And I never thought I'd feel this way
And as far as I'm concerned
I'm glad I got the chance to say
That I do believe, I love you

Éventuellement, Lois sort sur le porche pour voir ce qui se passe – dans sa vie professionnelle comme personnelle, elle préfère aller à la rencontre des événements plutôt que de les laisser venir à elle, aussi bien une qualité qu'un défaut mais Clark adore cette facette de sa femme peu importe le nom qui lui est attribué.

« Et bien alors, la chauve-souris daigne s'extirper de sa grotte ? Wayne, tu nous surprends » commente Lois, une main sur la hanche, l'autre occupée à tenir Jon bien solidement contre son pull à col roulé bleu sombre.

Bruce arque un sourcil.

« Se montrer imprévisible empêche les gens de croire qu'ils vous comprennent enfin » riposte-il platement, impossible de savoir s'il est sérieux ou simplement en train de faire de l'humour plus noir que du chocolat à quatre-vingts-dix pour cent de cacao.

Lois roule des yeux violets, mais la remarque cinglante qu'elle est indiscutablement en train de préparer ne voit jamais le jour, interrompue par une voix haut perchée, presque timide à force d'émerveillement.

« C'est… un bébé ? »

Anastasia concentre toute son attention sur Jon, son regard vert brillant d'une telle intensité que les paillettes dorées dans ses iris ressortent splendidement, le coin de sa bouche se retroussant imperceptiblement pour former un sourire de travers, et Clark a soudain besoin de battre des paupières.

Lois également est brièvement prise au dépourvu par la soudaine acuité dont Jon se retrouve l'objet, mais se ressaisit, entraînée par sa carrière de journaliste intrépide, rajustant sa prise sur le bambin.

« C'est mon bébé. Il s'appelle Jon. Et toi, quel est ton nom ? »

« Nana » annonce immédiatement la fillette, sans l'ombre d'une hésitation.

Il semble que quelqu'un n'aime pas être appelée par un nom plus long qu'elle. Pour sa part, Clark n'a jamais vu grande utilité aux diminutifs, son propre prénom ne se laissant pas facilement raccourcir et encourageant plutôt les surnoms, mais celui-ci est assez mignon.

Lois arbore un petit sourire, à présent, légèrement penchée vers l'avant et sa jeune interlocutrice.

« Tu veux venir dire bonjour de plus près ? »

« Je peux ? » souffle Anastasia, qui semble prête à s'évanouir de plaisir.

Le sourire de Lois s'élargit, et Bruce hausse les épaules lorsque sa fille tourne la tête vers lui, ce qu'elle doit interpréter comme une permission expresse. Elle s'avance d'un pas guilleret vers le porche, sautant dessus sans hésitation, et offre son doigt à tenir à Jon qui s'en empare avidement.

Damian suit derrière, cramponné vigoureusement au dos de sa robe, la longue natte de sa sœur menaçant de lui rentrer dans la figure au rythme de sa démarche. Il grimace à la vue du bébé, et si Clark avait encore des doutes concernant la parenté du petit, ceux-ci fondraient comme neige au soleil. Il faut être de la famille de Bruce pour tirer une mine aussi grincheuse.

« Il est beau » déclare Anastasia, ne remarquant pas la mauvaise humeur de son cadet. « Et grand. »

« Pas si grand que ça » rectifie Lois, « il n'a que huit mois. Hein mon tout petit ? »

Jon n'accorde aucune attention à sa mère, trop occupé à couvrir de bulles de salive l'index de son admiratrice qui ne s'offusque même pas.

« Et toi ? » demande Lois à l'intention de Damian, réalisant qu'il y a un gamin caché derrière Anastasia, « Tu veux dire coucou aussi ? »

Damian lui montre les dents. Pour un garçon de trois ans, elles paraissent rudement saines et solides, et il accompagne le geste d'un sifflement de bouilloire oubliée sur le feu à deux doigts de l'explosion, ou de cobra dérangé par un pied inopportun réclamant de se faire mordre.

« Je suppose que c'est un non » interprète Lois sans se démonter, et Damian se cache la figure dans les cheveux de sa sœur.

Bruce observe la scène en fronçant les sourcils, visiblement préoccupé. Clark peut le comprendre.

« On dirait que la voiture rend ton petit grognon » déclare-t-il d'un ton désinvolte, une perche encourageante pour rassurer son ami.

Bruce ne saisit pas la perche. Au contraire, la ride sur son front s'accentue d'autant plus, et Clark réalise que la conduite de Damian ne date probablement pas d'aujourd'hui, pour mettre son père mal à l'aise de la sorte.

Trois enfants, et sur les trois, deux semblent avoir des problèmes. Tout à coup, Bruce acceptant son invitation ressemble moins à un effort pour sortir de sa coquille et davantage à un appel à l'aide style Batman, le genre qui ne s'assume pas.

Il a frappé à la bonne porte. Clark est tout nouveau en tant que père, Jon n'est pas encore assez vieux pour être en mesure de lui faire des misères ainsi qu'à Lois, mais Ma et Pa ont autrement plus de bouteille. Surtout, ils peuvent mettre n'importe qui à l'aise, y compris le vieux Jenkins quand celui-ci succombe à sa dépression et sa paranoïa regardant l'avenir et la situation du monde, alors des gamins, imaginez donc.

« Vous voulez rentrer ou on continue à discuter en plein air ? Parce que je ne sais pas pour vous » glisse Clark sur le ton de la confidence, « mais Pa voulait allumer la télévision et à cette heure-ci, on passe le film où Snoopy et Charlie Brown fêtent Thanksgiving. »

Jason fait mine de s'évanouir. Bon, il joue la comédie, mais à peine.

« Pincez-moi, Superman regarde Snoopy à la télé ?! »

« Ça et les Looney Tunes » confesse l'alien en question. « Les Simpson, je n'ai jamais réussi à accrocher, la voix de Bart me tape trop sur les nerfs. »

« Et voilà comment on se prive d'un monument de la culture américaine » ne peut s'empêcher de ricaner Lois, « on fait sa timorée devant un petit détail. »

« Arrête de me jeter des compliments, mon cœur, on est devant les enfants » lui renvoie Clark. « Tu peux leur montrer le chemin ? Bruce et moi, on ferme la marche, que les poules ne nous sautent pas dessus en traître. »

Damian se redresse dès qu'il entend le mot poule, l'air bizarrement excité, et sa sœur doit le soulever dans ses bras et le porter pour lui faire franchir le seuil de la maison. Leurs pas suivant ceux de Lois et Jason ne tardent pas à se faire étouffer par le tapis du vestibule.

Clark et Bruce demeurent seuls sur le porche.

« Ils ont l'air adorable » remarque le journaliste, très sincèrement.

« Jason maintient que Wonder Woman est le seul super-héros digne de la première place » lâche le milliardaire, « et il est en train de convaincre Anastasia de la justesse de son point de vue. »

« Ah. Tu n'es pas dérangé ? »

Bruce hausse les épaules.

« Je suis le père d'Anastasia, j'aurais une place à part quoi qu'il advienne » décrète-il, avant d'ajouter : « Et c'est Diana. »

L'argument est imparable, ce n'est pas Superman qui s'en ira soutenir le contraire.

« C'est dommage qu'elle ne puisse pas être là » déplore le journaliste, « ça aurait fait plaisir à tout le monde. Tes petits la rencontrent, et elle rencontre tes petits – tu aurais dû la voir quand Vicki Vale a publié son article, elle était prête à courir jusque Gotham pour frapper à ta porte et demander à les embrasser. »

Le milliardaire se renfrogne à la perspective d'une irruption imprévue sous son toit.

« Je suppose que tu l'as dissuadée » dit-il, un point d'interrogation menaçant de se former à l'extrémité de sa phrase.

Clark sourit, dévoilant des dents très blanches et bien plantées.

« En fait, je lui ai promis que si tu n'avais pas effectué les présentations avant Noël, je l'emmènerais moi-même sur ton palier. »

L'avantage d'être Superman, c'est que son invincibilité garantit que le regard noir de Batman ne peut pas le tuer peu importe combien son ami rêve du contraire.

Keep smiling and keep shining

Knowing you can always count on me, for sure
That's what friends are for
In good times and bad times
I'll be on your side forever more
That's what friends are for

Pour ce chapitre, vous avez droit à That's What Friends Are For par Stevie Wonder et Dionne Warwick.