Quatrième, The Dueling Club
Quelques explications : Harry Potter et Tom Jedusor sont nés à la même époque. Gellert Grindelwald a tué les parents de Harry lorsqu'il était bébé. Harry grandit en France, où il mène une vie assez similaire à celle décrite dans le canon chez sa tante et son oncle, jusqu'à ce que le Seigneur des Ténèbres vienne le chercher. Son ennemi n'est alors pas Lord Voldemort, mais Gellert Grindelwald. Tom est le narrateur de cette histoire, elle est écrite de son point de vue.
Rating : M pour plus de sûreté
Couple principal : Tom Jedusor/Harry Potter
Publication : Au départ, je pensais publier le mercredi, puis je me suis dit, pourquoi pas le dimanche ? Et aujourd'hui, on est samedi... Je ne sais plus ! Je suis perdue. Votez pour votre jour préféré de la semaine en me laissant une review, et on fera comme ça !
Réponses aux reviews !
L-u-f-f-y-2 : Merci beaucoup pour ta review ! Je suis ravie que l'idée du Patronus te plaise. C'est sans doute le sortilège qui m'attire le plus, et j'adore écrire dessus, même si la situation ne s'y prête pas toujours. Cette fois, j'ai enfin réussi à l'intégrer ! :) J'espère que ce nouveau chapitre te plaira !
stormtrooper2 : Salut ! Merci pour ta review ! :D Est-ce que Tom peut produire un Patronus ? Tu sembles convaincu que oui. Voldemort en a toujours été incapable, mais ce Tom-là a encore toutes ses chances. Il lui suffirait peut-être d'un peu de soutien ! Harry va s'occuper de tout ça ;)
Lady Zalia : Merci encore pour tes reviews ! J'ai été un peu malade, rien de grave, juste un rhume. Je tombe facilement malade, mais ça ne m'empêche pas de publier ! J'imagine trop Tom faire des cartes mentales version "comment me marier avec Harry Potter", c'est tellement drôle XD. Notre pauvre Seigneur des Ténèbres est déjà bien accro alors qu'Harry n'a pas encore vraiment fait un pas vers lui. C'est sûr que Tom va ramer, Harry n'a pas vraiment la tête à la romance. Il sort d'une guerre, il n'est pas tranquille, dort mal, et il a perdu "l'objectif de sa vie" puisqu'il a gagné. Ce Harry essaie juste de "respirer un peu" tout en sachant que ce n'est pas ce qui convient à un homme d'action comme lui, qui se sent plus à l'aise dans une bataille qu'à Poudlard. Tu as raison, l'âme de Tom n'est pas encore fragmentée, ce qui lui laisse toutes ses chances de produire un Patronus. Mais peut-être que le frein est davantage psychologique ? Tom aime penser qu'il n'y a que le malheur qui lui sied. Une déclaration d'amour de Tom ne va sûrement pas arranger les choses entre nos deux protagonistes XD. Quant à Uran, tu as raison, il va essayer de profiter de la situation, c'est tout à fait son genre. J'espère que ce nouveau chapitre te plaira !
Pheonix77 : Merci beaucoup ! :) Oui, Tom est déjà obsédé par Harry, mais pas d'une manière trop malsaine, et il le voit vraiment comme un modèle. Il l'idéalise un peu, en réalité. Mais après tout, c'est le propre de tous les premiers amours, non ? Sauf que Tom reste Tom, et il ne risque pas de renoncer à son premier amour, modèle ou non ! Il est coincé entre l'enfant que Dumbledore a récupéré à l'orphelinat et Lord Voldemort, et ses réflexions montrent qu'il pourrait encore basculer. Harry va devoir l'empêcher de tomber du mauvais côté s'il ne veut pas avoir un second Seigneur des Ténèbres sur les bras. (Oh, et tu as remarqué le brame du cerf, je l'ai fait exprès bien sûr ! Ce n'est pas facile d'indiquer que Tom "plaît" aussi à Harry de façon subtile. Après tout, même dans le canon, Harry le trouve beau.)
Saylen : Merciii ! Trop contente que ça te plaise, j'espère que ce chapitre te plaira aussi, je l'aime beaucoup ! Oui, le Patronus de Harry a perçu beaucoup de choses en Tom ;) Uran est juste un adolescent qui essaie de prendre plus de pouvoir qu'il ne peut en posséder. Je te rassure pour le triangle amoureux, Tom et Harry vivent dans leur propre petit monde où les autres existent à peine XD.
TinaElena23 : Tom va-t-il déclarer sa flamme ? Est-ce seulement une bonne idée ? En tout cas, il en a vraiment envie. Tom est curieux de tout ce qui concerne Harry, et il va vouloir tout savoir sur lui et sur la dernière guerre ! Merci de me lire, en espérant que ce chapitre te plaise.
— C'est d'accord, Tom. On pourra discuter après l'entraînement, si cela te convient.
Je le remercie, satisfait. Il me suffira de nous isoler par quelques sortilèges, et peut-être même pourrais-je l'inviter à parcourir le parc de l'école pour que le moment soit propice à une conversation plus intime.
La pensée de cette conversation future m'empêche de me concentrer sur la suite de son entraînement et je ne fais que l'observer. Une éternité semble s'être écoulée avant que la cour ne se vide de ses occupants, nous laissant seuls avec pour témoin le soleil brûlant de ce mois de juin. Les murs de pierre autour de nous renvoient la chaleur, créant une atmosphère étouffante.
Je me sens nerveux et il l'est naturellement aussi. Alors, lorsque je m'approche de lui, nos gestes sont des miroirs de maladresses, empruntés et inquiets. Plus aucun des discours préparés à l'avance ne me vient en tête. Je ne vois que ses yeux verts trop clairs qui me fixent avec une franchise que le reste de son corps semble désapprouver. Je ne sais plus parler. J'ai oublié comment faire. Je ne sais plus marcher. J'ai oublié comment faire.
Lui, sait. Il franchit la distance qui nous sépare encore et parle, sa voix douce contraste avec la tension que je ressens.
— Tu n'es pas obligé de m'en parler, si tu n'en as pas envie.
Je fronce les sourcils. De toute évidence, il se méprend complètement sur les raisons qui m'ont poussé à lui demander cet entretien privé. Il pense que cela a un rapport avec mon incapacité à faire apparaître un Patronus.
Je n'arrive cependant pas à le contredire et je lui réponds trois mots que je n'ai jamais prononcés à voix haute.
— Je suis orphelin.
Ses yeux s'écarquillent et tout son corps semble vouloir s'échapper, mais il ne bouge pas. Impulsivement, il répond, sa voix tremblante d'émotion :
— Moi aussi.
Cela semble être une formule magique dont j'ignorais jusqu'alors l'existence, puisque ces deux mots suffisent à ce que je me sente tout à coup beaucoup plus serein. Lui aussi paraît tout à coup se détendre. Nous nous sourions et je me sens inexplicablement vivant. Mon cœur se cogne contre mes côtes, mais ce n'est pas désagréable.
La pensée qu'il ne sait rien de moi, alors qu'une grande partie de sa vie à lui est connue de tous, me traverse l'esprit et je me dis que ce n'est pas un mauvais départ que d'échanger quelques mots sur le désastre qu'est mon existence.
— C'est la première fois que je le dis à quelqu'un. La plupart de mes camarades le savent et je n'ai jamais eu...
Je ne trouve rien qui puisse conclure cette phrase d'une façon satisfaisante, mais il acquiesce et ajoute :
— Je sais ce que c'est. On a cette impression que tout le monde le sait et qu'en parler est inutile. Qu'ils se sont déjà fait un avis sur nous à partir de quelques mots entendus au détour d'un couloir ou dans le journal : "Ses parents sont morts." On ne prend jamais la peine d'en parler. C'est une erreur, tous les orphelins ont une histoire différente.
Nos deux petites années d'écart me semblent tout à coup être un gouffre insurmontable. Harry Potter est plus mature que je ne le suis et ces quelques mots de sa part me font réaliser que, malgré le temps passé, je n'ai pas accepté l'idée de ne pas avoir de mère ni de père. Je n'ai pourtant jamais connu celle qui m'a mis au monde. Pas une image, pas un son. Cette inconnue qui m'a donné naissance et est morte, ce père qui n'a jamais reconnu mon existence.
C'est une part de mon identité qui m'échappe. Je me demande si Potter l'a acceptée, cette partie de lui qui ne lui appartient pas. Ses parents assassinés par un homme contre qui il a dû lutter toute sa vie. Apprendrai-je à vivre avec ? À accepter l'idée qu'une partie de mon histoire m'a échappé ? Perdue dans le néant de la mortalité humaine.
Je n'ai jamais eu envie de ressusciter ma mère. Je la déteste d'être morte. Si elle devait réapparaître devant moi, mes sentiments envers elle ne seraient que ressentiment et colère.
Potter m'adresse un autre sourire et m'invite à lui dire ce qu'on ne me demande jamais.
— Comment as-tu perdu tes parents ?
On se déplace et je me rends compte que c'est Potter que je suis, lui qui marche lentement sous les alcôves des couloirs ouverts de l'école, lui qui tisse des sortilèges pour empêcher les curieux d'écouter notre conversation.
C'est lui qui mène cette conversation et je le laisse faire. Pour la première fois, je ne me sens pas obligé d'avoir le contrôle sur les moindres détails de mon environnement. Je cale mon pas sur le sien, mon rythme tout entier se cale sur la fréquence plus basse, plus douce et agréable de son existence et j'ai la sensation de me reposer. Je comprends pleinement ce que signifie l'expression : se reposer sur quelqu'un.
Son rythme porte le mien et je ne suis pas forcé de me débattre pour prendre l'ascendant face à un potentiel ennemi. Je ne ressens aucune hostilité émaner de son âme.
Harry Potter est une antithèse. Une que je peux concevoir.
Je le sens attentif à une éventuelle prise de parole de ma part et je finis par lui dire.
— Je pense que mon père est toujours en vie. Ma mère est morte en me donnant naissance, elle a accouché à l'orphelinat. Elle savait qu'elle ne survivrait pas. Elle m'a nommé et m'a abandonné dans cet endroit où j'ai passé le reste de ma vie. Jusqu'à ce qu'on m'apprenne que j'étais un sorcier. À l'âge de onze ans, je suis entré à Poudlard. Depuis, je retourne à l'orphelinat tous les étés.
Potter fronce les sourcils à la fin de ma déclaration. Après un instant de réflexion, il me demande.
— Tu vas y retourner à la fin de l'année ?
Je sens ma mâchoire se serrer brusquement et je force mon corps à rester en mouvement alors que ma respiration se coupe. J'arrive à siffler, sans le regarder.
— Je n'ai nulle part où aller et Poudlard ferme l'été.
Mon aversion pour l'orphelinat est évidente. Je ne le vois pas mais je sais que ma réponse ne plaît pas à Potter, l'air se densifie autour de lui. Comme si l'atmosphère elle-même redoutait qu'il n'utilise sa magie sous le coup d'une émotion.
— Si cela ne tenait qu'à moi, ce genre d'endroit n'existerait pas.
Je n'ai pas besoin de le lui préciser mais je ressens le besoin de le faire. Parce que j'ai l'impression que c'est la première fois que quelqu'un écoute les mots qui sortent de ma bouche.
— J'ai préparé un sac, avec des provisions. De quoi manger, des potions, ce genre de choses. Ce sera suffisant.
Cela ne peut pas être pire que l'été dernier ou les précédents. Ça fait quelques années que la directrice n'a plus le courage de me battre, je vais survivre. Je me répète sans cesse cette phrase à moi-même, si bien que je la prononce. Mot à mot.
Harry Potter s'arrête tout à coup de marcher. Lorsque je le regarde, sa mâchoire et ses poings sont serrés d'une façon qui me fait penser qu'il risque de se briser les os.
Sa réaction me fait tout à coup réaliser ce que je viens de dire. Ce que je viens de faire. Jamais, en six ans, je ne me suis plaint à un adulte des mauvais traitements de l'orphelinat et voilà qu'en l'espace de quelques minutes, je me confie à l'un d'entre eux.
Une partie de moi, la plus enfantine de toute, panique complètement, me hurle de fuir. M'adjoint à revenir sur mes paroles, à mentir, à corriger ma déclaration. À la faire passer pour fausse. Je ressens cette impulsion brusque, presque une décharge électrique dans mes membres qui m'ordonnent de fuir. Lutter me fait presque monter les larmes aux yeux. Je ne sais plus quoi faire de mon corps.
Cela doit se voir sur mon visage car Potter se force tout à coup à se détendre et fait un mouvement involontaire qui doit signifier quelque chose comme "du calme".
Je ne suis pas calme. J'imagine déjà le directeur Dippet me forcer à décrire avec précision ce qu'il se passe, s'est passé, à l'orphelinat, je vois déjà les regards remplis de pitié d'Horace Slughorn et ceux, moqueurs de tous les membres de ma maison. Les rumeurs. Ma réputation se déchire dans mon esprit comme une feuille de papier détrempée par la faiblesse de mon passé d'enfant maltraité.
Peut-être que mon corps, ce traître, esquisse un mouvement de recul, peut-être qu'il est clair dans mes yeux que je vais me mettre à courir. Peut-être qu'il est facile, pour un soldat, de reconnaître dans les yeux de son vis-à-vis, la pulsion qui le pousse à courir pour sa vie. Même si celle-ci repose sur un tissu de mensonges.
Puisque, tout à coup, Harry Potter semble complètement dépassé. Il s'éloigne mais semble vouloir se rapprocher, ne semble plus savoir quoi dire ou quoi faire. Je lis sur son visage la douleur de ne pas savoir s'il doit me retenir ou me laisser m'enfuir et, tout à coup, je comprends.
Je mesure la situation. Je prends conscience que je me trompe.
Harry Potter n'est pas un adulte à qui j'ai, par erreur, confié l'un des nombreux indicibles de mon existence. C'est juste un autre orphelin, abandonné, apeuré, perdu et esseulé qui, presque assez grand pour pouvoir aider les autres, ignore encore ce qu'il est censé faire pour y parvenir.
Je vois en lui le miroir déformé de ma propre peur d'enfant. Je vois sur son visage, dans la tension des muscles de ses bras, à la façon dont il paraît presque sur le point de s'effondrer ; que lui et moi n'avons rien à craindre l'un de l'autre.
Il n'ira pas raconter ce que je viens de lui dire. À personne. C'est évident. Mon corps se détend et le sien suit mon exemple, coincé dans cette réciprocité qui ne semble pas pouvoir nous quitter.
Il fait un pas expérimental en avant et paraît reprendre contenance en remarquant que je ne vais pas disparaître et passer le reste de mon existence à l'éviter, en espérant qu'il gardera mon secret sans s'en servir contre moi.
C'est ce que j'aurais fait, si cela n'avait pas été lui. Si Harry Potter n'avait pas paru si similaire à moi-même en cet instant. Si je n'avais pas autant l'impression de me tenir face à un miroir déformant. Au revers de la médaille. À la face de cette pièce dont je suis le verso.
Après un moment d'incertitude, il finit par m'assurer, et je ne peux m'empêcher de le croire. Lui qui a fait plier l'Histoire, arrêté la Seconde Guerre mondiale. Vaincu Gellert Grindelwald.
— Tu n'y retourneras pas.
J'ai envie de trouver sa déclaration ridicule. Je n'ai pas envie de le croire. Je veux lui demander ce qu'il compte faire pour empêcher ça.
Si, moi, le concerné, n'ai trouvé aucune solution, qu'est-ce que lui, un parfait inconnu, est prêt à faire ?
Détruira-t-il Londres pour moi ? Tuera-t-il la directrice pour qu'elle ne pose plus jamais la main sur moi ? Va-t-il déclarer la guerre à ce gouvernement pour en changer les lois ? Destituera-t-il le directeur de cette école pour me permettre d'y rester ?
Oui, c'est ce que je souhaite lui demander. Harry Potter. Toi qui parais si sûr de toi, jusqu'où es-tu prêt à aller pour tenir parole, réaliser cette promesse que tu viens de prononcer ?
Je ne dis pas un mot.
Je le crois. Sans raison. Sans grande déclaration. Sans promesse. Sans éclat. Sans rien. Rien d'autre que ces quelques mots. Cette assurance.
Je le crois.
Il m'a dit que je n'y retournerai pas et je sais que, plus jamais, je ne mettrai un pied dans cet orphelinat.
Pendant un instant, je regrette son apparition tardive dans ma vie. Si seulement il avait été là dès mon premier souffle, avec lui je le sais ; tout aurait été différent. Mais peut-être dois-je me féliciter pour l'avoir rencontré, j'aurai pu vivre sans jamais croiser son chemin. Il aurait pu naître bien après moi et… peut-être l'aurai-je rencontré mais cela aurait été trop tard.
Sans son apparition subite dans le fil de mon existence, j'aurai créé mon premier Horcruxe et j'ignore à quel point arracher une partie de son âme change son possesseur.
Je ne le saurai jamais. L'éternité ne me paraît plus si attirante si cela signifie lui survivre. Mes sentiments à son égard sont devenus plus imposants que n'importe laquelle de mes peurs.
Cela ne fait que quelques semaines que je connais son nom.
On marche sans un bruit, un long moment. On parcourt les couloirs au hasard, sans destination. Une déambulation sans objectif. Lui et le silence.
Les autres occupants du château que l'on croise me paraissent être des fantômes aux contours flous, juste des ombres appartenant à un autre monde.
Il n'y a que lui qui me paraît assez solide. Il n'y a que lui qui me paraît appartenir à la réalité.
Je ne sais pas à quoi il pense mais je sais qu'il réfléchit, que ses pensées me sont destinées et je n'ai pas besoin de les entendre pour me délecter de l'attention qu'il m'accorde enfin.
J'aurais préféré que cela soit pour une autre raison mais peu importe. Tant qu'il reste à mes côtés, je suis satisfait.
— Ton Patronus.
Sa voix déchire si facilement le silence que je me retrouve à fixer sa bouche. Ses lèvres sont pâles. Ni roses ni rouges, presque incolores. Je me demande si les embrasser changerait ce fait. Je n'en fait rien. Je reste en attente. Je veux connaître sa sentence. Là où ses pensées l'ont mené. Comprendre la façon dont fonctionne son esprit. Ses lèvres s'ouvrent à nouveau.
— Je retire ce que j'ai dit. Pour ton Patronus, ce n'est pas juste. Inventer un souvenir joyeux. Ce n'est pas suffisant. Je n'ai pas envie que qui que ce soit d'autre soit obligé de le faire.
Je fronce les sourcils mais je n'ai pas le temps de réfléchir à sa déclaration puisqu'il assène, très sérieusement.
— Il suffit d'en vivre. Des moments joyeux. Ça ne fonctionnera peut-être pas de façon immédiate, ça pourrait prendre du temps. Mais je pense que ce serait mieux. Beaucoup mieux.
Confus, je me sens obligé de le lui faire remarquer, détachant mes yeux de ses lèvres.
— Ce n'est pas quelque chose que l'on peut décider comme ça.
Il ne suffit pas de se dire "demain je vais vivre des moments joyeux" pour que ça fonctionne. C'est aberrant, comme façon de penser. Ce n'est pas aussi simple. Il doit le savoir, il le sait forcément.
Il hausse les épaules, me sourit. Un simple sourire de sa part fait s'emballer mon rythme cardiaque et je me demande s'il n'existe pas une potion pour maîtriser cet organe qui tente de m'échapper à chaque fois que Potter pose ses yeux sur moi.
— Je ne sais pas, je n'ai jamais essayé. Ça ne coûte rien de faire un essai. Tu n'as qu'à le prendre comme un cours particulier.
Il s'arrête de marcher, regarde autour de nous, hoche la tête comme s'il prenait les tableaux autour de nous comme témoins et affirme.
— Je vais t'apprendre à invoquer un Patronus corporel, Tom. Un vrai. Peu importe le temps que ça prendra. Tu es d'accord ?
Encore une fois. Cette assurance.
Un Patronus corporel. Cela signifie de la joie, du bonheur. Être heureux. J'ignore si je suis capable de connaître ses sentiments. Avant de faire sa connaissance je n'avais jamais ressenti la moindre attirance. Mais la joie semble différente. L'attirance c'est un peu comme le désir et j'ai toujours été capable de désirer.
L'objet de mes désirs a simplement changé.
Harry Potter peut-il me rendre heureux ?
Mon âme lui demande silencieusement s'il est prêt à y consacrer l'éternité, elle se moque de lui, qui ne soupçonne pas à quel point elle est plongée loin dans l'obscurité. Elle rit. Elle lui assure qu'il va lui falloir plus de vies qu'il ne se l'imagine. Que l'éternité ne sera pas suffisante pour retrancher en elle une parcelle de joie. Que je suis une cause perdue. Qu'il va s'abîmer dans les ténèbres qui m'habitent, que je vais salir son âme avec la mienne.
Jamais je ne lui dirai un seul mot à ce sujet. Ça me va. Qu'il se salisse en essayant de m'aider. Qu'il corrompt son existence en la liant à la mienne. Qu'il coule à mes côtés.
Personne d'autre n'en aura l'autorisation.
C'est pourquoi je ne refuse pas son invitation. C'est même une chance inespérée pour moi. Je ne serai pas obligé de l'y forcer s'il décide de lui-même de me laisser une place à ses côtés.
J'accepte. Sans concessions, sans discussion.
Il me sourit comme si c'était moi qui lui offrait un cadeau. Il ignore que je vais m'accrocher à lui jusqu'à notre dernier souffle. Que j'ai pris ma décision, qu'à partir de ce jour, je ne laisserai plus rien nous séparer. Même s'il s'agit de sa volonté.
Le rendez-vous est pris, chaque jour après le dîner dans la Grande Salle, il me donnera un cours particulier.
Officiellement, il m'apprend à invoquer un Patronus corporel ; officieusement, il tentera de faire entrer dans mon cœur un peu de joie.
Peu importe s'il y parvient ou non, ça me laisse plein d'occasions pour lui parler, me déclarer, passer mon temps à ses côtés. Me l'accaparer loin des yeux des autres membres du club.
Je retourne à la salle commune des Serpentards, soulagé d'un poids que je ne savais pas porter. Cet été, je ne retourne pas à l'orphelinat.
Je me le répète comme un mantra. Cet été, je ne retourne pas à l'orphelinat.
Cette simple phrase me rend ivre. Étourdi par la liberté que m'offre cette perspective.
Je passe le reste de cette journée d'été à ne rien faire, comme je ne l'ai jamais fait. Assis sur mon lit, à profiter du simple fait d'être en paix. Je verrai Harry Potter demain, à l'entraînement et en privé.
Parfait. Tout est parfait. Trop parfait même…
C'est peut-être mon impatience pour cette future rencontre qui accélère et compresse le temps, mais jamais un dimanche ne m'a jamais paru à la fois aussi long et court que ce jour-là. En dehors des entraînements, je consacre le reste de la journée à mes devoirs. Je veux prendre de l'avance ; si je dois passer toutes mes soirées avec Potter jusqu'à la fin de l'année, je ne veux rien avoir d'autre en tête que lui.
J'évite les conversations et je reprends ma place dans l'ombre. Inutile pour moi de jouer mon rôle, j'ai déjà gagné la partie. Mes camarades ne tarderont pas à apprendre que Harry Potter me donne des cours particuliers et les rumeurs à ce sujet suffiront à faire comprendre à ceux qui l'ignorent encore que je ne partage pas.
Je croise Uran Nott dans les jardins de l'école alors que je me rends à la serre pour faire le croquis demandé pour le prochain cours de botanique. Sa déconfiture de la veille ne semble pas l'avoir refroidi ; il m'apparaît comme il m'a toujours semblé, entouré de sa meute de fidèles, comme le chien galeux qu'il est à mes yeux.
Lorsqu'il m'aperçoit, il se lève et fait un geste à ses fidèles toutous pour que ceux-ci restent à leur place avant de se coller à moi comme un chewing-gum sous une chaussure. J'accélère le pas et il en fait de même sans aucune difficulté. Il arbore le même sourire nonchalant qu'à son habitude. Je compte jusqu'à trois, puis jusqu'à dix pour retenir la malédiction que je souhaite lui lancer et qui lui briserait assurément les dents. Peut-être même que je pourrais les enfoncer dans sa mâchoire jusqu'à ce qu'elles transpercent son horrible visage souriant.
Je n'apprécie pas Uran Nott. Je n'aime personne. Cette affirmation, coutumière dans mon esprit, n'est plus tout à fait vraie. Je la remplace consciemment, comme on change de paradigme.
Je n'apprécie pas Uran Nott. Je n'aime que Harry Potter. Satisfait par cette nouvelle itération de moi-même, j'oublie que la précédente a un jour existé.
Uran ne se laisse pas impressionner par mon hostilité évidente, il en a l'habitude. Ses yeux s'accrochent à mon matériel de dessin et il déclare :
— Tu vas à la serre pour dessiner ? Je peux peut-être t'accompagner, je n'ai pas encore fait le devoir de botanique, ce sera l'occasion.
Je réplique immédiatement :
— Je préfère y aller seul.
Nott fronce les sourcils mais ne se laisse pas décourager :
— Je ne vais pas te déranger. C'est ridicule de passer ton dimanche après-midi tout seul dans la serre. Tu vas mourir de chaud là-dedans.
Je grince des dents :
— Contrairement à toi, je suis capable d'utiliser des sortilèges pour réguler ma température corporelle.
Ses yeux brillent face à l'insulte mais il ne s'énerve pas, au contraire, son sourire se fait carnassier :
— J'imagine que tu t'en sers beaucoup en ce moment. Potter te donne chaud, non ?
Je me fige brusquement, incrédule qu'il ait osé aborder un tel sujet. Il s'arrête peu après moi et son sourire psychotique s'élargit encore :
— J'ai tapé juste on dirait. Pas la peine de t'en cacher. Je pense que tu n'es pas le seul dans ce cas. Beaucoup de filles sont certainement de ton avis. Mais tu n'es pas une fille, n'est-ce pas Tom ?
Je vais le tuer. Il est mort. Je ne sais pas encore comment ni quand mais Uran Nott va le payer de sa vie.
Impossible pour moi d'ouvrir la bouche, si je dis quelque chose, je suis certain que ce sera un impardonnable et je n'ai pas pour projet de finir à Azkaban ce soir. Je me contente de dévisager Nott.
Alors que celui-ci continue de me sourire. Il est victorieux. Il me tient et il le sait. Mais il n'a rien de subtil, alors il précise sa menace :
— Je suppose que tu préférerais que toute l'école ne soit pas au courant de cette… préférence ? N'est-ce pas ?
Mort. Je lui laisse deux semaines. D'ici là j'aurai trouvé un moyen de l'empoisonner sans que personne ne le sache. J'imagine les différentes façons dont je peux mettre fin à ses jours alors qu'il déploie son chantage avec une satisfaction évidente :
— J'imagine que je pourrais garder cela secret. C'est ce que font les amis. Mais, pour cela, il faudrait que je puisse te considérer comme un ami et tu n'as pas fait beaucoup d'efforts dans ce sens jusqu'à maintenant.
J'essaie de garder mon calme. Si je montre un instant de faiblesse, ça empirera la situation et il saura qu'il a gagné. Je nettoie mon visage de toute expression, vide l'intérieur de mon esprit. Je noie mon cœur dans l'obscurité et je ne reconnais pas ma propre voix lorsque je lui demande :
— Qu'est-ce que tu veux ?
Il éclate de rire. Un rire horrible et murmure :
— Depuis le temps que j'attends ça…
Il me paraît encore moins sain d'esprit que je ne le suis, ce qui n'est pas peu dire. Il se redresse et me sourit :
— Si on commençait par aller faire ce dessin à la serre ensemble ? Ce serait un bon début.
Il me regarde comme s'il s'attendait à ce que je réponde. Vexé par mon manque de réactivité, il fait volte-face de façon théâtrale et m'ordonne :
— Suis-moi.
Mon corps est rigide et le suivre est une vraie torture. J'essaie de trouver un échappatoire. N'importe quoi. Je fais le catalogue de toutes les choses que je sais sur Uran Nott, mais je ne trouve rien qui puisse l'empêcher de raconter à toute l'école que je suis attiré par les garçons.
Les couples homosexuels ne sont pas persécutés par les sorciers. Je ne risque pas de me faire virer de l'école pour cela. Contrairement aux moldus qui condamnent cela comme un crime, les sorciers sont plus tolérants. Ou, en tout cas, les sorciers adultes le sont. Les adolescents, c'est différent.
La moindre différence est déjà une source de moquerie pour eux. Apprendre que l'un des leurs, le petit préféré des professeurs, l'orphelin trop parfait de Serpentard préfère les hommes aux femmes suffirait à créer un mouvement de rejet. Sans parler de harcèlement et de persécution.
Je me suis battu six ans contre mon statut de sang-mêlé à Serpentard. Je ne veux pas encore avoir à me battre. Cela me retirerait la possibilité d'être Préfet-en-chef l'année prochaine. Le directeur ne confierait pas un rôle de meneur à un élève ostracisé par ses camarades.
Quel choix ai-je d'autre ? Obéir à Nott ? Le tuer ?
Faire la moindre vague me retirera mes chances d'être Préfet-en-chef. Je suis pieds et poings liés et je déteste plus que tout au monde cette sensation. Celle d'être emprisonné. Dominé, incapable de me défendre. Elle me rend malade.
C'est une coquille vide, l'ombre de moi-même qui passe l'après-midi avec Uran Nott dans la serre. Il ne tente aucune autre intimidation supplémentaire et semble se contenter de ma présence et de mon obéissance silencieuse.
Le dessin que je réalise pour le cours de botanique n'a jamais été aussi marginalement précis et détaillé. Mon esprit fait tout pour échapper aux pensées sinistres qui l'habitent.
Nott m'ordonne de l'accompagner à la Grande Salle pour le dîner et de manger à côté de lui. Ce que j'avais toujours refusé de faire jusqu'à présent. J'entends mes camarades murmurer entre eux lorsqu'ils me voient en compagnie d'Uran. Ils savent tous que j'ai pour habitude de dîner seul.
La moitié d'entre eux pensent que celui-ci a finalement obtenu gain de cause à force de quémander mon amitié. L'autre sait que ce qui se passe est anormal et cette partie-là a certainement déjà compris que Nott me fait chanter. Ils vont chercher à savoir ce qu'il utilise contre moi. Je ne fais que serrer les dents.
Je ne mange rien. Incapable d'avaler quoi que ce soit. Uran Nott passe son temps à me dévisager en souriant. J'ignore ce qu'il attend de moi exactement. Pourquoi tient-il tellement à ce qu'on soit vus l'un avec l'autre ? Pour renforcer sa position auprès des Serpentards ? Prendre l'ascendant sur moi et la tête du groupe ? Ou juste pour le plaisir de voir quelqu'un qu'il sait plus puissant et plus influent que lui courber l'échine ?
Un peu de tout ça probablement. Je ne participe à aucune conversation, ne lâche pas un mot et ne fais rien d'autre que contempler la surface cuivré et miroitante de mon assiette. L'odeur de la nourriture me donne envie de vomir.
C'est Harry Potter en personne qui me libère de cette torture. Un peu avant la fin du repas, j'entends sa voix derrière mon dos et je retiens un tressaillement. Je ne l'ai pas senti s'approcher, trop perturbé pour le surveiller comme je le fais d'habitude.
— Je vais vous emprunter Tom.
Je vois l'expression satisfaite de Nott se transformer en quelque chose d'hideux alors qu'il fixe Potter quelque part dans mon dos. Ses yeux se plissent, et ses lèvres se tordent en une grimace de dégoût.
Cela ne dure qu'une seule seconde avant que cette expression disparaisse et qu'Uran ne retrouve son habituel masque d'ennui et de nonchalance.
— Dans ce cas, à plus tard Tom. Tu me raconteras ta soirée ? On se dit tout, maintenant.
Je ne lui réponds pas. Ce n'est pas une question, juste une autre menace de sa part. Je me lève et suis Potter à travers la Grande Salle. J'aligne mon pas avec le sien dans le Hall et essaie de paraître moins affecté que je ne le suis. Les regards curieux des autres élèves glissent sur nous, mais je les ignore.
Je ne fais pas attention à l'endroit vers lequel il me guide et lorsque je me retrouve devant la porte de ses appartements personnels, je reste stupéfait. Il ouvre la porte en grand et m'invite à entrer. Je ne le fais pas répéter et le précède à l'intérieur.
L'intérieur de ses appartements ressemble exactement à ce que j'avais imaginé. Des fauteuils en cuir usés sont disposés autour d'une cheminée dont le feu se rallume avec vivacité dès que Potter franchit la porte d'entrée. Il y a des tapis sur le sol et des étagères un peu partout sur les murs de pierre. Des potions, des parchemins et des livres traînent un peu partout, créant une atmosphère à la fois chaotique et chaleureuse.
Une pile d'entre eux menace de s'écrouler. Sur le côté, un coin a été aménagé pour y cuisiner ou plutôt pour y brasser des potions, puisqu'un chaudron et quelques autres instruments de mesure s'y trouvent déjà. Aucun tableau ni tapisserie sur les murs. À la place, un mannequin d'entraînement est épinglé contre l'un d'eux, comme s'il avait été poussé là par un Expelliarmus un peu plus tôt.
Je remarque une porte close dans un coin de la pièce et je ne peux qu'imaginer qu'il s'agit de sa chambre. Je l'imagine similaire à cette pièce, imprégnée de ce qu'il est.
Potter allume quelques bougies supplémentaires d'un simple geste de la main et je lui envie cette facilité qu'il a à faire obéir sa magie sans baguette ni incantation.
Il retire la veste de son costume et la dépose sur l'accoudoir d'un des fauteuils avant de s'y asseoir. Il masse l'une de ses épaules et je me retiens de lui proposer de le faire pour lui. Je me demande s'il a une autre cicatrice à cet endroit, si c'est une vieille blessure qui le torture ou juste une raideur due à une fin de journée passée à s'entraîner au duel quelque part dans le château.
J'aimerais cartographier chacune de ces cicatrices.
Il me jette un coup d'œil et me demande :
— Tu ne veux pas t'asseoir ?
Au lieu de lui répondre, je prends place dans le fauteuil d'en face et j'imite son comportement en retirant ma robe d'uniforme. Me retrouvant, tout comme lui, en chemise devant les flammes d'un feu étrangement rafraîchissant.
J'imagine qu'il l'a enchanté de façon à ce que celui-ci garde la pièce toujours à la même température, qu'il fasse chaud ou froid dehors. Ingénieux.
Ces flammes froides lui ressemblent. Elles cachent leur vraie nature.
L'instant suivant, il me demande de but en blanc :
— Avec quoi Uran Nott te menace-t-il ?
S'il avait un doute avant de poser sa question, ma réaction confirme immédiatement ses soupçons puisque je me paralyse comme un lapin pris dans les phares d'une automobile moldue.
— Qu'est-ce qui vous fait penser que c'est le cas ?
J'ai répondu sur la défensive et je le sais. Ma réponse le percute comme si je venais de le rejeter et j'ai l'impression d'avoir fait une erreur. J'oublie parfois qu'il est maladroit socialement et que me montrer agressif dans mes réponses risque de le faire fuir. J'inspire et expire profondément pour me calmer.
— Vous avez raison. Il me fait chanter.
Potter acquiesce prudemment, ses yeux me fixent. Ni inquisiteurs ni accusateurs, juste là. Comme une partie de moi.
— Je sais que cela peut paraître déplacé de ma part, mais je t'ai dit hier que j'allais t'aider à réaliser un Patronus corporel et je pense que ce ne sera pas possible de le faire dans la situation présente. J'ignore ce qu'il s'est passé entre toi et Uran Nott en l'espace d'une journée, mais je sais quelque chose à propos du chantage.
Il se penche en avant pour poser ses coudes sur ses genoux et je me retrouve à imiter son mouvement, comme un aimant. Je l'écoute sans être effrayé à l'idée qu'il aille tout raconter à Dippet ou Slughorn. Il a déjà gagné ma confiance.
— Un maître chanteur perd tout pouvoir dès lors qu'il met sa menace à exécution. Tu as le choix. Tu peux lui obéir ou le laisser agir, mais tu ne dois pas oublier qu'une fois qu'il aura mis à exécution ses menaces, il perdra tout pouvoir sur toi. C'est à toi de choisir si ce qu'il possède - que ce soit une information ou n'importe quoi d'autre - sur toi, mérite de lui sacrifier ta liberté. On a toujours le choix.
Pas une seule fois, je n'ai considéré les choses de cette façon. Je n'ai jamais envisagé la possibilité de laisser Uran Nott mettre à exécution ses menaces pour conserver mon libre arbitre.
Harry Potter se redresse et m'adresse un sourire.
— Prends le temps d'y réfléchir. Tu n'es pas obligé de prendre ta décision de façon précipitée.
Il se lève et jette un œil autour de nous.
— Après tout, ce n'est pas pour cela que je t'ai fait venir ici.
Après avoir repéré une boîte en bois sur l'une de ses étagères, il la récupère, souffle dessus pour y faire s'envoler la poussière et précise :
— Je n'ai pas beaucoup de souvenirs joyeux alors je ne sais pas vraiment comment je suis censé m'y prendre, mais j'imagine que jouer à un jeu de société ne peut pas faire de mal.
Il ramène la boîte, l'ouvre en deux et, à l'intérieur de celle-ci, je découvre des pièces d'échiquier en verre. Elles sont transparentes, la première moitié est faite d'un verre coloré en rouge et l'autre en vert. Elles sont absolument magnifiques et pendant un instant je me demande si elles ne sont pas faites de cristal. Elles capturent les rayons de la lumière et miroitent entre ses mains.
Potter récupère la table basse sur laquelle croulaient quelques grimoires et y déploie la boîte en bois, au dos de laquelle se trouvent des carrés noirs et blancs : le plateau de l'échiquier. Il place le tout, le plateau et les pièces de verre, entre nos deux fauteuils, se rassoit et me demande :
— Tu sais jouer aux échecs ?
J'acquiesce, sans préciser que j'ai passé des heures entières à apprendre par cœur des centaines de stratégies, il y a quelques années, et que je n'ai jamais perdu la moindre partie à ce jeu. Au lieu de cela, je le complimente :
— Vos pièces sont magnifiques.
Mon compliment fonctionne car un sourire radieux dévore instantanément les lèvres de Potter et il déclare avec une fierté qui me fait oublier mon horrible après-midi :
— Je les ai volées. Gellert n'en a plus besoin là où il est.
Gellert. Gellert Grindelwald.
Harry Potter a dérobé son échiquier au Seigneur des Ténèbres.
Mon expression doit trahir mon incrédulité car Potter perd de sa confiance en lui, se racle la gorge et marmonne avec timidité :
— Je n'ai jamais gagné une seule partie contre lui. C'était un tricheur.
J'ignore ce qui me pousse à le faire, mais je lui assure :
— Je ne tricherai pas.
Je n'en ai pas envie. J'ai très rarement eu l'occasion de jouer face à un adversaire en chair et en os. Je ne gâcherai pas cette partie.
Potter attrape les pièces rouges et les place de son côté du plateau. Immédiatement, celles-ci s'animent. Le Roi, tel un Harry Potter miniature, se masse les articulations et s'adresse à son joueur de sa voix cristalline :
— Te revoilà ! Ça fait longtemps que personne n'est venu nous sortir de notre boîte. J'ai bien cru que vous alliez finir par vous entretuer, mais si tu es là, j'imagine que la situation n'a pas beaucoup évolué. Prêt pour un autre round ?
Potter sourit à la petite pièce et me désigne d'un geste de la tête. Le minuscule roi de verre se tourne vers moi et me dévisage. Il regarde Potter, me regarde encore une fois, puis demande avec incertitude :
— Où est ce tricheur de Grindelwald ?
Les autres pièces s'agitent autour de leur roi. Certaines d'entre elles, les pions notamment, me montrent du doigt en chuchotant de façon surexcitée : "Ce n'est pas lui !"
Potter intervient avant que le fou du roi ne se batte avec les cavaliers :
— Il s'appelle Tom et ce sera notre adversaire ce soir. On ne jouera plus contre Gellert.
Les petites pièces hurlent des "hip hip hip, hourra" et des "fini la tyrannie", et j'entends quelques "Potter vainqueur". Puis elles s'improvisent un bal et se mettent à danser une valse sur une musique imaginaire.
Potter les regarde avec une indulgence amusée et m'adresse ces quelques mots :
— J'espère que tes pièces ne seront pas trop réfractaires à l'idée de jouer avec toi. Elles n'ont connu que le Seigneur des Ténèbres et ont quelque peu hérité de son caractère.
Cela suffit à me convaincre d'attraper mon propre roi et de le placer sur le plateau, curieux de voir s'il agit comme un Seigneur des Ténèbres miniature.
Dès l'instant où la pièce touche le plateau de bois, elle s'anime. Contrairement à celle de Potter qui avait pris la peine de dénouer ses articulations avant de s'adresser à son joueur, la mienne fixe immédiatement son adversaire.
Le Roi vert ne prête aucune attention à ma présence et s'adresse à Harry et à son armée, me prenant pour Grindelwald et agissant comme s'il était en sa compagnie.
— Me faire attendre si longtemps enfermé dans cette boîte… J'imagine que c'est encore de ta faute ? Un jour, on apprend à un enfant à se battre et le lendemain, il nous délaisse comme un jouet cassé. Mon pauvre ami, je crois que toi et moi avons choisi un héritier bien insolent. Il nous faut corriger ses manières.
Harry Potter adresse un coup d'œil à sa majesté tout en vert et me désigne d'un signe de tête, comme il l'avait fait avec ses propres pièces. Le petit roi fronce ses minuscules sourcils et se retourne vers moi. Son expression de surprise aurait presque pu être amusante si elle n'avait pas été remplacée par une flopée d'émotions contradictoires, finissant par refléter un mélange de tristesse et d'amertume.
La petite pièce d'échec, toute bravade oubliée, se tourne de biais vers Potter, baisse la tête et parle. Sa voix est pleine de trémolos, comme si on frappait sur du cristal avec une cuillère d'argent.
— Alors c'est ainsi que cela s'est terminé ? Tu l'as tué, n'est-ce pas… ? Je sais qu'il était un tuteur atroce et je ne peux qu'imaginer ta douleur mais… tu étais comme un fils pour lui. Il savait qui tu étais et pourtant… cet imbécile. Tant de souffrances inutiles…
Ces dernières paroles sont presque des sanglots. Potter se racle la gorge pour interrompre la pièce de verre et déclare d'une voix étrangement dénuée d'émotions :
— Gellert n'était pas mon père et il ne le sera jamais. Il a tué mes parents et il s'est servi de moi. C'est fini. Nous ne sommes pas là pour discuter de cela mais pour disputer une partie. C'est pour cela que tu as été fabriqué.
Le petit roi renifle, jette un regard presque malveillant à l'armée rouge qui continue de danser à la santé de Harry, puis se tourne vers moi pour me demander d'une voix rauque, dans laquelle je distingue un accent russe :
— Tu sais jouer, petit ?
J'acquiesce et affirme :
— Certainement mieux que mon prédécesseur.
Le petit roi sourit de mon insolence et s'ébroue.
— Ça, ce sera à moi d'en juger ! Fais monter le reste de notre armée. On va voir si tu es aussi bon que tu le prétends.
Bonsoir à vous, mes chers lecteurs et lectrices ! Comment avez-vous trouvé ce chapitre ? Personnellement, je l'apprécie beaucoup, et j'espère que vous l'avez aimé tout autant. N'hésitez pas à me laisser de nombreuses reviews ; lire vos retours me motive et m'encourage à écrire la suite !
