Auteur: Kuro-Hagi – 07/10/2024

Genre: Romance – Yaoi – Hurt/Comfort - Friendship

Disclaimer: Tout ce monde et ces personnages appartiennent à Tadatoshi Fujimaki.

Notes/Remerciements: Merci pour vos reviews :) Ravie que vous aimiez cette histoire et… Je suis également contente de pouvoir vous donner ce chapitre si "rapidement" après le précédent ! J'espère que celui-ci vous plaira également !


KAGAMI

Quand il émerge de nouveau, il se sent déjà plus alerte. Il sait où il est et comme son homme le lui a promis il est toujours près de lui, sa main chaude bien logée dans la sienne. Mais quelque chose le retient de serrer ses doigts entre les siens.

Le calme.

Il ne peut parler de silence, car un hôpital n'est jamais silencieux et dans sa chambre, les bips réguliers des machines auxquelles il est relié ne s'arrêtent jamais. Mais les bruits dans les couloirs sont plus étouffés, ce n'est pas l'effervescence, juste les pas d'un aide soignant qui ouvre une chambre, s'entretient en chuchotant avec un patient et repart. La luminosité est différente de toutes les fois précédentes où il a repris conscience, il réalise qu'il doit faire nuit. Mais ce qui le frappe vraiment, c'est le silence paisible de Daiki. Sa main est dans la sienne, fermement accrochée, mais sa respiration est profonde et calme.

Daiki dort.

A chacun de ses précédents réveils, c'est la voix de son homme qui l'a tiré vers la conscience. Il a été sa bouée, le phare dans la nuit qui lui indiquait le chemin. Sa poitrine se gonfle et s'emplit d'une chaleur douce de toute l'affection qu'il porte pour cet homme qui est à son chevet depuis des jours probablement. Il ne serre pas ses doigts entre les siens, il ne veut pas le réveiller. D'une certaine manière, il est persuadé que Daiki ne s'est pas beaucoup reposé ces derniers temps, il est si paisible en cet instant. Il est juste content qu'il soit là, près de lui, qu'il ait tenu sa promesse et de pouvoir partager ces heures muettes et un peu secrètes de la nuit avec lui.

AOMINE

Un léger mouvement, une caresse légère le ramène doucement à la conscience, le tirant d'un doux rêve où Taiga dormait entre ses bras. La main chaude de Taiga est toujours dans la sienne, il ne l'a pratiquement pas lâchée, de peur de manquer son prochain réveil. Il lui faut une petite seconde pour comprendre que ce qui l'a réveillé, c'est justement la main de Taiga, et son cœur se met à battre un peu plus vite d'affection et de bonheur. Taiga ne serre pas ses doigts entre les siens, mais son pouce caresse doucement, distraitement sa main. Il n'est même pas sûr que Taiga en ait conscience, le mouvement est léger, mais il ne peut aucunement être confondu avec un geste réflexe. Il profite quelques instants avant de souffler très doucement, comme s'il avait peur de réveiller tout l'hôpital en élevant un peu plus la voix.

« Taiga ? »

Le pouce de Taiga se fige quelques instants, un instant très court, comme s'il était surpris d'entendre sa voix, puis il reprend doucement le léger mouvement. Une pression de ses autres doigts lui confirme qu'il–

« -eah… »

Son cœur fait un bond dans sa poitrine à entendre sa voix pour la première fois depuis si longtemps, c'est à peine un mot, juste le soupir d'une onomatopée. Mais c'est sa voix, pas un gémissement, pas une plainte étouffée, mais bien une tentative de syllabe modulée par ses cordes vocales. Il étouffe un rire de bonheur pour ne pas alerter tout de suite le corps médical ou effrayer son homme. Est-ce qu'il s'est lui-même rendu compte de ce qu'il vient de faire ?! Le mouvement de son pouce qui se fige de nouveau et le rythme de son cœur matérialisé par les bips des machines auxquels il est toujours relié, lui confirme que Taiga vient de réaliser lui aussi. A son tour, il vient caresser tendrement ses cheveux, comme pour le rassurer, l'apaiser. Quand Shintaro est repassé un peu plus tard dans la soirée, pour lui confirmer qu'il pouvait rester, il a évoqué aussi le stress qui pouvait être un blocage, l'envie tellement forte de se réveiller pouvait l'effet inverse sur son corps. Alors, il essaie de ne pas en faire tout une histoire. Il a entendu sa voix et il est heureux d'avoir été là pour en être le premier témoin, et malgré la joie qu'il en éprouve. Il ne veut pas que son homme se stresse

« Tu ne m'as pas réveillé… »

Taiga semble lutter quelques instants et finalement presse deux fois sa main. Il laisse ses doigts courir dans les cheveux de son homme et vient presser ses lèvres sur sa tempe.

« Hey… Calme toi. C'est rien… ça va aller… Shin m'a parlé d'un truc intéressant tout à l'heure quand tu dormais. Il pense que ça pourrait être juste le stress qui te bloque. Faut pas que tu te mettes la pression. »

Il laisse un rire lui échapper et décide de taquiner son homme.

« Ouais je sais… Plus facile à dire qu'à faire, t'es pas le mec le plus chill de la terre. T'es incapable de poser ton cul et rien à faire ! ça va t'apprendre tiens à te poser !

— …ho… »

Il rigole cette fois et presse son visage dans l'oreiller à côté du visage de son homme pour s'empêcher de faire trop de bruit.

« Tu me traites d'abruti, c'est ça ? »

KAGAMI

L'odeur des cheveux de son homme chatouille ses narines. Il se moque de lui, mais l'entendre rire et sentir son visage, sa chaleur si près du sien, lui donne envie de sourire et de rire avec lui. Oh peut-être bien qu'il sourit d'ailleurs, il lui semble en tout cas que ses lèvres s'étirent. L'idée l'effleure, mais il la chasse bien vite de peur d'être déçu, de peur de perdre cette petite bulle de chaleur qui grossit dans sa poitrine à entendre le rire de son homme. Il veut s'arrêter sur ce bonheur qu'il partage, à cette mini victoire. Il a presque parlé sans s'en rendre compte. Et de toute façon, il fait nuit ce n'est pas le meilleur moment pour essayer d'ouvrir les yeux. Même s'il rêve de plonger son regard dans celui de son homme.

Daiki bouge à ses côtés, il sent son regard sur lui. Doucement, les doigts de Daiki caressent son visage, en redessinent les contours : sa tempe, son oreille, sa mâchoire, son cou. Il frissonne légèrement, les papillons s'agitent dans son ventre. Daiki est silencieux, mais il imagine aisément son regard à la fois perdu dans ses rêveries et concentré sur le mouvement de ses doigts. Le souffle de son homme s'échoue doucement sur son visage. Il lui semble que…. Les lèvres de Daiki se posent sur les siennes avec douceur et légèreté, son cœur s'affole et son esprit se vide complètement à ce contact. D'abord surpris, il reste quelques instants figés. Puis, il répond à ce baiser presque avec désespoir, comme s'il avait peur que Daiki s'éloigne, change d'avis, des larmes de soulagement, de bonheur glissent sur ses joues. Les doigts de Daiki pressent sa nuque et il s'abreuve à ses lèvres comme si elles lui étaient vitales. Les papillons s'agitent de plus belle dans son ventre et se répandent partout dans son corps, l'envahissant de cette sensation délicieuse et fragile de bonheur.

Il est à bout de souffle quand Daiki rompt le baiser, sans s'éloigner réellement, leur souffle se mêlent, et la main de son homme tient toujours sur sa nuque tendrement. Daiki murmure doucement, il entend sa voix un peu nouée.

« Tu m'as manqué Taiga… Tu m'as tellement manqué… »

Son cœur se gonfle de peine et d'amour pour son homme, il a l'impression qu'il veut envelopper Daiki de sa chaleur à entendre sa voix brisée par les émotions. Daiki déglutit. Ses lèvres effleurent les siennes.

« J'avais envie de ça… Depuis des jours… »

Le rire de Daiki se brise d'un sanglot quand il ajoute dans un mélange de d'émotions contradictoires.

« Je suis content que t'aies pas oublié comment m'embrasser !

— Aho… »

Daiki rit de nouveau et il ne se lasse pas d'entendre ce rire. Il a à la fois conscience d'être resté un long moment inconscient et à la fois l'impression qu'il ne s'est passé que quelques heures. Pourtant le rire de son homme lui a terriblement manqué.

« J'ai jamais autant aimé que tu me traites d'abruti ! »

Un éclat de rire, ou un son qui s'en rapproche en tout cas, lui échappe en réponse alors qu'il souffle.

« Tou… jours…

— Huh ? Toujours quoi ?!

— Ai… Aimé…

— J'ai toujours aimé que tu me traites d'abruti ?!

— Yeah… ça… »

AOMINE

Il regarde Taiga avec dévotion, son regard est brouillé de larmes et avec la pénombre de la pièce, il ne peut que deviner ses traits. Mais il sait que ses yeux sont toujours clos. Il n'ose pas lui demander de les ouvrir, il n'ose pas lui demander s'il a même essayé. Quelque chose lui dit que Taiga est effrayé. Et il a besoin qu'il l'aide à se détendre, à ne pas réfléchir à ce qu'il veut faire et juste… le faire naturellement. Mais il aimerait tellement voir ses yeux, plonger son regard dans le sien. Il veut pouvoir se perdre dans ses yeux quand il murmurera ses mots qui se coincent dans sa gorge et qui veulent s'échapper.

Mais il est heureux d'entendre sa voix, même si elle n'est encore que l'ombre de ce qu'elle a été, faible, cassée, à peine reconnaissable dans les quelques syllabes qu'il a prononcées. Mais il peut parler. Et il en est profondément soulagé, en quelques heures à peine, il a déjà fait un pas énorme. Il sera patient, il sera là pour lui à chaque étape de sa guérison.

« C'est peut-être vrai ouais ! »

Il sourit en se rappelant comme Taiga l'avait surnommé Aho très vite dans leurs premiers échanges.

« Au moins quand tu me traitais d'abruti, c'était que tu faisais attention à moi… »

Ses doigts semblent pris d'une volonté propre, et sa main qui ne tient pas celle de Taiga, continue à le toucher : ses cheveux, son cou, son visage. Il ne peut plus s'empêcher de le toucher et il a l'impression que Taiga aime ça aussi. Il se mordille la lèvre et souffle.

« Même si, j'acceptais pas ce que je ressentais pour toi… Ou ne le comprenais pas… Je sais que je voulais toujours te faire réagir, savoir que tu avais conscience de ma présence, je voulais… Je pensais que je voulais que tu m'admires… Mais je voulais surtout exister pour toi… Être important pour toi. Mais j'avais aussi peur qu'on soit amis en quelque sorte… Peut-être parce qu'au fond je savais que c'était risquer d'être amis à cause de ce que je ressentais. Alors j'aimais t'irriter, te garder un peu à distance tout en attirant ton attention finalement. »

Taiga grommelle, mais il voit son sourire dans la pénombre et il sait qu'il n'est pas sérieux.

« C'est… Pire…

— Nan. Tu adorais ça ! »

Il pique un baiser sur ses lèvres et vient murmurer à son oreille.

« Et tu adores toujours ça… »

Le souffle de Taiga se coupe quelques instants, un son s'étrangle dans sa gorge. Il s'inquiète soudain, alors qu'il semble lutter pour dire quelque chose. Il s'écarte mais ce n'est pas de la frustration qu'il lit sur le visage de son homme, plutôt de l'hésitation et finalement, il semble prendre une décision et souffle.

« … Vrai… »

Un peu décevant, il a la conviction que son homme voulait dire autre chose, mais s'il n'est pas prêt. Il laisse passer et sourit.

« Bien-sûr ! J'ai toujours raison.

— Non ! »

Il rigole et son homme sourit en réponse. Il lui vole un nouveau baiser et souffle.

« On est en pleine nuit mais… Tu veux que j'appelle un médecin ? »

Il sent la tension quasiment instantanée à cette proposition, à ce rappel peut-être de la situation. Il s'en veut, d'avoir brisé l'instant et se mordille la lèvre.

« C'est pas obligé Tai… On peut garder ça pour nous pour l'instant… Discuter toute la nuit si tu veux et- »

Deux pressions sur sa main l'interrompent, il déglutit à ce choix de communication, mais la voix de Taiga le rassure un peu.

« … Ok… M-mé-cin… »

Le rythme cardiaque de Taiga s'affole de nouveau, il devine sa frustration alors qu'il cherche ses mots. Il réalise qu'il a cessé de bouger, suspendu à ses lèvres et il revient glisser ses doigts dans ses cheveux, masser sa nuque pour le détendre. Il ne dit rien. Il le laisse prendre son temps.

« Pas… Rester… Com-ça… »

Son cœur se brise un peu à ses mots, bien-sûr que Taiga a peur, bien-sûr qu'il a envie de guérir.

« Tu ne vas pas rester comme ça… On va t'aider… Et je serais avec toi tout le temps… OK ? A ton rythme… On peut attendre… Je peux appeler tout de suite… C'est comme tu veux.

— Main-... tenant…

— Ok. »

KAGAMI

Il serre la main de Daiki dans la sienne. Il le sent bouger à côté de lui, mais ne libère jamais sa main et il lui en est extrêmement reconnaissant. Il se sent un peu perdu sans la vue, comme si sans ce contact physique, s'il ne peut pas le voir alors Daiki n'est pas là. Il soupire doucement pour essayer de se détendre. Mais il profite de la distraction de Daiki, de ne plus sentir son regard sur lui, pour essayer d'ouvrir les yeux. Mais il arrête instantanément, réalisant qu'il a tellement peur de ne pas y arriver que son corps fait totalement l'inverse de ce qui lui demande en se tendant de toute part.

« Tai ?! Qu'est-ce qui se passe.

— Ok… Je… Ok…

— Tu es sûr ?

— Yeah… Ok. »

Il devine l'hésitation de Daiki, mais finalement celui-ci n'insiste pas et revient juste glisser sa main sur sa nuque et il soupire doucement. Il adore ce contact et il sent déjà son corps se détendre un peu sous cette légère caresse.

« J'ai appelé… ça peut être un peu long vu qu'on est en pleine nuit et qu'il n'y a qu'un médecin de garde.

— Ok. »

Daiki reste silencieux et lui aussi, se contentant de savourer la caresse de sa main sur sa nuque, sa proximité, son contact doux et chaud. Son homme finit par briser le silence d'un soupir léger et d'un murmure.

« J'aime bien quand tu fais ça…

— Quoi ? »

Il est coincé dans ce lit, incapable de bouger, d'ouvrir les yeux, de parler correctement et Daiki "aime quand il fait ça ?". Il entend l'amusement dans la voix de son homme.

« J'en étais sûr… Tu t'en rends même pas compte… »

Les doigts de Daiki glissent dans ses cheveux et le font frissonner.

« Quoi ? Dis… moi…

— C'est ce qui m'a réveillé… Ton pouce… Quand tu caresses ma main comme ça… »

A l'instant où Daiki évoque le mouvement de son pouce, il se fige. Comme si son corps se rappelait soudain qu'il n'est pas censé pouvoir bouger. Et puis, il prend conscience que Daiki a raison, il fait ce geste léger depuis qu'il est lui-même réveillé. Il ne presse pas seulement ses doigts entre les siens. Son cœur s'accélère un peu dans sa poitrine à cette découverte et après une hésitation, il se décide à s'obliger à reprendre ses caresses. La réponse n'est pas instantanée, mais il arrive à contrôler le mouvement de son pouce. Il laisse un éclat de rire léger lui échapper.

« Je te dis… Shin tient un truc, quand il dit que c'est un blocage lié au stress… Peut-être à la peur de ne pas y arriver justement et… ça fait tout l'effet inverse.

— Nul…

— Ouais peut-être. Mais Shin dit qu'ils ont de très bons médecins pour t'accompagner… Et puis, tu fais déjà des trucs énormes tout seul. Faut juste que tu patientes un peu. »

Quelques coups à la porte le surprennent et il se tend en gémissant de douleur. Son corps entier se rappelle à lui dans ce mouvement involontaire et particulièrement son dos. Quand il n'était qu'avec Daiki, il était dans une sorte de cocon protecteur, même s'il est frustré d'être bloqué là, quelque part, ce n'était pas tout à fait réel. La main de Daiki continue à masser sa nuque et il lui murmure quelques mots rassurants avant d'autoriser le visiteur à entrer.

« Bonsoir Aomine-san. Vous avez besoin de quelque chose ?

— Taiga est réveillé. »

L'infirmière s'avance et il devine qu'elle porte son attention sur lui, et il ne peut s'empêcher en réflexe de serrer un peu plus la main de son homme dans la sienne. Elle ne s'adresse pas pourtant à lui, il l'entend s'avancer et bouger derrière Daiki probablement.

« Je peux allumer un peu de lumière ? »

Il serre une fois la main de son homme, ne se sentant pas confiant pour parler.

« Il est ok. »

Il entend un léger clic et une faible lumière traverse ses paupières, ce n'est pas agressif mais ça doit permettre à l'infirmière de pouvoir l'observer.

« Kagami-san ? »

Il presse une fois la main de Daiki et celui-ci informe la jeune femme de sa réponse sans essayer d'intervenir. Est-ce qu'il est déçu de voir qu'il ne parle pas ? Il n'a pas envie de décevoir son homme, mais parler maintenant lui semble insurmontable, comme s'il ne savait plus comment faire.

« Ok. Vous êtes réveillés depuis combien de temps ?

— Je sais pas trop… Je pense qu'il est réveillé depuis au moins une demi-heure.

— D'accord. Kagami-san est-ce que vous avez mal ? »

Il hésite. Tant qu'il ne bouge pas, ce n'est pas douloureux. Il sent son dos, il sent que quelque chose est différent, mais s'il ne bouge pas, c'est juste une gêne. Il se souvient, maintenant, avoir ressenti une douleur insupportable mais il est incapable de dire : où, quand, ni si la douleur était réelle. Ce qui est sûr c'est qu'il n'a pas envie de prendre un truc qui va l'assommer et l'endormir de nouveau. Il imprime deux pressions sur les doigts de son homme et souffle :

« Pas… Trop… »

AOMINE

Il devine que Taiga est surpris d'entendre sa propre voix alors que de nouveau il semblait ne plus pouvoir parler devant l'infirmière. Il voit dans son regard que la jeune femme est surprise, mais un léger sourire encourageant étire ses lèvres et elle ne fait aucune remarque, comme si elle savait que ça risquerait de faire de nouveau se refermer Taiga comme une huître et elle pose une autre question.

« Est-ce que vous voulez essayer de boire un peu d'eau avec une paille ?

— … Nnon… »

Il caresse doucement le poignet de son homme de sa main libre, pour l'encourager et le rassurer. Il voit comme son homme lutte pour prononcer le moindre mot. Taiga serre ses doigts entre les siens. Il n'aime pas le voir dans un tel état d'inconfort. Il le sent tendu, nerveux depuis que l'infirmière est là. Et il repense à l'échange qu'il a eu avec Shintaro.

« Taiga est tout le temps dans la maîtrise, dans le contrôle. Il ne fait jamais de choix hasardeux, jamais rien sur un coup de tête. Les seules fois où je l'ai vu agir de manière inconsidérée c'était avec toi… On en a parlé avec son médecin… Je pense que son blocage est lié à son besoin de contrôle. D'une manière ou d'une autre pendant ce coma, il a dû se sentir prisonnier, subir, sans plus pouvoir rien contrôler, son corps qui lui fait défaut… Et maintenant, il fait une sorte de blocage et son cerveau lui fait croire qu'il ne peut plus faire.

— Alors… C'est plutôt rassurant non ?

— Ce n'est pas moteur, c'est certain. Maintenant le psychologique peut-être aussi long… Il va avoir besoin de toi… Il semble plus facilement arrêter de réfléchir en ta présence.

— Quand tu dis ça comme ça… C'est comme si tu disais que je le rendais débile. »

Shintaro rit légèrement.

« Non. Juste que tu l'aides à lâcher prise et à ne pas avoir à tout contrôler.

— Ouais… »

Shintaro regarde encore Taiga dormir, vérifie par réflexe quelques constantes puis soupire.

« Vraiment envoie moi un message tout de suite la prochaine fois qu'il se réveille… ça fait deux fois que je le manque.

— Promis Shin. »

Un hochement de tête et Shintaro s'apprête à prendre congés, mais il le retient d'une question.

« Et toi ? C'est Ryou qui t'aide à lâcher prise ? »

La surprise se peint sur le visage de son ami avant qu'un léger sourire étire ses lèvres. Un sourire léger mais aussi sincère qu'il est rare. Ce sourire seul aurait été une réponse, mais le regard tendre quelques instants à l'évocation du blond est la dernière confirmation, dont il a besoin. Shintaro ne répond pas à la question et disparaît derrière la porte de la chambre, mais il sait que son ami est effectivement heureux avec Ryouta et qu'il est celui qui l'aide à se poser et être serein.

Il reporte son attention vers Taiga. Il espère que Shintaro a raison et qu'il pourra l'aider dans sa guérison. Il relève les yeux sur l'infirmière et demande.

« Midorima est de garde. Vous l'avez appelé ?

— Non. Nous n'appelons le médecin de garde qu'en cas d'urgence.

— Je comprends. Mais pour lui… C'est une urgence. Taiga et Shin sont de très bons amis. Et chaque fois que Taiga a pu être un peu conscient, Shin n'a pas pu venir assez vite… Si c'est calme cette nuit. Ce serait le bon moment.

— Je ne suis vraiment pas censé le réveiller… »

Il comprend l'hésitation de la jeune femme et il ne voudrait pas qu'elle ait des ennuis. Il récupère son téléphone et lui sourit.

« Je comprends. Vous en faites pas, je me débrouille. »

Son téléphone ne sonne que deux fois.

« Hey Shin… Désolé de te réveiller. Mais y'a quelqu'un qui est également réveillé et que tu voulais voir depuis quelque temps… »

KAGAMI

Il entend la voix étouffée dans le téléphone de son homme et Daiki lui répondre amusé, un sourire dans la voix..

« Yeah… On bouge pas d'ici. »

Daiki raccroche et revient glisser sa main dans ses cheveux comme si c'était sa place habituelle et s'adresse de nouveau à l'infirmière.

« Midorima arrive. Je pense qu'on a tout ce qu'il nous faut. N'est-ce pas Tai ?

— Ou-oui. »

Parler lui semble tellement étranger et à la fois quelque chose d'évident. C'est très étrange, il sait pouvoir parler avec fluidité, pour exprimer toutes les pensées qui se bousculent actuellement dans sa tête et qu'il voudrait partager à son homme. Il sait faire. Et pourtant, quand il essaie son corps lui semble trop lourd, trop inerte et lui fait comprendre qu'il est incapable de parler. C'est terriblement frustrant et il a conscience que plus la frustration est grande et moins il parvient à faire ce qu'il veut.

L'infirmière a compris qu'elle devait prendre congé et il se relaxe un peu de se savoir de nouveau seul avec son homme. Daiki lui sourit et rigole doucement.

« Te rendors pas tout de suite… Shin serait hyper déçu de te rater encore.

— Dors… pas…

— Ouais ? Parce que j'ai l'impression que tu vas t'endormir… Je sais pas… Tu sembles très détendu.

— Dors… pas… Mais… Seul… Avec toi… c… C'est mieux…

— Oh… Je suis content si tu te sens détendu avec moi Tai… »

Daiki reste silencieux quelques instants, ses doigts continuant à glisser méthodiquement dans ses cheveux, mais il sent qu'il a quelque chose à dire. Comme si ses pensées rendaient l'air plus lourd. C'est étrange, ce n'est pas logique. Mais il n'essaie pas de réfléchir avec la logique, il réfléchit avec son instinct et il reste lui aussi silencieux attendant que son homme reprenne la parole.

« Tu sembles aussi plus à l'aise pour parler…

— Vrai… Moins… Dur… Corps moins… lourd… »

Il a l'impression qu'il ne s'est pas passé longtemps quand il entend de nouveaux coups frappés à la porte. Il se tend de nouveau, serrant et tirant la main de son homme vers lui, quand il aimerait se rapprocher de lui.

« Shh… Je suis là. C'est sûrement Shin. Détends-toi… »

La porte s'ouvre doucement et la voix familière de Shintaro s'élève dans la pièce.

« Taiga ? Daiki ? Je peux entrer ? »

Une bulle de soulagement et de joie éclate dans son ventre à entendre son ami. Il est content qu'il soit là et il ne peut s'empêcher de rire légèrement en acquiesçant de la voix et d'une pression sur la main de son homme.

« O-oui… »

Son propre rire lui semble étranger à ses oreilles. Il ne sait pas exactement pourquoi il se sent aussi joyeux d'un coup. Comme si la présence de Shintaro, qui a été à ses côtés depuis le lycée et qui est devenu un de ses amis les plus proches, à ses côtés en cet instant, il se sent moins seul.

Et il a comme un flash soudain, un souvenir qui s'impose à lui : l'impression d'être enfermé dans un univers qui n'est pas le sien, entouré de voix et de corps inconnus, il se sent seul. Terriblement seul. Abandonné. Piégé. Un rêve mêlé de réalité qui lui revient en mémoire de son coma.

Il a une sueur froide et son rire se calme. Il serre la main de Daiki dans la sienne, qui lui rit toujours. Son cœur se calme, la frayeur du souvenir s'estompant et la voix de Shintaro se fait de nouveau entendre. Il y entend sa rigueur habituelle mais également, cette pointe de soulagement et de tendresse, celle qu'il ne laisse entendre qu'à ses amis et seulement dans certains moments de vulnérabilité. Il l'a entendu quelque fois lorsqu'il lui a confié sa relation avec Kise, la peine qu'il ressentait et ses sentiments.

« Taiga. Content de te revoir. »

Sa grande main se pose délicatement sur son épaule.

« Tu nous as fait très peur… Mais tout va bien aller maintenant.

— Con-tent aussi… Tu… T'occupes de moi ?

— Non malheureusement. Je ne peux pas être ton médecin…

— Pour-quoi ? »

Le pouce de Daiki caresse sa main, et il continue à jouer lui-même avec ses doigts, il aime ce contact rassurant avec son homme. Avant que Shintato n'ait le temps de lui répondre, Daiki intervient.

« Je suis d'accord avec Taiga. Tu devrais être son médecin. En même pas une minute dans la pièce, il a plus parlé avec toi qu'avec l'infirmière… Tu as raison Shin… Ta théorie… Il a besoin d'être détendu. Et avec toi il l'est.

— Ce n'est pas conseillé de s'occuper de quelqu'un de proche. Mais… C'est surtout dans les moments critiques.

— S'il… te plaît… Shin. Je veux pas… autre… médecin. J'aime pas… Quand ils… Metouchent… »

Les mots se bousculent parfois ou au contraire sont trop longs à sortir mais il souffle doucement s'efforçant de rester calme. Shintaro serre doucement son épaule et pose une question, l'incrédulité s'entend dans sa voix..

« Tu as vu beaucoup de médecins depuis que tu es réveillé ?

— Non…

— Pourquoi tu dis que tu n'aimes pas quand ils te touchent si tu n'as pas vu beaucoup de médecin.

— Avant… Quand… J'étais… seul… Pas ici… Avant… Quand je dormais… J'étais seul… Pleins degens… Connais pas… Et… Im-impossible de… vous trouver… »

Il halète, un peu essoufflé de parler autant, sa gorge est sèche et il sent épuisé. Shintaro reste silencieux, semblant digérer ses mots et peut-être un échange muet avec Daiki, qui achève de le convaincre.

« Ok Taiga. Je vais voir ce que je peux faire pour reprendre ton dossier.

— Merci… Merci… Shin.

— Est-ce que Daiki t'a expliqué pourquoi tu es là ?

— Non. Pas le temps… Dai ?

— Oui Taiga. Je suis là.

— A boire… Steplait… »

La main de Shintaro quitte son épaule.

« Je m'en occupe. »

Il entend Shintaro bouger dans la pièce. Il serre la main de son homme dans la sienne et il frémit de contentement alors qu'il sent ses lèvres effleurer une nouvelle fois sa tempe. Il souffle plus bas, juste pour Daiki.

« J'aime ça…

— Quoi ?

— Tes… b-baisers.

— Parfait. Parce que j'adore t'en faire. »

La main de Shintaro se pose de nouveau sur son épaule pour lui signifier qu'il est là et il vient presser une paille contre ses lèvres. Il aspire une première fois, fait une fausse route et recrache l'eau. Shintaro le rassure de sa main sur son épaule, alors qu'il commence à paniquer.

« Tout va bien Taiga. Ce n'est pas facile, tu n'es pas dans la position idéale. Mais tu vas y arriver.

— Pourquoi ?

— Pourquoi quoi ?

— Suis… sur le côté ?

— Essaie de boire et si tu n'es pas trop fatigué je t'en parle après. OK ?

— Ok. »