. C'est pour cela que grandir et se rendre compte que les grandes personnes ne peuvent pas empêcher certains désastres est si traumatisant, une trahison digne du cercle ultime des Enfers dépeints par la plume hallucinée de Dante.
Une trahison inévitable, qui fait partie de la transition à la maturité. Mais il existe un sacré pas, une enjambée de géant à vrai dire, entre cette désillusion et la violence impitoyable d'un adulte qui inflige activement le danger, qui représente la menace, au lieu d'être impuissant à servir de rempart et de protection.
Une enjambée que Ra's al Ghul a franchi allégrement, à en juger par les paroles de sa petite-fille, la gamine qui ressemble tellement à Talia en miniature que c'est pas nécessaire de réclamer un test ADN, la mioche qui devrait réclamer des profiteroles au dessert parce que chocolat et soupirer en écoutant un boy's band minauder de la pop, et qui au lieu de quoi est sincèrement persuadée que Dick va la tuer.
Lui. Tuer une gamine. Ou son petit frère qui porte encore des couches, ou qui devrait si les Ombres n'ont pas insisté pour le rendre propre dès que possible. Elle le regarde et c'est ce qu'elle croit.
Quand les gens accordent leur attention à Dick Grayson, c'est généralement parce qu'ils apprécient sa compagnie, ou qu'ils veulent quelque chose, que ce soit transmettre un mot à Bruce en dépit du froid entre tuteur et pupille, que ce soit lui faire de la drague, que ce soit obtenir des ragots croustillants sur la vie trépidante de l'élite fortunée dans l'état du New Jersey. Quand les gens accordent leur attention à Nightwing, c'est souvent pour le remercier d'avoir empêché un crime dans le cas des victimes, ou pour le maudire copieusement d'avoir empêché un crime dans le cas des braqueurs, trafiquants de drogues, harceleurs et toute une ribambelle de malveillants rôdant dans les quartiers mal famés pour gâcher l'existence à autrui.
Mais la froide hostilité d'Anastasia Wayne al Ghul, sa conviction que Dick est un danger envers elle et les deux autres garçons dans le manoir, ça, c'est du nouveau et il avoue franchement que l'expérience lui colle la nausée. Et l'horreur, poissant bien le dos de sa chemise.
Nightwing est sensé être un héro. Les héros ne tuent pas les enfants – à moins de correspondre à la définition grecque antique du terme, quelqu'un qui accomplit des actes mémorables parce que la chrétienté n'était pas encore passée avec là, avec son éthique révolutionnaire d'agir en bonne personne qui s'abstient d'infliger un mauvais quart d'heure à ceux plus faibles que lui parce que l'incapacité à se défendre les rend coupables dans une vision du monde où prévaut la force martiale. Dick a discuté un peu du sujet avec Wonder Woman, vu que, Princesse des Amazones, et Diana a confessé être satisfaite de l'évolution de la figure héroïque, un qui protège plutôt que soumettre.
Oui, mais quand vous êtes pris pour la définition initiale, ça vous fout un sacré coup. Et même Bruce paraît choqué – il est visiblement choqué, ce qui compte comme un miracle mineur pour l'un des experts mondiaux sur l'art et la manière de pratiquer la répression émotionnelle au quotidien sans relâche.
Vu le contexte, c'est un miracle en négatif. Le genre d'évènement relégué à l'Index par la censure à l'unanimité, pour protéger le grand public d'un coup permanent à son moral.
En contrepartie, le garçon avec ses yeux durs, les yeux d'un môme des rues qui en a vu d'autres et ce n'est pas si rare que ça dans les rues de Gotham, ne cille aucunement, ce qui sous-entend d'horribles choses sur ses antécédents et nom de Dieu, ces deux gosses ne sont absolument pas normaux, n'est-ce pas ? On dirait le début d'une habitude avec Bruce, ramasser des mioches bien amochés par la vie, trop habitués à considérer le mauvais côté de la nature humaine.
Suite à cette révélation, c'est juste impossible de se cramponner à l'hostilité qui s'est enracinée dans la poitrine de l'acrobate dès qu'il a ouvert ce magazine pour se retrouver avec la photo des enfants de Talia, posant avec Bruce. Une hostilité principalement basée sur le fait que Dick n'aime pas la mère de ces gosses, qu'il se sent remplacé par son ancien mentor, mais qui n'a rien à voir avec les gamins eux-mêmes. Bon sang, il est arrivé au Manoir sans rien savoir d'eux si ce n'est le contenu de l'interview de Vicky Vale avec sa photo.
L'acrobate se sent plus petit que le bébé, que Damian, quand il y pense. Petit et mesquin.
Il ouvre néanmoins la bouche. Parce que devant lui, quelque chose ne va pas, devant lui se trouvent des gamins effrayés et Dick Grayson ou Nightwing, la vérité ne change pas:
« Hé, vous n'avez pas à avoir peur de moi. Je suis un héro, quand même. »
Chances thrown
Nothing's free
Longing for (what), used to be
Still it's hard, hard to see
Fragile lives
Shattered dreams
Pour ce chapitre, vous avez droit à The Kids Aren't Alright par The Offspring.
