14 octobre

U.A fantaisie / U.A ordinaire (Fantasy AU / Mundane AU)

Lee (Les 7 mercenaires)


Au moins, il n'y avait pas de créatures autres que les coyotes ou les serpents à sonnette qui vivaient ici. Dans leur malheur, les paysans de ce village avaient de la chance : ils étaient certes dépouillés et floués de leur droit à vivre en paix, mais ils étaient au moins préservés des bêtes les plus dangereuses que ce monde pût porter. Les démons de rivière ne pourraient absolument pas trouver leur bonheur ici et les forêts et les plaines herbeuses étaient trop reculées pour que les entités qui les peuplent s'aventurent jusqu'ici. Même les spectres vengeurs se sentaient trop démoralisés par les montagnes désertiques et les bouquets d'arbres rabougris.

Vraiment, Harry était idiot s'il n'avait pas encore compris que Chris ne cherchait absolument pas un trésor en venant ici. Des richesses et des bijoux aztèques qui ne seraient pas gardés par une divinité-serpent à plumes? Ou même par un dragon ? C'était beaucoup trop beau, ça n'existait pas.

Ils auraient pu se servir d'un dragon pareil pour mettre en déroute Calvera et ses hommes, tiens. Sept pistoleros, qui avaient appris à mettre en déroute n'importe quelle créature vivante, ç'aurait été largement suffisant pour le faire sortir de sa tanière. Lee pensait à tout cela en arpentant les alentours d'Ixcatlan à la recherche d'un moyen d'épuiser son anxiété. En restant assis dans la maisonnette dont on le faisait disposer, l'angoisse ne faisait que venir et repartir, comme une bête féroce. Chris lui avait pris son alcool. Il était certain que c'était lui; qui d'autre était motivé par ce genre d'héroïsme irrationnel pour le monde impitoyable dans lequel ils vivaient ?

Alors qu'il allait rebrousser chemin et chercher la protection du dédale de maisons et de greniers, ainsi que celle de ses compagnons – car après tout, c'était pour ça qu'il était là –, Lee entendit des jurons qui provenaient d'un ravin un peu plus loin. Son premier élan fut de ne pas y aller. Il pouvait aller quérir un des autres aventuriers pour s'en charger, mais lui, si jamais il tombait sur un des hommes qui le recherchaient… ? Il avait été un pistolet réputé autrefois, et pas toujours une personne très vertueuse, mais il ne serait plus capable de tirer.

Cependant, ce dont il n'était pas capable non plus, c'était de faire demi-tour sans aller vérifier l'état d'une personne qui souffrait visiblement autant. Il était devenu un pistoleros terrifié par la mort, mais il n'était pas un lâche.

Lee quitta donc l'ombre des maisonnettes et courut, plié en deux, vers les creux et les a-pics dont il avait entendu venir le bruit. Il y trouva Britt, la main serrée autour de sa jambe qui commençait à devenir noire du venin d'un serpent dont le cadavre était enroulé un peu plus loin, un couteau fiché dans ses anneaux. Le temps que Lee arrive sur place, Britt avait abandonné les jurons pour tomber dans les pommes.

« Comment Diable as-tu fait ton compte ?! le sermonna Lee en le contournant pour essayer de voir ce qu'il pouvait faire. »

Pas grand-chose , à part lui tenir la nuque ! Les paysans de la région étaient trop pauvres pour posséder des contrepoisons efficaces et les veines de Britt étaient déjà presque toutes noirâtres.

Mais il ne pouvait pas le laisser agoniser et mourir seul, alors le pistoleros attendit, à découvert, que son compagnon ne rende son dernier souffle ou qu'un miracle se produise.

Ce fut le miracle qui se décida. Alors qu'il s'attristait, la main sur son cou, de percevoir le pouls qui diminuait, Lee sentit soudain une autre présence. Il redressa brusquement la tête et vit une licorne qui se tenait perchée au sommet du promontoire.

Personne d'autre n'aurait pu en être plus abasourdi que lui. D'habitude, ces animaux n'apparaissaient qu'à ceux qui avaient des intentions pures, et était-ce son cas, à lui, qui était venu dans ce village non pour aider ses habitants, mais pour se cacher de ses ennemis ? Non, en effet, mais sa volonté de rester auprès de Britt et de lui offrir son soutien silencieux avait été suffisant. Lentement, la licorne bondit de rochers en rochers jusqu'à eux et toucha la jambe du blessé avec sa corne.

Le poison se dissipa aussitôt. Naturellement, Lee ne confia jamais à personne que c'était cette créature fantastique qui avait sauvé leur camarade. Il ne voulait pas qu'on le prenne pour une personne pure et il n'avait pas besoin de leur reconnaissance. Seulement le sourire de gratitude de Britt et l'air admiratif des autres, ça lui suffisait.