Chapitre trente deux: Les souvenirs de la concubine

- C'est un sandwich au poulet ? S'exclama Roy d'un air désespéré en s'extirpant d'une pile de papiers.

Serena, sur le pas de la porte, soupira de dépit et lui tendit son repas, qu'il dévora en quelques bouchées à peine.

- Que me vaux l'honneur de ta présence, ma petite ampoule ? Moi qui avait l'impression que tu m'évitais ces derniers temps…

- Tu bosses beaucoup. Se contenta de répondre Serena, froide

- J'ai encore espoir que quelque chose finisse par sortir de cette négociation, que veux-tu.

Si l'euphorie et la joie du peuple ne s'était pas essoufflée face à la visite de l'empereur, politiquement on était déjà bien plus pessimiste. Ling Yao manoeuvrait bien sa troupe pour imposer ses vues concernant ce qu'il attendait de ce traité. Mais c'est du côté d'Amestris que cela pêchait grandement. Le courant conservateur, mené par une Clara Damian en état de grâce, freinait les ardeurs de tout le monde. Hors de question de parler territoire, hors de question de parler des affaires militaires, hors de question d'abandonner une seule touche d'indépendance. Le traité était le premier dans le genre et devait se concentrer sur des mesures de cultures, des mesures de principe et des mesures symboliques. Mustang, nommé par Armstrong et soutenu par Ross pour négocier une large partie du traité, s'en arrachait les cheveux.

- Étonnant comme opinion. Ironisa Serena en croisant les bras.

- Tu trouves ? S'étonna Mustang en avalant la dernière bouchée de son sandwich

- Tout le monde sait que c'est Damian qui sabote ton taf et pourtant, tu traines encore avec elle. De plus en plus même. On t'a vu avec elle chezOrgueil et Gourmandise. Un des meilleurs restaurants de la capitale.

- Figure toi qu'on attire pas les mouches avec du vinaigre. Si je veux faire des progrès, c'est auprès d'elle que je dois les gagner. Expliqua Mustang en fronçant les sourcils

- On attire pas les mouches avec du vinaigre mais on est pas obligé de se taper les mouches non plus. S'énerva enfin Serena

- Je peux savoir ce que tu sous entends ? Gronda Mustang

- T'as besoin que je te l'écrive pour que ça soit plus clair ?

Ils prirent chacun une grande inspiration et Roy, d'un ton plus calme, reconnu :

- Y'a des rumeurs qui disent qu'on couche ensemble. Je les ai entendues aussi

- On t'a pas entendu les démentir par contre. Reprocha Serena

- Quel intérêt ?

- J'en vois plusieurs.

- Tant que j'ai besoin d'elle, je vois pas l'intérêt de la vexer ou de la froisser. La vérité, Réna, c'est que tu peux plus la voir depuis ce qu'il s'est passé au Parlement…

Clara Damian s'était récemment vertement opposé au fait que les Représentants des Expatriés puissent avoir un siège permanent au sein de la chambre parlementaire. Alicia avait failli se voir privée de son principal moyen d'expression politique et il avait fallu l'intervention du speaker de la chambre et du ministre responsable des relations avec le parlement pour éteindre cet incendie. Offusquée, Serena leva légèrement la voix à nouveau

- Et je comprends pas que tu t'en sois pas scandalisé autant que moi ! Elle passe sa vie à s'en prendre à Alicia

- A ton avis, qui a forcé auprès du Ministre pour que la situation s'inverse ? Maintenant, le siège permanent des Représentants au Parlement est inscrit dans la loi ! S'agaça Mustang

- Toujours en sous main, toujours sous les radars… Jamais tu prends de position claire pour la défendre !

- Elle a pas besoin qu'on la défende, elle s'en sort très bien toute seule ! Franchement Serena, je crois que je la connais suffisamment pour savoir que…

- Si tu la connaissais si bien, tu saurais qu'au contraire, elle a besoin de soutien en ce moment. Mais comment tu pourrais savoir ? Elle te voit quasiment plus.

Roy fronça les sourcils et garda le silence. Intraitable, Serena développa :

- Ça fait des semaines que Damian et sa clique s'en prennent à elle et à son travail. C'est usant pour elle, elle a l'impression de perdre tous les progrès que Clavier et elle ont pu faire ces dernières années. En plus de ça, c'est compliqué à la maison. C'est en partie de ma faute, je suis plus aussi présente qu'avant. Mais Léna nous a fait une grosse grosse crise, tu le savais ça ?

- Je…

- Elle en a assez d'être baladée en fonction de nos emplois du temps. Elle veut avoir des vrais parents et une seule maison, comme les autres enfants. Alicia a sérieusement envisagé de démissionner pour pouvoir s'occuper d'elle en permanence

- Quoi ? S'écria Mustang, pantois

- Ah, tu réagis maintenant ? T'inquiète pas, moi j'étais là à ce moment-là, contrairement à toi et Alphonse aussi figure toi. On l'a convaincue de garder son poste. Léna va aller vivre en permanence chez Maël et Lio. Elle viendra nous voir uniquement les week-ends et les vacances scolaires.

- La vache… Ça a dut être… Enfin je… Balbutia Mustang, mortifié

- C'était pas facile à encaisser ouais. Elle l'a vécu comme un échec. J'essaye de lui expliquer que c'est pour le mieux, qu'on va enfin pouvoir prendre nos places de grandes soeurs au lieu de celle de figure parentale. Mais elle se sent très seule, en ce moment, avec tout ça. Si seulement elle avait un mec à qui se confier, qui pourrait lui changer les idées et la rassurer sur le fait qu'elle est aimée inconditionnellement.

- Serena, si il y a bien quelqu'un qui aime ta soeur inconditionnellement c'est… S'empressa de dire Roy, visiblement boulversé

- C'est qui, c'est toi ? Tu l'aimes inconditionnellement, ma petite soeur ? Alors pourquoi tu tiens tant que ça à le dire à personne ? Pourquoi elle a le droit qu'à des fins de soirées, dans le secret de son appartement voire de sa chambre ? Pendant ce temps, tu parades avec une autre femme qui, en plus du reste, semble vouloir terminer sa carrière ! S'énerva Serena, le regard dur

- Alicia et moi, on était d'accord sur la nécessité du secret et tu le sais très…

- Je pouvais comprendre le secret il y a des années, Roy. Elle était une quasi inconnue de 19 ans et toi t'étais un Général héros de la nation bien plus âgé. Ça, ça a changé. Elle est devenue quelqu'un, elle est connue de tout le monde et tout le monde sait qu'elle s'est construite toute seule ! En plus de ça, je suis bien placée pour savoir qu'entre temps, il y a eut des couples mixtes entre expatriés et natifs à la vue de tout le monde. Personne n'y a vu de problèmes ! Le secret, il n'est plus tellement justifié et il y a certaines personnes qui commencent à se demander si en fait, t'as pas simplement honte d'être avec elle…

- Jamais je pourrais avoir honte de… Si c'est ce qu'elle ressent, pourquoi c'est pas elle qui me dit tout ça ? Se défendit Roy

- Et elle pourrait faire ça quand ? T'es jamais là, encore une fois. Et les rares fois où elle te tient, je crois qu'elle a envie d'autres choses que d'une dispute.

- J'avais une guerre à gagner, une paix à négocier et actuellement, j'ai un traité à rédiger contre vents et marrées ! S'énerva Roy

- Super ! Et si ta carrière continue d'aller comme tu veux, tu vas continuer à avoir autant de responsabilités. Il faut que t'arrives à lui faire une place, mon Général. Sinon, tu risques bien de te retrouver à la tête du pays mais t'y seras tout seul. Compte pas sur moi pour t'accompagner. Soupira Serena

- Qu'est ce que t'es en train de me dire, Réna ?

- Je pense pas avoir besoin d'être plus explicite, ma petite allumette. Je t'ai toujours dit que tant que tu lui faisais pas de mal et que tu la rendais heureuse, c'était bon pour moi. Je t'aime, très sincèrement Roy. C'est pour ça que je viens t'en parler. Mais de ce que je constate, c'est que ma petite soeur n'est plus si heureuse. Tires en les conclusions qui s'imposent ! Répondit Serena en quittant la pièce.

Elle avait l'impression d'avoir le cœur qui se craquelait. Roy, resté seul dans son bureau, avait l'air d'un enfant profondément triste.

*o*

Face à une Alicia en pleine crise existentielle, Alphonse suggéra la technique de la bagarre.

- Je suis pas d'humeur, je crois… Sourit Alicia

- Allez ! On s'est jamais battu toi et moi ! Insista le cadet des frères Elric en souriant

- Parce qu'on était ensemble et qu'on pensait que c'était pas une bonne idée de se battre ! Répondit la jeune femme avec un léger sourire

- Ouais ben on est plus ensemble donc autant se battre maintenant ! Ça te fera du bien !

- Je sais pas si… Hésita Alicia en regardant sa soeur et ses amis

- À titre personnel, je vois aucun soucis à ce qu'Alphonse puisse être invité à une bagarre. Il a vécu de l'Autre Côté, il compte comme un expatrié d'adoption ! Décréta Serena

- Je suis flatté ! Sourit Al

Malo approuva fortement et Sayuri alla évidemment dans le sens du vent, secrètement ravie de pouvoir passer du temps en dehors du bureau avec son apprenti sans que personne n'y voit rien de suspect. On envisagea, par soucis d'équilibre, à faire la même invitation à son grand frère mais Alicia gronda :

- Je les ai déjà vu se battre, c'est mort. Si en plus de ça, t'ajoute le fait qu'on y boit des coups, tu peux être sûre qu'ils finissent par s'envoyer en l'air dans un coin du gymnase et je suis pas d'humeur

- Alors je tiens à dire que je suis OUTRÉE ! S'offusqua Serena.

Fort heureusement, Edward avait des plans mystérieux avec son meilleur ami l'empereur sur cette soirée et la question fut remise à plus tard.

*o*

Comme promis, Alicia et Alphonse ouvrirent le bal des bagarres. Les deux cadets avaient un tel niveau qu'ils ébahirent le petit public de leurs amis. Alphonse finit par l'emporter de justesse, avantagé par le fait qu'il avait de l'expérience en combat réel, contrairement à son amie.

- C'était ouf ! Applaudit Serena

- Je te remercie ! À qui le tour ?

- J'ai bien envie de me battre contre Malo. Ça fait longtemps, vieux frère ! Dit l'alchimiste de Lumière

- Ça roule pour moi. Je préfère ça à affronter Sayuri, elle triche !

- Alors, c'est même pas vrai !

Serena et Malo n'eurent qu'à peine le temps d'échanger quelques politesses qu'un clappement sec retentit en haut des escaliers qui menaient au gymnase. Perplexes, chacun tourna le regard et ils se crispèrent quand ils virent que Cixi Qing, entourée d'une petite garde les toisait du haut de son perchoir.

- Voilà qui fera parfaitement l'affaire ! Déclara-t-elle d'un ton hautain en commençant à descendre les marches, entourée de sa garde rapprochée.

Serena sentit son coeur remonter dans sa gorge et regarda, figée, cette femme qu'elle abhorrait s'approcher doucement d'elle et de ses proches. Alphonse se crispa et vint se placer à côté d'elle, en soutien. Il s'exclama, d'une voix forte :

- Vous n'avez rien à faire ici !

Son ton flirtait avec l'impolitesse mais Cixi fit comme si elle n'avait rien entendu. Elle continuait de s'avancer vers eux. Malo haussa le ton en disant :

- Madame, vous êtes dans une institution militaire. Les civils non invités n'ont pas l'autorisation d'y pénétrer.

- Je ne suis pas une civile, je suis la future impératrice de Xing ! Répondit Cixi d'une voix mielleuse.

- Permettez nous d'insister sur le mot «future» dans ce cas. Souligna Alicia.

Visiblement inquiète, elle regardait sa soeur, qui avait l'air d'une statue de cire au milieu du tatamis. Arrivée à quelques pas, Cixi s'arrêta et dit doucement :

- Voyez vous, j'ai toujours eu une grande curiosité pour ce pays. L'alchimie a toujours susciter mon plus vif intérêt, ainsi que les alchimistes. Certains ont même provoquer une grande excitation chez moi.

Serena eut un grand frisson, presque un haut le coeur mais resta figée. À côté d'elle, Alphonse lui attrapa le poignet et serra doucement. Ils étaient ensemble contre cette femme.

- J'ai eu souvent eu l'occasion de vous remarquer, tous ensemble, dans les différentes cérémonies. Ce pays semble considéré que vous êtes l'élite des alchimistes. J'ai pris mes renseignement sur certains d'entre vous.

Son regard se fixa sur celui de Serena et pendant un long moment, aucune des deux femmes ne baissa les yeux. Cixi continua, semblant s'adresser directement à elle :

- Vous avez tous une réputation des plus intéressantes. Certains sont même connus pour leur côté caractériel, imprévisible. Également, on vous connait pour certaines relations… Tout cela m'a grandement intéressée, passionnée même !

- Qu'est ce que vous voulez ? Murmura Serena du bout des lèvres, toujours figée dans son attitude de statue.

Souriant avec arrogance, Cixi répondit :

- Je suis curieuse de nature. Voilà des années que je me demande quelle discipline issue de la science de Xerxès est la meilleure. Voilà l'occasion de répondre à cette question. Je suis moi même élexirologue et j'ai amené l'élite de Xing avec moi. Puisque vous êtes supposément l'élite des alchimistes, vous allez vous affronter et nous pourrons ainsi régler cette question.

Les quatre hommes qui l'accompagnaient s'inclinèrent et se mirent alors en garde, comme si ils s'attendaient à ce que les alchimistes ne se jettent sur eux. Au contraire, ils restèrent figés de surprise.

- Madame, ce sont des officiers de l'armée d'Amestris. Au vu de la négociation exceptionnelle entre nos deux pays, il n'est absolument pas raisonnable de déclencher une rixe entre nous. Souligna Alicia, qui s'approcha de sa soeur à son tour.

- Ça sera notre petit secret. Savez vous que je suis très douée pour garder les secrets ? Allons. Battez vous, c'est un ordre !

Serena s'anima enfin et prit une posture maritale devant la concubine souriante. - Je suis Commandant de l'armée d'Amestris. Pas un singe dressé pour danser selon votre bon plaisir.

- Je suis toujours obéie, j'obtiens toujours ce que je veux. D'une manière ou d'une autre… Siffla Cixi sans cesser de sourire avec orgueil.

- Revoyez la chaine de commandement. Je prends mes ordres auprès de mes supérieurs, pas auprès d'une courtisane, fusse-t-elle impériale.

- Je suis concubine, pas courtisane ! Corrigea Cixi d'une voix légèrement plus aigüe.

- Pardonnez moi. J'oubliais que pour se voir qualifier de courtisane, il est indispensable de coucher avec son empereur. Ce qui n'est absolument pas votre cas. En vérité, quand l'empereur se sera choisie une femme, vous ne serez plus grand chose. Voyez, j'ai pris mes renseignements moi aussi. Affirma Serena avec une ironie palpable.

Alphonse ne put s'empêcher de ricaner et Cixi perdit brièvement son sourire sous l'affront. Sans ce dernier, son visage était moins beau, moins envoutant, moins lumineux. Elle semblait humaine à nouveau. Elle se reprit rapidement et susurra :

- Vous êtes bien renseignée, Commandant Wolfe.

- C'est mon devoir, Votre Presque Altesse ! Grinça Serena

- Il sera bientôt celui de l'empereur de rejoindre mon lit. Il ne sera pas le premier chanceux à y entrer, toutefois. Êtes vous renseignée sur cela aussi, Commandant ?

Alphonse sentit l'accélération du pouls de la jeune femme contre la main qu'il serrait toujours autour de son poignet. Cixi pencha la tête sur le côté et demanda, doucement :

- Dites moi Commandant, a-t-il toujours cette petite mèche de cheveux qui retombe sur son front quand il s'endort ?

Serena cligna des yeux et oublia comment respirer. Avec une satisfaction sans borne, Cixi constata le trouble évident que cette simple phrase avait provoqué chez celle qu'elle voyait comme une rivale. Alors évidemment, elle en rajouta :

- J'ai trouvé si touchant de le voir endormi. Il perd enfin son air sérieux, on dirait qu'il baisse les armes et qu'il se livre entièrement. Je garde un souvenir précis de son expression après la première fois, de son air béat quand il respirait le parfum de mes draps. J'en suis venu à penser que je n'aimerai le voir qu'endormi mais quelle tristesse cela serait de ne plus jamais croiser son regard. N'est-il pas délicieux, Commandant, de rencontrer ce regard doré alors que vous sentez ses mains sur vos hanches ? J'en garde un souvenir délicieux de ces mains là ! Quelle chance qu'il ait pu retrouver son bras au lieu de sa jambe, je préfère la chaleur de la chair au contact froid du métal sur ma poitrine, personnellement. Et ses épaules ! Cette belle largeur où on peut sans difficulté déposer ses jambes et dont on dirait qu'elles peuvent l'aider à soulever le monde. Bien que, évidemment, ça n'est pas le monde que je lui demandais de soulever…

Cixi semblait se délecter de ce qu'elle lisait dans les yeux bleus glacés de Serena. Cette dernière sentait comme un tambour battre dans sa tête et faire des échos dans sa poitrine. Une sorte de froid brûlant lui remontait dans le ventre et se diffusait insidieusement jusqu'au bout de ses doigts.

- J'ai une excellente mémoire et je peux me souvenir sans difficulté du moindre détail de ce corps qu'il m'a offert, Commandant. Je me souviens de chaque chose, jusqu'à la moindre cicatrice. Ma préférée, c'était celle qui est toute fine, juste au dessus de son coeur. Comme si on lui avait brisé, Commandant. J'ai toujours pensé qu'il avait eu le coeur brisé, ce garçon, on peut le voir dans le fond de ses yeux et dans la force qu'il mettait à se saisir de moi. En savez vous quelque chose vous même ?

- Ça suffit ! S'interposa Alphonse alors que Serena ouvrait la bouche en tremblant.

La tension dans la pièce sembla augmenter d'un cran alors qu'Alphonse soufflait, visiblement sur les nerfs. Les gardes s'avancèrent d'un pas, menaçants et Cixi continuait de sourire d'un air satisfait. Alicia prit alors la parole, de cette voix ferme et résolue qu'elle prenait quand elle montait au perchoir.

- Madame, tout ceci ressemble à de la provocation et je ne peux le tolérer !

- Que m'importe ce que vous tolérez ou non, je ne sais même pas qui vous êtes ! Cracha Cixi avec un regard de pitié

- Je ne m'attendais pas à ce que vous le sachiez. Après tout, vous n'êtes qu'un ornement, un bijou dans la Cour de son Altesse Impériale. Vous êtes là pour faire joli lors des cérémonies. Moi, je suis là à chaque instant, dans chaque salon, chaque bureau. Je suis invitée à chaque négociation car voyez vous, dans cette pièce, je suis la seule et l'unique à détenir un mandat, un véritable pouvoir politique.

Le sourire plus pâle mais toujours orgueilleuse, Cixi déclara :

- Je suis la future impératrice de Xing !

- Et nous sommes honoré de votre présence. Me concernant, je suis la Représentante des Expatriés et je suis en poste depuis des années sans que personne n'ait réussi à me déloger. J'ai vu passer un nombre incalculable de Premiers ministres, de speaker, de députés et même un Généralissime. Eux s'en vont et moi, je reste. J'ai l'oreille des puissants, au point où même votre empereur me fait l'honneur de m'écouter. Que pourrais-je lui dire, après cette soirée ? Sans doute de quoi changer votre réalité, Madame.

Cixi cessa de regarder Alicia comme si elle était une enfance capricieuse et agaçante, fronçant les sourcils.

- Qu'osez vous affirmer par là ?

- Et bien, encore une fois, c'est la froide réalité Madame. Je ne doute pas que vous soyez certaine de devenir un jour l'impératrice de Xing, mais vous vous oubliez. Vous n'êtes à l'heure actuelle qu'une simple concubine et tant que l'empereur n'a pas officiellement fait le choix de son épouse, c'est tout ce que vous êtes. Votre influence n'est que relative et dépendante du contexte. La mienne est concrète, réelle ainsi que mon pouvoir. Je ne peux tolérer votre attitude envers le Commandant Wolfe, qui ressemble, encore une fois, à de la provocation. On pourrait penser qu'il serait de mon devoir d'expliquer la situation à ceux qui ne manquent jamais de m'écouter. La Générale Armstrong, le Président Ross, qui, sans doute, en parlerait à son Altesse Impériale. Ainsi, les souvenirs que vous venez de partager avec nous arriveraient à ses impériales oreilles. Pouvez vous courir ce risque, Madame, dans votre situation ?

À nouveau, Cixi avait perdu son masque de beauté et regardait Alicia avec un mélange de colère et de frustration. Elle cracha une phrase en xingois, qui fit glapir Sayuri de colère. Puis elle reprit son expression d'orgueil et, d'un ton mielleux, déclara :

- Je ne fais qu'échanger avec votre soeur à propos de quelque chose que nous avons en commun.

- Avions. Corrigea alors Serena à voix basse avant que sa soeur ne put dire quoi que ce soit.

- Pardon ? Sourit Cixi

- Avions en commun. Il faut parler au passé, Votre Presque Altesse. Nous n'avons plus rien en commun.

- Le croyez vous ? Nous verrons. Sourit Cixi en tournant les talons.

*o*

Alors qu'elle était arrivée à mi-chemin sur les escaliers, Cixi se figea et regarda sur le côté. Vaguement soulagés, les cinq amis virent un cinquième garde surgir de nulle part pour la rejoindre, lui tendant un paquet.

- Puisque vous ne voulez pas participer à ma petite expérience, je ne vois pas l'intérêt de vous rendre ceci… S'exclama alors Cixi en leur montrant le paquet.

À leur grande horreur, les trois montres d'Or qui avaient été rangées au vestiaire scintillaient dans la main fine de Cixi. Sayuri cria une insulte, Malo gronda et Serena s'écria :

- Rendez moi ça !

- Si tu le veux, viens le chercher, petite alchimiste ! Cracha Cixi en souriant d'un air victorieux.

Ses cinq gardes sortirent alors des lames courtes et se déployèrent vers eux d'un air déterminé. Se mettant en garde, Sayuri demanda, la voix dure :

- Alphonse. Toi qui a vécu à Xing, tu peux nous donner quelques conseils sur comment affronter des élixirologues ?

- Restez mobiles. Et imprévisibles. Répondit Alphonse qui claqua dans ses mains avec un air colérique.

- Imprévisible, ça je sais faire… Gronda Serena, avant de s'élancer à toute vitesse vers le premier combattant.

Elle transmuta alors un énorme bouclier, sur quel rebondirent immédiatement les trois lames que son adversaire venait de lui lancer. Toutefois, ils retombèrent à ses pieds dans un cercle parfait et elle n'évita le pièce qu'il transmuta en son centre que de justesse. Pendant de longues minutes, le coeur battant, elle ne fit qu'esquiver les nombreuses attaques de son ennemi, restant comme l'avait dit Alphonse le plus mobile et imprévisible possible. Du coin de l'oeil, elle pouvait voir ses amis se défendre du mieux qu'ils pouvaient. Alphonse, fort de son expérience, fut le premier à mettre hors d'état de nuire son adversaire et Serena le vit courir au fond de la salle. A sa grande horreur, elle constata qu'il se repliait vers Alicia, qui était victime elle aussi des assauts d'un élexirologue. Enragée à l'idée qu'on s'en prenait à sa petite soeur, Serena modifia légèrement la structure de son bouclier et, après une esquive acrobatique, l'envoya à la tête de son adversaire xingois. Le bouclier s'enroula autour de la tête du combattant et lui donna l'aspect, pendant quelques secondes, d'un lampadaire avec des membres. Le bouclier vibra bruyamment, étouffant légèrement les cris de l'élexirologue, qui finit par tomber au sol inconscient, du sang coulant de ses oreilles. Au même moment, un grand cri résonna à l'autre bout du gymnase. Habilement, Sayuri avait réussi à congeler les jambes de son adversaire, qui hurlait de douleurs tout en continuant d'essayer de la poursuivre.

- Continue et tu vas juste te les briser… Grommela Serena, qui se tourna vers Malo.

Elle se lança vers lui et, avec une fluidité remarquable, l'ancien duo reprit ses habitudes de combats. Serena finit par réussir à percuter le combattant pour le faire atterrir dans les bras ouverts de Malo. Le médecin, refermant son bras mécanique autour de sa nuque, murmura :

- Au dodo maintenant !

Son cercle d'anesthésie s'illumina et le xingois perdait connaissance. Ils se séparèrent, Malo se précipitant vers Sayuri qui terminait son affaire tandis que Serena hurlait vers l'élexirologue qui s'en était pris à sa cadette. Surpris par le son rauque qu'une telle jeune femme pouvait produire, il fut distrait et Alicia ne le loupa pas. Elle le projeta par dessus son épaule pour l'envoyer au sol et Alphonse claqua des mains, faisant en sorte qu'il ne puisse pas s'en dépêtrer. Le combat était terminé.

*o*

Sentant l'adrénaline pulser dans ses veines, Serena se tourna rageusement vers la responsable de tout ce bordel. Elle croisa le regard de Cixi, qui avait peut être perdu sa stature mais pas son mépris. La concubine commença à doucement remonter les escaliers pour prendre la fuite, ce qui était absolument hors de question.

- Sayuri ! Donne nous un petit coup de frais ! S'écria la jeune femme.

La japonaise comprit très vite l'ordre de son amie et posa ses doigts sur le sol, dont la surface se recouvrit instantanément d'une fine couche de glace. Serena claqua alors dans ses mains et une série d'éclairs parcourue le sol jusqu'aux escaliers. Après une longue seconde de flottement, les marches se tournèrent sur elle même pour créer une pente vertigineuse sur laquelle trébucha Cixi. Dans un grand tourbillon de soie et hurlant à plein poumons, la concubine glissa le long des escaliers et sur le sol, dans une course incontrôlable. Sans ciller, Serena s'empara de deux lames toujours fichées dans le sol et, sans hésiter une seconde, les lança sur la trajectoire de la xingoise. Elles se fichèrent dans les vêtements de soie de la jeune femme, les déchirant largement mais arrêtant sa course. Sans cesser de hurler, elle commença à se débattre, coincée par ses propres vêtements. A force, elle se coupa sur une des lames et hurla encore davantage :

- Vous avez fait couler mon sang ! J'aurai vos têtes ! J'aurai vos têtes à tous ! Comment osez vous vous en prendre à moi ! Comment osez vous !

- Arrêtez un peu votre cinéma ! S'agaça Malo, qui glissait habillement jusqu'à elle.

La présence imposante du médecin à ses côtés et la fermeté de ses gestes coupèrent la chique de la concubine, qui le regarda soigner sa blessure d'un geste de la main. C'est alors que la voix d'Alphonse, pleine d'urgence, appela Malo. Serena tourna un regard effrayé vers lui. À ses côtés, Alicia se tenait la tête et grimaçait. Serena sentit son sang quitter son visage alors qu'elle voyait celui de sa soeur suinter entre ses doigts serrés.

- Je vais bien, Réna. Tout va bien. C'est rien. Dit calmement cette dernière en croisant le regard de son ainée.

Serena observa son meilleur ami soigner doucement sa petite soeur, puis elle se tourna vers Cixi, qui frissonna face à l'expression de la jeune femme. Lentement, elle s'avança jusqu'à elle. Focalisée sur la concubine, elle ne perçut pas la légère agitation au dessus d'elle et arracha une lame du sol. Sans cesser de fixer Cixi, Serena joua avec le couteau quelques secondes tandis que la peur se peignait sur les traits de sa rivale. D'un coup sec et sans prévenir, Serena jeta alors la lame à sa droite et elle vint se ficher en tremblant dans la tête d'un mannequin d'entrainement. Puis Serena transmuta une flèche de pierre, qui vint se ficher dans la poitrine du mannequin pour le transpercer de part en part. Enfin, elle claqua des doigts et une orbe géante et grésillante apparue et fit exploser le tout, ne laissant qu'un cratère fumant. Définitivement terrorisée, Cixi vit Serena s'accroupir et lui dire, la voix claire :

- Je sais tuer de tout un tas de manière différente.

- Que… Non… Ne me…

- Je tue des gens. Je suis un soldat. Ça fait partie de mon métier. Je n'aime pas ça. Parfois, ça m'empêche de dormir le soir. Mais vous concernant, je pense pas que je perdrais une seule minute de sommeil après vous avoir tuée.

Froidement, Serena tendit la main et termina :

- Rendez moi ce que vous nous avez volé et je m'abstiendrai de vous tuer. Pour cette fois. Dépêchez vous, avant que je ne m'énerve.

Avec un gémissement, Cixi déposa les Montres dans la main de Serena, qui passa la sienne autour de son cou et envoya les deux autres à leurs propriétaires respectifs. Puis, tournant à nouveau son regard bleu vers Cixi, elle l'acheva :

- Regardez vous. Suppliante et débraillez. Vous pourrez vous revêtir de toute la pompe impériale que vous voudrez, je ne pourrais jamais effacer cette image de ma mémoire, pour vous voir telle que vous êtes réellement. Ça nous a pris 5 minutes pour vous ridiculiser. C'est à pleurer de rire.

Et soudain, la concubine se mit effectivement à pleurer, bruyamment. Serena fronça les sourcils et jeta un regard circonspect vers ses amis. Elle croisa celui de Malo, qui lui fit un signe de tête vers les escaliers. Un claquement sec résonna alors dans le gymnase et des éclairs alchimiques apparurent. En haut des marches, les mains au sol, Edward Elric rendant sa forme originel au gymnase et Ling Yao les toisait de toute sa stature. Quand il se redressa, le sourcil froncé, il n'avait pas besoin d'être fin psychologue pour constater qu'Edward bouillonnait de colère. Serena sentait toujours l'adrénaline pulser dans ses veines et elle plissa les yeux de rage. Elle ne resterait pas là. Elle ne regarderait pas la concubine faire son grand numéro de victime aux pieds de l'empereur, elle ne se justifierait de rien. Hors de question de supporter quoi que ce soit. La démarche raide, elle prit la direction de la sortie sans un regard en arrière, ignora complètement Edward qui allait lui dire quelque chose et ne ralentit légèrement que pour s'adresser à l'empereur.

- Soit disant que ces types étaient l'élite de vos combattants élexirologues. Très honnêtement, c'était tellement facile de les battre que je me demande si c'est bien pertinent de faire alliance avec vous.

Ling se figea et ouvrit légèrement la bouche sans dire un mot. Ébahi face à une telle insulte, il regarda l'Alchimiste de Lumière sortir du gymnase sans se presser et sans dire quoi que ce soit d'autres.

*o*

Une fois réfugiée et seule dans l'appartement d'Edward, elle laissa enfin éclater sa rage et sa frustration. Elle arracha sa tenue d'entrainement ruinée et la projeta dans un coin de la pièce. Elle en voulait à tout le monde, à Ling Yao qui avait ramené cette diablesse avec lui, aux politiques qui n'étaient pas capable de quoi que ce soit, à Mustang qui avait les pieds froids et même à Edward. Quel besoin avait-il eut de se taper cette

- Salope… Grommela-t-elle en arrachant ses chaussures

Elle regarda ses doigts tremblants et souffla de frustration. Elle n'avait pas la finesse politique de sa petite soeur mais elle savait que Cixi Qing en avait. Toute cette mascarade était certainement un piège quelconque dans lequel elle était tombée la tête la première. Elle s'agrippa au rebord de la table et prit une grande inspiration, essaya de se calmer. Réfléchir. À priori, le plan de Cixi était de créer un conflit entre Amestris et Xing. Probablement pour mettre en danger le traité qui, ainsi, deviendrait la première défaite éclatante du règne de Ling Yao, ce qui l'affaiblirait une fois de retour au pays. Peut être le serait-il même suffisamment pour devoir accepter l'alliance avec les Qing et l'épouser enfin… Et Cixi cherchait à faire d'une pierre deux coups en l'impliquant elle, dans la naissance de ce conflit. Avec l'espoir peut être de la brouiller avec Edward, qu'elle désirait toujours obtenir pour elle, visiblement.

- Merde… Cracha Serena

Respirer doucement, profondément. Il fallait qu'elle se calme. Avec un peu de chance, sa soeurs et ses trois amis sauraient calmer le jeu avec l'empereur et les officiels. Elle aurait sans doute à présenter des excuses officielles. Serena se crispa, anticipant par avance le visage orgueilleux de Cixi Qing qui exigeait des excuses de sa part alors qu'elle…

La porte d'entrée s'ouvrit et se referma alors dans un grand claquement. Elle se retourna brusquement et vit le regard brûlant d'Edward posé sur elle. Elle regretta une demi seconde de s'être mise à moitié nue, étant donné qu'être si vulnérable n'était pas à son avantage alors qu'ils s'apprêtaient à commencer une dispute. Immédiatement, Serena se fit la réflexion qu'elle n'avait pas envie. Pas envie de hurler, pas envie de se défendre ou d'attaquer, pas envie de se disputer, pas envie de se battre encore. Ce qu'elle voulait, c'était que la peur et la colère disparaissent. Et le seul moyen…

- Est ce que tu peux me dire ce que c'était que ce bord…

Edward n'eut pas le temps de finir sa phrase. Serena s'était jetée sur lui et l'embrassait à présent avec une fougue redoutable. Les mains agrippées à son col et à ses cheveux, elle le serrait si fort contre elle qu'il ne put faire autrement que de l'entourer de ses bras. Et il sentit la colère, l'inquiétude et l'incompréhension quitter son corps, pour être remplacées par ce désir brûlant et infini qui prit rapidement toute la place. Il lui attrapa la nuque et les hanches, pour la maintenir au plus près de lui, toujours plus près de lui. Elle eut un gémissement où se mêlait plaisir et soulagement, quand elle sentit qu'il répondait à son baiser, à son étreinte, à son désir à elle. Ils s'appartenaient l'un à l'autre et ne souhaitaient rien d'autre que de le démontrer.

Sans interrompre, à aucun moment, cet incroyable baiser, Edward parvint à lui retirer le peu de vêtements qu'il restait à la jeune femme alors qu'elle lui ôtait l'essentiel des siens. Elle gémit contre ses lèvres quand il la saisit par les hanches pour l'assoir sur la table au milieu de la pièce. Elle était absolument parfaite, elle n'était à personne d'autre que lui et rien d'autre n'importait. Qu'ils soient au milieu d'un appartement non verrouillé n'importait pas, que n'importe qui puisse entrer pour les surprendre n'importait pas, qu'ils soient en plein milieu de ce qui s'annonçait comme un cauchemar diplomatique n'importait pas. Rien d'autre qu'eux n'existait et à présent, Edward ne souhaitait rien d'autre que de plonger en elle et d'entendre le soupir qu'ils partagèrent quand il le fit. Les jambes crispées autour de sa taille et les mains solidement plantées dans ses épaules, Serena ferma les yeux et bascula la tête en arrière alors qu'Edward trouvait refuge dans sa nuque sans jamais s'arrêter. Il ne fallait surtout pas s'arrêter, jamais. Elle le rendait fou, ivre d'un bonheur trop grand pour lui. En redressant la tête pour la regarder elle et le plaisir qu'il lui donnait, il se fit à nouveau la réflexion que jamais il ne pourrait s'en passer, qu'il n'avait jamais pu. Elle ouvrit les yeux pour le regarder à son tour et il put lire dans ses grands yeux bleus merveilleux qu'elle l'aimait aussi à perdre la raison et qu'elle non plus ne pourrait plus jamais se passer de lui. Leurs survies mutuelles à leur séparation avait été un miracle qui ne se reproduirait plus. La respiration de la jeune femme devint de plus en plus saccadée alors que ses jambes se crispaient davantage autour de ses hanches. Il la serra plus fort alors qu'elle fermait les yeux et dans un autre soupir partagés, ils explosèrent en même temps l'un contre l'autre.

Alors qu'il essayait tant bien que mal de rattraper sa respiration et ses idées, Edward sentit les mains de la j'en femme se glisser autour de son visage et le lever vers elle. Serena, malgré son essoufflement, l'embrassa encore tout doucement, comme si elle en avait encore besoin. Elle descendit de la table et frissonna légèrement quand ses pieds touchèrent le sol froid. Il l'emprisonna dans ses bras et continua de l'embrasser, lui donnant autant de douceur et de tendresse qu'elle en voulait, jusqu'à ce qu'il la sente enfin un peu apaisée, rassurée. Alors seulement il la regarda et lui murmura doucement :

- T'es tellement effrayante quand tu veux

- Tu trouves ? Répondit-elle sur le même ton.

- Terrifiante même. Et je t'aime tellement.

Elle eut un sourire un peu tendre et réclama à ce qu'il l'embrasse encore. Edward renonça à toute question ou explication. Il sentait la douceur et la tendresse du moment comme une douce chaleur qui courait sous sa peau et voulait s'endormir comme ça. Mais au moment où ils s'allongèrent côte à côte, Serena passa le bout de son doigt sur son torse, effleurant en continue un de ses nombreuses cicatrices, avec une expression pensive, presque un peu triste. Une petite bouffée d'inquiétude gonfla dans son estomac et il la serra contre lui en murmurant :

- Raconte ce qui te tracasse…

Elle mit quelques secondes à répondre, le regard toujours fixé sur cette cicatrice et finir par murmurer :

- Tu te souviens quand tu m'as dit… quand tu m'as dit que j'étais pas la seule à avoir senti un parfum qui n'était pas là dans les draps de quelqu'un d'autre ?

- Je crois que c'est très exactement ce que je t'ai dit il y a quelques jours. Et alors ?

- Alors…

Serena le regarda enfin et sembla chercher un peu ses mots. Elle sentait toute la chaleur d'Edward contre elle et la puissance tranquille de ses bras qui l'entouraient.

- Elle m'a racontée ce dont elle se souvenait. Elle a la mémoire des détails. Elle m'a parlé de cette cicatrice là.

Edward fronça les sourcils, sentant la colère se mêler à l'inquiétude à l'intérieur de lui. Mais il garda son calme et la laissa finir, alors qu'elle essayait de mettre des mots sur son trouble.

- Entre autre chose… Entre autre beaucoup de choses… Elle m'a dit qu'elle se souvenait que t'avais eu l'air heureux en sentant le parfum dans ses draps…

- Oh… Oui. Je me souviens. Je me souviens très exactement du parfum des draps. Dit-il en souriant largement.

Serena cligna des yeux d'incompréhensions alors qu'Edward se rapprochait encore d'elle, embrassant le haut de son front en souriant. Elle comptait se débattre et crier un peu mais il reprit la parole juste à temps :

- Je t'ai déjà dit que tes cheveux avaient un parfum, non ?

- Ben… Je me suis doutée mais…

Il était souriant et tranquille, l'air doucement heureux alors qu'il respirait l'odeur de ses cheveux tout en parcourant son front de baisers très légers qui la firent frissonner.

- Pendant une éternité, j'ai cherché ce que tes cheveux pouvaient bien sentir. Depuis la première fois qu'on a couché ensemble, je me creuse la tête. Je savais que j'avais déjà senti cette odeur quelque part.

Il prit une autre grande inspiration, souriant de plus en plus. Serena elle-même inspira un peu, sentant l'odeur de l'huile et du grand air qu'il dégageait apaiser son coeur.

- J'ai trouvé il y a quelques mois à peine. C'est l'odeur du jasmin de Xerxès.

- Le jasmin de Xerxès ? Répéta Serena, la voix basse et lointaine

- Les petites fleurs sauvages qui poussent encore dans les ruines du pays de mon père. C'est indescriptible comme odeur. Et c'est exactement ce que celle de tes cheveux me rappelle.

- Mais quel rapport avec… Demanda Serena, regrettant de ramener une conversation si douce à un sujet si désagréable.

- Les xingois mettent du jasmin partout. C'est pas tout à fait le même parfum, c'est pas aussi délicat. Mais ça se rapproche. Cette nuit là, j'ai senti cette odeur et j'ai cru que je te respirais encore. Alors ça m'a suffit parce qu'à ce moment là, j'aurai fait n'importe quoi, j'aurai saisi n'importe quel détail qui te ramenait à moi d'une manière ou d'une autre.

Serena n'osa rien ajouter et se serra plus fort contre lui, glissant sa tête contre son épaule pour cacher les larmes qu'il détestait voir dans ses yeux, même quand elles étaient de joie. Elle l'entendit murmurer :

- Réna, je pourrais passer ma vie à te respirer…