Hello !
Bon, j'étais bien partie pour tenir le rythme d'un chapitre par semaine, mais c'était bien sûr assez optimiste.
Qu'à cela ne tienne, voici la suite de notre histoire !
Et je m'excuse d'avance de la façon dont se clôt ce chapitre.
Vous avez l'habitude : TW drogue, alcool.
Bonne lecture !
Après une après-midi passée à fumer et à réaliser toutes sortes d'expériences dans le laboratoire des Osborn, Harry invita Peter à passer la nuit chez lui. L'adolescent accepta, peu désireux de rentrer chez lui dans son état. Tony était peut-être un père compréhensif, mais Peter n'était pas certain qu'il voit d'un bon oeil que son fils consomme de la drogue, fut-elle douce. Ce serait un très mauvais exemple pour Morgan, dirait-il probablement. Il se moquerait bien du reste : de l'apaisement dont Peter avait désespérément besoin, du réconfort apporté par l'herbe de Harry, de ce besoin viscéral de s'échapper de ses propres pensées, y compris en usant de substances illicites.
« Je reste chez Harry pour la nuit » décida-t-il d'écrire à son père. « Il me prêtera une brosse à dents et un pyjama. Son père est ok. »
La réponse ne se fit pas attendre : « Où étais-tu, aujourd'hui ? »
Le coeur de Peter rata un battement. « Comment ça ? »
« J'ai reçu un coup de fil de ton proviseur. Tu n'es pas allé en cours. »
— Est-ce que le mélange vodka et herbe est dangereux ? demanda Peter en levant les yeux de son téléphone. Je crois que je vais en avoir besoin.
Harry éclata de rire :
— A petites doses, c'est merveilleux.
« J'avais une urgence. Je t'expliquerai demain » tenta-t-il d'envoyer à Tony.
Celui-ci essaya de le joindre ; Peter rejeta fébrilement son appel.
« Peter, je sais que tu viens de rejeter mon appel. Réponds-moi » écrivit l'homme.
« Désolé, ça capte mal chez Harry ! »
« Tu mens très mal, même à distance. » Quelques secondes plus tard : « Je ne suis pas fâché, j'essaie seulement de comprendre ce qu'il se passe. Où étais-tu ? Pourquoi ne m'as-tu pas appelé ? »
— Oh là là, il se prend pour qui, lui ? souffla Harry, qui avait suivi la conversation par-dessus l'épaule de son ami. C'est un flic ou quoi ? Laisse-moi lui répondre.
Sans attendre de réponse, il arracha le portable des mains de Peter et tapa frénétiquement :
« Harry avait besoin de mon aide pour un projet de sciences. C'était urgent. Désolé, j'aurais dû te prévenir ! Je t'aime, mon papa chéri. A demain » suivi d'une flopée de coeurs.
— Mais t'es malade ! s'exclama Peter. Il va jamais croire que c'est moi qui ai écrit ça !
— Oh, allez, Pete, détends-toi ! J'suis sûr qu'il va tomber dans le panneau !
La réaction de Tony confirma ses craintes : « Peter, est-ce que tu es dans ton état normal ? »
— Regarde ! glapit Peter. Il n'y croit pas une seconde !
Ses pouces tambourinèrent avec fébrilit l'écran de son téléphone : « Désolé, c'était Harry. Mais oui, on devait travailler sur un projet de sciences urgent. Je rattraperai les cours, Gwen me les enverra. Je vais bien. C'est ok pour ce soir, du coup ? »
Après un temps qui sembla infini à Peter, Tony répondit : « Ok, si tu le dis. On en parlera demain, je ne suis pas très à l'aise à l'idée que tu sèches les cours, même si tu avais une « urgence », et tu noteras les guillemets, elles ne sont pas là par hasard. Bonne soirée, soyez sages. Pas de drogues, d'alcool ou de films interdits aux mineurs. Tiens-moi au courant de ton programme. »
— Ça va, on respecte sa dernière interdiction, fit observer Harry, qui continuait de lire leur échange avec intérêt.
— Pfff, je l'ai échappé belle ! Imagine, s'il avait découvert tout ce qu'on a fumé aujourd'hui !
— Désolé, dit Harry. J'y avais pas pensé.
Un léger sourire illuminait toutefois sur son visage.
— Quand même, j'aurais adoré voir sa tête, quand il a lu mon message, gloussa-t-il. Tony Stark ne doit pas avoir l'habitude qu'on essaie de le prendre par les sentiments !
Malgré l'exaspération que lui avait inspiré Harry, Peter ne put s'empêcher de rire à son tour. Il imaginait sans mal Tony se frotter les yeux et se demander ce qu'avait bien pu avaler son fils pour lui envoyer une subite déclaration d'amour par texto.
— Il a dû penser que tu m'avais kidnappé et remplacé par une intelligence artificielle. Ou forcé à avaler un sceau de vodka.
— A ce que je sache, j'ai pas besoin de te forcer à quoi que ce soit, répliqua Harry. T'es le meilleur partenaire de crime qu'on puisse imaginer !
A ces mots, l'estomac de Peter exécuta un curieux rebond et un léger frisson grignota son échine. A cause de l'excitation, peut-être. Harry avait ce don de l'entraîner sur la mauvaise pente, mais avec une telle habileté que Peter ne regrettait aucune de leurs frasques.
— Bon, c'est pas tout ça mais j'ai super faim. On va chercher quelque chose à se mettre sous la dent ? proposa Harry. J'crois qu'il reste un truc ou deux au frigo.
⁂
« Un truc ou deux » était une façon singulière de signifier que le frigidaire aurait aisément pu nourrir l'intégralité du Queens. Peter fut rapidement dépassé par la quantité de plats que lui proposait Harry, tous plus intrigants les uns que les autres.
— Sinon, on peut se commander une pizza, conclut Harry après avoir achevé de lui présenter toutes leurs options.
— Non, non, ce truc ira très bien ! répondit Peter en pointant du doigt une boîte au hasard. Euh… rappelle-moi ce que c'est ?
Il s'avéra qu'il s'agissait d'une délicieuse fricassée de poulet que les deux adolescents engloutirent avec appétit, l'arrosant de quelques gorgées d'une liqueur que Harry avait dénichée dans les réserves de son père. Mélangées aux joints qu'ils avaient fumé, elles montèrent à la tête de Peter bien plus rapidement qu'il ne l'aurait imaginé — ou alors, c'était son métabolisme qui brûlait trop vite ce qu'il ingérait.
Il avait d'ailleurs une irrésistible envie d'aller aux toilettes. Trop de liquides ingérés en trop peu de temps, probablement.
— Au bout du couloir, première porte à gauche, puis deuxième à droite, lui indiqua Harry. Je t'attends en haut, dans ma chambre. On pourrait regarder un film avant de se coucher, y a un écran géant sur le mur. Et t'inquiète pas, c'est pas un piège pour te séquestrer, je laisserai la clé sur la porte.
Peter était habitué aux plaisanteries provocatrices de Harry, ce qui ne l'empêcha pas de rosir.
— Euh… je dormirai où, en fait ?
— T'as l'embarras du choix. Je sais pas pourquoi mon père a aménagé autant de chambres d'amis, c'est pas comme les candidats se pressaient à la porte, mais au moins tu pourras tester tous les matelas et choisir ton préféré.
Peter avait l'esprit tant embrumé qu'il aurait tout aussi bien pu s'endormir par terre et trouver le sol très confortable ; il hocha tout de même la tête et partit en quête des toilettes. Il chancelait dangereusement, comme s'il se trouvait sur le pont d'un navire battu par les flots ; il se cogna à un mur qui s'était matérialisé de nulle part et trébucha sur un obstacle invisible. Au prix d'un long moment, il parvint enfin jusqu'à la pièce désignée par Harry.
En se lavant les mains, il rencontra son regard dans le miroir. Fasciné par son reflet, il se sourit à lui-même, puis grimaça, avant d'éclater de rire tout seul. Sa tête tournait, il se sentait bien, quoi qu'un peu déstabilisé. L'euphorie des premières bouffées de joint et des premières gorgées d'alcool avait cédé le pas à un état de transe, qui lui donnait l'impression d'être en harmonie avec chaque atome composant son organisme. Pas avec le décor, en revanche, contre lequel il ne cessait de buter. A croire que les murs bougeaient quand il avait le dos tourné. Ou qu'on avait l'avait installé dans une auto-tamponneuse sans lui demander son avis.
Le chemin du retour lui parut plus difficile. Où devait-il tourner, déjà ? Gauche, droite ? Et où avait-on caché les escaliers ?
En désespoir de cause, il poussa une porte au hasard… et se figea net.
Il était dans ce qui ressemblait à un bureau. Du moins, c'était ce que suggéraient les meubles en bois sombre, les fauteuils en cuir pourpre, la table sur laquelle étaient disposés une carafe en cristal et une boîte de cigares et, surtout, l'homme assis derrière ladite table, le menton posé sur ses doigts entrecroisés.
Il tournait le dos à Peter et ne lui accorda pas le moindre regard. Toute son attention était fixée sur un petit miroir posé devant lui, si bien que Peter voyait tout aussi bien l'arrière de sa tête que les trois quart de son visage. Et il ne pouvait que constater sa troublante ressemblance avec Harry : les mêmes cheveux roux foncés, les mêmes yeux bleu clair, les mêmes traits ciselés, lui conférant un profil évoquant celui du renard.
Toutefois, sa façon de se tenir n'avait rien à voir avec celle, désinvolte et flegmatique, de Harry. Son dos était très droit, son regard exprimait un mélange de froideur et de fierté. Aucun sourire ne semblait jamais avoir effleuré ses lèvres, si pincées qu'elles en étaient presque invisibles.
— Oh, euh, désolé, je ne voulais pas vous déranger, bafouilla Peter. J-je, euh, je repars.
L'homme leva les yeux, le fixant à travers le reflet du miroir. Peter avait l'étrange sensation d'être dans une scène de film, où les protagonistes discutaient en se tournant le dos — ce qu'il avait toujours trouvé aussi incompréhensible que fascinant.
— Tu es l'ami de Harry, murmura l'homme.
Il avait une voix douce, profonde. Inattendue.
— Euh… oui, bredouilla Peter.
— Et le fils de Tony Stark.
— Je préfère qu'on m'appelle Peter, corrigea machinalement l'adolescent. Le fils de Tony Stark, c'est un peu long pour les papiers administratifs, vous savez… (Il se mordit la langue.) Je veux dire, autant m'appeler par mon prénom, c'est plus simple, enfin je crois, euh, M-Monsieur.
L'homme se retourna enfin et, à la surprise de Peter, eut un frémissement de lèvres qui ressemblait à moitié à un sourire. Peter devina brièvement, sur ses traits marqués par le temps, le charismatique homme d'affaires — doublé d'un scientifique brillant — qu'il avait été.
— Très bien, alors appelle-moi Norman. Enchanté d'enfin rencontrer celui qui occupe tant mon fils. Il n'a que ton nom à la bouche, tu sais ? Le tien, et celui de cette fille.
— Oh, je ne savais pas que…
Peter s'interrompit avant d'aller au bout de ses pensées. Je ne pensais pas que vous vous parliez, Harry a plutôt l'air de vous fuir. Cela aurait été plutôt impoli, quoi qu'honnête.
— Je ne t'imaginais pas comme ça, ajouta Norman Osborn en le dévisageant attentivement, sans se départir de cette voix onctueuse qui faisait froid dans le dos de Peter. Tu ne ressembles pas à ton père.
— Vous, par contre, vous ressemblez à Harry, ne put s'empêcher de répondre Peter.
Le sourire de l'homme se renforça.
— Physiquement, oui. Mais là-dedans (il tapota son front avec son index), c'est la copie conforme d'Emily. Aussi brillant, talentueux, malin. Et idéaliste, bien sûr. Trop idéaliste pour son propre bien.
Un soupir s'arracha à ses lèvres, puis ses yeux se fixèrent sur ceux de Peter.
— Et toi, petit ? As-tu hérité de l'esprit de ton père, l'ambitieux et grandiose Tony Stark ? Ou plutôt de celui de ta mère ?
Les prunelles de Norman sondaient les siennes, claires et transperçantes. Un frisson remonta le long de la nuque de Peter.
— Je ne sais pas, parvint-il à articuler. Je n'ai jamais connu ma mère. Et je ne connais pas mon père depuis si longtemps que ça.
— Ça fait bien sept ans, non ?
Le coeur de l'adolescent se serra.
— Plutôt deux, corrigea-t-il, espérant que Norman Osborn comprendrait le message.
— Je vois, opina celui-ci. Mes excuses. J'ai tendance à oublier que ces derniers temps, les années ne veulent plus dire grand-chose.
Il se tut brièvement, ses yeux continuant de fouiller ceux de Peter, comme s'ils cherchaient à découvrir chacun de ses secrets. L'adolescent espéra qu'ils n'étaient pas trop rouges, ni trop vitreux : il n'était pas sûr que Norman Osborn sache que Harry fumait avec lui lorsqu'il avait le dos tourné.
— Ta présence ici va peut-être me permettre de lever un mystère, ajouta Norman, l'air pensif. As-tu entendu parler des dernières rumeurs concernant ton père ?
— Euh… celles qui concernent une histoire cachée avec Cap ?
— Je pensais plutôt aux prochaines élections. Tony Stark briguerait-il la mairie de New-York, lui aussi ?
La question prit tellement Peter au dépourvu qu'il ne put s'en empêcher : un rire nerveux le secoua. Son père, se lancer dans la politique ? Il avait plus de chance de se lancer dans un numéro de claquettes avec Bruce et Steve.
— Je suis désolé de vous dire ça, mais vos sources ne sont pas super fiables, m'sieur Osborn ! Tony n'a jamais parlé de la mairie, même pour rire. Et de toute façon, Pepper ne le laisserait jamais candidater. Il lui a promis de se consacrer à sa famille, c'est à dire à Morgan et à elle. C'est assez incompatible avec des fonctions politiques.
— Pourtant, sa cote de popularité a explosé, depuis qu'il est de retour en ville, insista Norman. Tout le monde sait qu'il a sauvé le monde. Pour la troisième ou quatrième fois consécutive, j'ai perdu le compte.
— Je vous assure qu'il s'en moque bien ! Tout ce qu'il veut, c'est qu'on le laisse tranquille. Et pour l'instant, personne n'est venu frapper à la porte pour le réclamer.
Norman Osborn parut songeur.
— Hum, tu n'as peut-être pas tort. Après tout, ce n'est pas exactement lui que veulent les citoyens. Il commence à se faire vieux, le peuple a besoin d'un nouveau visage. Tous les yeux sont plutôt tournés vers son petit protégé en tenue de saltimbanque...
— Qui ça, Hawkeye ? pouffa Peter.
— Spider-Man.
Le rire de Peter s'arrêta net. Norman Osborn poursuivit, imperturbable :
— Iron Man est super-héros, mais Spider-Man est un héros du quotidien. Contrairement à Tony Stark, il n'attend pas que la fin du monde frappe à la porte de sa tour d'ivoire pour intervenir. Imagine le succès qu'il aurait, la paix qui régnerait dans les rues s'il était au pouvoir !
— Mais, euh, Spider-Man est, euh… en vacances, non ? Je veux dire, personne ne l'a vu depuis si longtemps… vous ne croyez pas qu'il est en train de se dorer la pilule à Tahiti, ou un truc du genre ?
— Il reviendra, lui assura Norman. Ce n'est pas dans sa nature de rester caché. Pour l'instant, les gens sont encore choqués de ce qu'il s'est passé pendant les cinq dernières années, mais ils ne tarderont pas à retrouver leurs bas instincts. Les voleurs, les menteurs, les assassins, ils réapparaîtront, tôt ou tard… et Spider-Man sera bien obligé de sortir de sa cachette, s'il ne veut pas que le chaos se répande dans la ville.
Une étincelle brilla au fond de ses yeux clairs. Un nouveau frisson glaça la nuque de Peter. En dépit de la brume alcoolisée qui perturbait ses pensées, quelque chose, chez le père de Harry, allumait une alarme au fond de son esprit.
— Tout va bien, Peter ? Tu m'as l'air un peu remué.
Norman Osborn se redressa. Par réflexe, Peter fit un pas en arrière. Son dos heurta la porte restée ouverte ; il sursauta, son coude cogna quelque chose et un bibelot tomba à ses pieds. Avant qu'il n'ait pu le rattraper, il se fracassa en dizaines de morceaux acérés qui croustillèrent sous la semelle de ses chaussures.
— Oh non, je suis désolé, j-je… je ne sais pas ce qu'il s'est passé… balbutia l'adolescent, écarlate. D'habitude, ça ne m'arrive jamais, enfin presque jamais…
— Ne t'en fais pas. Quelqu'un nettoiera.
Peter soutint difficilement les prunelles inquisitrices de Norman Osborn, rongé par la honte.
— Pourquoi ne pas rejoindre mon fils ? s'enquit soudainement l'homme, d'un ton léger qui laissait supposer que leur conversation était close. Il doit se demander où tu es passé, et je ne voudrais pas qu'il m'accuse de t'avoir enfermé quelque part. Il est très prompt à se raconter des histoires, surtout celles qui me dépeignent comme un méchant.
— Oui, v-vous avez raison… désolé encore d'avoir cassé votre… euh… enfin, ce truc…
— Cet inestimable vase chinois du XVIIIe siècle, tu veux dire ?
La température du visage de Peter augmenta encore de quelques degrés. Pour la seconde fois de la soirée, l'ombre d'un sourire plana sur le visage de Norman Osborn.
— Je plaisante, ce n'était qu'une imitation. De toute façon, c'est de ma faute. C'était imprudent de ma part de laisser ce vase aussi près de la porte. Tôt ou tard, quelqu'un se serait pris les pieds dedans.
Il reprit vite son air sérieux.
— Mais je ne plaisantais pas en disant que tu devrais retrouver Harry. Sinon, il serait bien capable d'appeler la police pour signaler ta disparition, tu sais.
— Je sais, admit Peter. Eh bien, euh, ravi d'avoir fait votre connaissance et ahem, à un de ces jours, M'sieur Osborn !
— A un de ces jours, Peter, répondit Norman Osborn en refermant la porte derrière lui.
⁂
— Bah alors, t'étais perdu ?
Peter ne put s'empêcher de sourire. Harry était allongé à plat ventre sur son lit, la main enfouie dans un bol de pop-corn. Sur l'écran qui dominait le mur, le service de streaming sponsorisé par Oscorp Industries attendait qu'ils choisissent un film à regarder.
— Ouais, on peut dire ça. Et je suis tombé sur ton père, on a un peu discuté.
— Nan, sérieux, t'as fait la connaissance du padre ? Il t'a pas trop traumatisé ?
— Franchement, il était plutôt sympa. Je m'attendais à pire, vu ta description.
Harry fit sauter en l'air un pop-corn et le rattrapa avec sa bouche.
— Te laisse pas avoir, c'est un beau-parleur, expliqua-t-il après l'avoir avalé. Il tisse sa toile et, une fois que t'es bien englué dedans, bam ! Il te mange tout cru. Comme une horrible araignée.
— Toutes les araignées ne sont pas horribles, protesta Peter en prenant place aux côtés de son ami, poussant ses jambes qui prenaient toute la place.
— Dis ça à celles que mon père cache dans son laboratoire. Il y en a qui font la taille d'un caniche. Crois-moi, même les plus grands défenseurs des animaux prendraient leurs jambes à leur cou en les voyant.
Peter jugea plus prudent de ne pas poursuivre la conversation. N'étant pas dans son état normal, il craignait de laisser échapper qu'il connaissait un peu trop bien les araignées d'Oscorp Industries, dans la mesure où l'une d'elle avait déjà enfoncé ses appendices buccaux dans son épiderme.
A la place, il s'intéressa à l'écran et s'enquit, nichant son menton dans le creux de sa main :
— Qu'est-ce qu'on regarde ?
— Pourquoi pas le Docteur Frankenstein ? Mon père t'aura déjà mis dans l'ambiance, proposa Harry.
Il fouilla dans les repris de ses draps. Peter crut qu'il cherchait la télécommande mais, à la place d'un petit boîtier noir, ce fut un nouveau cône blanc et vert qu'il agita sous son nez.
— En plus, j'ai ce qu'il nous faut pour qu'on finisse la soirée aussi bien qu'on l'a commencée.
⁂
Peter fut réveillé par des bruits lointains. Il y avait de l'agitation, au rez-de-chaussée.
L'adolescent fronça les sourcils. Il se sentait mal. Nauséeux. Vaseux.
Sa bouche était sèche, sa nuque raide et douloureuse. Un début de migraine cinglait ses nerfs optiques, un goût désagréable collait au fond de sa langue. Il se redressa difficilement sur un bras et grimaça en constatant que le monde tournait légèrement autour de lui, comme s'il avait encore de l'alcool dans le sang — son métabolisme ne lui évitait donc pas les désagréments des lendemains de soirée, dont il avait tant de fois vu les effets sur son père.
A côté de lui, Harry dormait profondément. Peter réalisa qu'ils s'étaient endormis avant la fin du film, allongés en travers du lit, encore tout habillés. Sur la table de nuit se tenait les restes d'un mégot, recroquevillé sur un coquillage décoratif qui avait fait office de cendrier. Quelques cendres étaient tombés comme des flocons grisâtres sur le réveil ; d'après celui-ci, il n'était que six heures du matin.
Bien qu'à moitié dans le brouillard, Peter entendait de plus en plus distinctement ce qu'il se passait, trois étages plus bas. Deux voix résonnaient, très différentes l'une de l'autre : la première était calme, grave, et il reconnut le timbre velouté de Norman Osborn. Il semblait chercher à calmer son interlocuteur. La seconde voix, en revanche… elle était nerveuse, agitée, elle montait dans les aigus au fur et à mesure qu'elle psalmodiait quelque chose qui rassemblait à des insultes. Et elle ne pouvait qu'appartenir à…
Peter écarquilla les yeux, frappé d'horreur, et secoua Harry.
— Harry, réveille-toi !
Son ami battit vaguement des mains pour le repousser. Peter insista :
— Harry !
— Mmhh…
Son ami ouvrit un oeil vitreux.
— Harry, comment est-ce que je peux sortir discrètement de là ?
— Essaie la porte, grommela son ami. Et oublie pas de passer à la boulangerie pour nous ramener des donuts, je crève de faim.
— Je suis sérieux, faut que je me tire d'ici !
— Pourquoi ? soupira Harry en se redressant à son tour, la mine renfrognée.
Ses cheveux étaient ébouriffés, les draps avaient laissés une trace sur sa joue. Il laissa échapper un long bâillement et, remarquant l'agitation de Peter, parut reprendre ses esprits :
— Qu'est-ce qu'il se passe, y a une descente de la police en bas ?
— Pire que la police ! Pire que le FBI, pire que tout ! Harry, mon père est là !
