Chapitre trente trois: La solution au problème de l'empereur
Le lendemain matin fit entrer ses rayons implacables au travers des rideaux mal fermés et caressa les visages des deux alchimistes endormis. Dérangés par la lumière, ils s'étirèrent et se réfugièrent l'un contre l'autre en soupirant. Serena finit par murmurer :
- Je crois qu'il faut qu'on aille travailler…
- Mais non… Répondit Edward en gardant les yeux obstinément fermés
- J'ai cassé pas mal de trucs hier soir. Je dois les réparer. Affirma la jeune femme en tentant de sortir du lit.
- Reste avec moi, je suis vraiment trop bien là…
L'empêchant de se lever, il posa sa tête contre son épaule et soupira de contentement quand elle mit sa main sur sa nuque. Sans doute auraient-ils pu passer le reste de la matinée à somnoler l'un contre l'autre. Soudain, quelqu'un frappa très énergiquement à la porte et ils sursautèrent, soudain alertes. On avait frappé directement à la porte de la chambre. Pas à celle de l'appartement. De la chambre.
- C'est pas le genre d'Alphonse de frapper comme ça… Murmura Serena
- Non, effectivement. Répondit Edward sur le même ton.
Les brumes du sommeil définitivement et brusquement éloignées, ils se levèrent en toute discrétion. Serena attrapa les premiers vêtements qu'elle trouva et les enfila avant de s'accroupir souplement devant la porte. Ses cercles alchimiques crépitaient déjà et Edward hocha doucement la tête dans sa direction. Alors qu'on frappait encore une fois à la porte, Edward l'ouvrit brusquement et l'orbe brillante et grésillante de Serena frappa en plein dans le ventre un xingois, qui fut projeté à l'autre bout de la pièce. Il avait été inconscient avant même de toucher le sol. Avec rapidité, les deux officiers bondirent en dehors de la chambre, prêts à en découdre. Le spectacle qui les attendait dans le salon les calma en une seconde à peine.
*O*
Au milieu de la pièce se tenait l'empereur de Xing. Pas Ling Yao. L'empereur de Xing, revêtu de tout l'attirail réglementaire de sa fonction, coiffe de jade et sabre au fourreau de soie compris, les regardait froidement au milieu d'une petite troupe de militaires et de fonctionnaires xingois. Tout le monde avait l'air sérieux au possible et Edward dût retenir un rire nerveux. Il était torse nu et sa charmante copine l'était bien trop, dans la tenue qu'elle venait de lui emprunter. Mais malgré son manque flagrant de décence et sa chevelure désordonnée, elle s'inclina fort gracieusement et demanda :
- Votre Altesse Impériale, que nous vaux cette honneur ?
L'empereur la toisa pendant une éternité dans un silence absolu et, d'un geste lent, fit un geste vers l'homme inconscient en demandant :
- Venez vous de tuer mon premier secrétaire, Commandant ?
- Absolument pas, Votre Altesse Impériale. Il doit simplement être inconscient et se réveillera avec un bon mal de tête. Je suis toujours attentive à doser mes attaques quand je n'ai pas un visuel direct sur mon adversaire. La force de l'expérience.
- Vous êtes donc si paranoïaque que vous avez pris nos sollicitations matinales pour une attaque ?
- Un réflexe de soldat, Votre Altesse Impériale. J'espère que vous saurez me pardonner. Répondit Serena en inclinant la tête doucement
- Dois-je aussi vous pardonner l'insulte que vous m'avez faite hier soir, Commandant ? Demanda l'empereur d'une voix glaciale
- La soirée d'hier a été riche en rebondissement, si je peux me permettre. Puis-je savoir à quelle insulte vous faites référence ?
- Il me semble effectivement que vous avez passé une soirée pour le moins mouvementée…
L'empereur tourna son regard lointain vers Edward qui hocha la tête d'un air entendu et leva le pouce en l'air, sans dire un mot. Brièvement, une lueur amusée et gaillarde passa dans le regard de l'empereur et ils purent apercevoir Ling Yao derrière la pompe impériale. Mais quand il s'adressa à Serena à nouveau, c'était à nouveau l'empereur qui parlait.
- Nous pouvons commencer par les mots que vous m'avez adressé en quittant le gymnase. Si ma mémoire est exacte, vous avez insinué que si mon armée était à l'image des hommes que vous avez affrontés hier, il faudrait ré-envisager l'existence même de l'alliance que nous avons bâti entre nos deux pays.
Un murmure outré circula dans la petite troupe qui entourait l'empereur et les militaires froncèrent les sourcils. Edward restait sur ses gardes. S'il avait confiance en l'habileté de Serena, il devait se souvenir que Ling n'était plus uniquement son meilleur ami. Il portait le poids d'un empire, d'un peuple et d'une Cour exigeante sur les épaules. Il faudrait marcher sur une corde raide.
- C'était sans doute maladroit de ma part, votre Altesse Impériale. Au cours de ces dernières semaines, j'ai pu participer à nombres d'événements célébrant votre présence dans ce pays et l'alliance que nous sommes en train de construire. Je suis on ne peut plus enthousiaste. Il est certain que mes mots ont dépassé ma pensée, sans doute à cause de l'adrénaline due au combat que je venais de mener. J'accepterai de prendre tout le blâme que vous jugerez nécessaire.
Elle s'inclina plus profondément devant eux et fit une longue pause avant de se redresser. Edward choisit d'intervenir à ce moment là et, en détachant bien les mots, il prononça un proverbe en xingois :
- Le meilleur des miroirs ne reflète pas l'autre côté des choses.
À nouveau, l'empereur eut un sourire éclair et son entourage murmura à nouveau, de satisfaction cette fois.
- Le Lieutenant a retenu ses leçons des longs mois qu'il a passé dans notre pays… Affirma un militaire
- Une petite impatience ruine un grand projet, il nous faut se souvenir de cela. Ajouta l'empereur
Tout le monde hocha la tête gravement et Serena jeta un regard circonspect à tout le monde, étant la seule à ne pas saisir un mot de ce qu'il se passait. L'empereur, repassant dans une langue qu'elle comprenait, déclara :
- Votre ami, qui est aussi le mien à un différent niveau, me rappelle avec habileté qu'on ne rend bonne justice qu'en entendant les circonstances qui ont menés à la faute.
- Je vois… Vous me permettez donc de vous donner quelques explications, votre Altesse ? Demanda Serena en inclinant la tête à nouveau
L'empereur hocha la tête et garda le silence, tandis que les militaires la regardaient à présent avec moins d'aménité.
- Votre Altesse, les hommes que nous avons affronté hier nous ont été présentés comme l'élite des élixirologues de Xing. Commença Serena
Plusieurs marmonnements outrés parcoururent l'entourage de l'empereur, qui fronça les sourcils.
- L'élite des élixirologues de Xing est dirigée par la princesse impériale May Chang, ma révérée demi-soeur. Ceux que vous avez battu hier soir sont issus du clan Qing. Dois-je en conclure que c'est leur fille, Cixi, qui vous a fait cette présentation ?
- C'est tout à fait exact, Votre Altesse
Deux militaires et un fonctionnaire crachèrent alors ce qui ressemblait à une insulte, ce qui provoqua un court affrontement dans la petite troupe. L'empereur leva une main et un silence absolu régna alors dans la pièce, comme si il venait de souffler une bougie.
- Ma concubine a manqué de modestie, nous nous en souviendrons. Mais pourquoi, Commandant, avoir combattu ces hommes dans les circonstances actuelles ?
- Nous avons cherché à éviter cet affrontement par tous les moyens, votre Altesse Impériale. Votre concubine souhaitait ce combat afin d'évaluer quelle discipline entre l'alchimie et l'élixirologie était supérieure à l'autre. Nous avons refusé à de multiples reprises jusqu'à ce qu'elle nous vole nos insignes officiels et refuse de nous les rendre. Ses hommes nous ont ensuite attaqués.
- C'est regrettable mais il me semble que, plutôt que de céder à la violence, il aurait fallu en référer à vos supérieurs, qui en seraient venus solliciter mon intervention ou celle de mes conseillers. La situation se serait réglée sans heurt et nous n'en serions pas là. Affirma Ling, la voix dure.
À nouveau Serena s'inclina et répondit :
- Croyez bien que je le regrette, votre Altesse Impériale. Vraiment, je n'en ai pas dormi de la nuit.
Edward n'essaya même pas de retenir son sourire en coin et Ling lutta visiblement pour ne pas laisser percer le sien.
- Il me faut donc évaluer si vos regrets suffisent ou si une punition est nécessaire… Déclara alors l'empereur, portant sa main à la garde de son sabre.
- Puis-je encore me permettre d'ajouter du contexte, votre Altesse ?
- Si vous le jugez nécessaire et pertinent, je vous écoute
- Votre concubine Cixi a tenu avant cela des propos de la plus extrême des… impudences. À bien des égards, cela m'a heurtée.
Plusieurs oreilles se tendirent autour de l'empereur, qui fronça les sourcils et répondit :
- J'ai pu discuter avec la Représentante des Expatriés, votre soeur. Ainsi qu'avec Alphonse Elric. Je leur fait une confiance absolue et ils m'ont répété ce qu'à supposément dit Cixi avant l'affrontement. Ce sont des accusations très graves et sans preuve, elles tiennent de la calomnie. Je ne le permettrais pas. Cixi est une concubine impériale d'excellente réputation.
- Je vois. Mais avec une preuve…
Ling eut le regard qui s'alluma et hocha doucement la tête :
- Avec une preuve bien sûr, les choses seraient différentes. La confiance que je porte envers la concubine du clan Qing est absolue jusque là.
- Auriez vous besoin d'une telle chose pour me pardonner, votre Altesse Impériale ? Demanda Serena
L'empereur prit à nouveau une longue pause, figé dans une posture de statue impériale.
- Il semble évident que ma concubine s'est comportée de façon tout à fait cavalière. Elle a tenu des propos démesurées et a eu une attitude peu sage. Il me semble irresponsable de risquer cette alliance sur quelque chose d'aussi trivial. Je serai indulgent, en l'honneur aussi de mon ami qui se trouve à vos côtés.
Edward s'inclina avec raideur et répondit en xingois :
- Votre très gracieuse majesté est bien trop douce.
À nouveau, l'entourage de l'empereur murmura de satisfaction mais Ling eut encore visiblement du mal à ne pas éclater de rire. Retrouvant son sérieux, il donna plusieurs ordres, notamment celui qu'on ramasse son secrétaire gémissant. Au milieu de l'agitation, Edward et Serena aperçurent alors qu'une jeune femme était apparue au côté de Ling. Son regard noir évaluait le duo d'alchimistes et Edward lui adressa un signe mi amical mi ironique. Alors qu'elle se demandait qui elle était, Serena entendit l'empereur murmurer :
- Donne moi ta pensée
- Ma première pensée, mon prince, c'est qu'il ne la mérite pas
- Et au delà ?
- J'ai entendu le sous-texte comme vous mon prince.
- Bien.
Serena cligna des yeux et la jeune femme en noir avait disparue. L'entourage de l'empereur quittait l'appartement au compte goutte. Se redressant dans toute sa dignité, Ling déclara :
- Mon séjour dans ce pays prendra bientôt fin. Nous célébrerons ce traité historique par une célébration officielle. Je compte sur votre présence, alchimistes.
- Nous ne raterons ça pour rien au monde… Grinça Edward avec une dernière révérence
- J'insiste sur le fait que la meilleure société de Xing sera présente. Soyez présentable, venez avec vos meilleurs atours. Je me suis bien fait comprendre ?
- Évidemment. Votre Altesse est limpide. Dit alors Serena en s'inclinant à son tour.
L'appartement se vida alors complètement, la silhouette de la jeune femme quittant la pièce en dernier avec un regard brûlant pour Edward. Ce dernier soupira et remis la porte d'entrée sur ses gonds avant de se tourner vers Serena.
- Elle te regarde d'une drôle de manière, celle là aussi… Commenta la jeune femme
- C'est Lan Fan. Elle m'a toujours trouvé beaucoup trop familier avec son prince. Répondit Ed en souriant
- Son prince ?
- Je crois que ça sera toujours son prince. T'as été impériale, Commandant. Sans mauvais jeu de mot.
- Mauvais jeu de mot il y a quand même mais je te remercie pour le compliment. T'as de quoi nous bricoler un petit déjeuner ? Je crève la dalle.
- C'est un ordre, Commandant ?
- Ça dépend comme tu veux que la suite de la matinée se passe… Murmura Serena.
*O*
Le reste de la journée se passa tout à fait normalement, si on exceptait la convocation de Serena dans le bureau de son maître en alchimie. Il n'avait pas aimé les rumeurs qu'il avait entendu.
- C'est réglé. Ton traité n'est pas en danger. Répondit Serena
- Je sais pas si on peut encore dire que c'est mon traité, y'a pas grand chose à moi qui reste. Grinça Mustang
- Ta technique de séduction de la Première Ministre n'a pas été des plus efficaces alors.
Il ne répondit pas et congédia son apprentie. Mais cette courte discussion ne fut pas la discussion la plus animée entre les deux amis. Le lendemain matin, à peine Serena était-elle arrivée dans son bureau que son téléphone sonna. Au bout du fil, elle entendit sa soeur murmurer dans un filet de voix :
- Tu sais ce qui me ferait plaisir, Réna ?
- Je t'écoute, frangine.
- Je voudrais un bonhomme de neige.
Serena se hérissa, raccrocha le téléphone et quitta la Maison des Alchimistes sans dire un mot, pour y revenir deux heures après. Elle marcha directement vers le bureau de Roy et lui mit son poing dans la mâchoire.
- Fous moi en Cour Martiale, j'en ai rien à foutre. Je t'avais prévenu. Cracha la jeune femme en tournant les talons.
Mustang ne réagit même pas et quitta la Maison quelques minutes après son apprentie, en ordonnant à tout le monde d'aller se préparer pour la soirée de ce soir.
- Mais qu'est ce qu'il se passe ? Murmura Alphonse, perdu
Sayuri haussa les épaules d'un air attristé et Malo se tourna vers Edward. Ce dernier, les bras croisés, grommela :
- Alicia a demandé un bonhomme de neige
- Merde… Souffla Alphonse
- J'ai entendu des rumeurs ce matin. Il parait que Mustang viendra à la soirée impériale accompagné de Clara Damian.
Les quatre amis prononcèrent quelques insultes dans leurs barbes et, le moral en berne, parcoururent les quelques dizaines de mètres qui les séparaient de la Caserne. Décidément, aucune de leurs soirées ne semblaient pouvoir se passer de leurs lots de scandales.
*O*
Avec patience, Alphonse terminait de nouer la cravate de son grand frère qui piaffait d'impatience.
- Tu ressembles à Papa! Souligna le cadet en observant son frère
- Dis pas ça ou je vais me changer! Menaça Edward
- Je disais ça comme un compliment! C'est fou ce que t'es soupe au lait
Edward grimaça un peu et prit son cadet par l'épaule en le complimentant à son tour.
- C'est ton premier date officiel avec Sayuri du coup? Demanda-t-il en souriant
- J'accompagne mon maître à la soirée d'adieu de l'empereur, nuances! Corrigea Alphonse
- C'est vrai que t'as demandé à Alicia si elle voulait y aller avec toi?
- Ben oui. En tout bien tout honneur, évidemment. Je me suis dit que j'aurai pu la soutenir face à Mustang et Damian.
- Ça aurait bien fait chier Mustang... Grommela Edward
- C'était le but, on va pas se mentir. Mais elle a objecté que ça ferait repartir les rumeurs. Elle a pas envie de ça. Je crois qu'elle a pas envie d'y aller tout court.
- C'est trop con...
Edward et Alphonse enfilèrent leurs chaussures. L'ainé fit une pause en regardant dans le vide et demanda:
- Al... C'était si horrible que ça?
Son frère le regarda avec curiosité et comprit sans avoir besoin de bien plus ce que son frère voulait dire:
- Ce qu'a dit Cixi à Serena? Oh ouais. Même moi, j'ai trouvé ça très gênant alors que je suis que ton frère. Si j'avais dû être ta copine, j'aurai... Elle est restée remarquablement calme. À sa place, j'aurai eu envie de lui arracher la tête! Affirma Alphonse en fronçant les sourcils
- Elle devait être un peu sidérée sans doute... Soupira Edward en fronçant les sourcils
Ils quittèrent leur appartement avec une expression concernée. Ed marmonna:
- Faut vraiment pas qu'elle devienne impératrice celle là...
- T'as une idée de ce qui lui a pris? À Cixi? Demanda Alphonse
- Sans doute qu'elle voulait provoquer un conflit entre nous et les xingois pour mettre en danger le traité, pour affaiblir Ling. Mais sur pourquoi elle s'en est pris à Serena...
- Elle a peut être des sentiments pour toi au final... Soupira Alphonse
- Je pense pas que ça soit une question de sentiments. Je pense que c'est une gamine mal élevée qui supporte pas de partager ses jouets. Même ceux avec lesquels elle ne joue plus depuis longtemps. Déclara Edward en fronçant les sourcils.
*O*
Edward n'avait pas tout à fait tord. Cixi Qing était, au fond, une gamine mal élevée qui avait, depuis la naissance, obtenue exactement ce qu'elle voulait. Sa famille avait investi beaucoup de ses espoirs et de ses ambitions en elle et, jusqu'à présent, elle leur donnait presque entière satisfaction. Elle avait fini par confondre son bonheur personnel et celui de sa famille, voire celui de l'empire de Xing. Et elle tordait la réalité en fonction de ce qui l'arrangeait. Elle aimait le pouvoir et la possession, et celui qu'elle pouvait avoir sur les esprits lui était délicieux. Quand elle avait rencontré Edward Elric pour la première fois, elle l'avait voulu. Parce qu'il était charmant, évidemment mais aussi parce qu'il venait de ce pays qui la fascinait depuis l'enfance, parce qu'il pratiquait cette alchimie qui l'intéressait grandement, parce qu'il avait des yeux dorés comme dans les mythes. Et il avait cédé remarquablement facilement, comme tous les hommes qu'elle avait désiré par le passé. Mais quelque chose s'était passé pendant cette première nuit. Elle gardait ce souvenir précieusement dans sa mémoire. Edward Elric s'était effondré dans ses draps avec une expression bien particulière : l'adoration, la béatitude, presque de l'idolaterie. Cela devait être ça, le sentiment amoureux et Cixi avait compris que c'était ça, la possession ultime sur l'esprit d'un autre. Et elle en avait voulu encore. Avec lui, bien sûr mais les fois suivantes, elle ne l'avait pas rencontré à nouveau. Avec les autres hommes non plus, elle n'était jamais parvenu à retrouver cette expression. En fait, elle ne l'avait vu qu'une seule fois depuis lors, et encore sur le visage d'Edward Elric. Mais cette fois, c'est alors qu'il regardait cette autre femme. Cette Commandant Serena Wolfe, c'était elle qui possédait l'esprit et le cœur d'Edward Elric et cela, Cixi ne le supportait pas. On ne lui volait pas ce qui était à elle. Rien ne lui était plus insupportable. Aussi, quand elle les vit arriver dans la salle de bal, elle cru véritablement vomir de dégout. Cette femme, serrée dans sa longue robe noire, se tenait fermement accroché au bras de celui qu'elle pensait à elle et lui, lui la regardait avec une forme d'adoration absolue qu'elle n'avait jamais rencontré dans des yeux qui la regardaient elle.
*O*
- On dirait cette actrice américaine... Observa Sayuri en acceptant le verre qu'on lui tendait.
- Laquelle? Demanda Serena
- Celle qui prend ses petits déjeuners dans une bijouterie et qui perd son chat...
- Audrey Hepburn dansDiamant sur Canapé, je prends le compliment... Sourit la jeune femme en remontant son gant avec application.
Elle était encore rose de la série de compliments qu'avait balbutié Edward quand il l'avait retrouvée et elle s'accrochait à lui comme à une bouée. C'était évidemment par amour mais aussi parce qu'elle devait marcher perchée sur des talons vertigineux. Entourée de ses amis, ils saluaient leurs connaissances dont Richard Martello, qui s'inquiétait:
- Je ne vois toujours pas le Général Mustang...
- Mmmh. Grommelèrent les Alchimistes Premium
- C'est l'architecte de ce traité avec Xing, à bien des égards. Il devait venir avec la Première Ministre, selon les rumeurs mais elle est déjà là alors que lui...
- Il est sans doute contrarié! Éluda Alphonse avec un sourire élégant
- Il peut pas se permettre d'être contrarié, ce con! Quand on a les ambitions qui sont les siennes, on peut pas s'autoriser à bouder une réception pareille! Pesta Serena
Martello hocha la tête avec gravité et Edward eut un sourire en coin. Il murmura à l'oreille de sa bien aimée:
- Dis donc, Commandant, ça serait pas de la loyauté envers ton maître en alchimie ça?
- Y'a pas de loyauté qui tienne, ce con a fait pleurer ma petite sœur. Répondit Serena avec toute la mauvaise foi du monde.
Edward n'insista pas mais lui serra la main avec affection. Malgré tout, ils parvinrent à garder le sourire et continuèrent à rire et discuter agréablement avec tout le gratin du pays. Un des alchimistes, ancien camarade de Serena, ne put s'empêcher de noter:
- C'est fou, on dirait que vous vous séparez jamais!
- Elle peut pas me lâcher, je suis sa béquille du soir! Affirma Edward avec un sourire
- Et même sans ça, je préfère mourir que de le lâcher. Ajouta Serena avec un sourire tranquille.
Leur interlocuteur eut un sourire légèrement confus et ne dit rien, se faisant la réflexion qu'il aurait sans doute rarement l'occasion d'être le témoin d'un sentiment aussi fort entre deux personnes. Il se trompait légèrement et la suite le prouva immédiatement. Alors que le repas allait bientôt être avancé, l'officier du protocole s'avança devant la gigantesque porte et annonça, d'une voix haute et claire :
- Le Général de Division Roy Mustang, Maître Alchimiste de Flamme!
Serena soupira et allait faire une remarque sarcastique concernant l'arrivée tardive de son maître. Elle fut interrompue par l'annonce suivante de l'officier:
- Madame Alicia Wolfe, Représentante des Expatriés.
Une rumeur naquit immédiatement dans l'assistance. Très élégant dans son uniforme de cérémonie, Roy s'avança dans la salle de bal au bras d'une Alicia qui rivalisait d'élégance. Leurs doigts enlacés ne laissaient aucun mystère sur la nature de leur relation et, ignorant les regards et murmures qui les suivaient, ils se dirigèrent fort naturellement en direction du Président Ross qui souriait de toutes ses dents. Serena, qui en oubliait presque la douleur infligées par ses chaussures, semblait aussi avoir du mal à ne pas trépigner de satisfaction et de soulagement.
- Bon, il était temps! Se contenta-t-elle de dire
- Ça veut dire qu'on va pouvoir arrêter de se donner en spectacle? Demanda Edward
- T'as envie d'arrêter de te donner en spectacle? Ironisa Alphonse, qui ne cachait pas son soulagement non plus
- Pas tellement
- Ça m'aurait étonné aussi.
Serena, focalisée sur sa petite sœur, lui fit un grand sourire quand le couple s'approcha enfin d'eux pour les saluer et elle trouva quand même le moyen d'ironiser.
- C'est pas trop tôt, vous avez vu l'heure?
- L'hôpital, la charité, ma petite ampoule. À moins que t'es quelque chose à dire? Répondit Mustang avec un sourire en coin
- Pour une fois, j'ai rien à ajouter, mon très cher maître. Sourit Serena.
*O*
Comme prévu, le repas fut délicieux et il fut bientôt temps d'ouvrir le bal. À la surprise de tout le monde, et peut être inspiré par le Général Mustang, l'empereur de Xing s'avança en premier sur la piste au bras d'une Lan Fan visiblement paralysée par la surprise, l'appréhension et la joie. Serena se pencha vers les frères Elric et demanda :
- Mais est ce qu'ils sont...
Edward fronça légèrement les sourcils et Alphonse secoua la tête en expliquant:
- Il a pas le droit. Peu importe qui il épousera un jour, il faudra que ça soit quelqu'un qui soit noble.
- Mais même si il ne l'épouse pas, il ne peut pas au moins...
- Non. C'est pas comme dans les histoires. Même sa vie amoureuse et sexuelle ne lui appartient pas. Tous les empereurs ou impératrices qui ont pris un favori issu du Peuple de Xing ont mal fini. Expliqua Alphonse
- Et Lan Fan ne tolérera jamais qu'il ne se mette en danger. La sécurité de Ling, c'est sa raison de vivre. Ajouta Edward
- Ben ça me rend un peu triste... Souffla Serena en regardant la piste de danse qui se remplissait
- Tu veux danser pour oublier? Proposa Ed
- T'accepterais de danser toi?
- Qu'est ce que je ferai pas pour toi, Réna?
L'orchestre formel enchaina rapidement sur plusieurs morceaux plus dynamique, alternant entre musiques de Xing, d'Amestris et même quelques styles venant de l'Autre Côté, dont une très belle gigue celtique. Malgré le poids des conventions, on pouvait dire que jusqu'à présent, la fête était réussie. Tout le monde se mélangeait dans une belle ambiance, les discussions animées et légères rivalisant avec les danses joyeuses. Le traité n'était peut être pas aussi ambitieux que l'auraient souhaité Ling et Mustang mais cette visite avait réussi quelque chose : l'amitié entre les peuples s'était cimentée comme jamais. Seule une personne semblait figée dans son amertume.
Cixi avait échoué sur toute la ligne. Elle avait dû manoeuvrer pour parvenir à être la seule concubine invitée, elle avait eu plusieurs objectifs à remplir et c'était un échec sur toute la ligne. Le traité avait été signé, l'empereur sortait plus fort de cette visite et elle n'était pas parvenue à reprendre son empire sur l'esprit de l'Alchimiste Fullmetal. Pire, elle avait été humiliée par les Alchimistes Premium et même par Ling Yao qui avait préféré inviter sa servante à danser ! Peu de doute que cela ferait jaser une fois de retour au pays. Alors, quand elle vit Serena s'approcher, seule, de l'endroit où elle se tenait, elle ne résista pas. Raide, la concubine s'approcha de l'Alchimiste et persifla :
- Votre sœur a fait son petit effet ce soir...
Serena sourit et ne répondit pas. Elle se contenta de regarder Cixi avec un air satisfait qui hérissa sa rivale:
- Vous semblez passer une soirée délicieuse!
- Pas vous?
La question était rhétorique et pleine d'une ironie délicieuse aux oreilles de Serena, soulignant encore davantage l'impression d'échec total de Cixi Qing, qui perdit le contrôle.
- Tu penses avoir gagné mais tu te trompes! Cracha-t-elle
- De quoi parlez vous? Demanda Serena avec une politesse visiblement feinte
- On aurait pu s'entendre, on aurait pu se le partager. Tu as voulu faire de moi ton ennemie, tu n'aurais pas dû... Menaça Cixi
- Allons, qu'est ce que je risque?
- Je suis la future impératrice de Xing ! Ce traité ne survivra pas à mon couronnement, tu m'entends ! Et je ferai en sorte que chacun sache que c'est de ta faute, que tu es la responsable de ma haine pour ce pays à partir de maintenant ! Comment crois-tu que cela va te servir ? Ne crois tu pas que la situation va devenir bien pire, une fois que je serai sur le trône, pour toi et les tiens, avec la réputation de que je vais te faire ?
Serena ne souriait plus du tout mais ne s'enragea pas non plus. Elle restait très calme, attentive à ce qui se passait autour d'elle. Cixi, coincée dans sa haine, ne voyait rien et surtout pas que leur discussion était en train d'attirer les regards. D'une voix claire, Serena demanda:
- C'est Edward que tu voulais?
- C'est à moi! Répondit Cixi
- Parce que tu l'as déjà eu une fois? Ajouta Serena, toujours à voix haute
- Oh, je l'ai eu bien plus d'une fois et je l'aurai à nouveau!
- Dans ce cas...
Sans prévenir, Serena fit un mouvement brusque vers Cixi. La main recouverte d'une couche de lumière pure, elle enfonça son poing dans le diaphragme de la concubine, dont les pieds quittèrent le sol. Dans un grand fracas, elle atterrit quelques mètres plus loin, dans un silence général. Sans se presser et le visage fermé, Serena s'avança vers sa victime soufflante et écarlate et se pencha vers elle en lui disant, de sa voix toujours haute et claire:
- Par le passé, peut être mais plus maintenant. Garde tes invitations pour toi, salope!
Sous le regard médusé de l'assistance, Serena sortit de son gant le long ruban de soie brodé qui avait été offert discrètement à Edward il y a bien des jours et elle le laissa théâtralement tombé sur le corps inerte de la concubine. Puis, elle tourna les talons et s'enfuit de la salle de bal aussi vite que ses chaussures pouvaient le lui permettre. Edward, figé de surprise, se secoua et partit immédiatement derrière Serena. Personne ne s'en préoccupa. Les xingois regardaient tous Cixi et la plupart des visages semblaient figés de sidération, de déception voire de satisfaction pour certains. En revanche, tous étaient visiblement scandalisés. L'empereur s'avança alors vers Cixi avec précipitation, sans aucune forme de majesté, comme si il était trop préoccupé pour s'en soucier. Alors que la concubine essayait de se relever, il s'arrêta près d'elle et marmonna à voix haute:
- Alors c'était vrai. Toutes ses rumeurs. Tous ses mots que je n'ai pas voulu écouter.
Il se pencha et ramassa le ruban, l'observa attentivement puis le leva dans la lumière, pour que tout le monde puisse bien voir qu'il était brodé du prénom de Cixi. Ling prit alors un air enragé et cria de colère, alors que chaque membre de sa Cour crachait une insulte ou secouait la tête d'indignation. Cixi, confuse, regarda la bande de soie que Serena avait fait tombé sur elle et que montrait l'empereur à l'assemblée. Et ses yeux s'agrandirent d'effroi alors que l'empereur lui demandait:
- Comment as tu pu? Comment as tu osé? Sais-tu que c'est fini pour toi?
Il n'avait pas besoin de le dire. Elle avait compris. Tout le monde avait compris.
