Si vous regardez bien l'intérieur de la cabane de Link, vous avez des épis de maïs suspendus au plafond. Si quelqu'un a une raison...
Bonne lecture !
L'emménagement d'un nouveau venu avait fait grand bruit et le village habituellement paisible avait bruissé de cancans de toutes sortes avant même que n'arrive la première caisse ou le sujet principal des rumeurs.
Toal était assez reculé et situé dans une région récemment rattachée par Hyrule, attirant peu l'attention de ses habitants, si ce n'était par ses produits fermiers. Les nouvelles têtes étaient rares - à vrai dire, la dernière en date était Link - et il était dans la nature de tous d'être appâté par ce soudain changement dans leur petite routine. Rien de surprenant alors, si le travail fut abandonné à la seconde où le jeune homme passa les portes du village.
Son mouvement de recul fut si brusque qu'il aurait pu finir sur le sol si Moï ne l'avait pas rattrapé in extremis, riant et le présentant à tous ceux à portée de voix alors que son voisin avait clairement envie que le sol l'engloutisse.
Habitué à réaliser des allers et venues entre la Citadelle et ici, Link n'était pas tenaillé par la même curiosité que ses pairs et il se contenta d'observer l'attroupement de loin, adossé à une clôture. Bien sûr, il était intrigué, l'arrivée d'un garçon de son âge était une nouvelle plutôt réjouissante, lui qui n'avait que son amie d'enfance Iria quand il voulait éviter les adultes ou fuir les enfants. Ça pouvait être rafraichissant d'avoir un nouveau point de vue ou de sujet de conversation. Enfin, s'ils parvenaient à s'entendre, bien sûr.
Mais pour ça, seul l'avenir pourrait le leur dire !
Fort de sa résolution, il retourna à ses corvées, sifflotant pensivement.
Quand on le lui demande, Jehd fut bien incapable d'expliquer quoi que ce soit. Pourquoi quitter la Citadelle qui l'avait vu naître et grandir ? Pourquoi Latouane et, surtout, pourquoi Toal ?
Tout ce qu'il pouvait répéter, c'était qu'il n'en savait rien lui-même et qu'il avait pris cette décision sur un coup de tête, mais jamais il ne le fit en croisant le regard de qui que ce soit, honteux de cette impulsion.
Ce n'était pas son genre de sauter sur la selle du premier cheval venu pour se précipiter où que ce soit. Il était un stratège. Ses choix étaient issus d'un long processus de réflexion où il pesait minutieusement chaque possibilité et chaque option avant de seulement pouvoir effleurer la possibilité d'une nouvelle action. Et là, il avait précipité sa venue dans un endroit dont il ne connaissait presque rien et qui contrastait terriblement avec tout ce qu'il connaissait jusque là.
Heureusement, les habitants étaient désarmants de gentillesse et le plus gros obstacle à son intégration fut lui-même. Il lui était complexe d'accepter qu'on puisse lui rendre service sans attendre de remboursement ou encore qu'on s'adresse à lui, juste pour le plaisir de parler. Et pourtant, c'est ce qu'ils firent. Bien sûr, il avait conscience que sa condition de nouveauté était en grande partie la raison de son attrait, ainsi que leur curiosité sur la vie à la capitale, la famille royale, le château…
Prendre de nouvelles marques fut une épreuve, elle aussi, mais il se découvrit l'apprécier, finalement.
Le silence n'en était pas un, rempli des chants d'oiseaux, des appels du bétail et des rires des enfants, bien loin des voisines criant de chaque côté de la rue, les colporteurs appelant les éventuels acheteurs et le passage incessant des piétons et des charrettes. Le soleil ne l'avait jamais autant ébloui, auparavant, bloqué par les maisons voisines et le ciel souvent obscurcit par la fumée. L'air semblait avoir meilleur goût, aussi et c'était sans parler de la nourriture.
Les premiers jours, Jehd avait été invité à chaque table, lui permettant ainsi de faire la connaissance plus poussée de ses nouveaux voisins, mais aussi de la gastronomie de Latouane, ce dont il se découvrit un grand amateur, au désespoir de ses vêtements. Quand il avait marmonné à ce sujet auprès d'Ute, elle avait frappé dans ses mains sous l'excitation avant de se précipiter auprès d'un coffre qu'elle ouvrit péniblement et dans lequel elle fouilla rapidement pour sortir des habits qu'il reconnut être typique d'ici. Elle n'accepta aucun de ses refus, même s'il prouva que certaines pièces étaient trop petites pour lui, alors il dut accepter.
Maintenant qu'il faisait plus couleur locale, il eut l'impression que les sourires étaient encore plus nombreux et plus sincères, comme s'il avait débloqué un niveau d'amitié avec eux, en devenant « comme eux ». Incroyable à quel point ça pouvait tenir à peu de choses.
Le seul qui avait eu du mal avec ça, ce fut Moï qui eut l'air troublé quand Ute l'appela pour qu'il puisse être témoin du changement de tenue.
— J'imagine que tu avais l'intention de réserver tes habits pour Colin, s'excusa Jehd à ce moment.
— Tu surestimes ma capacité à prendre soin de mes affaires, mon ami. Si Colin était en effet prévu pour les arborer, ce n'est pas à moi, ce sont les anciens vêtements de Link.
— Link ?
De nombreuses fois, l'érudit avait pu entendre ce nom être prononcé. Toal n'était pas assez grand ni peuplé pour qu'il ignore qui c'était. Ils s'étaient croisés à quelques reprises mais n'avait pas dépassé les salutations de base.
— Je ne peux pas les garder, dans ce cas, il ne va pas apprécier, s'embrouilla-t-il en tirant sur les manches.
— Garde-les. Il ne rentre plus dedans et ne les porte plus. Et Colin a encore des années devant lui avant de pouvoir les remplir.
C'était d'ailleurs étrange qu'il n'ait pas l'air trop bizarre dedans. Il était impossible de ne pas avoir remarqué leur différence de hauteur, mais surtout celle de carrure, mais le secret provenait sans doute des ceintures et autres couches situées à la taille. Il ne pouvait pas dire qu'ils étaient intacts ou immaculés, c'était évident qu'ils avaient été porté pendant de longues périodes et pour des travaux exigeants en énergie. Il y avait des trous plus ou moins réparés, des tâches indélébiles et les couleurs étaient un peu passées, mais ils étaient aussi confortables et lui permettaient d'être à l'aise quand ses habits de ville étaient encore un peu étriqués ou ne convenaient pas à l'activité prévue.
Quand il recroisa le réel propriétaire des habits qu'il portait, il se sentit bêtement gêné, comme s'il craignait qu'il le force à les quitter ou créé un scandale à ce sujet, mais comme à l'habitude, Link se contenta de le saluer et de poursuivre son chemin, marquant à peine une pause alors qu'il le dépassait. Il fut surpris de sentir une petite tape sur son épaule et se tourna mais il était déjà loin.
Quel curieux personnage…
De la Citadelle, Jehd avait gardé de nombreuses habitudes même si certaines étaient bien inutiles avec ce changement de décor, comme sa sortie au réveil pour aller quérir du pain frais auprès du boulanger de la rue voisine ou le journal du jour. À la place, il mettait à cuire la pâte à pain préparée la veille et lisait éternellement l'ancien numéro que le facteur lui avait délivré avec son courrier, lors de son passage la semaine précédente.
Ses compétences culinaires s'étaient étoffées, bien obligé car il fallait tout réaliser ici, à partir de ce qui y était produit, et sans y développer un plaisir particulier, ce n'était pas non plus désagréable comme apprentissage, malgré les quelques écueils qu'il avait dû essuyer.
Il s'était senti très fier quand il était parvenu à réaliser une recette donnée par Négocia bien que ce ne fut pas de tout repos. Elle lui avait souri d'une manière attendrie quand il s'était précipité pour le lui annoncer, sans même avoir pensé à se nettoyer un peu, débordant de cette joie enfantine qui l'emplissait rarement. Il avait été taquiné à ce sujet les jours suivants, lui faisant piquer des fards embarrassés à chaque fois.
Mais parmi ces routines, il y avait une à laquelle il ne parvenait pas à déroger : verrouiller sa porte à clé.
Moï l'avait prévenu quand il s'était rencontré : personne à Toal ne le faisait. C'était moins une preuve de confiance les uns envers les autres qu'une facilité. Ils passaient trop de temps à entrer et sortir de leurs maisonnettes que c'était une perte de temps. Sans oublier qu'ils étaient une petite communauté vivant à l'écart des autres, le vol était beaucoup trop risqué, mieux valait-il emprunter, quitte à oublier de rendre !
Mais c'était plus fort que lui. Pendant plus de vingt ans il avait tourné une clé dans sa serrure, que ce soit pour la fermer ou l'ouvrir, alors il poursuivait l'exercice malgré toutes les assurances, n'y prêtant même pas attention.
Jusqu'à ce soir.
Tapotant frénétiquement les rares poches que ses habits lui offraient, il s'affola de ne pas trouver la clé de sa demeure. Où était-elle ? Qu'en avait-il fait ?
Il tomba à genoux, fouillant l'herbe autour avec l'espoir de l'y avoir fait malencontreusement tomber. Après tout, elle ne pouvait pas être ailleurs, n'est-ce pas ? N'est-ce pas ?
Ses doigts gourds arrachaient pratiquement les brins verts alors qu'il se mordait la lèvre inférieure, autant pour repousser les larmes que la nervosité faisait naître que pour se concentrer. Il aura tout le temps du monde pour se laisser aller à l'espèce de crise de panique qu'il sentait prendre forme à l'intérieur de sa poitrine, une fois qu'il aura mis la main sur l'impudente et pourra se réfugier à l'intérieur.
— Tout va bien ?
Pendant ses recherches, le soleil avait amorcé sa descente, la complexifiant d'autant plus.
Hagard, Jehd releva la tête pour croiser le regard de ce qu'il reconnut être Link. Il cilla rapidement pour s'assurer de garder les yeux secs et se racla la gorge, se redressant pour avoir l'air moins pathétique, se dépoussiérant grossièrement.
— Herm. Oui oui, tout va bien, navré du dérangement.
— Tu es sûr ? Ce n'est pas vraiment l'impression que tu donnes. À moins que tu ne cherchais des Minish ?
L'embarras peignit ses oreilles de rouge. Pourquoi cette scène honteuse avait-elle eu un témoin ? Et Link, le villageois qu'il connaissait le moins, entre tous ?
— Je… J'ai perdu ma clé. Je ne peux pas rentrer chez moi tant que je ne la retrouve pas, avoua-t-il.
Après tout, Moï et Ute étaient de bonnes personnes, Link ne se moquerait pas de lui, n'est-ce pas ? Et puis, ça arrivait à tout le monde ce genre de petite gaffe, ce n'était pas très grave, non ?
— Tu l'as perdu à l'instant ? Il commence à faire vraiment sombre, ça ne va pas être simple de la retrouver…
— Je viens seulement de me rendre compte de son absence, répondit-il d'une voix plaintive. J'espérais sottement qu'elle venait de tomber, c'est pour ça que je scrutais le sol.
Son interlocuteur prit un air pensif, se frottant la nuque, observant les environs.
— On ne verra rien à cette heure. De plus, Fahd m'a prévenu que le temps allait se détraquer durant la nuit, nous devons nous abriter. Tu veux passer la nuit chez moi ? L'installation va être rudimentaire, mais c'est toujours mieux que dehors, j'imagine.
Il eut du mal à en croire ses oreilles.
— Tu n'es pas obligé, je trouverai bien une solution. Peut-être en cassant un carreau ?
— Jehd, quand je parle de temps détraqué, je parle d'une tempête de neige. C'est rare à cette période de l'année et plus encore dans la région, mais tous les avis concordent. Bien sûr, tu peux demander asile à une autre famille, mais je ne vois pas qui pourrait t'accueillir confortablement. Si je me souviens bien, Colin a récupéré mon lit quand la petite est née… Peut-être la bergerie ? Mais dans ce cas, il vaut mieux que tu te dépêches, Fahd a l'intention de se coucher tôt et une fois qu'il dort, c'est une vraie pierre !
L'annonce avait plongé l'érudit dans une perplexité silencieuse. Pourquoi, de tous les moments de sa vie, c'était spécifiquement celui où il ne pouvait pas se réfugier chez lui ? Mais, aussi, pourquoi, parmi tous les habitants de Toal, c'était celui avec lequel il avait le moins de relation qui lui proposait son aide ? Sans aller jusqu'à hurler à la suspicion, c'était quand même étrange, non ?
Mais peut-être était-ce juste lui qui n'était pas habitué à la gentillesse confondante de cette communauté. Il en avait régulièrement la preuve, s'épuisant à tenter de rembourser chaque faveur qu'on lui faisait.
— Ce… J'apprécie énormément l'invitation, mais tu n'es pas obligé. Nous nous connaissons à peine, en plus.
— Quelle importance ? Tu es des nôtres après tout. Et ici, on se serre les coudes, ils ne te l'ont pas dit ?
— Si, mais…
— Pas simple de changer de cadre de référence, hein ?
Surpris, Jehd le regarda plus franchement.
— Tu… tu as connu ça ?
— J'ai déjà vécu à la Citadelle, même si c'était de courts séjours.
Link s'était écarté et ouvrait la voie, aussitôt talonné par le chercheur.
— Oh, nous nous sommes peut-être déjà croisés quand nous y étions ?
— J'en doute, ça m'aurait marqué, rit-il.
Le trajet fut de courte durée, Jehd ayant la surprise de découvrir qu'ils étaient pratiquement voisins, mais plus encore quand il se rendit compte du naturel avec lequel ils se comportaient tous les deux. C'était sans doute leur première réelle conversation depuis son arrivée, c'était donc assez surprenant, mais pas désagréable.
L'habitation de Link était stupéfiante, et pas uniquement parce qu'elle se localisait dans un immense arbre. Les épis de maïs suspendus n'avaient pas cette chance, par contre. Qui ferait ça ? Et pourquoi ?
Mais Jehd était quelqu'un de bien élevé et il préféra regarder ailleurs plutôt que de l'interroger sur cette bizarrerie. Peut-être que c'était une croyance, quelque chose de culturel ? Dans tous les cas, la seule chose qui se tenait entre une potentielle nuit au milieu des tourments des éléments et lui, c'était un fragile lien de camaraderie induit uniquement par le fait qu'ils vivaient dans le même village. Le moindre mot maladroit et nul doute qu'il lui faudrait aller s'allonger auprès des chèvres.
— Mets-toi à l'aise, surtout ! l'invita Link, grimpant déjà à une échelle.
Malgré cette invitation pleine de gentillesse, il préféra rester au milieu de cette pièce ouverte, ses yeux se promenant sur ce qui l'entourait, sa curiosité le dévorant de l'intérieur.
Son besoin de savoir, de comprendre, de découvrir, c'était l'énergie qui l'avait alimenté depuis qu'il avait été assez grand pour appréhender les réponses données par son père à chacune de ses interrogations. Et quand il déchiffra son premier syllabaire, il ne s'arrêta plus. Mais le point de non-retour fut franchi lorsque son père lui parla de ses recherches sur les Célestiens et lui présenta ses notes.
On ne l'arrêta plus à partir de là. Une véritable frénésie de lecture s'empara de lui et il ne sortait le nez de ses encyclopédies que pour en demander plus.
Son regard exercé glissa sur les bibelots, les draperies brodées à la main, les livres aux sujets disparates, les cadres photo, les meubles en bois faits à la main… C'était rustique mais chaleureux. Il y avait bien sûr un soupçon d'intimité qui était logique et on sentait que Link n'était pas habitué à recevoir quelqu'un chez lui. Il n'y avait pas cette espèce de mise en scène que les gens réalisaient là où ils accueillaient des invités, comme il avait pu s'en rendre compte lors de ses invitations chez les différents villageois.
En l'invitant dans son antre, Link l'avait accueilli dans sa tête.
Cette réalisation lui fit piquer un fard et il ne sut plus quoi regarder ni faire. Ce niveau de confiance et d'intimité était supérieur à tout ce qu'il avait déjà pu croiser ! Ou peut-être s'inventait-il tout ça ?
Lorsque le propriétaire des lieux redescendit avec des couvertures, il découvrit son invité en pleine crise existentielle. Comme il n'avait pas l'air de l'avoir entendu, il le toucha à l'épaule afin d'attirer son attention, provoquant un sursaut de surprise.
— Tout va bien ?
— Euh, oui ! Navré, j'étais perdu dans mes pensées, s'excusa-t-il.
— Je n'ai pas de lit à proprement parler, donc tu devras dormir sur le tapis.
— Pas de lit ? Mais comment dors-tu, d'habitude ?
Au lieu de répondre, il pointa l'épais tapis sous leurs pieds avec un naturel confondant.
— J'ai aussi un petit nid tout en haut, mais j'ai fait une poussée de croissance qui m'a retiré tout confort. Et comme tu es plus grand que moi, te le proposer n'a aucun sens.
— Nous allons donc… dormir ensemble ? l'interrogea-t-il timidement.
— D'une certaine manière, oui.
Si Jehd revêtit une nouvelle nuance de rouge à cette déclaration, Link ne cilla pas un instant, occupé à préparer leurs couches avec des gestes trahissant l'habitude.
— D'ordinaire, les températures restent stables, mais il est possible qu'elles baissent selon les niveaux de la tempête et de celui de la neige. Je peux te prêter des habits plus chauds, si tu le veux. Au moins, nous savons que tu rentres dedans !
La pique n'avait sûrement aucun fond malveillant, mais il ne put s'empêcher de se sentir mal à l'aise, tirant sur l'ourlet de son pull. Évidemment, ça n'avait pas été très adulte de sa part de quitter la Citadelle sans emporter avec lui des tenues plus adéquates ! Il aurait été bien plus convenable - et intelligent - qu'il fasse le stock de vêtements chauds ou au moins résistants à la vie à la campagne et au travail manuel !
Mais parfois, l'intelligence de Jehd le désertait dès qu'il était question de vie pratique ou sociale, et il prenait bien des décisions hâtives ou stupides, puis devait gérer avec les conséquences. Comme dans cette situation.
— Navré, je dois te paraître bien sot à devoir compter sur la générosité sans limite des habitants pour quelque chose d'aussi trivial que l'habillement. En fait, je n'ose imaginer ce que tu dois penser de moi.
La fin de sa phrase fut pratiquement inaudible et Link la devina plus qu'il ne la perçut. Son langage corporel couplé à ce qu'il avait pu entendre au village sur lui, lui avait permis d'avoir une image d'ensemble de cet érudit qu'il ne faisait qu'entrapercevoir depuis son arrivée.
Il sauta aussitôt sur ses pieds, manquant de peu de l'assommer au passage, les mains sur les hanches et fronçant les sourcils dans une tentative d'imitation d'Iria quand il avait le malheur de délaisser Épona.
— Personne ne pense ça de toi, ici. Tu es certes un peu original, mais si tout le monde se ressemblait, que ce soit ici à Toal ou dans tout le royaume d'Hyrule, ne crois-tu pas que ce serait bien triste ? Pas de diversité ? Rien pour éveiller la curiosité, faire battre le cœur, envie de rire, de sourire ? Si tu savais le nombre de fois qu'Ute a dû me courir après pour que je sois habillé en fonction des températures de saison, tu arrêterais tout de suite de te prendre le chou. Sérieusement, tu pourrais te promener en pagne Goron que personne n'en aurait à redire. Juste, fais attention à Bohdan, il pourrait l'utiliser comme argument pour te défier au sumo. Et il est pratiquement imbattable !
Il finit sa réplique d'un rire léger et d'une tape dans le dos qui faillit jeter Jehd quasiment à terre, à sa grande surprise.
— Oh pardon, ça doit être à force de traiter avec des chèvres, je contrôle mal ma force. Désolé !
— Difficile de te contredire à ce sujet-là, je peux être une vraie bourrique quand je m'y mets. Merci pour cet encouragement, c'est agréable de découvrir tout… tout ça. Je n'y suis pas encore habitué, c'est peut-être pour ça.
— Le choc des cultures, hein ? Arrêter une chèvre en pleine course par le front est une expérience plus agréable et moins brutale, tu peux me croire sur parole !
— Je n'ai pas l'intention d'essayer, donc ce sera plus sage, en effet.
Le rires qu'ils partagèrent était encore timide mais il n'en fut que le premier. Ils étaient coincés sous le même toit pendant de longues heures encore, et peut-être plus, selon la consistance de la neige.
L'atmosphère se détendit un peu plus alors que le temps s'écoulait et qu'ils apprenaient à se connaître.
Link mijota sa meilleure version de soupe fine, les régalant et les réchauffant, qu'ils dégustèrent bien à l'abri sous leurs couettes respectives. Les lunettes embuées, Jehd partageait de petits contes du folklore qu'il avait pu récolter jusque là, étayé par des commentaires ou des affinements de la part du local.
L'ambiance était intime et douce, et bien vite elle berça l'érudit suffisamment pour qu'il sente ses dernières barrières tomber. Il avait retiré ses lunettes un peu plus tôt, se sentant somnolant. Il ne parvenait plus à équilibrer la tête, celle-ci se penchant de toute part, un peu aléatoirement., jusqu'à ce qu'un soutien ne la cale, lui tirant un soupir de confort. Ses paupières ne prirent pas longtemps à suivre le mouvement, de plus en plus lourdes et difficiles à garder ouvertes.
Mais il voulait encore profiter de cette bulle où, coupés du reste du monde, les deux jeunes adultes échangeaient des silences de plus en plus longs, alors que la neige frappait violemment les quelques fenêtres en un chuintement régulier.
— Dors, Jehd, chuchota Link de manière très proche.
— Non, pas encore. Je ne suis pas fatigué, ânonna-t-il par esprit de contradiction.
Pourquoi sa voix était-elle si proche ? Pourquoi lui semblait-elle résonner dans sa tête comme un confortable bruit de fond ? Aucune importance, quoique fut ce contre quoi elle se trouvait, c'était assez confortable malgré cette étrange odeur de chèvre. Peut-être une peau, une fourrure… Demain amènera les réponses nécessaires.
Là, il voulait juste dormir.
Il ne réagit pas quand les doigts abîmés du berger repoussa les mèches de son front, le dégageant. Il était déjà partit bien loin.
« Tu t'es enfermé à l'extérieur de ton appartement. Une tempête arrive et j'ai pitié de toi, alors viens chez moi, je te ferai du chocolat chaud. »
Voracity Karn
