8- privation de sommeil (chambre d'isolement / forcé de rester éveillé / laisse les lumières allumées)

Carlos et les agriculteurs ne purent pas dormir, que ce soit à cause des lumières blanches qui restèrent allumées, du froid dans leur vestiaire, des hurlements qui leur parvenaient ou des soldats qui passaient et prenaient l'un d'entre eux. Certains avaient essayé de protester lorsque les gardes étaient entrés pour la première fois et s'étaient saisis d'un homme dans la cinquantaine, au physique d'ours. Les coups de crosse dans la tête avaient fait taire les protestataires avec efficacité et le fusil pointé sur l'homme emmené l'avait fait obéir sans un mot. Ils étaient ressortis en laissant la pièce emplie de gémissements, de douleurs et de peur. Ils étaient revenus à trois reprises, prenant à chaque fois les hommes les plus costauds.

Aux premiers rayons du soleil, une alarme avait retenti et tout le monde avait été ramené dans les gradins. Deux chariots les attendaient à l'entrée de leur section, un avec du pain, l'autre des bouteilles d'eau. Ils durent prendre un de chaque et s'asseoir. Tous étaient silencieux, mangeant leur maigre repas en somnolent. Ils étaient épuisés et effrayés. Carlos redoutait la suite, il passait dans son esprit ce qu'il savait à propos des coups d'état ou des rafles dans l'histoire et rien ne lui permettait d'envisager une issue heureuse.

Adam l'aida à nouveau à changer son pansement. La blessure ne semblait pas s'infecter, mais elle n'était pas belle. Les deux hommes chuchotèrent quelques mots sur leurs inquiétudes, mais se turent vite. Comme les autres prisonniers autour d'eux, ils se mirent à somnoler.

Les heures s'étirèrent, Carlos laissa son regard s'égarer sur ses co-détenus. Il lui fallut un long moment pour remarquer un changement majeur par rapport à la veille.

"Il n'y a plus d'enfants, chuchota-t-il estomaqué.

- Quoi ? S'enquit Adam.

- Hier, il y avait des enfants dans les gradins. J'en vois plus aucun."

L'agriculteur balaya la foule du regard, mais ne put qu'arriver au même constat. Un air horrifié s'imprima sur son regard. Aucun d'eux ne fit de commentaire, qu'auraient-ils pu dire ? Carlos pria pour que les petits aient été envoyés dans des centres adaptés avec des adultes pour prendre soin d'eux.

A partir du milieu de matinée, de nouveaux arrivants furent poussés dans les gradins. Le cœur de Carlos s'emballa quand l'idée que TK pourrait être parmi eux se forma dans sa tête. Il scruta tous ceux qu'il pouvait à la recherche de son mari, mais le stade était trop grand pour qu'il puisse voir chaque section. Une boule se forma dans son estomac, il fallait que TK soit en sécurité quelque part et non dans le stade où leur survie semblait être jouée à la roulette russe.

Ses pensées se concentrèrent sur celui qu'il aimait et les derniers moments qu'ils avaient passés ensemble alors que son regard se promenait sur la foule. Il se mit à somnoler, sans pour autant s'endormir, la position inconfortable et la douleur dans sa jambe l'en empêchaient. Il se reconnecta à la réalité lorsqu'un sandwich chacun et une autre bouteille d'eau leur fut distribué. Le policier était affamé, mais il se força à manger le plus lentement possible et à mastiquer le plus possible pour convaincre son estomac qu'il avait eu assez. Il savait que cette stratégie ne fonctionnerait pas longtemps, mais il n'avait pas le choix.

L'après-midi se déroula comme la matinée jusqu'à ce que le soleil se couche. Comme la veille, les spots s'allumèrent alors qu'un groupe d'une cinquantaine de policiers était amené au centre du stade. Carlos détourna le regard quand les terroristes crièrent "Gloire au leader" et se désola du peu de personnes qui restaient dans la section dédiée aux forces de l'ordre dans les gradins. Il déglutit avec difficulté lors des détonations et fut triste, mais pas surpris, de n'entendre aucune protestation. Les prisonniers présents depuis la veille avaient retenu la leçon et l'avaient transmise aux nouveaux arrivants.

Les corps furent retirés, mais les gradins ne furent pas évacués. Un deuxième groupe fut amené. Alors que Carlos essayait de deviner quelle était leur profession, il perdit ses couleurs et dut retenir un haut-le-cœur.

"Encore des policiers ? s'interrogeait Adam dans un murmure.

- Non, des avocats."

Carlos ne pouvait quitter le groupe des yeux, un homme en particulier. Il n'entendit pas les mots des hommes masqués, ni les détonations. Il priait, il pria pour Enzo jusqu'à voir son corps s'effondrer, puis pour que Jonah soit en sécurité quelque part. Ses yeux s'embuèrent de larmes qu'il ne laissa pas couler.

Les gardes vinrent les chercher. Il était temps de retourner au vestiaire.