Sixième, The Dueling Club
Quelques explications : Harry Potter et Tom Jedusor sont nés à la même époque. Gellert Grindelwald a tué les parents de Harry lorsqu'il était bébé. Harry grandit en France, où il mène une vie assez similaire à celle décrite dans le canon chez sa tante et son oncle, jusqu'à ce que le Seigneur des Ténèbres vienne le chercher. Son ennemi n'est alors pas Lord Voldemort, mais Gellert Grindelwald. Tom est le narrateur de cette histoire, elle est écrite de son point de vue.
Rating : M pour plus de sûreté
Couple principal : Tom Jedusor/Harry Potter
Réponses aux reviews !
L-u-f-f-y-2 : Merci pour ton retour ! Oui, je trouve aussi que c'est maladroit et touchant à la fois ! Ça le rend plus humain et compréhensible sans trahir son personnage. Merci encore, j'espère que la suite te plaira !
stormtrooper2 : Coucou ! Merci pour ta review ! Oui, notre Tom est vraiment surprenant. J'adore travailler sur son côté plus humain. La vraie question est de savoir s'il sera sévèrement puni pour ses actions. Tout dépendra du contexte et de la manière dont le directeur va le découvrir, bien sûr ! Tu auras bientôt tes réponses concernant sa relation avec Harry, mais je peux déjà t'affirmer que cette histoire est destinée à les rapprocher plutôt qu'à les éloigner. ;)
Lady Zalia : Merci beaucoup pour ta review, et oui XD ! Tom aimerait bien, mais je pense que Harry n'est pas encore prêt. Il faudrait déjà qu'il comprenne ce que Tom insinue si souvent x). Ce n'était ni un bon plan ni une vengeance, mais il est clair que ce Tom est plus attiré par Harry que par la vengeance. Bonne question ! Est-ce qu'Albus est au courant ? Est-ce que Tom va être renvoyé ? Tu auras bientôt toutes les réponses ! Bonne lecture ;) Hâte de connaître ton avis sur ce nouveau chapitre !
makiang4 : Coucou ! Merci pour ta review ! C'est vrai que ce n'était pas un plan très malin, mais n'oublions pas que Tom n'a que seize ans. Même les plus grands prodiges ont fait des erreurs à cet âge-là !
Saylen : XD Merci pour ta review ! Moi aussi j'adore la fin de ce chapitre ! Parfait pour vous donner envie de revenir la semaine prochaine, non ? ;) Et tes réflexions sur Albus sont super intéressantes ! Ne t'inquiète pas, on va approfondir son personnage dans la suite, et tu auras toutes les réponses à tes questions. En résumé, il a tout de suite vu les similitudes entre Tom et Gellert, et au lieu de le guider ou de l'aider, il a préféré ne pas s'impliquer. Après son expérience avec Gellert, il en est ressorti le cœur brisé.
TinaElena23 : Et voilà la suite ! XD Merci pour ta review ! Tu vas enfin voir la réaction de Harry et la réunion avec le directeur. J'espère que ce chapitre te plaira. De mon côté, je suis à la fin de l'écriture du suivant et j'espère garder le rythme ! :D
Bastet0 : Oh, c'est super ! J'avais peur que ce soit trop facile à deviner, mais personne n'avait compris l'idée de Tom avant qu'il ne passe à l'action, donc c'est une victoire pour moi ! J'espère que le chapitre suivant te plaira tout autant ! Merci beaucoup pour ta review, hâte d'avoir ton avis sur la suite ! ;D
Poudlard est immense, un labyrinthe de couloirs et d'escaliers qui semble s'étirer à l'infini. Entre le lac noir et le bureau du directeur, il y a plusieurs kilomètres. Sans prendre de raccourcis, sans recourir à la magie, et en marchant d'un pas soutenu, il faut vingt-trois minutes pour atteindre la statue du Griffon qui veille sur l'entrée du bureau du directeur dans la plus haute tour de l'école.
Vingt-trois minutes.
Vingt-trois minutes à fixer le dos de Dumbledore, ses épaules droites, son allure tranquille, une insulte à la tension qui dévore mes nerfs.
Vingt-trois minutes pendant lesquelles j'ai largement le temps d'entendre les chuchotements des autres élèves. Les nouvelles circulent vite ici, et ce que j'ai fait ce matin a déjà été déformé, amplifié. Malgré les incohérences de certaines versions, un point commun persiste : je suis le méchant de l'histoire.
Lorsque nous traversons un couloir particulièrement animé, donnant sur la cour intérieure du château, les chuchotements se transforment en regards obliques et en ricanements étouffés. Je passe près d'un groupe de Gryffondor. L'un d'eux, dont le nom m'échappe, me dévisage avec une haine manifeste. Il se tourne vers deux de ses amis et ricane :
— Ce putain de pédé n'a que ce qu'il mérite. J'espère qu'ils vont le renvoyer.
Ses amis éclatent de rire, et leurs voix lacèrent mon âme plus efficacement que n'importe quelle malédiction. Pourtant, ce n'est pas moi qui réagis le premier. Albus Dumbledore se retourne d'un bond, son visage se déformant en une expression que je ne lui connaissais pas, et déclare d'une voix forte :
— Warrington, Coltrane, Grave ! Pour l'insulte que vous venez de proférer, vous êtes privés de Quidditch jusqu'à la fin de l'année scolaire. Cela signifie que vous ne participerez pas à la finale cette année, et que l'équipe de Gryffondor devra se trouver des remplaçants.
Les trois Gryffondor échangent des regards paniqués et essaient de protester, mais Dumbledore lève une main et les réduit au silence.
— Me suis-je bien fait comprendre, messieurs ?
Les trois adolescents blanchissent à vue d'œil et finissent par hocher la tête en silence avant de se disperser, se faufilant dans la foule pour disparaître de ma vue. J'entends et vois la scène sans vraiment la regarder, sans vraiment me concentrer sur ce qui vient de se passer. Je me sens toujours… comme anesthésié, une enveloppe vide flottant dans un monde qui semble s'être ralenti autour de moi.
Le regard de Dumbledore glisse brièvement sur moi, une lueur indéchiffrable dans ses yeux. Il se retient de me dire quelque chose. Je ne relève pas la tête. Je ne bouge pas. Je n'encourage pas son hésitation. Je ne croise pas son regard. Comme prévu, il renonce, se tourne à nouveau et m'invite à le suivre d'un geste de la main. Son allure est différente, plus hésitante, plus ouverte, plus à l'écoute, mais je l'ignore.
Je ne veux pas de sa pitié. Même si lui et moi partageons cet attrait que beaucoup jugeraient anormal pour des personnes du même genre, cela ne lui donne pas le droit de s'inquiéter à mon sujet.
Il ne l'a pas fait durant ces cinq dernières années. Il en a perdu le droit. Il n'est pas de mon côté. Personne ne l'est.
C'est dans cet état d'esprit que j'arrive jusqu'au bureau du directeur. La porte massive s'ouvre en grinçant, révélant l'intérieur du bureau d'Armando Dippet.
La pièce est vaste et les murs sont tapissés de portraits de directeurs passés, tous endormis, leurs visages parfois secoués d'un léger tressaillement. La lumière, tamisée par de grands rideaux verts foncés, émane des quelques fenêtres qui entourent la pièce. Le bureau lui-même est un imposant meuble en bois, poli par les années et les mains qui l'ont touché.
Dippet, assis dans un fauteuil à haut dossier recouvert de velours pourpre, me fixe avec un regard à la fois dubitatif et interrogateur. C'est un homme dont l'apparence ne reflète pas l'autorité de son poste : de petites lunettes carrées reposent sur son nez rond, et sa barbe, bien que épaisse, est maladroitement taillée, ajoutant à son air distrait.
C'est un homme naïf, un bon directeur pour Poudlard, mais je l'ai toujours considéré comme influençable. Contrairement à Dumbledore, il n'a jamais perçu l'obscurité qui m'entoure et a toujours vu en moi un sorcier prometteur, un mal né doté d'une magie puissante qui fait beaucoup d'efforts pour s'intégrer. Le meilleur élément de cette école.
Je n'ai jamais eu besoin de me débattre pour exister à ses yeux. Peut-être est-ce pour cela que je n'éprouve pas une haine viscérale pour lui. Contrairement aux autres. À tous les autres.
Un autre jour, dans d'autres circonstances, si je ne me sentais pas comme hors de mon propre corps, alors peut-être aurais-je eu la force de jouer la comédie devant lui.
J'aurais exposé les menaces d'Uran, je me serais fait passer pour une victime. Mieux encore, j'aurais accusé Nott de m'avoir obligé à embrasser Potter. Ou, dans le pire des cas, j'aurais fait passer cela pour un acte désespéré de ma part pour me sortir de cette situation horrible où l'on m'a soumis à un chantage atroce.
Si j'avais été en pleine possession de mes moyens, je n'aurais pas hésité une seule seconde et je serais probablement déjà bien ancré dans mon rôle, je me serais tiré d'affaire seul. Sans l'intervention de qui que ce soit.
Pourtant, rien de tout cela n'arrive. Je n'arrive pas à ouvrir la bouche et encore moins à bouger. Ma vision de trouble, je me sens affaibli. Mon cœur a cessé de battre quelque part sur le chemin, entre les insultes, les ragots et autres calomnies à mon sujet. Mes oreilles se bouchent et je vois le directeur articuler des paroles que je ne parviens pas à entendre.
Ses lèvres bougent et je ne l'entends pas. C'est déjà arrivé. En fait, ça m'arrivait fréquemment à l'orphelinat, face à la directrice. Elle me parlait et je ne l'entendais pas.
C'étaient des réprimandes. Des réprimandes que je connaissais par cœur, que j'avais entendues des centaines de milliers de fois. Un disque rayé qui répétait comme un écho déformé, toujours les mêmes phrases. Des phrases qui avaient perdu tout leur sens pour moi. Alors elle s'énervait. Lorsque la directrice s'énervait, elle frappait. Pas avec ses mains. Jamais avec ses mains. Avec tout et n'importe quoi passant à sa portée. Un torchon, une bouteille, un bâton, un livre, une pierre, une ceinture. N'importe quoi devenait une arme entre ses mains.
Cela explique peut-être pourquoi ce monde tout entier m'effraie.
Je l'imagine à la place de Dippet actuellement. Si Harry avait été l'un des professeurs de l'orphelinat et que je l'avais embrassé… chez les moldus, où c'est un crime. Elle m'aurait tué. Elle n'aurait cessé de me frapper jusqu'à ce que je meure. Je n'aurais pas eu la magie pour me défendre. J'aurais pu me battre, la bousculer. Elle est vieille et faible maintenant. C'est moi qui l'aurais tuée. Et après ? La police m'aurait recherché.
Je serais en cavale pour meurtre et pour avoir aimé un autre homme.
Cette pensée ne devrait déclencher en moi que la haine des moldus et la volonté de les éradiquer, mais elle engendre en réalité une peur panique que je peine à réfréner.
Je crains et je déteste. Je suis si affreusement humain.
En cet instant j'aurais tout donné pour éradiquer cette humanité qui m'appartient et m'écoeure.
Mes pensées échappent à mon contrôle, et je me retrouve à vouloir créer un Horcruxe au plus vite. Parce que j'ai peur. Tellement peur. Je ne veux pas être tué. Je ne veux pas mourir.
Je ne veux plus souffrir.
Pitié, ne les laissez plus me faire de mal.
Je ne veux plus rien ressentir. Devenir un monstre. Un être qui ne serait jamais touché impunément.
Tout est flou autour de moi et je me sens suffoquer.
On est en train de m'étrangler ?
— Enervate ! Tom ? Tom, reste avec moi, respire doucement. Fais comme moi, d'accord ? Tu es dans le bureau du directeur, à Poudlard. Tom ? Je t'en prie, concentre-toi. Essaie de compter les lattes du parquet. Combien en vois-tu ?
J'ignore qui me parle exactement, mais sa voix perce les ténèbres dans lesquelles je me trouve. Je refais surface, mes yeux se fixent sur le parquet. C'est toujours flou, mais je vois le sol sous moi. Je ne me souviens pas m'être écroulé. Je bégaie avec peu d'assurance.
— Qu... quatre ?
Je relève la tête pour rencontrer les yeux verts clairs et lumineux de Harry. Harry Potter. Il fronce les sourcils et semble inquiet, mais lorsqu'il entend ma réponse, il m'offre un sourire encourageant. Cet homme est trop beau pour son propre bien.
— Tu t'en sors très bien, Tom. Respire calmement. Est-ce que tu me reconnais ? Tu sais où nous sommes ?
Bien sûr que je le reconnais. Même sourd et aveugle, j'en serais capable. Je fronce les sourcils et la première réponse qui me vient à l'esprit est « l'orphelinat », mais je parviens à la retenir. Elle est fausse. Je le sais.
— À Poudlard.
Potter acquiesce d'un hochement de tête franc et m'explique :
— Oui, nous sommes à Poudlard. Il semble que tu aies fait une crise de panique. Le directeur et Albus ne savaient pas quoi faire ; heureusement, je suis arrivé à temps. Comment te sens-tu ? Accepterais-tu que je prenne ta main pour t'aider à t'asseoir ?
Il hésite à me prendre la main... Me demande-t-il ma permission ? Se souvient-il que je l'ai embrassé de force il y a à peine quelques heures ?
Je tends ma main dans sa direction, et il la saisit sans hésitation, avec assurance, et m'aide à me relever. D'un geste désinvolte de sa baguette, sans prononcer le moindre sort, il fait apparaître l'un des fauteuils de ses appartements personnels, et m'invite à m'y asseoir.
Je suis ses indications sans protester. Je me sens étourdi et affaibli. Ma main doit être particulièrement moite, mais je n'ai pas envie qu'il la lâche pour autant. Au cas où l'idée lui viendrait de le faire, je referme mes doigts tremblants sur les siens.
Je remarque avec une certaine satisfaction que ma main et la sienne sont de la même taille. La paume de sa main est chaude. Il semble avoir une drôle de cicatrice sur le dos de la main mais impossible pour moi d'en distinguer les contours. Il ne lâche pas ma main. Pas une seconde.
Armando Dippet ouvre la bouche pour demander des explications, et Potter lui raconte tout. Je devrais l'en empêcher, mais je n'en ai pas envie. En fait, j'éprouve même un sentiment de satisfaction lorsque le directeur apprend que j'étais battu à l'orphelinat et qu'il m'y renvoie chaque été sans jamais accéder à ma demande d'asile. Son visage défait est ma seule consolation.
Harry ne s'arrête pas là. Après avoir expliqué que je lui avais confié ne pas réussir à produire un Patronus corporel à cause de mon passé, il informe le directeur et Albus Dumbledore qu'Uran Nott me faisait chanter au sujet de mon orientation sexuelle.
Même Dumbledore semble accuser le coup. Son air ahuri me dégoûte. Il savait pour l'orphelinat ! Il a rencontré Mrs Cole. Quant au chantage de Uran, s'il avait été plus observateur, il aurait remarqué que mon comportement avait changé autour de lui.
Après avoir exposé les faits, Potter conclut :
— De toute évidence, les actions de Tom à mon égard ce matin n'étaient pas volontairement agressives ou provocatrices, mais en réaction à un chantage contre lequel il ne savait plus quoi faire. C'est pourquoi je vous demande de prendre en compte le contexte avant de prendre une décision concernant une éventuelle sanction.
Le directeur cligne des yeux, la bouche ouverte comme un poisson hors de l'eau. Il me dévisage un long moment. Dumbledore, quant à lui, se prend la tête entre les mains et pousse un profond soupir. Lorsqu'il se redresse, il a le visage d'un homme dévoré par les regrets et la honte. Je refuse de le voir ainsi, alors je détourne le regard.
Bientôt, Dippet adopte une expression similaire, et je me retrouve à fixer ma main dans celle de Harry.
Ils discutent encore un moment, tous les trois comme si je n'existais pas.
Finalement, j'écope d'une sanction minime. À partir de demain et jusqu'à la fin de l'année, je serai en retenue avec le professeur Dumbledore, retenue qui aura lieu après le dîner chaque jour. C'est précisément le moment que Potter avait choisi pour m'apprendre à faire apparaître un Patronus corporel.
J'imagine que cette promesse ne tient plus.
Pourrais-je toujours participer au club de duels ? Rien n'a été dit à ce sujet. Le directeur nous renvoie, Potter, Dumbledore et moi. Il va convoquer Uran Nott pour entendre sa version des faits et le punir en conséquence.
Je suis libre. Je peux rester à Poudlard.
Toutefois, mon sentiment de légèreté s'évanouit bien vite face à la réalité de la situation. Toute l'école sait ce qui s'est passé avec Harry, et les trois semaines restantes avant les vacances risquent d'être particulièrement difficiles à vivre.
Heureusement, la fin de l'année approche, mais j'ignore où je passerai l'été. Je n'ai nulle part où aller.
Harry me tient la main jusqu'à ce que nous arrivions en bas des escaliers du bureau du directeur. Puis il la relâche tout à coup, et j'ai la sensation qu'on vient de m'arracher une partie de moi-même. Cela a au moins le mérite de me reconnecter pleinement à mon environnement.
Potter est à côté de moi, dans la même tenue que ce matin, son t-shirt noir présente un mauvais pli au niveau du col et je me revois en train de l'embrasser.
Il a pris ma défense. Je me sers de lui, et tout ce qu'il trouve à faire, c'est un plaidoyer en mon honneur ?
Comment pourrais-je ne serait-ce qu'imaginer me détacher de mes sentiments envers lui alors qu'il est le seul être qui considère mon existence avec bienveillance ?
Je ne le laisserais pas disparaître.
Profitant de ce court moment de répit, j'utilise quelques sortilèges pour retrouver une apparence décente. Mon uniforme est en piteux état.
J'ose un coup d'œil en direction de Dumbledore et me fige en voyant l'expression qu'il arbore. Il nous observe, Potter et moi. Il nous regarde, et ses yeux expriment une culpabilité qui lui sied plus que n'importe quoi d'autre. Regrets et remords. C'est ce qu'il incarne le mieux.
Lui, l'un des sorciers les plus éminents de ce monde, celui à qui le monde magique doit tant de décrets, de lois, d'inventions, de découvertes. Ses yeux vont et viennent entre moi et Harry, et j'ai l'impression désagréable d'être l'un des rares échecs de son existence.
Une tâche sur son curriculum vitæ parfait.
Il se sent responsable de nous. Cela vaut aussi pour Harry Potter. Dumbledore a l'insolence de se croire responsable de lui. De moi. C'est peut-être ce qui le pousse à déclarer tout à coup :
— J'imagine que tu souhaites l'héberger cet été ?
Ce n'est pas à moi qu'il s'adresse, mais à Potter. Harry se tourne vers lui et perd de son assurance face au regard désapprobateur du professeur de Métamorphose. Toutefois, il ne dément pas et précise :
— Si vous êtes toujours d'accord pour m'héberger, alors oui, Tom sera là.
Dumbledore grimace. La réponse de Harry ne lui plaît pas, peut-être car celui-ci sous-entend qu'en cas de refus de sa part, il préfère partir avec moi plutôt que de rester chez lui.
C'est donc chez Albus Dumbledore que Harry Potter prévoyait de passer l'été ? J'imagine que cela ne peut pas être un endroit pire que l'orphelinat. Je me demande à quoi ressemble la maison des Dumbledore.
Je vais rester avec Harry. Cette simple pensée suffit à justifier le désastre qu'a été ma journée.
Le professeur de Métamorphose se tait un instant et finit par lâcher dans un soupir exaspéré.
— Ce n'est pas une bonne idée, mais j'imagine que c'est mieux que de vous laisser errer dans les auberges. C'est d'accord. Toutefois…
Il se tourne vers moi et ajoute :
— En plus de Harry et moi, il y aura également mon compagnon qui vivra avec nous. Est-ce que cela te pose problème, Tom ?
Je fronce les sourcils. Le compagnon de Dumbledore… Alors c'est vrai, il vit avec un autre homme. Un homme avec qui il partage sa vie, en dehors de Poudlard.
— Ça ne me pose pas de problème.
Ma réponse semble adoucir l'expression de Dumbledore. Il m'offre même un sourire et, dans le silence qui nous entoure, il ajoute :
— Je n'ai pas osé le dire plus tôt, mais je tenais à te le faire savoir : il n'y a aucun mal à être gay, Tom. Ça ne change rien que tu préfères les filles ou les garçons, tu peux même être attiré par les deux. Ça n'a pas d'importance.
L'homme se détend tout à coup et m'adresse un clin d'œil.
— Mais ça ne te donne pas le droit de te jeter sur le premier joli garçon qui croise ton chemin, nous sommes d'accord ?
Médusé par sa volonté évidente d'alléger l'atmosphère, je reste muet. C'est Potter qui réagit, visiblement très gêné par toute cette conversation.
— J'imagine que ça fait de moi le joli garçon de passage ? Super, Albus, merci beaucoup. Tu m'aides vraiment avec ça.
Je n'avais jamais vu Albus Dumbledore rire. Sourire, oui, taquiner, faire des clins d'œil, avoir l'air espiègle de temps en temps, mais rire sincèrement, à gorge déployée, jamais. Il le fait. Puis il se reprend et adresse un sourire éclatant à un Harry Potter étrangement boudeur.
— Je savais que tu avais du succès avec les filles, mais j'étais loin de me méfier des garçons. Si j'avais su, j'y aurais réfléchi à deux fois avant de te proposer de t'installer à Poudlard.
Potter lève les yeux au ciel et secoue la tête, visiblement agacé.
Toute l'expression de Dumbledore se transforme en une tendresse filiale, et je comprends, pour la première fois depuis que je les ai vus ensemble, que leur relation n'est pas celle de deux amis ou d'amants, comme je l'avais craint.
Ils se comportent comme père et fils. Leur amitié est celle d'un mentor et de son élève. Un élève qui l'a dépassé en chemin. Qui est devenu grand, adulte, presque trop vite.
Albus Dumbledore est une figure paternelle pour Harry Potter. C'est évident. Peut-être ne l'ai-je jamais remarqué avant ce jour, car je n'ai pas de père. Je ne sais pas ce que cela fait d'avoir un adulte qui s'inquiète pour soi, qui aimerait nous guider dans la vie et nous éviter de reproduire les mêmes erreurs que lui.
Dumbledore me jette un dernier coup d'œil, puis semble prendre une décision.
— Horace sera prévenu de ton absence aujourd'hui. En tant que directeur de ta maison, il sera informé de ta situation, mais il sera le seul à l'être. Ce qui s'est dit dans le bureau du directeur restera entre nous. Prends ta journée pour te reposer. Nous nous reverrons demain soir.
Il adresse ensuite un sourire à Potter avant de partir d'un pas tranquille. Il retourne probablement à la tour de Gryffondor, là où ses élèves l'attendent et où il retrouvera sa salle de classe et son bureau.
Il s'éloigne et, pendant un instant, j'oublie la haine que j'éprouve envers cet homme qui m'a laissé en enfer.
Je me retrouve seul avec Harry. Je ne devrais pas avoir l'audace de le regarder en face. Je devrais agir comme si j'étais gêné, désolé. Avoir l'air repentant. Je devrais m'expliquer, lui donner des excuses. Me justifier. Jurer que cela ne se reproduira plus jamais.
Sauf que j'en suis incapable. Je le regarde et je n'arrive à rien d'autre. Je ne parviens pas à détacher mes yeux de lui. Mes yeux trahissent l'être sans honte que je suis. Incapable d'éprouver le moindre regret.
Il me rend mon regard insistant avec une expression interloquée puis après un instant de réflexion, comme si tout cette situation lui paraissait parfaitement naturelle, il me propose.
— J'imagine que retourner dans ta salle commune n'est pas une bonne idée. Le club est fermé pour la journée, tu peux m'y accompagner si tu le souhaites ? Je vais moi-même y passer une partie de la journée. Le temps qu'un autre scandale ne détrône l'incident de ce matin, ce qui ne devrait pas prendre trop longtemps.
Il me sourit ; l'idée d'un autre incident semble l'amuser. N'est-il pas censé me fuir ? Si je l'accompagne et que je reste enfermé avec lui pour le reste de la journée, cela ne risque-t-il pas de renforcer les rumeurs ?
— Ne pensez-vous pas que ce sera pire si l'on nous voit ensemble ?
Il fronce les sourcils, puis me tourne le dos et ajoute, haussant les épaules :
— Si je te fuis, je passe pour la victime. Si c'est toi qui commences à me fuir, on croira le contraire, que je t'ai effrayé. La meilleure chose à faire, c'est d'agir naturellement, sans trop se poser de questions.
Il me jette un coup d'œil par-dessus son épaule, et je comprends que sa maladresse sociale ne le rend pas influençable, contrairement à ce que l'on pourrait penser. Potter est plus du genre à influencer qu'à être influencé : un leader naturel, à la fois détesté et adoré, souvent par les mêmes personnes.
Je n'ai toujours pas le courage de lui avouer la véritable raison pour laquelle je l'ai embrassé. Il m'intimide. Je devrais tout lui dire. J'ai envie de tout lui avouer, mais je me contente de le suivre dans les couloirs sans un mot, mon être rivé au sien, comme un papillon de nuit attiré par la lumière d'une étoile.
Je me sens comme un enfant.
Je ne sais pas vraiment ce que c'est, et pourtant, j'ai cette sensation profonde que cette impulsion, celle qui me donne l'envie irrépressible d'attraper le bord de son t-shirt et de le tenir dans ma main - pour être certain qu'il ne disparaisse pas dans ce monde trop vaste - est une émotion profondément enfantine.
J'ai seize ans, il en a dix-huit. Nous avons dépassé cet âge. Je ne peux pas attraper un morceau de son t-shirt, et il ne voudra certainement pas reprendre ma main.
Comment puis-je m'assurer qu'il ne va pas s'évaporer ?
Comment font les autres pour ne pas craindre que les personnes qu'ils aiment ne meurent tout à coup ?
Je peux faire en sorte de me rendre immortel mais comment vais-je faire en sorte de le protéger, lui ? Pour ne plus jamais subir un monde où il ne serait pas là.
J'ignore si c'est parce que mon esprit s'est focalisé sur l'idée de l'attraper, mais tout à coup, alors que nous avançons l'un derrière l'autre et qu'il disparaît une seconde au détour d'un couloir, je sens ma magie m'échapper.
Elle surgit à l'extérieur de mon être, comme elle le faisait parfois avant quand j'étais enfant, et elle fait ce que je n'ai pu me résoudre à faire avec mon propre corps : elle s'agrippe à lui. Comme un chien errant désespéré et affamé auquel on aurait donné un os à ronger.
Je lui ordonne immédiatement de lâcher prise, terrifié à la pensée qu'il prenne cela pour une attaque et affreusement gêné à l'idée qu'il ait senti cette magie se poser sur lui, le retenir, le ralentir.
Ma magie obéit sans la moindre résistance, et Harry ne se retourne pas. Je le rattrape pour jauger sa réaction. Arrivé à sa hauteur, je le scrute discrètement, cherchant la moindre trace d'agacement ou d'étonnement. Mais il n'y a rien. Il me jette un coup d'œil, neutre, sans l'ombre d'une réaction qui indiquerait qu'il a remarqué quoi que ce soit d'anormal. Je fronce les sourcils.
Il y a quelque chose d'universel que tout le monde sait : lorsqu'un sorcier possède une magie particulièrement puissante, il devient sensible à celle-ci. Il est capable de la ressentir dans l'air, dans ses propres veines, parfois même de la voir. Moi-même, j'en suis capable. Ce n'est pas un exploit ; beaucoup de sorciers talentueux ont ce don. C'est une faculté comme une autre. Je dirais qu'environ un cinquième de la population sorcière peut percevoir la magie.
À Poudlard il doit y avoir au moins une trentaine d'élèves capables de la même chose.
Harry devrait en être capable. Je l'ai vu à plusieurs reprises démontrer un contrôle parfait de ses pouvoirs magiques. Sa magie est puissante, et il la maîtrise.
Il est impensable qu'il fasse partie de ceux qui ne peuvent pas la percevoir. Comment aurait-il pu atteindre un tel niveau sans même être capable de voir sa propre magie ? Ce serait comme demander à un aveugle de dépeindre un paysage.
Pour m'assurer que ce n'est pas une simple erreur de ma part, je décide de relâcher volontairement une petite quantité de ma magie, avec assez de subtilité pour que cela puisse sembler involontaire si jamais il la perçoit. Mais encore une fois, aucune réaction. Rien.
Potter ne réagit pas. J'accentue alors la présence de ma magie, puis, fasciné par l'idée de pouvoir le faire, je la dirige volontairement vers son corps. Je laisse l'intégralité de ma magie s'échapper de mon être et se déposer sur son corps. Je le touche impunément.
Il ne réagit toujours pas.
Harry Potter est insensible à la magie. Le choc me force à l'interroger.
— Vous… vous ne percevez pas la magie ?
Cette fois-ci je capte son attention et il me fixe. C'est une question plutôt indiscrète et je m'en rends compte lorsqu'il aborde une expression gênée. Son langage corporel devient plus maladroit alors qu'il détourne le regard et me précise :
— J'ignore comment tu l'as remarqué, mais tu as raison. C'est un don que je ne possède pas.
Je laisse ma magie effleurer son corps encore un instant, avant de réaliser à quel point mon geste est indécent. Si quelqu'un me voyait faire ça, je suppose que ce serait, pour beaucoup, pire que de l'embrasser par surprise.
Je n'ose pas lui demander pourquoi il ne ressent pas la magie ; peut-être l'ignore-t-il lui-même. J'étais convaincu que tous les sorciers talentueux avaient cette sensibilité. Potter doit être une exception. Pourtant, pour un sorcier doté d'une puissance magique aussi imposante, c'est un handicap de ne pas posséder ce don.
Je réprime l'envie subite de tirer parti de cette faiblesse de façon trop évidente et me contente de faire ce qui me tentait le plus. J'enroule ma magie autour de sa main ; ce n'est pas exactement la même sensation que de la lui tenir pour de vrai, mais c'est presque aussi satisfaisant. Je retiens difficilement un sourire.
Je sais à quel point ce que je fais est répréhensible mais je ne peux m'empêcher de penser que ce n'est pas si grave. J'ai juste besoin de tenir sa main un moment. Encore un instant.
Harry relève les yeux vers moi, une lueur de reproche dans son regard. Il plisse les yeux avant de déclarer :
— Ce n'est pas parce que je ne la sens pas que tu peux la laisser vagabonder. Un sorcier doit rester maître de sa magie. Ne baisse pas ta garde, même contre des sorciers incapables de percevoir tes pouvoirs.
Je n'arrive pas à me retenir de lui sourire. Toutefois, je me garde de lui dire que nous ne sommes pas sur un champ de bataille, et que son conseil ressemble davantage à quelque chose qu'on dirait à un jeune Auror.
— Je ne peux pas baisser ma garde avec vous ?
J'ignore si c'est une approche trop directe ou, au contraire, trop subtile. Je n'ai jamais flirté avec quelqu'un auparavant, alors je ne suis pas certain du ton à adopter.
Il ne semble pas comprendre mon sous-entendu, puisqu'il répond avec sérieux :
— Tu n'es pas en danger avec moi, mais c'est mieux si tu t'entraînes à la garder sous contrôle un peu tous les jours. Je ne perçois pas la magie, mais je sais très bien évaluer la puissance de quelqu'un. Ta magie est forte. Ça pourrait indisposer d'autres sorciers ou les rendre envieux si tu la laisses visible.
Le fait qu'il reconnaisse que je suis un sorcier plutôt puissant flatte mon ego, même si je réalise maintenant qu'il me sera impossible de l'impressionner avec la simple manifestation de mes pouvoirs.
Son commentaire me fait aussi comprendre à quel point cela a dû être difficile pour lui. Il est évident qu'avant d'obtenir le contrôle qu'il a maintenant, il a dû tâtonner à l'aveugle. Il ne sent pas sa magie. Il ne peut pas savoir s'il la relâche ou s'il la bride trop sévèrement. Cela lui a forcément causé des ennuis.
J'imagine que c'est un réflexe de survie, pour les sorciers nés avec une magie assez forte, que de développer une sensibilité à celle-ci et aux autres formes de magie. Ce n'est pas vraiment un don. Pour nous, dont les pouvoirs peuvent se manifester au moindre désagrément, c'est une question de sécurité de pouvoir au moins la voir en action.
Si je n'avais pas cette capacité, j'aurais probablement utilisé ma magie pour commettre des actes atroces sans même en être pleinement conscient. Comme un enfant qui souhaiterait voir disparaître ses parents pour éviter d'être réprimandé, sans réaliser qu'il en a réellement le pouvoir.
Les journaux n'ont pas dévoilé grand-chose sur le passé de Harry, pas avant qu'il ne soit connu comme l'un des partisans de Grindelwald. Je ne sais pas dans quel environnement il a grandi après l'assassinat de ses parents, mais j'espère qu'il a eu la chance d'être élevé par des sorciers. Parce que des moldus n'auraient jamais pu comprendre un enfant doué de magie incapable de se contrôler.
Heureusement, les autres élèves sont en cours durant notre traversée de Poudlard, et le peu d'étudiants que nous croisons se contentent de quelques regards effarés. Incapables de savoir quoi penser à ma vue, en compagnie de Potter sitôt après l'incident.
Harry nous conduit sans difficulté vers la salle du club de duels, celle qui lui sert aussi de salle d'entraînement et de bureau.
La pièce n'a pas changé depuis que je l'ai quittée ce matin.
Les grandes fenêtres, que je sais orientées vers l'extérieur, sont couvertes pour empêcher la chaleur d'entrer et de perturber les duels. Il y fait frais, et le silence est renforcé par l'absence des élèves habituels. Sans eux, la salle paraît plus spacieuse. Presque trop grande.
L'estrade de combat trône au centre de la pièce, inutilisée aujourd'hui. Les bancs alignés contre les murs sont vides, et il y a une étrange sobriété dans l'agencement de la pièce : tout y est pratique, sans fioritures inutiles. C'est un espace prévu pour se battre.
Le bureau de Harry, en revanche, brise cette impression d'ordre. Situé dans un coin de la pièce, il est encombré de parchemins roulés ou froissés, de livres ouverts à différentes pages, et de quelques plumes éparpillées. Une tasse à moitié remplie de ce qui semble être du thé froid trône au milieu du chaos.
C'est dans cette salle que je l'ai embrassé.
Y penser me donne envie de recommencer. Il n'y a pas de public cette fois-ci, peut-être aurais-je une chance pour qu'il cède à mes avances ? Je sais que c'est improbable. Je ne vais pas l'agresser une seconde fois. Pas aujourd'hui, en tout cas. Pas avant d'avoir trouvé le courage de lui confier mes sentiments.
Je n'ai pas encore réfléchi à ce que je ferai s'il rejette mes sentiments et ne veut plus rien avoir à faire avec moi après ma déclaration. Peut-être est-ce pour cela que j'ai peur de les lui avouer.
De toute façon, il ne peut pas nier mes sentiments. Il peut ne pas vouloir entretenir de relation avec moi et ne pas partager ce que je ressens. Cependant, mes sentiments sont à moi, et si je lui dis que je l'aime, il ne peut rien y faire. C'est indépendant de sa volonté.
"Je vous aime" n'est pas une question. C'est une déclaration. Si je lui avoue mes sentiments, cela ne fera que le mettre au courant d'un fait déjà établi.
Je l'aime. Peu importe que ce soit réciproque ou non. Mes sentiments ne changeront pas.
La seule chose qui me retient de les lui révéler, c'est que je souhaite avoir une chance pour qu'il développe des sentiments similaires à mon égard. Mais j'ignore complètement comment je suis censé le pousser à m'aimer.
Je le regarde se diriger vers son bureau, attraper la tasse de thé, en remplacer le contenu avec quelques sortilèges, et me l'apporter.
— Tu veux une tasse de thé ? C'est juste du thé à la menthe, mais j'imagine que ça ne peut pas faire de mal après une crise de panique ?
Je vois. Est-ce pour cela qu'il est si prévenant avec moi ? Parce que j'ai perdu la maîtrise de moi-même et failli m'étouffer d'angoisse face au directeur ?
Je sais que ce n'est pas le cas. Il est naturellement gentil, et j'ai honte de la facette de moi que je lui ai montrée aujourd'hui. Ce n'est certainement pas comme ça que je vais le pousser à me trouver attirant.
J'accepte malgré tout la tasse qu'il me tend. Parce que c'est la sienne, et que la simple idée de refuser de la partager avec lui me donne l'impression que mon cœur lacère l'intérieur de ma poitrine et laisse des marques indélébiles sur mes organes internes.
La première gorgée me paraît brûlante et désagréable. Mais la deuxième me fait réaliser à quel point ma gorge était sèche. J'avais soif. Tellement soif, et je l'avais oublié.
Est-ce qu'il le savait ? A-t-il une sorte de sixième sens qui lui permet de savoir quand j'ai faim ou soif, même quand je l'oublie moi-même ? C'est déjà la deuxième fois qu'il prend soin de ma nutrition.
J'avale toute la tasse en quelques gorgées, observant Potter du coin de l'œil. Il se détourne pour tenter de mettre un peu d'ordre dans ses affaires. Mal à l'aise, il s'active, range, comme pour occuper ses mains. C'est si évident que ça me fait presque sourire.
J'ai l'impression qu'il m'a invité ici sur un coup de tête. Et maintenant que nous y sommes, il ne sait plus quoi faire de moi. Typique Gryffondor. Il prend des décisions à l'instinct et ne réalise les conséquences qu'après coup.
Il me tourne le dos, penché sur son bureau à empiler des papiers. J'essaie de ne pas fixer plus bas que ses hanches, mais c'est difficile. Ses pantalons noirs lui vont bien. Je me surprends à me demander si du blanc lui irait encore mieux. Je détourne vite le regard. Ce n'est pas que je le reluque, c'est juste… Potter devrait porter des robes par-dessus ses vêtements, pour qu'on ne voie pas les poches arrière de son pantalon. C'est tout.
Je me sens ridicule. Attiré par lui et honteux de cette attirance remplie de pensées déplacées. C'est sûrement normal, non ? Une des rares choses normales chez moi, d'être attiré par ce héros de guerre qui a fait irruption dans ma vie solitaire. Tout est de sa faute. Potter est… gentil, mystérieux, sexy. Il me regarde sans jugement. Il est maladroit, mais son sourire… est lumineux.
Et soudain, une envie me prend. Celle de lui poser des questions interdites, des questions que personne n'ose prononcer.
J'ai envie de lui demander combien cette guerre l'a détruit. Quels morceaux de lui sont restés là-bas, entre son enfance volée et son adolescence sur les champs de bataille. Qu'est-ce que ça fait, de découvrir le monde sorcier en tant que soldat plutôt qu'en tant qu'enfant ? A-t-il été les deux à la fois ?
Il m'attire avec une force que je ne comprends pas. J'ai juste envie de le connaître. Vraiment.
Alors, je regarde une dernière fois ses fesses – un peu trop franchement – avant de lâcher la question la moins indiscrète que j'aie en réserve :
— Vous vous plaisez à Poudlard ?
Je ne m'attendais pas à ce qu'elle provoque une telle réaction chez lui. Il se fige. Se retourne vers moi, me dévisage. Son expression change complètement. Ce n'est plus la douceur neutre qu'il arbore d'habitude. Il a l'air… perturbé. Surpris. Comme si cette question anodine l'avait frappé en plein cœur.
Personne ne lui a jamais demandé s'il se plaisait ici ? Dans son nouveau travail ?
J'ai dû faire une erreur. Je m'apprête à m'excuser, à lui dire qu'il n'a pas à répondre, mais ses yeux, habituellement clairs et lumineux, se voilent. Et c'est comme si toute sa lumière s'éteignait. Alors, je me tais. Terrifié par cette pensée absurde qu'il puisse disparaître aussi facilement que cette lueur dans ses yeux.
Il met quelques secondes à revenir à lui. Il me fixe, ouvre la bouche. Rien ne l'oblige à parler. Il pourrait m'ignorer, mais non. Potter ne se dérobe jamais, devant personne. Il est toujours là, toujours présent, quoi qu'il lui en coûte.
Quand il me répond, il me regarde si intensément que j'ai l'impression que le sang dans mes veines devient lourd, granuleux, grinçant.
— C'est une très belle école, et je suis reconnaissant à Albus de m'avoir permis de venir ici. C'est agréable de dormir dans un vrai lit, de manger à sa faim. Tout semble si normal et tranquille ici… mais…
Il s'interrompt, et je jurerais que ses yeux brillent, un peu trop. Humides. Pitié, s'il se met à pleurer, je ne réponds plus de rien. Je ne saurais pas quoi faire s'il craque. Je ne sais pas réconforter les autres, mais je ne pourrais pas m'empêcher d'essayer, si une seule larme glissait sur sa joue.
Il inspire profondément, se ressaisit. Aucune larme ne coule, mais il me sourit. Un sourire doux. Si doux qu'il me fait l'effet d'une violence inouïe. Mon estomac se tord quand il murmure :
— Poudlard me rappelle sans cesse que je n'aurai plus jamais la chance d'apprendre la magie dans un endroit comme celui-ci.
Je ferme les yeux, juste une seconde. Je comprends ce qu'il veut dire. Il est reconnaissant de pouvoir dormir et manger, des choses si simples. Moi aussi, j'en suis reconnaissant. Mais je ne sais pas ce que ça fait de débarquer ici, à peine plus vieux que les élèves, et de réaliser qu'on ne vivra jamais leur insouciance. Malgré mes étés difficiles, j'ai eu cette chance. J'ai vécu ma jeunesse de sorcier, sans vraiment me soucier de l'avenir.
Potter reprend le contrôle de lui-même. Il inspire longuement, et quand il parle à nouveau, son visage est plus serein.
— Je ne pensais pas que ce serait si difficile pour moi. J'imagine que je vais devoir trouver un autre plan de carrière. Je ne pense pas pouvoir m'attarder ici.
Il se racle la gorge, détourne un instant le regard, avant de conclure :
— Cette école est trop éloignée de ma réalité. J'ai l'impression qu'elle n'a pas besoin de moi… et contrairement à ce que je pensais, moi non plus. On ne peut pas revenir en arrière.
Je ressens une douleur brutale à la compréhension de son aveu. Harry ne compte pas rester ici. Il va remplir ses engagements jusqu'à l'été, mais il ne reviendra pas à la rentrée pour enseigner la Défense contre les forces du Mal. Ce serait trop pour lui. Il va partir. Disparaître.
Et moi, je vais devoir rester ici encore un an, seul avec mes pensées, tandis que lui… je n'ai aucune idée de ce qu'il deviendra, où il ira, qui il rencontrera. Cette pensée me glace. Je suis sûr que Potter voit la panique se peindre sur mon visage, parce qu'il tente immédiatement de me rassurer.
— Je vais terminer l'année scolaire, bien sûr, et je travaille déjà à dresser une liste de candidats pour reprendre le poste. La plupart sont des connaissances à moi, très compétentes en magie. Contrairement à moi, ils pourraient rester ici des années, à enseigner. Je ne laisserai pas l'école sans remplaçant.
Je l'écoute, mais ses paroles dépassent à peine la barrière de mon esprit. Ça m'échappe, comme une question involontaire :
— Et vous ?
Il fronce les sourcils, cherche à comprendre ce que je veux dire, alors je précise, un peu plus brutalement que je ne le voudrais :
— Et vous, qu'est-ce que vous allez faire ?
Son expression devient contrite, presque douloureuse, et je remarque ces petits tics nerveux qui trahissent son mal-être. Quand il répond enfin, il a l'air d'un homme qui cherche à se convaincre lui-même.
— Je ne sais pas vraiment. Je vais essayer de me rendre utile. Il doit bien y avoir des endroits où mes capacités seront… appréciées.
Quelque chose de froid me descend le long de la colonne vertébrale, et je me sens aussi rigide qu'une statue. Je comprends trop bien ce qu'il sous-entend. Exploiter ses capacités… bien sûr. Il va s'engager comme Auror, ou pire. Mercenaire. Espion. Soldat. Il y a certainement des gouvernements, des services militaires, prêts à l'embaucher et à l'envoyer sur des zones de guerre.
Il va juste remettre ses robes de bataille et retourner sur le front. Là où il a grandi, dans la tourmente des complots politiques et des affrontements constants entre le mal et ceux qui prétendent servir la "paix". Ils vont l'utiliser comme une arme vivante.
C'est hors de question. Je ne le laisserai pas replonger là-dedans. Ce n'est pas ce qu'il veut vraiment. C'est son traumatisme qui parle, ce besoin viscéral de se retrouver dans un environnement où il maîtrise les règles. Et ces règles, c'est l'insécurité permanente. La survie, jour après jour, où sa vie est en danger à chaque instant.
Je sais ce que c'est.
Je le vois déjà s'engager dans cette spirale. C'est certainement la seule chose qu'il connaît. Mais je ne peux pas le laisser faire ça.
Dumbledore. Albus est-il au courant que celui qu'il considère presque comme son fils veut retourner sur le champ de bataille ? Il a fait tant d'efforts pour lui trouver ce poste à Poudlard.
Maintenant que j'y pense… Dumbledore avait insisté auprès de Dippet sur le fait que Harry avait besoin d'un lieu calme pour réfléchir à son avenir, loin des projecteurs et des médias. Peut-être qu'il craignait déjà ce que je redoute aujourd'hui. Peut-être qu'il savait.
Dumbledore l'a peut-être traîné ici de peur que Harry ne s'engage dans un autre conflit. Pour le protéger, pour éviter qu'il ne se détruise encore plus. Ça lui ressemblerait. Il a probablement tout compris bien avant tout le monde. Mais alors… peut-être qu'il n'a pas trouvé de solution. Peut-être qu'il sait déjà que cette situation est temporaire, qu'il ne s'agit que d'un répit. Peut-être espérait-il que le club de duels passionnerait suffisamment Harry pour le retenir ici, à l'écart du monde.
Mais Harry ne restera pas. Je le sais, c'est évident. Je l'ai su dès la première fois que j'ai ressenti l'intensité brute de sa magie. Cet homme n'a rien à faire dans les couloirs d'une école, dans un costume trois pièces, à enseigner la magie à des gamins qui n'ont même pas l'ombre d'une chance de maîtriser ne serait-ce qu'une fraction de son pouvoir. Il est fait pour autre chose.
Je l'ai même pensé ce jour-là. Sa place est sur un champ de bataille.
Sauf qu'entre-temps, je suis tombé amoureux de lui. Et maintenant, je ne peux plus accepter cette idée. Je refuse de l'imaginer mener cette existence froide, sans chaleur humaine. Harry Potter ne deviendra pas une arme dans les mains de n'importe qui. Il est à moi. Pas à eux. Et il n'a rien d'une arme. Je refuse de le laisser partir.
La question n'est plus seulement de le séduire, de le faire tomber amoureux de moi. Je dois le convaincre de rester. De rester avec moi. Et pour cela… je dois lui trouver une raison, une mission, quelque chose à faire qui ne le plonge pas dans cette mélancolie que je lis dans ses yeux quand il parle de Poudlard. Quelque chose qui le fera se sentir utile, quelque chose qui donnera un sens à son existence. Où on aura besoin de lui, plus que nulle part ailleurs.
Bonjour et bon dimanche à tous ! Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ? On voit Tom et Harry se rapprocher, et on explore plus en profondeur la psyché de Harry. Sa souffrance à Poudlard devient de plus en plus palpable, au point qu'il envisage de ne pas revenir l'année prochaine. Tom trouvera-t-il un moyen de le retenir ? J'ai hâte de lire vos avis, n'hésitez pas à me laisser vos impressions en reviews !
