12- famine (cavernes souterraines / cannibalisme / juste un peu plus)
Carlos avait été opéré de sa jambe depuis deux semaines et il commençait à se demander s'il n'aurait pas mieux fait de ne pas mentir sur son métier.
Suite à son opération il avait été envoyé dans un hangar où il avait retrouvé Adam. Celui-ci lui avait expliqué être arrivé un jour avant lui dans ce qu'il avait décrit comme une ferme pire que celles du temps des plantations. Le matin, avant l'aube, une sonnerie retentissait et ils étaient répartis sur des tâches : les champs, les vaches, la pêche ou l'entretien du camp. Ils passaient la journée sur cette tâche, avec seulement trente minutes de pause à midi pour manger, jusqu'au soir. Là, ils pouvaient utiliser l'eau des citernes pour se rincer, mais ils n'avaient pas de savon, pas de serviette ou de vêtements de rechange. Les lumières du hangar restaient allumées le temps qu'un bouillon clair leur soit distribué puis ils devaient se coucher à même le sol où une fine couche de paille avait été étalée. Ils n'avaient qu'une fine couverture pour se protéger du froid de novembre et de l'humidité ambiante.
En deux semaines, Carlos avait déjà perdu plus du quart de sa masse, comme tout le monde il était épuisé et affamé. Son corps résistait toujours aux maladies qui circulaient dans le hangar, mais il ne se faisait pas d'illusions, ça ne durerait pas. Sur les deux cents quelque chose agriculteurs réduits en esclaves avec eux, une vingtaine était déjà morts.
Le policier se demandait s'ils étaient traités ainsi pour mieux les mater, comme dans les camps de concentration, ou parce qu'il y avait une famine suite au coup d'État. Adam et lui étaient souvent répartis ensemble aux travaux liés aux vaches, que ce soit pour les traire, les soigner, les nourrir _elles mangeaient mieux qu'eux_ ou les abattre quand l'une d'entre elles ne donnait plus de lait ou s'était blessée. Jamais, la moindre gorgée de lait ou ou la moindre bouchée de viande n'arrivait dans l'assiette des prisonniers.
L'alarme retentit dans le hangar après une nuit particulièrement froide. Carlos, sous sa fine couverture, avait grelotté toute la nuit et n'avait presque pas dormi. Le texan, peu habitué à ce froid, mais surtout à cette humidité, craignait les jours et les heures à venir. La batterie jouée par la pluie sur le toit promettait une journée à être trempé et gelé. Malgré sa fatigue, Carlos se força à se lever. Il savait ce qui attendait ceux qui ne se levaient pas assez vite, tous les matins les cris de ceux-là accompagnaient la répartition des tâches. Il se tourna vers Adam qui était toujours allongé. L'agriculteur malgré sa forte carrure était assez sec avant le coup dEtat et perdait du poids à grande vitesse. Ses forces déclinaient tout aussi vite et se lever chaque jour pour dépenser une énergie qu'il n'avait plus était de plus en plus difficile.
"Adam." l'appela-t-il en lui tendant la main.
Celui qu'il considérait à présent comme son ami leva des yeux vides vers lui.
"Aller, ne lâche pas, tu peux le faire." l'encouragea Carlos qui refusait ce qu'il voyait se dessiner.
Il entendit la répartition commencer devant les portes du hangar et son inquiétude grandit.
"Adam, tu dois te lever, tu sais ce qu'ils te feront sinon. Aller !"
Alors que le bruit des rangers des gardes commençait à se faire entendre, Adam poussa sur ses bras pour s'asseoir.
"C'est ça n'abandonne pas, on y va ensemble." l'encouragea Carlos en lui tendant à nouveau la main.
Cette fois Adam la saisit et le policier le tira sur ses pieds. Il passa un bras sous ses aisselles et le força à marcher jusqu'à la répartition. La chaleur contre lui lui fit réaliser que l'agriculteur avait de la fièvre. Il pria pour lui. Il ne pouvait pas faire beaucoup plus pour l'aider.
Comme souvent, ils furent envoyés ensemble s'occuper des vaches, mais pour une fois Carlos prit ça comme une bonne nouvelle, ils seraient à l'abri de la pluie la plupart du temps et il faisait plus chaud dans l'étable qu'ailleurs.
Toujours soutenant son ami et comptant bien le faire le plus possible, le texan prit la direction de leur poste avec une dizaine d'autres hommes, priant en silence pour leur survie.
