Yo,
R.A.R :
Bouh-ahh : Merci pour ta review, j'espère que tu vas bien en te retrouvant pour ce nouveau chapitre. Effectivement, l'acte I permet de prendre le temps sur l'univers et les personnages pour déterminer toute la suite. J'espère que ça te plaira, bonne lecture !
Voici le chapitre 9 de l'acte I. Bonne lecture !
— Je suis rentré.
Grimmjow ferma la porte d'entrée et retira ses chaussures lentement, fatigué de sa journée. Finalement, il aurait voulu s'entraîner avec Yoruichi. Depuis sa défaite contre Renji, il voulait devenir plus fort. Pas forcément pour le battre. Mais pour protéger ceux qu'il aimait.
La maison était silencieuse. Néanmoins, en tendant l'oreille, il put entendre des murmures venant de la salle de réception. Les portes coulissantes avaient soigneusement été fermées et on ne pouvait voir que des ombres à l'intérieur, assises sur les tatamis. Grimmjow avait reconnu la voix rauque de Zaraki. Tout à coup, un portant s'ouvrit, laissant à l'enfant le temps d'apercevoir Kaien Shiba, le pharmacien, assis à genoux en face de son tuteur. Puis Yumichika apparut dans l'entrebâillement en souriant au garçon.
— Te voilà, Grimm'! Tes frères sont là-haut, tu devrais aller les rejoindre! Je ne vais pas tarder à préparer le repas de ce soir, d'accord?
Grimmjow ne sut rien dire et finit par hocher de la tête en se dirigeant vers les escaliers. Alors qu'il voulut guetter à nouveau à l'intérieur de la salle, Yumichika ferma aussitôt les portants et se dirigea vers la cuisine. Finalement, le garçon arriva dans la chambre quelque peu frustré.
— Ah te voilà, enfin, Grimm'! s'écria joyeusement Ichigo.
— Ouais, le chemin est long depuis le QG des Forces Spéciales.
Grimmjow s'installa naturellement sur le dos, s'allongeant de tout son long à côté d'Ichigo qui continuait de colorier le panneau pour l'exposé. Ulquiorra s'était installé du côté de la fenêtre et semblait pensif. Finalement, il regarda enfin le dernier arrivant:
— Tu n'es pas couvert de poussière et de bleu? s'étonna-t-il.
— Non, la Capitaine voulait nous faire de la théorie aujourd'hui. Aaah, heureusement que Tatsuki voulait bien prendre des notes.
— N'abuse pas de sa gentillesse, Grimm'! gronda Ichigo; c'est un travail qui doit se faire à deux.
— Mais elle n'est pas «gentille» avec moi! Elle est juste complètement folle de Yoruichi et j'en profite un peu; sourit Grimmjow en coinçant ses bras sous sa tête.
Ichigo soupira et finit par se reconcentrer sur son dessin.
— Z'avez vu qui est dans le salon avec Zaraki?
— Oui, Kaien Shiba; répondit Ulquiorra; il est arrivé en même temps que Yumichika et moi.
— Pourquoi Yumichika t'as raccompagné? demanda Ichigo; il ne devait pas finir plus tard le travail, comme d'habitude?
Ulquiorra haussa les épaules.
— Je n'en sais rien, Yumichika m'a juste dit que ça ne posait pas de problème.
— Si Kaien s'est déplacé, c'est qu'il se passe quelque chose.
— Tu veux dire que la santé de Zaraki s'est aggravée? s'inquiéta tout à coup Ichigo.
— Mais non, Ichi', je pense que c'est autre chose. Vous vous souvenez de la lettre que nous avions dû lui apporter? Et là, c'est lui qui vient en personne ! Zaraki a toujours eu son problème à la jambe, pourquoi ça changerait du jour au lendemain? Ils ne me feront pas croire que Kaien est venu spécialement pour ça.
— J'y ai songé aussi; rajouta Ulquiorra; en plus, ils ont fait attention à ce qu'on ne puisse rien voir ni rien entendre. C'est louche…
— Qu'est-ce qu'il se passe à votre avis ? demanda innocemment Ichigo.
— Selon moi, ça va bientôt être au tour des adultes de passer le recensement et la pression monte. C'est évident que les Sinners seront bien plus cruels avec eux qu'ils ont pu être avec des enfants pour obtenir des réponses à leur enquête.
— En tout cas, ce sont en premier lieu les travailleurs des Forges qui sont inquiets. J'ai surpris une conversation toute à l'heure en allant rejoindre Yumichika. Le chef lui-même et d'autres forgerons semblaient lui en vouloir pour quelque chose. C'est certain, ils parlaient de la nuit où le Freak a été tué !
Grimmjow se rassit aussitôt sur le futon, à l'écoute d'Ulquiorra qui poursuivit:
— Ils semblaient être gênés que le Freak ait été tué dans les Forges. Cela les met dans une position difficile vu qu'ils y travaillent et qu'une enquête a lieu. Mais devinez quoi ? Ils sont tous anxieux parce qu'ils ne sont pas totalement innocents dans cette affaire.
— Quoi ?! s'écria Grimmjow.
— Chut, idiot! Tu ne peux pas être plus discret?
— Dis-nous en plus, Ulquiorra ! ajouta Ichigo avec le même enthousiasme.
— J'y viens, une seconde. Donc, comme je disais, ils ne paraissent pas totalement innocents. Je dirais que le Freak n'est pas passé dans les Forges par hasard. C'était un rendez-vous organisé entre lui et le faux monnayeur. Et Tessaï, le patron des Forges, avait donné son accord pour cela.
— Et Yumichika dans tout ça? reprit Grimmjow.
— C'est simple. Il semble être l'entremetteur entre le faux monnayeur et les Forges. Et je ne pense pas qu'il soit seul dans la combine. Sans doute qu'Ikkaku est aussi dans le coup. Et Zaraki… ou encore Kaien… en tout cas, ça expliquerait bien des choses.
Ichigo tremblait d'excitation en tenant fermement son crayon de couleur. Grimmjow, lui, gardait les yeux grands ouverts, tout à fait surpris. De tous les Dogs de la Cité, cette histoire de faux-monnayeur pourrait avoir un lien avec sa propre famille ? Tout à coup, l'enquête qui avait lieu lui fit peur. Il espéra tout à coup que les Sinners ne trouvent jamais la clé de l'énigme.
— Tous ceux au courant doivent actuellement accorder leur pendule avant le recensement; conclut Grimmjow; il ne faudrait pas qu'un témoignage soit différent d'un autre.
— En fait, Tessai avait l'air particulièrement énervé que cette nuit se soit si mal passée. Il faut le comprendre: maintenant qu'il est à la tête des Forges, il est un suspect important dans l'enquête. Il se pourrait même que les Sinners finissent par le punir en exemple.
— Mais… mais… il ne pourrait tout de même pas… tout avouer, hein?
Le sang de Grimmjow se figea dans ses veines et il retint sa respiration.
— Rien n'est sûr; conclut Ulquiorra d'une petite voix; mais c'est un homme droit et plein de valeurs, il ne trahira pas facilement la confiance de Zaraki.
Grimmjow hocha la tête, cherchant à se rassurer. Tout à coup, il eut l'impression qu'il ne pouvait rien faire, que les histoires des adultes étaient inatteignables pour lui. Pire encore, il aurait beau s'entraîner tous les jours auprès de Yoruichi, ses maigres bras et sa petite taille n'intimiderait aucunement le premier Sinner qui s'attaquerait à sa famille.
— Tout à l'heure, aux Forces Spéciales, une fille est intervenue pendant que Yoruichi nous parlait. Ça semblait urgent. Elle a dit un truc comme «nous avons trouvé de qui il s'agit.».
— Qui ? Le faux monnayeur ?! demanda Ichigo.
— Maintenant, ça me semble clair.
— Dans ce cas; finit par dire Ulquiorra; tout le monde a raison de s'inquiéter.
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Plus tard
Baraquement des Sinners
Comme chaque nuit, il ne parvenait pas à trouver le sommeil. C'était déjà sa troisième coupe de saké et il ne comptait pas s'arrêter là. La lune l'éclairait, affalé sur sa chaise, ses jambes croisées étendues sur le bureau. Le reste de la pièce était plongé dans l'obscurité. On pouvait à peine entr'apercevoir la porte au fond, résolument fermée. De l'autre côté, c'était un couloir amenant à bien d'autres bureaux. Ainsi se tenait le centre administratif des Sinners. Un bâtiment de plusieurs étages. Des allées moroses et des bureaux identiques enfilés les uns à côté des autres. Et en cette heure tardive, tout était calme. Il n'y avait plus ni de cris ni de pas précipités dans les couloirs. Le silence de la nuit avait tout englouti. Et le Commandant des Sinners avec lui.
Nnoitra pesta intérieurement. Il préférait le jour. Il haïssait la nuit. Elle lui donnait l'impression de toujours avoir un coup d'avance sur lui. En l'aveuglant dans ses ténèbres, elle semblait mijoter quelque chose dans son dos. Quelque chose qui lui retomberait dessus fatalement, comme un coup de massue en pleine tête.
Soudain, alors qu'il songeait avec sérieux à reprendre une coupe de saké, on toqua à la porte du bureau. Frappe timide du poing. Trois coups polis. C'était encore un bleu que la garde lui envoyait pour délivrer un message.
— Qu'est-ce qu'il y a encore?
La porte s'ouvrit lentement en grinçant. Le gamin avait à peine la vingtaine et tremblait sur ses quilles. Il s'accrochait à la porte comme s'il allait s'effondrer à tout instant.
— B-bonsoir Commandant…
Il resta là, à contempler son supérieur affalé sur son bureau, plongé dans la pénombre.
— Tu vas rester longtemps comme ça ? Qu'as-tu à me dire ?
— Oh, pardon, Commandant! Je… Je crains que… ça ne soit une mauvaise nouvelle.
Aussitôt, Nnoitra posa sèchement sa coupelle sur son bureau et se leva. Le bruit fit sursauter le garde. Il vit alors son commandant, comme une ombre immense, se dresser de toute sa hauteur, la lumière de la lune dans son dos.
— Parle.
— O-oui! obéit le jeune homme en raclant sa gorge; c-comme vous le savez, avant sa défaite des Forges, le faux-monnayeur a réussi il y a quelques semaines à délivrer une Freak en se faisant passer pour un Sinner.
— Cette petite conne… moi qui la croyais bien docile dans sa cage…
— Elle… Elle a disparu dans le Quartier des Dogs et… nous devions la retrouver…
— Et alors ? Ne me dis pas que vous n'avez toujours aucune piste ?!
— On… on l'a trouvé, mon Commandant.
— Alors où est-elle ?!
— Elle… elle…
Le garde, qui baissait la tête, n'avait pas remarqué que Nnoitra s'était rapproché de lui. Il fut saisi de surprise et de peur quand son commandant l'attrapa par la gorge d'une seule main pour le plaquer violemment contre le mur du bureau:
— Si je te tiens comme ça, les mots sortiront peut-être plus vite, n'est-ce pas?
— M-mon Commandant! S'il vous plaît… je…
— T'as intérêt à vite parler.
— Elle était trop rapide! Nous n'avons rien pu faire! Nous étions postés sur le Mur et… c'est là que nous l'avons vue… Les autres gardes ne l'ont jamais aperçue en ville, ils n'ont jamais donné l'alerte… Elle a passé le Mur sans que personne ne la remarque!
La main du Commandant autour de la gorge du pauvre garçon se raffermit dangereusement. Nnoitra bouillonnait de colère. La rage commençait à l'envahir complètement.
— Attends, attends... Tu veux dire que… actuellement… cette petite salope de Freak se promène paisiblement dans la Bordure Extérieure?
— Elle était sur un cheval, mon Commandant! S'il vous plaît… votre main… vous me… Elle était sur un cheval, elle a volé un cheval aux Lords! Elle… Personne n'a sonné l'alarme… personne ne l'a vue ! S'il vous plaît, mon Commandant…
— Bande d'incapables.
Nnoitra rejeta le garçon. Ce dernier s'écrasa par terre et toussa plusieurs fois pour reprendre son souffle.
— Maintenant que ce faux-monnayeur a réussi avec une Freak, il va se sentir pousser des ailes! Putain de merde…
Nnoitra prit sa veste sur sa chaise de bureau et revint vers l'entrée. Il enjamba aisément le jeune soldat à terre et clama dans le couloir:
— Dégage de là, gamin, et transmets ça aux gardes du Mur: que tout le monde profite bien de sa dernière soirée car dès demain je vous apprendrai ce qu'est un vrai Sinner.
Le garçon, encore affaissé, regarda son Commandant disparaître dans la pénombre du couloir et se mit à trembler de peur.
Dix minutes de marche plus tard, Nnoitra se trouvait devant la maison close de Red Mama. Il terrorisa d'un simple regard les quelques Dogs qui s'agitaient devant les grandes fenêtres, hésitants à entrer. Il poussa les portes de la demeure avec un certain sens de la théâtralité pour que tout le monde se rende compte de sa présence. Aussitôt, il y eut plus de calme dans le grand hall. Les hôtes cessèrent de rire et de glousser et les Dogs, principalement présents dans l'assemblée en tant que clients, décidèrent soit de partir soit de se faire le plus petit possible. Les musiciens aux instruments traditionnels hésitèrent un instant puis reprirent la cadence lorsqu'ils en reçurent l'ordre de la cheffe de maison qui s'était éloignée du bar.
Elle avança d'un pas félin et assuré dans sa magnifique robe rouge jusqu'à Nnoitra tandis que l'ambiance reprenait, aussi joyeuse et décontractée que possible.
— Commandant, je…
— Passe-moi une de tes filles. Maintenant. La plus vigoureuse, je suis passablement énervé, là.
Rangiku garda son calme et, même si elle venait impoliment de se faire couper, reprit un ton accueillant pour lui souhaiter la bienvenue.
— Je suis ravie de vous revoir ici, Commandant. Prendrez-vous un verre? Il vous attend, comme convenu, dans le salon habituel.
— C'est ça, ouais. J'y vais. Apporte une fille et une bouteille de saké.
— Je crains Commandant qu'une fille ne vous déconcentre pendant votre rendez-vous.
Nnoitra roula des yeux au ciel et saisit violemment le poignet de la patronne qui grimaça de douleur. Elle ne devait ni le sous-estimer ni se croire plus chanceuse que quelqu'un d'autre. Peu importe si elle était la patronne des lieux. À ses yeux, elle n'était qu'une Dog parmi d'autres.
— Ne me dis surtout pas ce que je dois faire, ma belle.
— Aucune fille n'est disponible pour le moment, Commandant. Vous devrez att… Argh!
Nnoitra tordit son poignet sans ménagement.
— Je suis un client et tu ne me sers pas correctement, patronne. Quand je te dis que je veux une poule tout de suite, c'est tout de suite. Je ne suis vraiment pas d'humeur à attendre, d'accord?
Rangiku serra les dents. Autour d'eux, ses garçons et filles jetaient un œil à la scène, inquiets pour leur patronne. Red Mama avait une réputation, elle devait garder la face. Pour n'importe quel autre client, elle n'aurait pas fait d'histoire. Mais la dernière fille que Nnoitra avait touchée avait terminé dans un sale état. Elle n'aurait pas voulu faire subir à une de ses filles cet homme pervers là encore une fois.
— Veuillez… me lâcher, je vous prie. Commandant… Si vous continuez… je devrai prévenir le Lord Shunsui Kyoraku et il…
Soudain, Nnoitra éclata de rire. Red Mama baissa la tête. Il semblait que sa menace n'avait eu aucun effet. Enfin, le Commandant la lâcha. Elle serra délicatement son poignet contre sa poitrine et se recula de quelques pas. Ses cheveux retombèrent peu à peu devant ses épaules tandis qu'elle regardait Nnoitra reprendre son calme en essuyant un œil comme s'il venait de pleurer de rire:
— Mon Dieu, ma pauvre Rangiku… Arrête de te prendre pour une princesse. Tu n'es qu'une chienne, et tu le sais bien, n'est-ce pas? Ta caste te va tellement bien que tout le quartier t'est déjà passé dessus ! Comment peux-tu encore trouver de quoi me menacer?
Rangiku ne répondit pas. Elle avait beau vouloir paraître forte devant ses employés, elle n'en menait pas large. Tous les jours elle se gonflait à bloc pour briller de confiance mais le simple rappel de son passé brisait toujours sa carapace. Nnoitra se rapprocha d'elle et la surplomba de toute sa hauteur. Il reprit en chuchotant, obligeant Rangiku à lever sa tête en passant sa main sous son menton:
— Alors, on reprend. J'entre chez Red Mama, je souhaite être un client conquis. Que me faut-il alors pour cela, dis-moi, Rangiku?
La jeune femme mordit sa lèvre inférieure avec force et se maudit trois fois avant de répondre:
— De l'alcool… et une fille… Commandant.
— Bien! Voilà qui est parfait! Amène-moi ça dans le salon, c'est tout ce que je te demande.
Il s'approcha encore de sa tête. Sa main glissa de son menton à sa mâchoire pour venir délicatement écarter quelques mèches et libérer son oreille gauche. Il se pencha pour effleurer ses lèvres contre sa peau et déposer quelques baisers légers. Enfin, il lui chuchota:
— Ne pense pas que ton Lord est un protecteur. Il profite juste de la situation. Que tes filles et garçons aient un toit au-dessus de leur tête ou pas, il s'en fiche complètement. Il n'a pas besoin d'une maquerelle pour les baiser.
Il claqua un dernier baiser sonore sur sa joue qui dégoûta définitivement Rangiku et partit ensuite prendre les escaliers. Il monta quatre à quatre les marches et disparut.
Le salon pourpre était un espace fermé dédié aux discussions qui ne souhaitaient aucune oreille indiscrète. Elle n'était évidemment pas accessible pour les Dogs. Seuls les clients d'une caste supérieure pouvaient l'utiliser. Cela faisait plusieurs semaines que, de temps à autre, un homme encapuchonné sous une épaisse cape noire se présentait au Red Mama. Rangiku n'avait jamais pu le voir ni entendre le son de sa voix. Un sous-fifre parlait pour lui. Il demandait toujours l'accès au salon pourpre et désirait s'abreuver d'un verre d'eau. Rangiku avait très vite compris qu'il s'agissait d'un Lord. Un homme de haute caste pour lequel personne ne pouvait s'imaginer qu'il puisse se rendre une nuit par semaine dans une maison close. Autre fait surprenant: le Commandant Nnoitra Jiruga se présentait toujours quelques instants plus tard et montait dans le salon pourpre sans demander son reste. Ils ne ressortaient jamais en même temps mais leurs rendez-vous se répétaient. Quand elle en avait parlé à Yoruichi, tout était devenu plus clair. Elle venait elle-même d'observer que Nnoitra avait limité ses allées-venues au Palais mais qu'une rumeur courrait racontant que le Commandant s'était rapproché de Barragan Luisenbarn, un Lord qui faisait partie du cercle fermé des Heptas. Sans doute que leurs conversations paraissaient trop suspectes au Palais alors ils avaient convenu d'un autre lieu pour se retrouver.
— Vous êtes en retard.
La voix grave et tonitruante de Barragan donna au Commandant l'impression que les murs tremblaient sous sa colère.
— Du calme, ne me dîtes pas qu'il y a des horaires maintenant; répondit Nnoitra passablement harassé; Vous me dîtes toujours «Faites en sorte d'arriver après moi !» mais vous ne m'indiquez jamais de temps précis. Autrement dit, je peux aussi dire que je suis parfaitement à l'heure que je m'étais fixé.
— Les chiens sont tout à fait stupides. On a beau les rendre obéissants, ils oublient leur maître à la première distraction.
— Oï, veuillez mieux me parler, je ne suis pas un de ces sales cabots dégénérés.
— Vous savez bien que selon moi, la vraie caste est celle avec laquelle on naît.
— Tch.
Nnoitra avança dans le salon. Il était d'une sobriété toute faite pour la conversation. Les murs étaient matelassés en pourpre, isolant du bruit du hall de la demeure. Des tapisseries noires et blanches rendaient ses pas silencieux. Deux canapés rouges se faisaient face. Barragan était assis sur l'un d'eux. Il avait toujours sa cape sur les épaules et la capuche rabattue. Lorsque Nnoitra s'approcha du canapé vide pour s'assoir, le petit sous-fifre qui se tenait debout derrière son patron, du nom de Ggio Vega, ne manqua pas de lui lancer un regard plein de sous-entendus et de lui sourire malicieusement. Nnoitra sourit à son tour en soupirant, virant la tête de gauche à droite. Ce petit impertinent savait attirer son attention mais, dans la situation présente, il avait au moins réussi à l'apaiser devant Barragan.
— Quand vous saurez «la distraction» qui a retardé votre limier, vous cesserez sans doute de vous moquer.
— Je vous écoute.
Nnoitra prit ses aises sur le canapé, écartant ses cuisses et reposant son dos sur le dossier.
— La Freak qui avait disparu, Nelliel. Elle vient de nous filer définitivement entre les doigts. Elle a réussi à quitter la Cité et traverse en ce moment-même la Bordure Extérieure.
Barragan tint son silence un instant et finit par soupirer de lassitude. Il paraissait calme mais ses poings étaient fermés sur ses genoux.
— Je suppose que le temps d'avertir les Heptas et de monter une garde pour sortir dans la Bordure Extérieure, il sera déjà trop tard.
— Effectivement, ça ne servirait à rien. Et devinez quoi? Les gardes l'ont aperçu à cheval. Ce qui signifie qu'elle a trompé plusieurs fois notre vigilance. Cette Freak s'est fait passer pour une Dog pendant un certain temps sans que nous la trouvions. Puis elle s'est présentée au moins comme Pasteur, si ce n'est Lord pour obtenir une monture. Et enfin, elle est devenue Sinner pour réussir à passer l'une des Portes de la Cité.
— Je vois que le faux-monnayeur s'est amusé à créer les marqueurs de toutes les castes.
— Cette fille est définitivement sa plus grande réussite.
— Il a profité de l'agitation de l'enquête et du recensement pour mener à bien ce plan sous vos yeux.
— Après sa défaite avec Kurotsuchi, voilà l'espoir qui renaît pour lui. Le sale chien…
— Peut-être que la mort de ce Freak était déjà prévue. Vous m'avez dit qu'il ne s'est jamais montré aux Forges. Que Kurotsuchi est mort sans avoir retrouvé le faux-monnayeur au lieu de rendez-vous. Peut-être qu'il l'a abandonné car cela faisait partie de son plan. Il savait que les Sinners baisseraient leur garde après cette victoire et il en a profité.
Nnoitra agitait sa jambe droite nerveusement, en mordant sa lèvre inférieure, réfléchissant à toute vitesse.
— Non. Ce type est un utopiste. Encore un illuminé qui croit pouvoir sauver la veuve et l'orphelin. S'il n'est pas venu au rendez-vous, c'est parce qu'il a su, je ne sais pas comment, que nous serions là.
Barragan hoqueta de rire. Ce genre de rire condescendant dont il avait le secret.
— L'interrogatoire pour l'enquête concernera-t-il aussi les Sinners? Entre vos gardes incompétents qui laissent filer une femme et les possibles taupes qui jouent dans l'autre camp, il y a de quoi s'inquiéter.
Nnoitra serra les dents et posa ses coudes sur ses genoux. Répondre à ce sarcasme ne lui servirait à rien.
— Le faux-monnayeur n'est pas seul. Pourquoi aider cette fille à rejoindre la Bordure Extérieure ? Est-ce qu'il formerait déjà une armée hors de l'enceinte de la Cité ?
— Les Lords s'en seraient déjà rendus compte. Kuchiki est à la tête de l'équipe d'exploration, ils auraient forcément trouvé quelque chose.
— Alors quoi ? Elle est partie pour changer d'air ?
— Elle a quitté la Cité car c'était sa seule destinée. Elle aurait fini par être retrouvée ici et aurait été tué. Sa seule issue se trouvait au-delà du Mur. Néanmoins, ce qui l'attend n'est pas plus réjouissant. Là-bas, la Nature a repris ses droits. Elle sera la proie de toutes les bêtes féroces qui y vivent. Dieu sait si elle en réchappera. Il me semble qu'elle était tout de même talentueuse en tant que Sinner, je me trompe?
Nnoitra fit en sorte d'ignorer la corde sensible que Barragan venait sadiquement de tirer. Il regarda ailleurs et répondit d'une voix monocorde:
— Elle n'a jamais servie à rien dans mes rangs.
Soudain, on toqua à la porte. Red Mama se présenta à l'entrée, avec son éternel faux-sourire:
— Je vous apporte de quoi vous désaltérer, mon Commandant. Et puis, j'ai trouvé une fille à votre goût.
Une jeune fille entra. Elle portait, comme les autres splendides de la maison, un léger tissu pour seul vêtement qui imitait la soie et quelques fausses parures. Ses cheveux étaient arrangés avec le plus grand soin à l'aide de dizaines de petites pinces en bois et des épingles aux embouts à perle. Un parfum délicat accompagna son passage quand elle posa le bouteille de saké et la coupelle sur la petite table basse qui séparait les deux canapés.
— Encore ces envies lubriques! s'énerva le vieil homme; nous sommes en pleine discussion et je tiens à ce qu'elle reste privée!
Nnoitra, qui avait à peine retrouvé le sourire en admirant la beauté s'agiter sous ses yeux, retrouva tout son air maussade dans la seconde:
— Quelle torture… Je vais devoir attendre que nous finissions avant de toucher à cette beauté, alors…
La jeune fille comprit de suite et, après un dernier regard entendu avec son client, elle repartit vers Rangiku qui tenait la porte.
— Je vais préparer votre chambre habituelle où elle vous y attendra.
— C'est ça, fais donc…; renvoya Nnoitra d'un geste de la main tout en servant une coupelle.
Quand la porte fut fermée et qu'il apporta le breuvage à ses lèvres, il aperçut le petit Ggio Vega, derrière le canapé où se tenait son patron, le visage visiblement tiré par la colère et la jalousie. Nnoitra sourit intérieurement.
— Nous ne nous retrouvons pas ici pour répondre à vos perversités, Nnoitra!
— J'ai bien le droit de profiter des lieux.
— Un Commandant aussi porté sur la luxure ne s'est jamais vu!
— Épargnez-moi vos remontrances d'un ancien temps et parlez-moi plutôt de la dernière réunion des Heptas, je vous prie.
Nnoitra sentit Barragan on ne peut plus tendu par sa dernière pique toujours contrôlée. Il but le reste de sa coupelle avec un air satisfait.
— Les Lords sont inquiets. Avec ces faux marqueurs, il pourrait très bien s'infiltrer dans le Palais et même le Roi serait en danger. Nous avons engagé les Forces Spéciales pour une garde rapprochée. Nous comptions sur les Sinners pour régler au plus vite cette histoire.
— Le recensement avance. Si les gamins ne nous ont pas apporté grand-chose, c'est le tour des adultes. Je ferai en sorte que les travailleurs des Forges crachent la moindre information qu'ils ont en leur possession.
— Le Conseil veut que les tensions s'apaisent. Les chiens sont plus obéissants dans un environnement sécurisé. Il faut que vous mettiez un terme à cette insubordination. Il me faut un retour au calme immédiatement. Toute cette histoire m'empêche de les convaincre à mon projet.
— Je comprends. Comptez sur moi.
— Vous devez absolument arrêter cet homme ou ce groupe. Nous devons montrer notre mainmise sur la Cité. Un chien qui trouble l'ordre établi… vous le concevez, oui ou non ?! Si vous ne réussissez pas rapidement, certains membres songent à vous remplacer. Vous savez très bien que je préfèrerais continuer à vous avoir à mes côtés mais je ne pourrai pas vous défendre éternellement. Certains Pasteurs ont un certain poids et parviennent à orienter très clairement l'avis des Heptas à votre égard.
— Sans doute ce maudit Professeur, je suppose.
— Entre autre. Méfiez-vous. Je comprends votre haine pour ces castes inférieures, Dogs comme Freaks, mais ne vous agitez pas trop en public. Les Pasteurs ont cette fâcheuse tendance à défendre avec un certain talent les petites gens.
— Je… ferai attention; s'obligea à répondre Nnoitra même s'il fulminait de rage à l'idée de reconnaître qu'un Pasteur était supérieur à lui.
— Si vous retrouvez le faux-monnayeur, je ferai en sorte de montrer aux Heptas qu'il incarne bien toute la saleté dont est entachée cette Cité. Il pourrait grandement servir à faire accepter mon projet. Et les Pasteurs n'auront plus rien dire contre cela…
— Je le trouverai. Qu'il soit un homme ou le symbole d'un groupe, je maitriserai cette révolte. Et j'espère qu'en échange, vous saurez me récompenser à juste valeur.
— Le rôle de Commandant sera en effet réévalué pour vous donner bien plus de reconnaissance, ainsi que nous l'avons entendu.
Nnoitra sourit. Bientôt, il ne serait plus un Sinner, caste encore trop basse à son goût. Il s'élèverait au rang de la noblesse qu'il espérait depuis toujours et aurait, par son rôle de Commandant, un pouvoir bien supérieur à ces Heptas qui ne faisaient que parler autour d'une table.
— Il se fait tard; conclut Barragan; si vous n'avez rien de concret sur l'enquête, je vous laisse donc. Tâchez de venir plus tôt la semaine prochaine.
Le vieil homme se releva et réajusta sa cape pour s'assurer que son visage était bien dissimulé. Puis, sans regard ni au revoir, il quitta le salon pourpre. Ggio Vega marcha lentement à sa suite. Quand son patron eût quitté la pièce, il s'approcha de Nnoitra et saisit la coupelle sur la table basse pour boire le saké qu'il restait. Une fois cela fait, il dévora le Commandant du regard en passant une main sur ses lèvres pour empêcher la dernière goutte d'alcool de couler le long de sa bouche.
Nnoitra se plut à regarder le spectacle.
— Toi, alors…
Ggio lui fit un clin d'œil:
— Bonne soirée, Commandant…
Puis il se dirigea vers la sortie pour rejoindre Barragan. Mais, il sentit tout à coup Nnoitra l'attraper au poignet et le plaquer dos contre le chambranle de la porte. Le geste fut brusque et soudain mais la douleur occasionnée parut réjouir encore plus le jeune homme.
— Comment un Lord comme toi peut-il être aussi excité par un Inférieur de ma trempe, dis-moi ? sourit Nnoitra en passant une main sur sa gorge et contournant de l'index sa pomme d'Adam.
— Je n'y peux rien… Vous, les chiens, vous aboyez tellement fort avec tant de hargne… Je ne peux pas m'empêcher de vous imaginer ainsi au lit. Ou peut-être ne le faites-vous pas dans un lit mais par terre, comme de vraies bêtes sauvages?
Nnoitra grogna d'excitation et appuya sa cuisse sur l'entrejambe du jeune homme qui soupira de plaisir.
— En tout cas, l'idée semble mettre dans un bel état un noble né avec une cuillère en argent dans la bouche.
Sur ce, le Commandant contourna de ses doigts les lèvres pulpeuses du garçon. La bouche s'ouvrit dans la seconde et Nnoitra, souriant d'autant plus, s'amusa à y enfoncer deux doigts en les faisant lentement glisser sur la langue. Le jeune homme ne perdit aucunement confiance en lui et suça habilement les deux doigts:
— La cuillère était en or, pour information. Ça a sans doute déteint sur ma langue…
— Information intéressante.
Nnoitra suça à son tour ses doigts mouillés. La salive avait encore le goût du saké.
— Tout à fait enivrant; commenta-t-il.
Ggio reprit ses aises en croisant ses bras sur sa poitrine:
— Mais il semble que tu sois occupé pour ce soir.
— Pauvre de toi… N'y a-t-il rien de plus triste en ce monde qu'un Lord insatisfait?
— Je penserai à toi quand un autre chien s'occupera de moi cette nuit.
— Je suis flatté.
Nnoitra s'avança finalement vers l'oreille du plus jeune en se penchant franchement.
— Je penserai à toi quand je fesserai cette douce chienne qui m'a été donnée pour ce soir; susurra-t-il tout bas.
Ggio mordit sa lèvre inférieure et lui sourit. Nnoitra ne manqua pas de remarquer le rouge à ses pommettes apparaître juste avant qu'il ne se défasse de son emprise pour descendre les escaliers et rejoindre son patron.
Le Commandant soupira et jeta un œil à son pantalon. Il était définitivement prêt à finir cette soirée d'une bien meilleure manière qu'elle n'avait commencée.
Il trouva rapidement la chambre spacieuse qu'il empruntait tout le temps quand il passait ici. La jeune fille l'attendait nue sur les draps. Nnoitra ouvrit son uniforme faisant apparaître son torse et défit sa ceinture de cuir.
— Le vieux m'a demandé de ne pas trop m'agiter en public. Mais dans cette chambre, juste toi et moi, ça ne devrait pas poser de problème, n'est-ce pas?
