Côté passager, la jeune écoutait le discours de sa supérieure avec stupéfaction. Quelle idée?! soufflait-elle silencieusement. Et du haut de ses même pas vingt ans, Charlie semblait avoir bien plus de lucidité que cette mère de famille têtue et obstinée. Et elle ne se fit pas prier pour le faire savoir…

« Alors pardon, je vais paraître un peu rude mais… elle est conne de se lancer là-dedans non? Enfin je sais pas, elle bosse au port de Sète nan?

- Ouais…

- Bah franchement… En termes de salaire par rapport à Antoine, ça doit pas être la même… Puis bon, Dumas De l'Estang ça sous-entend quand même un gros patrimoine derrière non?

- Ah ça… lâcha Candice avec amusement.

- Ah je comprends mieux… plaisanta la jeune en rigolant.

- Ah non non! Mes sentiments sont tout à fait honnêtes, précisa-t-elle en souriant. Enfin, réfléchit-elle, sauf si monsieur fait une connerie là où il est. Je me chargerai de le tuer minutieusement et de maquiller mon crime pour toucher le pactole! ironisa-t-elle. Histoire de pas être totalement perdante, si tu vois ce que je veux dire…

- Ohhhh! Vraie veuve noire quoi! continua-t-elle. Maligne…

- Ah bah je suis blonde, mais faut pas me prendre pour une quiche, c'est tout!

- Antoine aurait tout à y perdre… la rassura-t-elle doucement. Puis je l'ai déjà vu quelque fois, il ne semble pas du genre à faire n'importe quoi.

- Hum… hésita-t-elle. Monsieur a une grande tendance au n'importe quoi, surtout quand il est dans une phase compliquée comme ça…

- Ok… Mais vous vous connaissez pas depuis quelques mois, tous les deux. Et c'est solide tout ce que vous avez construit. Il peut pas accepter de tout briser comme ça, sans réfléchir. Et puis ça lui donnerait raison à elle, en plus.

- Je sais. Mais je le laisse réfléchir de son côté. Je veux qu'il se pose les bonnes questions et qu'il revienne avec des réponses…

- J'espère que ça ira dans ton sens alors…

- J'espère aussi! C'est compliqué hein… souffla-t-elle dépitée.

- Mais est-ce que ce serait si beau si c'était moins compliqué?

- Non… Mais ce serait peut-être un peu moins douloureux… songeait-elle pensive.

- Laisse faire le temps…

- Ouais… Et c'est pour ça! J'ai pas envie que Suzanne me voit. Je veux pas que ce soit répété à sa mère et que ça revienne aux oreilles d'Antoine après… On va encore dire que je me suis mêlée de n'importe quoi et... j'ai pas envie de ça. Je suis déjà assez coupable de beaucoup de choses… J'ai pas envie que les choses s'enlisent.

- Alors soyons en mode incognito! répliqua-t-elle avide de malignité.»

Amusée, la blonde gara le véhicule en bas de la rue des écoles. Elle déposa une paire de lunettes sur son nez et enfonça sa casquette sur la tête. Bon, ce n'était clairement pas le look de l'année et, ça ne lui ressemblait vraiment pas… Candice ressemblait plutôt à une star de la télé en tentative de camouflage ridicule… Mais pas le choix! Les portières ne tardèrent pas à claquer et les deux remontèrent la rue en silence. Au loin, des cris d'enfants résonnaient. À une heure, où pourtant, la récréation devait être terminée, observait Candice perplexe.

«Y a sport aussi dans la cour parfois… fit remarquer Charlie.

- Ah oui… Bien vu… Bon, raison de plus pour pas s'aventurer trop haut. On est au 8, ça devrait pas être loin…»

Et quelques mètres plus haut se dressait une maison de ville à la devanture plus que banale. Un portail blanc donnait sur un petit chemin qui conduisait vers une porte d'entrée anthracite. Pas de jardin, mais une petite cour venait se loger devant une porte de garage bleue marine. Façade neuve, sans défaut apparent… Candice s'arrêta sur la boîte aux lettres où l'inscription «STOP PUB» alertait l'œil. Un logo criard qui contrebalançait avec la pureté de l'objet…

«C'est bizarre… observa Candice d'une voix étonnée.

- De?

- Y a pas de nom sur la boîte…

- La maison a pas l'air animée. Peut-être que les gens travaillent…»

Soudain, un portillon grinça à leur gauche, leur faisant dévier la tête vers la maison voisine. Rapidement, une dame âgée et bien apprêtée sortit, chien en laisse. Un yorkshire… sourit Candice alors que la boule de poil se frottait déjà à ses pieds.

«Oh pardon! Yuka est très câline…

- Ah mais y a pas de mal… répondit gentiment la blonde. Elle est belle hein… observa-t-elle en caressant l'animal.

- Oui! Et elle fait fureur auprès des petits écoliers… Mais je profite que ce soit calme parce que sinon, ils sont tous devant ma porte à vouloir la caresser!

- Vous avez raison… s'amusa Charlie en riant gentiment.

- Et euh, dites-moi. En fait, on fait des recherches sur la maison juste derrière. Est-ce qu'il y aurait quelque chose de particulier à faire remarquer? osa habilement Candice.

- Pas vraiment… En fait, la maison a longtemps été en vente mais personne voulait l'acheter. En même temps, vu comment elle était entretenue… Enfin bref, du coup les propriétaires se sont décidés à la rénover et elle a enfin trouvé preneur.

- Vous savez qui est-ce qui y vit?

- C'est un monsieur sympathique. Pas très causant mais, pour l'instant on a pas eu de problème avec lui. Il part le matin en vélo et il revient le soir, je pense qu'il doit travailler pas loin…

- D'accord! sourit Candice. Et quand est-ce que vous l'avez vu pour la dernière fois?

- Vers 8h ce matin. Comme à chaque fois, les gamins s'arrêtaient au portail pour Yuka, et il est passé devant en vélo.

- Et vous avez un nom? Y a rien d'écrit sur la boîte… se désola la blonde.

- Ah oui? Tiens, c'est bizarre… releva la grand-mère qui approchait l'entrée de la bâtisse. Mais non, désolée, je ne connais pas son nom…

- Ok… Bon…

- Et vous avez rien vu d'anormal? d'étrange? insista Charlie.

- Rien! Vous savez il est pas là depuis longtemps… Ça fait peut-être 3 semaines. Et comme je vous dis, il est pas très causant…

- D'accord! Merci! sourit Candice avant de congédier la grand-mère qui s'éloignait déjà sur le trottoir.

- Qu'est-ce qu'on fait? demanda Charlie. On a aucun moyen d'entrer à l'intérieur et on va pas planquer ici? Si le mec revient que ce soir…

- T'as raison… souffla Candice. Je vais demander à Nathalie de se rencarder sur l'empreinte… Et on va voir.

- Ouais…

- J'espère juste qu'il n'y a rien de bien grave dans cette maison… songea-t-elle à voix haute en fixant la demeure avec inquiétude

...

Lundi, 19h. Toujours vissée derrière son écran d'ordinateur, Candice s'entêtait à faire des recherches sur ce fameux Gabin Mauriac, nom donné par l'agent immobilier que la détective avait réussi à faire parler. Au moins, ils avaient un nom, soupirait-elle face aux maigres éléments que Google laissait apercevoir. Les muscles endoloris par cette position inconfortable dans son siège de bureau, la blonde étira ses bras en arrière. La fatigue se faisait ressentir mais la blonde semblait bien peu motivée à retrouver la solitude dans sa maison. Faut dire que son téléphone n'avait toujours pas bipé le moindre message de son chéri depuis celui reçu le matin même… En même temps, Candice en avait été tellement agacée qu'elle n'avait même pas pris la peine de répondre! Ce n'était clairement pas à elle de revenir vers lui après cet oubli qu'elle jugeait littéralement d'inacceptable. Des pensées qui lui rendirent les yeux humides… Mais la blonde ne put aller plus loin que les escaliers face à elle grinçèrent avant de laisser apparaitre une petite blonde à l'humeur enjouée.

«Nath?! s'étonna-t-elle.

- J'ai cru comprendre que l'heure était grave… sourit-elle en brandissant un sac en papier. Apéro/Pizza/Vin rouge?!

- Oh… Merci… souffla-t-elle d'émotion. C'est Charlie qui t'a dit, c'est ça?

- Motus! s'amusa-t-elle. Alors comment ça va?

- Bof… lâcha Candice en haussant les épaules. Comme une pauvre fille qu'est en train de perdre son amoureux quoi…

- Ça se passe pas bien à Paris?

- Je sais pas… J'ai pas de nouvelles… Enfin si, je sais qu'il sort en boîte et qu'il fait des parties de baby-foot en charmante compagnie…

- Et c'est tout?

Candice acquiesça, attristée.

- J'ai eu 3 pauvres messages depuis qu'il est parti… Hier soir, on l'a appelé avec Éloïse, j'ai même pas eu le droit à un mot gentil… Et depuis, j'attends encore qu'il m'appelle hein!

- Ah oui… Quand même… grimaça Nathalie en déposant les cartons sur le recoin du bureau.

- Attends, je vais faire de la place… lança Candice en déblayant son bureau.

- Sinon, j'ai tes résultats… Mais pas fiché…

- Je m'en doutais un peu… soupira-t-elle.

- Désolée…

- C'est rien! On va continuer d'interroger les environs et… on verra!

- T'as des verres?

- Euh oui! sourit-elle. Antoine m'avait préparé un panier surprise pour qu'on dîne ensemble une fois quand je venais de m'installer et… ils sont restés ici.

- Comme quoi! Le romantisme est toujours utile!

Candice rigola doucement alors que Nathalie levait déjà son verre pour trinquer avec elle.

- Bon alors… raconte-moi, ces vacances?! Qu'est-ce qui s'est passé?»

La blonde baissa la tête et finit par avaler une gorgée de vin pour se donner de la contenance. Elle soupira et débuta ce piteux ce récit empreint d'erreurs et de culpabilité. Des vacances qui d'apparence s'étaient montrées idylliques et qui s'étaient finalement transformées en un véritable cauchemar.

«Ah oui quand même… grimaça la cheffe de l'IJ.

- Et depuis, tout vole en éclat…»

...

À Paris, Antoine avait les yeux rivés sur son ordinateur. Encore un rapport à compléter à distance, pestait-il agacé de devoir gérer ses équipes sans être dans leurs locaux. L'heure affichait pourtant 19h et son ex, collègue et amie ne devait plus tarder à arriver… Il referma subitement le PC et arrangea le bureau avec minutie. Il passa par la salle de bain lorsqu'un coup retentit sur sa porte.

«Vincent? observa Antoine.

- Ouais! J'peux?!

- Bah oui oui, entre!

- T'es sûr pour ce soir? insista-t-il.

- Oui, je suis sûr de pas venir à la soirée poker… ricana Antoine.

- Nan je parle pas de ça… Anna… Vous deux, ici? T'es sûr?

- Ah! balbutia-t-il en se frottant la nuque. Bah… Euh, oui… On a besoin de discuter et si ça peut m'aider… Je suis sûr oui!

- Et Candice?

- Quoi Candice?

- Elle est au courant?

- Bah non! Surtout pas. Ce qui se passe à Paris, reste à Paris!

- Tu fais pas de connerie mec! Non parce que, je sais, depuis qu'on est arrivés je te pousse à la fête, à l'alcool, à la débauche mais… tu fais pas de connerie!

Presqu'ému par son inquiétude, Antoine sourit doucement.

- Tout va très bien se passer, ne t'inquiète pas. On va juste discuter…

- Ouais fin', dans une chambre d'hôtel, enfermés à deux, bon…

- Vincent… soupira-t-il.

- Nan mais je te préviens juste! Pas de connerie, ok?!

- Ok! acquiesça son ami qui le raccompagnait déjà à la porte. Bonne soirée poker alors?!

- Ouais!»

La porte se referma rapidement, laissant un commissaire légèrement ému par la bienveillance de cet ami qui d'apparence incarnait plutôt ce mauvais diable. En même temps, son inquiétude pouvait s'entendre. Antoine s'apprêtait à passer la soirée en tête à tête dans sa chambre d'hôtel avec sa charmante ex… Et vu la réputation qui lui collait à la peau, difficile de ne pas penser au pire. Et justement la tentation s'apprêtait à pointer le bout de son nez, songea Antoine en avisant deux coups à la porte. Il l'ouvrit, et derrière apparut une jolie blonde visiblement gênée. Le brun la fit entrer, et récupéra ses sacs en papier pour les déposer sur le petit bureau arrangé.

«Bières, frites et hamburger… Désolée y avait que ça au bar de l'hôtel.

- Et c'est parfait! sourit-il sincèrement en lui montrant le fauteuil.

- Mais et toi?

- Parterre, contre le lit, t'inquiète ça fait l'affaire!

- Bah non alors je te rejoins…»

Et Anna s'installa à son tour sur le sol, appuyé contre le rebord du lit à la couverture blanche. Désormais, les deux se lançaient dans un face-à-face intimidant. Devant eux, Antoine avait déposé le plateau en plastique sur lesquels leur repas du soir attendait patiemment.

«Ça me rappelle notre week-end à Lisbonne quand on était étudiant… s'amusa-t-il en rigolant.

- C'est vrai! On avait pas une thune et on a passé les deux jours à se gaver de sandwich dans la chambre, à chaque repas… continua-t-elle en rigolant.

- C'est parfois mieux qu'un dîner dans un étoilé… J'aime bien la simplicité.

Anna acquiesça, convaincue par son argumentaire.

- Ça fait pas trop bizarre qu'on s'isole comme ça des autres?

- Bah… Les autres ont bien compris qu'il y avait quelque chose qu'allait pas…

- Non mais je veux pas qu'il y ait de quiproquos quoi…

- Ah bah c'est clair que j'entends déjà leurs blagues grivoises là! rigola-t-il en piquant une frite dans la barquette. Mais bon… Nous on sait pourquoi on est ici tous les deux, c'est l'essentiel…

- Ouais… confirma-t-elle en avalant une gorger de sa bière avec douleur.»