Salut tout le monde ! Cela fait si longtemps ! De l'eau a coulé sous les ponts depuis la dernière fois ! Il s'est écoulé… Une semaine ! Un record je pense ! *Brille de fierté* Comme ce n'était pas la semaine de l'écriture, j'ai fait une semaine de l'écriture. Attendez, je crois que je me suis trompée quelque part…

Bref, le résumé de la semaine dernière : heu… je ne m'en souviens plus. Une sombre histoire de coiffure… Incompréhensible. De quoi vous retirer l'envie de confier vos cheveux au premier venu.

Comme d'habitude, j'espère que vous vous amuserez en lisant ce chapitre et que vous tiendrez jusqu'au bout !

Bonne lecture !


Gen ventilait Seigneur Usopp-sama dans un coin reculé du navire, afin qu'il puisse se détendre dans le calme. On les avait prévenus que la Moby Dick se dirigeait vers l'île de Gêmeos, et il était urgent de se relaxer avant.

Du moins, de relaxer Seigneur Usopp-sama.

« Un peu de Virgin Pina Colada ? » Proposa le frère de Gen, un plateau dans les mains contenant un verre à pied rempli d'un liquide ivoirin et surmonté d'une tranche d'ananas. Aucune chance qu'il ait préparé la boisson lui-même.

« Je ne suis pas fan de noix de coco. » Répondit le commandant Blamenco à qui la question ne s'adressait pas.

Étalé dans sa propre chaise longue, il se prélassait aux côtés de leur sauveur, ses propres hommes l'éventant un peu moins volontairement.

Malgré sa complainte, il souleva le verre indésiré.

« Apporte-moi plutôt un verre de Coco Berry Bliss, la dernière création de Curiel.

— Ce n'était pas une création, mais un accident, Commandant. » Corrigea un des pirates en charge de l'éventer. « Et la majorité de sa composition est issue de Noix de Coco. Vous cherchez juste une raison d'obtenir un nouveau verre !

— On juge mes goûts et mes choix, le service est déplorable par ici ! » Se plaignit Blamenco en sirotant son verre volé.

« Encore en train de maltraiter tes hommes ? » Commenta le commandant Rakuyou en s'approchant, son arme gambadant tout autour de lui.

« Tu promènes ton fléau ? » Lança sur le ton de la conversation le sixième commandant bien qu'il connaissait parfaitement la réponse. « Et si tu allais l'aérer vers les cuisines plutôt ? Sur ton passage, tu pourrais me récupérer un petit verre. Qu'en penses-tu, mon frère ? »

Le commandant Rakuyou souffla du nez. Son frère ne changerait jamais.

« Je suis allé rendre visite à Haruta et Thatch tout à l'heure. Et d'après les soupirs du vent, je crois que tu ferais bien d'être discret.

— Notre commandant a encore fait des siennes ? » Blanchit un des hommes de la sixième flotte. « Je savais que j'aurais dû choisir la troisième division ! On raconte que le commandant Joz fait une partie des corvées à la place des hommes de sa division ! Il ne leur en rajoute pas, lui.

— Et on raconte aussi que Blamenco porte nos affaires pendant les randonnées. » Soupira son camarade. « Il ne faut pas croire tout ce qu'on raconte. On essaye juste d'avoir l'air plus attractifs que les autres.

— Vous avez menti ?! » S'exclama un des pirates de la douzième division qui servait le Seigneur Usopp-sama.

« Parce que votre commandante va réellement vous chercher des baies sur chaque île ?

— Oui ! » Rayonna de fierté le porteur de plateau du Seigneur Usopp-sama.

« Elle est surtout fan de baies et préfère que vous les goûtiez avant pour vérifier qu'elles sont comestibles !

— Ce n'est pas vrai ! Quand elle nous rend malades, elle reste à notre chevet et se sent très coupable !

— L'un n'empêche pas l'autre.

— Parce que votre commandant ne vous empoisonne jamais pas accident ? »

La flotte du commandant Blamenco garda le silence.

« Waw, je vais finir par m'inquiéter pour nos frères et soeurs maintenant. » Commenta le commandant Rakuyou, son arme ayant cessé de sautiller pour blanchir aux côtés de son propriétaire.

« Il ne faut pas ! Qui n'a jamais été empoisonné lors d'un voyage en mer ? Regardez, Seigneur Usopp-sama, le petit frère d'Ace a-t-il déjà été empoisonné ? »

Le susnommé ouvrit de grands yeux ronds et se retint d'offrir la moindre réponse.

« Vous voyez. » Démontra Gen en pointant le silence révélateur de son Seigneur Usopp-sama.

« On ne dira rien à la deuxième division. » Décida le commandant Rakuyou en imaginant déjà les réactions de ses frères surprotecteurs. « Et… sauriez-vous ce qu'on raconte sur moi ? »

Tous les hommes présents avaient soudain d'autres choses grandement intéressantes à regarder. Gen scrutait son éventail, comptant le nombre de brins. Son voisin, lui, admirait sa main.

« Il va falloir que je me coupe les ongles. »

À côté de lui, leur frère louchait sur une de ses mèches de cheveux.

« Je commence à avoir des cheveux blancs.

— Nan, tout le monde sait que tu te les teints. »

Celui qui éventait le commandant Blamenco remonta son pantalon en fronçant les sourcils.

« Je n'avais pas vu, j'ai une coupure sur le tibia, pas étonnant qu'il me démange. Je devrais peut-être aller à l'infirmerie. »

Le teint de Rakuyou devint livide.

« C'est si horrible que ça ? »

Blamenco sortit une cuisse de canard d'une de ses poches et mordilla dedans.

« J'ai raconté à tout le monde que tu es somnambule et que tu promènes ton fléau la nuit en le laissant manger les chapeaux de tous ceux qui chantaient sous ta fenêtre. »

Rakuyou écarquilla les yeux.

« Mais ce n'est pas vrai ! Je ne suis pas somnambule, pas vrai ?

— Je n'en ai aucune idée. Mais depuis, plus personne ne chante faux sous nos fenêtres la nuit !

— Commandant, il ne faut pas répandre de fausses rumeurs !

— Donc ce n'était pas vrai ? Je peux recommencer à chanter pendant mes tours de garde ?

— Non, malheureusement, Namur revient à son état naturel de requin de la nuit, et ses proies favorites sont les chanteurs. » Inventa Blamenco. « Il vaudrait mieux que tu évites.

— Commandant ! Arrêtez de répandre de fausses rumeurs sur tout le monde !

— Je suis somnambule. » Pleurait Rakuyou, en boule, en caressant son fléau. « Pauvre bête, tu n'as pas eu d'indigestion à manger tous ces chapeaux ?

— Commandant Rakuyou, notre commandant a menti ! Il ne faut pas déprimer ainsi ! »

Blamenco s'astiquait les dents avec son os de canard.

« Cinquante berrys ? Soixante ?

— Pourquoi me fixez-vous comme ça, Commandant ? » Questionna son sous-fifre. « C'est amusant, parce qu'hier, un type de la deuxième division est venu me voir avec Mathéo, et il nous a estimé à trente et vingt berrys. Vous savez ce que ça signifie ? C'est flatteur ? Pourquoi il en a eu plus que moi ? En parlant de Mathéo d'ailleurs, je ne l'ai pas vu de la journée. Il m'a emprunté mon savon et j'aimerais bien le revoir.

— Trente ? J'ai fait une bonne affaire avec la quatrième, j'en ai eu quarante. Mais je pourrais peut-être faire monter les enchères.

— Quelles enchères, Commandant ? »

Rakuyou se redressa soudainement, son fléau dans le bras comme un bébé nouveau-né.

« Est-ce qu'il va falloir que je rembourse tous ces chapeaux ? Je n'aurais jamais les moyens ! Et le petit frère d'Ace, tu n'as pas touché à son chapeau, pas vrai, mon tigre géant d'East Blue ? Si les légendes sont vraies, Ace aura ma peau si tu as touché à la moindre paille du paillasson que son petit frère porte sur la tête !

— Commandant Rakuyou, ce n'est pas très gentil ! Je vais le répéter à la deuxième division ! Et arrêtez de donner des surnoms bizarres à votre fléau.

— Ce n'est pas un surnom bizarre ! C'est affectueux. Regarde, il ronronne. »

Le fléau claquait des dents dans un rythme métallique troublant et inquiétant.

« Shut, vous dérangez Usopp-sama ! » Réprimanda Gen en brûlant du regard ses frères.

Une main frappa sur la rambarde et arrêta net leurs élucubrations. Caché par la coque du navire, le corps de son propriétaire était invisible. Mais quelqu'un escaladait la Moby Dick par l'extérieur !

Une seconde main claqua non loin de la première. Les veines des deux atrocités apparurent, et ce fut un corps tout entier qui se hissa sur le pont. Ses cheveux verts scintillaient sous le soleil et les trois boucles pendues à son oreille tintaient en se heurtant.

« Roronoa Zoro. » Reconnut le commandant Rakuyou en reposant son fléau à terre. « Tu es allé… nager ? »

En un mouvement fluide, jeté par la force de ses bras, l'épéiste bondit sur le pont. Ses vêtements déversaient des trombes d'eau sur les planches. Les flaques allaient mettre une éternité à sécher.

« On aurait pu te prêter un maillot de bain. » Assura le commandant Rakuyou en estimant à vue d'oeil la masse de linge qu'il allait falloir laver pour son aventure.

Le Seigneur Usopp-sama pouffa.

« Et bien, Zoro, t'es tombé à l'eau ? »

Le regard assassin que lui envoya son ami étayait la thèse du bain accidentel.

« Non, tu es vraiment tombé à l'eau ? » Ricana le commandant Blamenco en montrant sa dent manquante à tout le monde. « Je ne savais même pas que c'était possible ! Je ne l'avais encore jamais vu !

— Votre navire est mal conçu. » Reprocha l'épéiste en essorant ses vêtements sur place. La flaque à ses pieds grandissait à vue d'oeil, si bien que les spectateurs durent reculer pour sauver leurs bottes.

« Je n'ai pas mémoire que nous ayons des pièges à bord. » Désapprouva Gen en tirant la chaise longue de son protégé.

« Votre salle de bain. Elle mène directement à la mer. »

Les pirates de Barbe Blanche échangèrent des regards interrogateurs. Gen connaissait toutes les portes et aucune ne reliait la salle de bain communale à la mer.

Ce fut Seigneur Usopp-sama qui les sauva.

« Ne me dit pas… Tu es allé dans la trappe des douches ! » Seigneur Usopp-sama faillit s'étrangler en riant. « Quand je vais le raconter à Luffy !

— Mais ce n'est pas possible, il y a une grille pour empêcher les accidents. »

Seigneur Usopp-sama fit le signe trois avec ses doigts. Il abaissa son majeur. Puis son annulaire. Et enfin son auriculaire.

Avec ses lèvres, il mima zéro.

« QUI A ARRACHÉ LA GRILLE DES DOUCHES ?! » Parvint un hurlement ressemblant au commandant Atmos.


« QUI A ARRACHÉ LA GRILLE DES DOUCHES ?! » Parvint un hurlement ressemblant au commandant Atmos.

Usopp se leva de son transat et se positionna devant leur sabreur, à une distance raisonnable pour rester sec.

« Zoro, s'il y a une grille, c'est que tu n'es pas censé passer par là. Il faut les mettre dans la même catégorie que les murs. » Il joint les gestes à la parole, sachant que l'enseignement du jour était un peu complexe.

« Oui, les grilles, c'est comme les murs. » Répéta la voix fluette de Luffy, pendu à l'envers en dessous du toit. Son bras droit était étiré pour le maintenir en place. Il venait visiblement d'atterrir en Gomu Gomu no Rocket. Nul doute qu'il s'était ennuyé à l'opposé du navire, et était venu s'amuser avec ses amis.

Il lâcha le toit et atterrit au sol, près de ses compagnons.

« Pourquoi les grilles c'est comme les murs ? » Demanda-t-il en s'adressant à son tireur d'élite. Il n'avait rien compris à la leçon.

« Parce que ce ne sont pas des chemins. » Prêcha le menteur de la bande. Il fallait savoir se mettre au niveau de ses élèves.

« Non, ce sont des passages secrets ! » Continua Luffy avec des étoiles dans les yeux.

« Mais pourquoi vous avez des passages secrets qui ne mènent nulle part ? » Blâma l'épéiste en entortillant son pantalon gorgé d'eau.

« Mais ce n'était pas un passage secret ! C'était l'évacuation des douches ! » Usopp tira sur la joue de son capitaine. « Ce n'est pas du tout ce que je viens de dire ! Tu déformes mes propos Luffy ! »

Sa joue tirée par son ami, Luffy se tourna vers son second.

« Fe n'est pas du tout fe qu'il vient de dire, Foro. Tu déformes fes propos.

— Non, Luffy, je te parlais à toi. Bien que Zoro ait de grandes difficultés à comprendre également.

— Leur navire est mal conçu. Ce ne ce serait jamais arrivé sur le Sunny.

— F'est vrai, fe ne ferait vamais arrivé fur le Funny.

— Sur le Sunny, on n'a pas de douches collectives, du coup, heureusement, on n'a pas de grilles assez grandes pour que Zoro puisse y passer la tête. » Usopp lâcha la joue de son capitaine avec un soupir. « Ils vont finir par nous jeter si vous continuez à critiquer leur navire.

— L'ABRUTI AUX CHEVEUX VERT QUI TRAÎNE AVEC LE PETIT FRÈRE D'ACE, MONTRE-TOI ! JE SAIS QUE C'EST TOI ! » Tonna la brute en charge des réparations.

« Ou parce qu'on l'abîme.

— Ne vous inquiétez pas, Blamenco va s'occuper de le calmer, pas vrai, Blamenco ? » Assura Rakuyou en pointant son frère étendu sur sa chaise.

Blamenco, maintenant repu, avait entamé une petite sieste digestive et ne paraissait pas le moins du monde disposé à restaurer la paix.

« Bon, je vais m'en charger. » Décida finalement Rakuyou. « Mais n'oublie pas que tu m'en dois une pour les rumeurs que tu as inventé sur moi, Blamenco. Je te ferais payer ! »

Et le septième commandant s'en alla calmer son camarade de la treizième division.


Durian longeait le couloir des malades, les patients et autres personnels médicaux s'écartant sur son passage. Habituellement, Durian avait son propre bureau, loin des autres, où elle étudiait toute la faune et la flore qu'elle désirait.

Tout, pourvu qu'elle ne sorte pas de son bureau.

Mais ces derniers temps, avec l'afflux de blessés de la quatrième division et la douzième à tenir à carreau, sans parler des commandants qui faisaient les malins à rentrer et à sortir de l'infirmerie avec des sourires douteux, l'infirmière principale avait décidé d'appeler Durian en renfort.

« Qu'est-ce que c'est que cette odeur ? Vous avez laissé Durian sortir ?

— On aurait dû s'en douter, elles ont toutes mis leurs masques ! »

Des cheveux rouges ramenés dans un chignon, l'une des collègues préférées de Durian arrivait en sens inverse. Elle poussait un chariot avec un objectif clair en vue.

Elle en avait de la chance, Durian n'avait pas la moindre idée de ce qu'elle devait faire. Mais elle pourrait lui demander.

« Cerise ! »

La jeune femme releva la tête, le teint vert.

« Dorian. On m'avait dit que tu viendrais, mais je n'étais décidément pas prête.

— Litchi est venue me chercher. Je peux t'aider ? Elle est passée en courant d'air, je n'ai pas eu le temps de comprendre ce qu'elle me voulait. »

Cerise resserra la languette métallique de son masque.

« Tu dois aller changer les draps des dortoirs Asclépias et Hygie, puis garder l'entrée de l'infirmerie. Prends ton gourdin, nos frères et soeurs des divisions sont très motivés. »

Cela faisait une éternité que Durian n'avait pas sorti son gourdin. Serait-elle encore capable de le soulever ?

« Mais avant, est-ce que tu pourrais aller changer la poche du commandant Thatch, s'il te plaît ? Je dois aller aux toilettes de toute urgence. »

Cerise poussa son chariot dans les mains de sa soeur et s'en alla en courant. Elle avait une mauvaise constitution et avait très souvent des envies pressantes.

Dorian récupéra le chariot et se rendit dans la chambre de leur malade privilégié.


Contrairement aux attentes de Dorian, la salle était vide hormis le corps inerte dans les draps. La commandante Haruta avait dû partir au même endroit que Cerise. Quasiment rien ne pouvait la faire quitter le chevet de leur frère.

Dorian posa le chariot près du mur et s'approcha du lit pour décrocher la poche presque vide qui pendait du pied à perfusion de son frère commandant.

Le visage du commandant était presque serein sur son oreiller. Dorian, qui avait été là lors des premiers soins et l'avait surveillé dans les heures qui avaient suivies, était heureuse qu'il se soit enfin détendu.

Ce n'était pas le marquage que sa santé s'améliorait. C'était la marque qu'il était enfin, malgré son état et la trahison qu'il avait subit, apaisé. Dorian était convaincue que la présence de sa soeur en permanence à ses côtés l'avait consolé.

La présence de sa soeur, mais aussi des commandants qui venaient, maintenant, armés de bonne humeur dans l'espoir de contaminer la commandante Haruta. Avant que la commandante n'arrive, les commandants avaient la manie de venir déprimer au chevet du malade. Cela ne pouvait qu'accabler le commandant Thatch. Exaspérée, l'infirmière principale s'était même permise de mettre leur premier commandant à la porte.

Maintenant que les commandants venaient armés de bonne humeur et bonnes intentions, elle ne se le permettrait sûrement pas. Ils avaient même entrepris de prendre soin du cuir chevelu de leur frère. Dorian ne savait pas quel produit ils avaient pu utiliser, mais les infirmières avaient reçu l'ordre de ne pas toucher à la charlotte enfoncée sur sa tête. Dorian avait parié sur un shampoing révolutionnaire. Quoiqu'il en soit, l'infirmière supérieure allait avoir leur peau s'ils avaient osé torturer un blessé sous leur protection.

Dorian suspendit la nouvelle pochette.

« Commandant Thatch, si vous saviez ! Votre division ne tient pas en place. Vous feriez semblant de dormir que je comprendrais. »

Elle se pencha sur son oreille et chuchota.

« Orange a cousu un manteau de lin à votre taille. Si vous vous réveillez, on pourra vous exfiltrer jusque'à votre chambre. Ni vu ni connu. De toute façon, il n'y a aucune chance pour qu'on vous laisse avec votre flotte, angoissés comme ils sont, ils vous agripperaient et vous étoufferaient. Non, non, on ne les laissera pas gâcher notre travail. »

Elle souleva le drap qui le recouvrait et vérifia son pansement ventrale.

« Pour ce qui est de votre couture, vous admirez d'ailleurs qu'Ananas ait fait de grands progrès. C'est bien plus propre que les points qu'elle avait faits sur votre jambe. Nos frères et soeurs n'auront plus peur d'être défigurés s'ils passent sur le billard. »

Dorian ouvrit la fenêtre, comme on l'avait habituée, et récupéra son chariot.

« À plus tard Commandant, n'hésitez pas à appeler à l'aide si besoin. »

Et parti vers les malheureux dortoirs.


« Tu es sûr que c'est une bonne idée ?

— Parce que tu en as une meilleure peut-être ?

— De toute façon, ça ne peut pas être une mauvaise idée. Dans le pire des cas, ce sera un simple échec.

— Je ne sais pas. On pourrait toujours revenir à la case départ. Ce serait une catastrophe.

— Et on pourrait avancer, ce qui serait une bonne nouvelle.

— Et on choisit le commandant Kingdew ?

— Il passe par là pile quand on en a besoin, c'est un signe, non ?

— Tous les matins, je tombe de mon lit, vous croyez que c'est un signe ?

— Oui, c'est le signe qu'il faut qu'on demande à un des charpentiers de te faire une échelle.

— Vu comme ça, demandons au commandant Kingdew. »


Le commandant Kingdew venait de terminer sa séance de musculation. Par chance, aujourd'hui, le commandant Vista n'était pas venu se promener dans sa combinaison de lutte favorite, celle dont le tissu devait valoir de l'or au vu de la faible quantité qu'elle utilisait.

Kingdew avait l'habitude de voir des hommes dénudés et surexposés dans la salle de musculation, mais Vista avait un talent pour se mettre en avant. La semaine passée, il s'était enduit d'huile et avait passé l'heure à faire danser ses muscles sous le nez de Kingdew. Le tout en remerciant leur Père de leur avoir donné cette musculature naturelle.

Kingdew voulait bien y croire, il n'avait jamais vu Vista toucher au moindre équipement sportif. Et il était aussi incrédule face au nombre d'heures que Vista pouvait passer à simplement gesticuler devant lui pour le faire mourir de jalousie. Quelqu'un devait sérieusement penser à lui trouver un hobby.

Peut-être sculpteur ? Il pourrait passer des heures à faire un mini-lui en plâtre. Mais il aurait sûrement le mauvais goût d'en offrir à tout le monde et de vérifier régulièrement qu'il était bien exposé dans toutes leurs chambres. Kingdew en ferait des cauchemars. Pareil pour les peintures et les charpentes. Non, il valait mieux éviter toutes activités artistiques.

« Commandant Kingdew ! »

Une petite délégation de la douzième division l'entoura.

« Vous êtes occupé ? »

Kingdew termina de se frotter le visage avec sa serviette.

« Pourquoi ?

- On aurait un petit service à vous demander. »


« Le vent !

— Le néant !

— Le silence ! »

Curiel avait les yeux fixés dans le vide. Il avait refusé une énième partie de loup-garou dont les règles semblaient fort troubles, et ses acolytes, aimablement décidés à l'intégrer, avaient donc choisi une autre activité.

Le mime.

Ses camarades regorgeaient de bonnes idées. Coupable d'avoir déjà refusé une activité, Curiel n'avait pas osé s'opposer à la deuxième. Et les bonnes attentions de ses camarades l'empêchaient de s'éclipser.

Il était donc assis dans le noir, attendant que quiconque était occupé à mimer se fatigue suffisamment pour laisser la place au suivant.

Tant qu'il n'était pas le suivant. Il voulait bien participer, mais il n'allait pas gigoter dans l'obscurité. Que ces amis se démènent pour rien si cela leur plaisait, Curiel allait rester assis à profiter de son coussin imaginaire.

La troupe allait bien finir par se lasser, et ils pourraient enfin s'amuser.


Usopp errait seul sur le navire. Il avait excusé ses disciples pour avoir un peu de calme et attirer moins l'attention sur sa personne.

Mais maintenant qu'il n'était plus protégé par le cocon de ses fans, il se sentait vulnérable. Il avait perdu Luffy et Zoro lors d'un moment d'inattention, aucun des deux apparemment intéressé par partager leur il-ne-savait-quelle-activité avec lui. Pourtant, Usopp était, il trouvait, un partenaire de jeu idéal, et Luffy commettait une grave erreur en le laissant de côté. Nul besoin de parler de Zoro, il n'avait aucun sens de l'amusement et était soit allé faire une sieste, soit allé faire des abdos.

Rien d'intéressant en somme.

Usopp marchait donc en prétendant avoir un but et en priant pour parvenir à sentir les auras et retrouver son Capitaine. Mais au vu du sort que son Capitaine avait fait subir à Ener, il n'était probablement pas disposé à exaucer ses souhaits.

Peut-être qu'en tendant l'oreille, Usopp finirait par entendre le rire caractéristique du chapeau de paille ou les hurlements des quelconques pirates malchanceux qu'il aurait pu importuner.

Pas Barbe Blanche. Pas Barbe Blanche.

Luffy pouvait ennuyer toutes les personnes qu'il voulait sauf Barbe Blanche. Le surhomme revenu d'entre les morts donnait des sueurs froides à Usopp.

Ni Marco. Cet homme était un phénix, et Usopp avait entendu plus d'une légende à son sujet. Et il avait vu sa prime. Et celles des autres. Contrairement aux dernières fois, ils n'avaient aucun navire pour fuir la rage de l'Empereur et de sa famille. Si Luffy les énervait, ils n'auraient d'autre choix que de se battre et de laisser le navire aux vainqueurs.

Peut-être que les pirates de Barbe Blanche auraient pitié en pensant à Ace, et offriraient un rafiot aux trois pirates du futur pour leur laisser une dernière chance de survie.

Survie qui allait être difficile vu que Luffy allait être dans un état critique, baignant dans son sang, et que Zoro aurait au moins trois côtes cassées et une jambe inutilisable.

Malgré tout, il allait être volontaire pour sauter à l'eau pêcher du poisson. Mais comment allaient-ils faire après ? Avec rien pour les cuire, Usopp allait mourir de faim ! Au moins, Luffy les mangerait même crus. Et comment sécher Zoro ? Il allait prendre froid !

Zoro. Prendre froid.

Usopp piaffa à sa propre blague. Comme si les idiots pouvaient prendre froid ! Non, non, pas de soucis de ce côté-là. Par contre, Usopp allait devoir préparer des rations de survie. Il les cacherait dans son sac. Si Luffy les voyait, il les mangerait en un clin d'oeil. Non, il n'avait qu'à partager le poisson de Zoro. Usopp prétendrait survivre grâce à sa seule volonté. Oui, c'était une très bonne stratégie. Une fois arrivés à terre, Luffy et Zoro le raconterait à tout le monde, et Usopp deviendrait une légende !

Un excellent programme. Usopp n'avait plus qu'à préparer ses rations.

Il allait s'en charger, quand il cogna le poteau devant lui, n'ayant pas regardé la route depuis qu'il s'était plongé dans ses pensées, un peu avant que Barbe Blanche, fou de colère, ne décide de les décimer.

« Ouch. »

Usopp se frotta le nez, encore. Il allait devoir se mettre une armure de nez avant que le pauvre appendice ne se torde.

En face de lui, un homme vêtu d'un pantalon d'abeille le surplombait d'une tête encadrée par des cheveux blonds coupés au carré.

« Oui ? » Sortit avec une grande éloquence Usopp.

« Viens avec moi. »

Le poteau l'attrapa par l'épaule et les muscles d'Usopp acceptèrent. Il rêvait d'un jour où il serait capable d'empêcher les gens de le balader comme un chiffon. Ce ne serait jamais arrivé à Zoro. Mais si le prix pour y parvenir était de sacrifier ses heures de jeux pour faire de la musculation, alors Usopp allait apprendre à s'en passer.

Quoi que, Luffy ne se dérangeait pas pour attraper Zoro et le secouer comme un prunier. Même le grand Zoro ne pouvait réchapper à ce sort. Quand Usopp trouvera une stratégie, Zoro devra s'agenouiller à terre et ramper avant qu'Usopp accepte de partager son secret.

Il voyait déjà la scène. Lui, Usopp, assis sur un fauteuil royal. Zoro, ventre à terre, à ses pieds. Bien sûr, Luffy serait assis sur le sol, à l'admirer, demandant à devenir son discipline. Les autres seraient derrière, commentant leur chance de faire partie des rares élus à le connaître. Quelle ne serait pas leur joie quand Usopp leur montrera qu'il connaissait leurs prénoms. Chopper allait s'évanouir de bonheur.

Le flaire d'Usopp s'alarma. Le vent apportait une odeur nauséabonde.

« Il y a du poisson pourri dans le coin ? »

Son porteur, qui avait fini par le jeter sur son épaule comme un sac à patates, se bouchait le nez.

« C'est Dorian. Elle a des goûts singuliers en termes de parfum. »

Usopp ne voyait pas comment quiconque pourrait s'arroser de cette mixture.

« C'est la fille au gourdin. »

Gardant l'entrée d'un abri qui devait être le dortoir des filles au vu de la situation, une femme avec deux tresses de chaque côté, une blouse cintrée perchée sur des talons hauts au motif léopard, s'amusait à faire tenir sa massue à épines à taille humaine sur une seule pointe.

« Regardez, il tient tout seul ! »

Le gourdin s'écrasa au sol sous les yeux de sa propriétaire.

« C'était le premier essai ! Le deuxième sera mieux. »

Elle s'accroupit devant son gourdin, attrapa le manche, et le redressa.

« Tout est une question de calcul.

— Dorian. » L'interrompit le Ussop-nappeur. « Je rentre voir Haruta. »

Sur ses mots, le mastodonte s'apprêtait à forcer l'entrée du dortoir des filles, estimant que son explication suffisait, mais la gardienne barra sa route avec son jouet.

« Une minute. Commandant Kingdew, vous avez droit au passage. » Elle souleva son arme et la pointa vers Usopp. « Mais, cette chose sur votre dos n'est pas un commandant ! Il n'a pas le droit d'entrer. »

Quel dommage ! Usopp avait pourtant réellement envie d'être emmené dans cet antre interdit dont il ne connaissait pas la sortie.

C'était bien triste, mais c'était la vie.

« Je vais descendre, vous pouvez rentrer sans moi. »

Ignorant purement sa contribution, son porteur le fit rouler d'un coup sec pour le remettre en place sur sa clavicule, comme le sac à patates qu'il était apparement.

« C'est un invité. Il ne dépend pas des mêmes règles que nous. Il a le droit d'entrer. »

En tant qu'invité, Usopp trouvait qu'il devrait avoir droit à un meilleur traitement. La montagne devrait prendre exemple sur ses frères de la douzième division.

La gardienne fit une moue avec ses lèvres, réfléchissant à la logique de son frère.

« Soit. Il peut rentrer. Je n'ai pas eu de consignes pour les invités. » Elle bougea soudainement son gourdin, le pointant vers un pirate qui rampait au sol, essayant de passer pendant que la gardienne était occupée. « Toi, par contre, je vais te donner une raison de rentrer ! »

Usopp quitta la scène avant de voir le massacre, son ravisseur pénétrant dans l'antre sacré.

Antre sacré dont tous les murs étaient blancs. On aurait dit un hôpital. C'était bien triste comme décoration.

« Ah, on peut enfin respirer. » Soupira de soulagement la montagne.

Pris d'audace, Usopp lâcha les mots qui lui brûlaient la langue.

« Où va-t-on ?

— On va voir Haruta. » Répondit avec simplicité le kidnappeur.

Pourquoi Haruta ?

Usopp avait trop peur de demander. Avait-elle envoyé son garde du corps pour lui ramener l'impoli qui jetait ses déchets dans sa chambre ? Allait-elle le torturer ? Était-ce le dernier jour d'Usopp ? Luffy et Zoro auraient-ils l'amabilité de le pleurer ? Et qu'en était-il pour ses amis restés dans le présent ? Kaya, Piment, Oignon et Carotte allaient-ils attendre vainement son retour ?

Ainsi s'achevait l'illustre histoire de God Usopp, respectable aventurier sans peur, égaré à une époque achevée.

Quand son porteur le posa sur ses pieds, Usopp faillit tomber sous la surprise. Il avait été emmené dans la chambre où reposait déjà la précédente victime de sa tortionnaire. Les yeux fermés, il ne bougeait plus.

Usopp avala bruyamment sa salive.

« Surprise ! » Lança la montagne en encrant ses doigts dans les épaules d'Usopp pour l'empêcher de s'échapper. Une nouvelle victime.

La supposée Haruta ne bougea pas un cil.

« Voici une légende en chair et en os ! »

Une légende qui tremblait. Les genoux d'Usopp refusaient de s'immobiliser. La rançon du succès, ses muscles ne supportaient plus de rester inactif.

« Ta flotte a dû te le dire, voici notre ticket pour retrouver Ace. »

La statue de glace tourna la tête.

Usopp également pour être nez-à-pectoraux avec son ravisseur.

« Hein ? »

Il était un vaillant combattant des mers, mais de là à retrouver quelqu'un… C'est d'un détective dont ils auraient besoin.

Ace. Donc Ace était bien vivant ? Cela entraînait un millier de questions. Qu'allait vouloir faire Luffy ? Il allait vouloir le sauver, c'était son frère après tout.

Mais ils n'étaient pas à leur place. Ils ne savaient même pas où ils étaient. Le passé ? Cela n'avait aucun sens. Peut-être qu'ils rêvaient. Peut-être qu'ils étaient réellement sur le Stynx et tout le monde ignorait qu'ils étaient morts.

Peut-être qu'il s'agissait d'une illusion, et pour occuper Luffy, ils lui avaient donné un os à ronger pour le divertir.

Peut-être qu'ils sombraient juste tous dans la folie sur une île.

Si tel était le cas, c'était injuste qu'Usopp n'ait pas eu le droit de retourner à Sirop. Il y avait-il un bureau où il pouvait se plaindre ? Il allait définitivement écrire une lettre ! Et il demanderait à Zoro de la délivrer. Ses manipulateurs verront de quel bois Usopp se chauffait. Et ce n'est pas facile de brûler du bois d'Adam !

« C'est son petit frère. » Continua l'Usopp-napeur.

Il y avait erreur sur la personne. Usopp comprenait la confusion. Il avait vu Usopp et c'était dit « Ce doit être lui le capitaine. ». Rien de plus normal après tout. Une réflexion censée.

Mais malheureusement erronée.

Usopp sentait qu'il devait la rectifier avant de plonger plus profondément dans le malentendu, mais le pirate ne lui en laissa pas le temps.

« Il s'est égaré. Je n'ai pas compris les détails, mais Ace n'oserait jamais laisser son chétif et fragile petit frère se promener sur Grand Line sans surveillance. »

Quand Usopp pensait à Luffy, il ne pensait pas fragile. Mais il voyait d'où venait la confusion.

En revanche, Usopp avait pris une masse musculaire qu'il estimait non négligeable sous la tutelle de maître Heracles, et trouvait que les adjectifs ne lui étaient pas adaptés. Soit, le mastodonte qui l'avait déposé appartenait à une autre catégorie, mais c'était uniquement parce qu'il dépassait Usopp d'une tête. Leur ratio taille-biceps était équivalent.

« Il va être obligé de venir le récupérer. »

Ils étaient otages ? Pas étonnant qu'il nourrissait gratuitement l'estomac sans fin de Luffy. Ils étaient intéressés !

Haruta le toisa de haut en bas sans expression avant de revenir au lit.

Quel que fût l'examen qu'il venait de passer, Usopp l'avait raté. Nul doute qu'elle avait remarqué qu'elle était en présence d'un valeureux aventurier et qu'il ne pouvait donc pas être le fameux petit frère.

Elle avait l'oeil.

Le garde du corps ne comprit pas la réaction pourtant naturelle de la jeune commandante.

« Il va revenir Haruta. Et Thatch aussi. Ses résultats sont bons.

— Et je serais là quand ça arrivera. » Sortit la voix rauque de la pirate.

« Sort un peu prendre le soleil. Ou pour aller voir ta flotte. Tu sais qu'on en trouve plein errant dans notre couloir ? Quand ils ne sont pas très éveillés, ils y retournent automatiquement. On a eu plus d'un accident. Oh, je sais ce qui va te plaire, regarde comme le petit frère d'Ace est élastique ! »

Ah non—

La montagne attrapa la joue d'Usopp et tira dessus pour l'agrandir, déformant le visage d'Usopp et les mots qui tentaient de s'échapper de gorge.

« Aïe—aïe—top !

— Pourquoi n'es-tu pas élastique ? » S'étonna le colosse en relâchant sa joue. « Il n'était pas censé être élastique ?

— Je ne suis pas le petit frère d'Ace ! » Parvint finalement à placer le tireur d'élite, sa joue rougie par la maltraitance.

Immédiatement, son ravisseur colla sa main sur sa bouche. Son visage se décolora.

« Mais je croyais qu'on avait le petit frère d'Ace à bord. » Chuchota-t-il.

Usopp aurait voulu expliquer, mais la main de son agresseur l'en empêchait.

« Mmmm-mm-mm. »

Ce fut le claquement de l'ouverture de la porte qui le sauva.

« Hey, Kingdew, tu maltraites l'ami du petit frère d'Ace ? »

Un amphibien bleu rentra avec un amas de planches de bois clouées entre elles.

Kingdew relâcha la bouche de sa victime à l'entente du mot ami. Usopp pouvait enfin respirer correctement.

Le nouveau venu passa sur le côté du lit et entreprit de déposer ses bagages.

« Vous êtes venus pour le spectacle ? »

Il déplia ses planches, dévoilant un castelet rougeâtre à l'intérieur duquel étaient pendus deux rideaux.

« J'ai dit aux autres de passer dans une demi-heure, le temps que j'installe le matériel. »

D'une boîte dans sa poche, il révéla une dizaine de marionnettes bariolées prêtes à l'emploi.

« Haruta, une préférence sur l'histoire ? »

Haruta, qui avait lâché son frère alité des yeux pour regarder le fatras que son frère amphibien avait ramené, retourna rapidement à sa contemplation du châtain alité.

Elle n'avait apparement pas de préférences.

« Très bien, alors je jouerai l'histoire du cuisinier sans talents. Nos cuisines en regorgent en ce moment. »


Marco était assis sur le mât de misaine, l'air marin remuant ses cheveux. Les voix de ses frères et soeurs peinaient à l'atteindre. L'océan emplissait l'horizon si loin qu'il ne pouvait distinguer quand l'étendue salée se terminait et que la voûte céleste commençait. Il était seul, sur son perchoir favori. Père avait interdit aux autres d'y monter, craignant qu'une chute fatale puisse les y attendre. Marco était l'un des seuls autorisés à s'y rendre. Et la vue était magnifique. Ace ne pouvait pas s'empêcher de hurler à chaque fois qu'il y venait. Et malgré les capacités de ses poumons, son rugissement disparaissait dans l'immensité.

Hurlait-il, maintenant, quelque part, là où personne ne l'entendait ?

« Impressionnant ! »

Une boule de caoutchouc se balançait dix mètres en dessous du Vice-Capitaine, sa main agrippée aux planches de la barre. Il donna des coups de pied joints pour se balancer, prenant de l'élan, et se hissa aux côtés du Phénix avec une pirouette. Ses sandales à plat sur le bois circulaire, il s'était accroupi, le regard au large.

« Quelle vue magnifique ! »

Marco jeta un oeil au sol, et sur les huit cents mètres qui le séparaient du pont, il ne voyait pas le moindre indice sur la manière dont le chapeau de paille avait escaladé le mât. Il fallait en moyenne une demi-heure pour que les pirates parviennent tout en haut avec l'échelle. Personne n'avait vu le petit monter pendant tout ce temps ? Personne ne l'avait arrêté ? Mais que faisait la deuxième division ?

Le chapeau de paille sauta sur ses jambes, une main sur son chapeau, et commença à remplir ses poumons. Son torse gonflait, et gonflait, il en dépassait presque Père.

Il bloqua.

Malgré l'entraînement que lui avait prodigué son frère, Marco n'eut pas les réflexes suffisants pour se couvrir les oreilles.

« JE SERAIS LE ROI DES PIRATES ! »

Et Marco allait devenir sourd.

Le petit frère d'Ace éclata de rire, visiblement fier de lui.

« Yoi, petit frère d'Ace, tu n'as pas choisi un rêve facile. »

Les tympans de Marco l'élançaient. Heureusement qu'il avait un fruit du démon pour se régénérer.

L'élastique tourna ses petits yeux noirs vers lui, ses poignets collés à sa taille.

« Shishishishi, non. »

Il collait parfaitement aux descriptions qu'Ace avait faites de lui. Et lui ressemblait. Tellement, pour une personne qui ne partageait pas le même sang. Ils avaient les mêmes mimiques. Et le même besoin de crier devant le vaste océan.

Et de braver les interdits.

« Petit frère d'Ace, tu ne devrais pas rester là. C'est dangereux. Si tu glissais, tu mourrais. » Sauf si Marco le rattrapait, mais il n'avait aucune envie de jouer les babysitters.

« Non, je suis en caoutchouc. »

Même en caoutchouc, il devait y avoir des limites aux épreuves que pouvait endurer son corps. Mais s'il était aussi buté qu'Ace, la bataille était perdue d'avance.

Marco retourna à son admiration de la surface bleutée. Loin du monde, il avait l'impression d'être dans une bulle à part. Une bulle où seuls certains de ses frères commandants osaient venir lui tenir compagnie. C'était l'endroit où ils échangeaient leurs confidences. L'endroit où ils étaient seuls.

C'est probablement par la force de l'habitude, installé dans son espace attitré, et poussé par la curiosité, qu'il se tourna vers le petit frère d'Ace pour ouvrir la conversation sur un thème périlleux.

« Que comptes-tu faire une fois que tout ton équipage sera arrivé ? Tu retourneras sur East Blue ? »

Les prunelles noires d'encre du chapeau de paille s'obscurcirent. L'étincelle de malice s'était écartée. Celle qui dansait dans ses yeux tous les jours, et qui redoublait de force à chaque retrouvailles, avait disparu sous un voile étouffant.

« Je ne sais pas. »

L'air marin apportait des odeurs salées, similaire à des larmes sur les papilles. Marco se retourna vers l'océan.

« Les choses auraient été plus simples si Ace était là. »

Si Ace avait été là, les deux frères se seraient réunis, la Moby Dick aurait été en fête, et la deuxième division aurait probablement escorté le chapeau de paille et son équipage jusqu'à une mer moins dangereuse.

Mais Ace n'était pas là. Il avait laissé un vide qui ne pouvait être colmaté. Pas une nouvelle n'était arrivée depuis son départ.

« Rassure-moi, yoi, tu ne comptes pas partir à sa recherche ? »

Seul le chant du vent ampli les oreilles maintenant régénérées du phoenix. Il se tourna vers son interlocuteur. Ses yeux avaient disparu sous l'ombre de son chapeau.

L'appréhension saisit Marco.

« Ne fais pas ça. »

Marco en rêvait. Tout le monde voulait le suivre. Tout le monde voulait retrouver Ace et venger Thatch. Venger leur famille brisée.

Mais Barbe Blanche le leur avait interdit. Ils ne devaient pas partir à la poursuite de Teach. Barbe Blanche ne voulait pas en assumer les conséquences. Il ne voulait pas risquer la vie de ses enfants.

Et si les enfants de Barbe Blanche n'avaient aucune chance, le petit frère d'Ace courrait à son exécution.

« Ce sont les histoires de notre équipage, yoi. Ne t'en mêle pas. »

La lueur perçante d'une rage sourde flamboya à travers les ténèbres du chapeau de paille.

« Ce sont les histoires de mon frère. Si je le décide, elles me regardent. »

Marco serra les dents.

« Tu n'es pas de taille, yoi. Tu ne feras que te mettre en danger. »

L'élastique leva le menton.

« On verra. »

Il bascula en arrière et se jeta dans le vide.

Sidéré, Marco marqua un temps d'arrêt avant de réaliser ce qui venait de se passer. Il s'élança à son tour avec un juron. Les flammes engouffrèrent ses membres alors qu'il coursait la gravité. S'il se posait trop tard et que le petit frère d'Ace se rompait le cou dans sa chute, il ne se le pardonnerait jamais.

Personne.

Marco se posa sur le pont, éteignant ses flammes. Il n'y avait personne. Autour de lui, ses frères s'agitaient dans tous les sens, mais pas de soupe de caoutchouc.

« Quelque chose ne va pas, Commandant ? »

Marco inspecta la foule en mouvement, et finit par retrouver le coeur de ses soucis.

Le chapeau de paille était monté sur le dos de son premier compagnon et piaillait gaiement en pointant ses haltères.

Parti était le garçon avec qui Marco venait d'échanger. Il était retourné à son état de soleil miniature, ses yeux étincelants de joie alors qu'il conversait avec son ami.


Hephzibah ne savait pas écrire son prénom. Bien qu'il ait déjà tenté à plusieurs reprises de trouver l'agencement de lettres qui parviendrait à fournir le bon son, ses tentatives furent toutes conclues par des échecs. De toute façon, Hephzibah n'était même pas sûr d'avoir déjà prononcé son nom deux fois de la même façon.

Mais il adorait son prénom ! Il ne l'avait pas choisi par hasard. Il l'avait récupéré de ce pirate —ou était-ce un marine ? Il ne se souvenait plus bien—, il y a déjà plusieurs années. Ce jour où Père avait dit ces mots.

« Joli prénom. »

Hephzibah avait tout de suite su. Fini son ancien nom barbant. Il avait trouvé la perle rare. Celle qui le ferait briller aux yeux de son père. Celle qui le démarquerait.

Hephzibah.

« Heph' ! »

Hephzibah se retourna. Mais l'appel n'était pas pour lui. Un pirate de la sixième division venait de héler un de ses amis.

Malheureusement, à peu près à la même époque où Hephzibah avait décidé de se faire rebaptiser, un certain nombre de ses frères avait eu la même idée.

Hephzibah s'était dit que cela leur passerait.

Comme Hephzibah, ils avaient persévéré.

Le bon côté des choses était que Père avait forcément dû retenir ce nom qu'il avait tant apprécié, et que la quasi-moitié de ses enfants portaient.

Le mauvais côté, c'était qu'Hephzibah ne savait jamais quand on s'adressait à lui.

« Phzi', tu veux venir voir ma dernière création ? »

Hephzibah allait accepter avec joie, quand une voix le coupa.

« Oh oui ! Tu l'as enfin terminée ? Montre-moi cette beauté ! »

Pas pour lui. Encore.

« Hephzibah, te voilà ! Je te cherchais partout ! »

Manger. Il allait manger. Ses frères disaient toujours que, lorsqu'il avait le moral dans les chaussettes, il devait manger pour se requinquer.

« Hephzibah ! Je te parle ! »

À partir du moment où il se portait volontaire pour faire la cuisine, il n'y avait aucune raison qu'on lui refuse un encas. Sinon, il irait pleurer chez leur Père.

« Hephzibah ! »

Une main attrapa sa manche et força Hephzibah à lui prêter attention.

« T'es dans la lune ? »

Recouvert d'une fourrure de chèvre, son frère Ren à la queue de cheval toujours raté lui souriait à pleines dents. Qu'il avait assez manquantes. Si Hephzibah perdait une dent en combat, il ferait attention à la ramener pour la lui offrir. Ren n'avalait presque que de la soupe. Ces repas devaient être mornes. En se cotisant avec plusieurs frères et soeurs, ils pourraient peut-être lui faire un dentier.

« Tu ne t'es pas laissé berné par ses manipulateurs de la huitième division, rassure-moi ? Ils donnent des bouteilles de saké gratuites uniquement pour nous divertir ! Il faut aller au pont principal ! »

Le temps pressant, il bouscula plus qu'il ne guida son frère dans la bonne direction.

« Et que se passe-t-il sur le pont principal ? » Interrogea Hephzibah en réfléchissant à ce qui pouvait être plus important que des bouteilles de saké.

Ren déboucha à la fin du gaillard, et Hephzibah comprit.

Dans le brouhaha général et parmi ses frères et soeurs amassées, Hephzibah parvenait à distinguer la forme d'un serpent géant constitué de pirates hystériques. À quelques endroits, des infirmières essayaient de faire respecter l'ordre, alors que les commandants présents sur le pont se mêlaient parfaitement à la foule, étant même les moins disciplinés du lot.

« Avancez plus vite ! Il va être fatigué avant mon tour ! » Ordonna le commandant Atmos.

« Ne poussez pas ou je vais vous pousser et vous allez moins rigoler ! » Cracha le commandant Fossa, son éternel cigare entre les dents.

« J'espère que j'aurais une chance, il y a beaucoup de monde. » Murmura, une tête au-dessus de la foule, le commandant Blenheim.

« Hey, vous êtes de ma division, pourquoi vous ne me laissez pas passer ? » Interrogea Namur.

« Chacun son tour, Commandant ! À la queue, comme tout le monde. »

La queue paraissait sans fin, mais Hephzibah se rajouta tout de même à la fin.

« Ren, t'es un vrai frère ! »

Il aurait pu l'embrasser, s'il n'avait pas peur de se faire voler sa place lors d'un instant d'inattention.

« Je sais comme tu étais triste de l'avoir manqué la dernière fois. Quand j'ai entendu les rumeurs circuler, j'ai tout de suite accouru !

— Tu as très bien fait ! »

Hephzibah était ballotté de gauche à droite et d'avant en arrière par ses frères et soeurs entassés auprès de lui, mais le tourment en valait la peine. Au bout du long serpentin formé par plus d'une centaine de pirates se trouvait Père, debout, distribuant des câlins.


« Suis-je… plus jeune que Père ? »

Curiel n'en avait aucune idée. Il avait oublié ce qu'il avait noté sur le front de cet inconnu. Mais dans le doute, autant répondre par l'affirmative.

« Oui.

— Donc, je suis un homme de petite taille, avec une coupe afro verte, une barbe, un monosourcil, plus jeune que Père, qui aime les animaux et qui porte souvent du bois. Voilà qui laisse à réfléchir. »

Réfléchir, il pouvait. Curiel n'était pas sûr qu'il existait la moindre personne sur ces mers qui correspondait à la définition. Pour le prochain jeu, il devait absolument réfléchir à quelque chose et l'imposer.


Namur avait peut-être déchiré le pantalon d'un de ses frères en marchant dessus. Mais il n'était pas sûr. Ledit frère avait disparu dans la masse, et pour rien au monde Namur ne lâcherait l'épaule de son voisin de devant.

« Commandant, vous me faites mal à l'épaule. »

Par pitié pour son frère, Namur lui attrapa l'autre épaule. Un bleu commençait à se former là où il avait saisi son frère. Peut-être devrait-il héler une des infirmières ?

Pas celle qui écrasait les pieds de tout le monde avec son talon aiguisé, mais celle qui frappait les mains coupant leur file avec un éventail.

« Cassis ! Tu aurais un onguent s'il te plaît ? »

Il se sentait affreusement mal d'avoir blessé son frère.

Mais il n'allait pas le lâcher pour autant.

En revanche, il pouvait lui étaler de la crème.

L'infirmière fouilla dans sa banane et lui envoya une pommade.

« N'oubliez pas de me la rendre quand vous aurez fini !

— Merci !

— Commandant, c'est vraiment gentil, mais ce n'est pas la peine. »

Namur piétina sur les côtés, essayant de ne pas écraser en prime les pieds de son frère.

« Ne t'inquiète pas, je gère. »

Il porta le tube à ses lèvres et mordit la capsule pour la maintenir en place avant de l'ouvrir avec une geste sec. Un peu de crème glissa sur sa langue, et Namur grimaça avec écœurement.

« Ce n'est pas fait pour être mangé, Commandant. » Se moqua son ami.

Namur lui tira la langue.

« Regarde devant, que je ne te mette pas de crème dans les yeux.

— Yaya, oui, Commandant ! »

Namur compressa la pommade et étala son contenu sur l'épaule de son frère. Il s'appliqua à bien la répartir sur toute la surface pour qu'elle puisse s'imprégner avant que son frère ne la retire.

« Commandant. »

La voix auparavant joviale de son frère avait pris une consonance sérieuse.

« Vous ne trouvez pas que le brouillard se lève ? »

Namur cessa d'étaler la crème et regarda autour de lui. Bien qu'il entendait toujours la respiration de l'océan, il ne voyait plus une pointe de bleu. Les rambardes s'effaçaient doucement, jusqu'à n'être plus que des souvenirs.

« Qui a sorti les fumigènes ?

— On l'avait prévu ?

— Je vais m'arrimer et je reviens, que personne ne me pique ma place !

— Accrochés les uns aux autres comme on est, tu ne risques pas de passer par-dessus bord accidentellement.

Accidentellement, non, mais je me méfie de volontairement.

— Quelqu'un aurait une lampe-dial ? »

L'excitation de ses frères et soeurs se transformait progressivement en affolement.

« Commandant, où êtes-vous ? J'ai peur !

— Si jamais nous venons d'entrer dans le triangle de Florian, je veux hanter le fauteuil de Père. Vous vous débrouillez avec le reste du navire.

— Imbécile, le triangle de Florian est dans le Paradis, nous sommes dans le Nouveau Monde. »

Les frères les plus lointains de Namur n'étaient plus visibles.

« Est-ce qu'il faut descendre la voile pendant qu'on la voit toujours ?

— Sans elle, on va rester éternellement dans ce brouillard s'il est statique, alors laisse-là où elle est, c'est notre meilleure chance de sortir. »

Le voisin de droite de Namur claquait des doigts avec acharnements.

« Allume-toi ! »

Il serrait sa cape sur ses épaules, les sourcils froncés.

« Allez !

— Un souci ? » Questionna Namur en voyant son frère s'irriter.

« Je ne comprends pas, cela fonctionne d'habitude. »

Il reclaqua des doigts, toisant sa main.

« Je n'y arrive pas !

— Moi non plus ! » S'ajouta un de ses frères de division en répliquant les mêmes actions.

« Vous n'arrivez pas à quoi ? » Répéta Namur, concerné par les problèmes de sa famille.

« On s'est entraîné tellement dur que la callosité de nos doigts s'est transformée en silex. En les frottant ensemble, on arrive à produire des flammes. » Grinça le pirate.

Namur dévisagea le pirate vêtu d'un Raid Suits décousu et ne sut pas s'il pouvait, et s'il devait, briser ses rêves.

« Oui, bien sûr. C'est Ace qui vous l'a raconté.

— Tout à fait ! » Brilla le pirate. « Mais je crois que je ne me suis pas assez entraîné dernièrement, je n'y arrive plus.

— On sent effectivement que vous êtes des lumières. » Blanchit Namur en se faisant une note mentale d'interdire à la deuxième division de partir en excursion.

« Mais on ne pas allumer un feu qu'avec des silex. Il faut aussi de la pyrite ou de l'acier— »

Namur bâillonna son frère de division, ajoutant une tentative d'étouffement à la destruction de son épaule.

Il fallait des sacrifices pour maintenir la candeur de certains membres de leur grande famille.

Et il fallait changer de sujet pour que son voisin de droite ne fasses pas attention à la révélation.

« Pourquoi n'utiliserais-tu pas le matériel fait exprès ? Exceptionnellement ?

— Je vais être la risée de ma flotte si j'utilise des allumettes. »

Le superhéros dans l'âme bougonna.

Namur n'y voyait plus qu'à cinq mètres à la ronde. À certains endroits, des petits îlots de lumières parvenaient à braver la mélasse.

Certainement pas des membres de la deuxième division.

« Commandant ! »

Une lanterne à la main, Speed Jiru se dirigeait vers eux.

« Quelle purée de petit pois. Stede, qu'est-il arrivé à ton épaule ? »

Le voisin de Namur le pointa du pouce, offrant toutes les explications nécessaires. Les joues de Namur s'enflammèrent de honte.

« Ne fais pas cette tête. » Se moqua Jiru en agitant sa lanterne devant le visage violet de son frère. Il se tourna vers son autre ami. « Stede, dis-moi, tu aurais vu Lucien ? »

— Il a été descendu dans la cave il y a deux jours. »

Stede pinçait subtilement l'épiderme de son supérieur amphibien.

« Et Lothaire et Casimir ? »

Stede tirait sur le galuchat bleu, mais Namur résistait.

« Ils sont toujours dans la cave. »

Namur roula des yeux.

« Ne me dis pas que tous nos navigateurs sont dans la cave.

— Je peux ne pas vous le dire. Par contre, je ne vois plus Père, et j'ai peur de ne pas avoir mon tour.

— J'ai vu Atmos se jeter dans ses bras avant que le brouillard ne les recouvre.

— S'il a eu droit au double du temps autorisé, je vais faire un caprice !

— Commandants ! Commandants ! »

Les appels venaient du brouillard, leur émetteur invisible.

« Commandant, on a perdu le petit frère d'Ace ! »

Jiru balançait sa lanterne, tâchant de la présenter dans la direction de leur interlocuteur.

« Vous l'avez perdu ? Il est tombé à l'eau ?!

— Je ne sais pas, Commandant ! Je le surveillais, j'avais son chapeau en ligne de mire, et pouf, il s'est volatilisé.

— Tu n'as pas entendu le bruit d'un corps qui tombait à l'eau ?

— Commandant, avec tout le respect que je vous dois, nos frères et soeurs sont un peu bruyants, j'aurais à peine entendu si un boulet de canon— »

Un éclatement se fit entendre et son frère se tut.

« Godrick ? Godrick ? »

Pas un son.

« V-Vous croyez… » Stede claquait des dents. « Vous croyez qu'il va bien ? »

Soudainement, Stede ne s'opposait plus à avoir la main palmée d'un des commandants agrippée à son épaule.

Plusieurs fracassements d'objets se firent entendre dans les alentours.

« Qui profite de la brume pour jeter des projectiles ?

— C'est toi qui m'a envoyé ça ? Reprends-le !

— Hey, je crois que j'ai perdu une dent.

— Oh, je peux te l'acheter ? C'est pour un ami.

— Si vous me renvoyez des choses dessus, je vais vous envoyer ma botte !

— Je suis sûr que c'est un esprit maléfique ! Il se joue de nous !

— Retourne à ta place ! Brouillard ou non, je fais la queue !

— Le truc qui est tombé n'a pas bon goût.

— On ne t'a jamais dit qu'il ne faut pas mettre à la bouche ce que tu ne connais pas ? T'es une de ces andouilles de la deuxième division ?

— Mon Lampe-Dial ne s'allume plus !

Il était une fois, un Père géniall—issimeeee, il avait pleins d'enfants…

— Oh, je me suis trompé, c'est mon audio-dial ! On avait enregistré une musique pour l'anniversaire de Père !

— Pitié, trouvez-lui un autre cadeau, je ne veux pas qu'il devienne sourd !

— Quiconque m'a lancé ce vase, sachez que je le garde ! Il est à moi ! »

Malgré sa lanterne, Namur ne voyait plus Jiru. Le brouillard était si épais que même lui, un homme-poisson, ne voyait pas plus loin que son aileron.

Ils étaient perdus dans le brouillard.


Tout était bien parti. Curiel avait proposé de chanter pour égayer la peut-être journée. Ses amis avaient été enthousiasmés à cette idée.

Ils avaient donc commencé à chanter. Les choix du répertoire avaient fortement rappelé à Curiel sa famille, enterrant toujours plus profondément l'intérêt de ses congés, mais l'autorisait à se joindre au chahut sans dénoter.

Puis, une personne très mal avisée qui faisait certainement partie de l'organisation, avait amorcé une file indienne mouvante. Curiel lui devait deux bosses sur le crâne et une contusion aux genoux. À la fin de ses vacances, il allait hâtivement écrire à Morgans pour qu'il publie un article incendiaire sur cette société. Curiel comprenait l'idée du repos des cinq sens, majoritairement de la vue étant donné que ses camarades ne pouvaient reposer leurs langues plus d'une seconde et que l'aération de l'endroit laissait à désirer, mais leur lieu de repos ne respectait certainement pas les règles de sécurité. Si au moins ils avaient distribué des casques…

Le coude de Curiel heurta une plaque de ferraille. Une vague de douleur déferla dans ses os, remontant jusqu'à ses épaules.

Assez, c'en était assez. Il était temps que Curiel fasse bouger les choses.


« Hey, j'ai pas écouté, c'est quoi le jeu cette fois-ci ?

— Il a dit que ça s'appelait évasion. On doit le sortir de la pièce et le ramener à sa famille.

— Trop cool ! Et c'est qui sa famille ? Je peux jouer le grand frère ?

— Non, il a dit qu'on devait la trouver dans le Nouveau Monde.

— Waw, un sacré challenge. »

Bois. Bois. Acier. Bois. Il y avait bien pourtant une porte quelque part !

« Aïe !

— Est-ce que tu es la porte de sortie ?

— Non, je ne crois pas.

— Oups, pardon, je vais aller chercher plus loin. »

Curiel était fatigué de tâtonner. Il devait trouver l'entrée en vitesse, avant que ses compagnons de jeu ne se lassent et décident de passer à autre chose. Il aurait besoin d'eux pour l'étape deux : prendre la mer dans le premier rafiot qu'il croiserait. Sans eux, qui allait converser avec Curiel jusqu'à ce qu'il ait retrouvé les siens ?

« Attention, les amis, je tiens une poignée ! »

Bon public comme à leur habitude, les compagnons de Curiel applaudirent la réussite.

« Et que se passe-t-il si tu tires dessus ? » Encouragea Curiel dans la direction de la voix.

« Il se passe… » Des grognements remplacèrent la suite de la phrase. « Rien.

— Essaye dans l'autre sens ! » Proposa un petit malin.

« Dans l'autre sens… »

Un filet de lumière perça l'obscurité, se frayant un chemin jusqu'à la joue de Curiel pour la caresser.

Il en avait presque la larme à l'oeil. C'était si beau.

« Beau travail ! » Acclamèrent les nouveaux amis de Curiel.

Malheureusement, à peine la lumière avait-elle effleuré sa joue que de la brume pénétra l'interstice et inonda leur résidence.

« La partie continue dehors ! Trop chouette !

— En avant ! »

Curiel n'eut même pas à prendre les rênes de la masse, celle-ci s'engouffra volontairement dans la sortie, emportant Curiel avec elle.


Curiel avançait aveuglément, s'écartant dès qu'il entendait un voisin vociférer.

« C'est un labyrinthe ou un colin-maillard de masse ? »

Le voisin de Curiel était beaucoup plus proche qu'il ne le pensait.

« Mais non, on a dit que c'était évasion. »

Et celui de derrière le collait aussi davantage que prévu. Avait-il moyen de s'écarter avant d'être pris en sandwich lors de la prochaine embûche ?

« Les copains ! »

Au-dessus du chahut qui engloutissait les partenaires de jeu de Curiel, une voix essayait de faire entendre.

« Les copains, j'ai trouvé un autre anneau ! »

Les foulées de Curiel s'accélérèrent dans la direction approximative de la proclamation.

« Tire-le !

— Pousse-le !

— Explose-le ! »

L'inconnu dû en choisir un des trois, car le volume sonore, pourtant bien élevé, flamba. Une cacophonie digne de sa famille remplit les murs de leur dédale.

Poussé et poussant, Curiel gagna le terrain extérieur où le brouhaha assourdissant faisait rage.

Malgré le tumulte ambiant, il était heureux d'enfin respirer de l'air frais. De l'air salé, mêlée à l'air déjà saturée du brouillard. De l'air comme à la maison.

Un projectile venu du ciel s'écrasa sur sa tête, suscitant un flot de douleur partant de son chapeau.

« On nous attaque ! »

Ni une, ni deux, Curiel s'accroupit, ramassa le maillet qui l'avait frappé, et se jeta sur ses adversaires.

Très bien éduqués, ses nouveaux amis en firent de même.


Namur agitait son bâton dans tous les sens, répondant aux attaques de ses frères et soeurs à l'aveugle. Dans la grande bataille qui rugissait sur le pont, des voix sous-entendaient qu'il y avait des équipes, et Namur aurait bien aimé connaître la sienne. Stede, qui s'était accroché à son t-shirt, en faisait certainement partie, mais il l'avait égaré. Quant à Jiru, il avait disparu avec sa lanterne à la recherche d'une personne compétente pour les aider à sortir du brouillard.

« Pardonnez-moi de vous déranger, mais quelle est la raison de cette bataille ? »

Namur para un coup à sa tempe et frappa l'arme d'un adversaire avec la sienne. Il avait entendu une voix susurrer à son oreille, et cette simple idée lui donnait froid dans le dos.

« Monsieur ? »

Encore cette voix. Namur tourna sur lui-même, son bâton en avant. Il n'y avait personne à côté de lui.

« À tourner ainsi, vous me donnez le tournis, Yohohohoho ! »

Le sang de Namur se glaça. La voix venait d'outre-tombe. Et la température avait chuté. La terreur déforma les traits de son visage.

« Fantôme. » Chuchota le commandant en serrant son bâton.

Un linceul effleura sa cuisse.

Namur hurla.

Un cri spectral se joignit au sien.

Le cerveau de Namur se mit en position de sécurité.

L'homme-poisson s'écroula au sol.


Barbe Blanche était étouffé par Atmos qui profitait de la situation pour l'enlacer au-delà de sa limite de temps autorisé.

« Atmos, tu dois partager avec tes frères et soeurs. » Rappela chaleureusement son Père.

Les bras qui l'encerclaient persistèrent.

« Le sablier n'a pas fini de couler. »

Le sablier n'était pas visible, mais il avait sans aucun doute fini de couler. Barbe Blanche tapota le dos de son fils. Il avait toujours envie de les gâter et n'était pas opposé à prolonger leur câlin, mais cela ne créerait-il pas une inégalité dans le traitement de tous ses enfants ? Barbe Blanche ne voulait pas que le moindre d'entre eux se sente délaissé ou mal aimé en comparaison des autres.

« J'ai amené une outre de saké. » Chuchota son fils. « Elle est attachée à ma ceinture. Tu peux te servir, Père, pendant que les infirmières sont diverties ! »

Barbe Blanche avait-il déjà mentionné à quel point il aimait ses enfants ? Il pourrait mourir pour eux.

Il palpa le dos de son fils jusqu'à atteindre la fourrure de bouc. Remontant jusqu'au goulot du récipient, il tira d'un coup sec et délivra la gourde de ses attaches. Il l'amena aussitôt à ses lèvres et en bu une rasade.

Excellent. Son fils faisait toujours de bons choix.

Barbe Blanche caressa la tête dans ses bras, ému par ses actions. Atmos avait tout calculé, puisqu'exceptionnellement, il ne portait pas son casque à cornes, laissant volontairement son cuir chevelu à disposition de son Père.

Barbe Blanche ne put s'empêcher de rire de joie.

« Gurarararara, la mer m'a vraiment choyée lorsqu'elle m'a envoyé un fils tel que toi !

— Ce n'était pas la mer, Père. C'est vous qui êtes venu me chercher. Et de nous deux, je suis le plus comblé. »

Barbe Blanche resserra son emprise sur son fils, extasié.

« C'était si beau ! » Commenta une voix haut perchée.

Immédiatement, Barbe Blanche bascula Atmos pour l'abriter derrière son dos.

« Qui est là ? »

La voix n'appartenait à aucun de ses enfants. Barbe Blanche se concentra sur son haki de la perception et inspecta son navire. Ses enfants étaient massivement réunis sur le pont principal, à ses côtés, se querellant dans le brouillard. Le petit frère d'Ace était sagement dans la réserve de nourriture, un de ses copains dormant à poings fermés sur la poupe de la Moby Dick, et l'autre caché dans un placard.

Et près de Barbe Blanche se trouvait un néant. Une anomalie sans présence qui perturbait son environnement. Elle était très faible, et Barbe Blanche ne pouvait la voir qu'en restant concentré. Il y avait quelque chose sur le navire qui n'aurait pas dû y être.

« Une scène si touchante, j'en ai les larmes aux yeux. Pourtant, je n'ai plus d'yeux ! Yohohohoho ! »

Barbe Blanche se saisit de son bisento. Il pointa sa lame vers l'étranger.

« Montre-toi ou je nettoierais notre pont avec tes viscères.

— Ce n'est pas une façon de parler à tes aînés, jeune homme ! » S'énerva la voix mélodieuse. « Mes viscères méritent un meilleur traitement ! Même si je n'en ai plus, Yohohohoho ! »

Une veine apparue sur le font de Barbe Blanche. Il avait été insulté de beaucoup de nom, mais cela faisait bien longtemps que personne n'avait osé l'appeler jeune homme.

« Quelle insolence ! De nous deux, tu es celui qui me doit le respect ! J'ai pris la mer alors que ta mère changeait encore tes couches ! »

Barbe Blanche connaissait toutes les personnes de sa génération voguant sur l'océan. Davy Jones avait déjà emporté tout ceux qui n'avaient pu se faire un nom depuis bien longtemps. Quiconque s'était invité sur ce navire ne pouvait gère être plus vieux que lui.

« J'ai connu Gold Roger rookie ! » Lança son ennemi.

« Tout le monde a connu Gol D Roger rookie ! » Se moqua Barbe Blanche.

Ailleurs, sur le navire, trois petites têtes perdues dans le temps éternuèrent.

« J'ai connu Kong Amiral en Chef ! » Surenchérit Newgate.

« Ce petit gringalet ? » Se moqua l'inconnu. « Les journaux ont parlé de moi avant lui ! »

Barbe Blanche pouffa.

« Parce que tu te crois célèbre ?

— J'ai une prime à trois cent quatre-vingt-trois millions de berry ! Et le monde m'acclame ! Je suis le célèbre… Soul King Brook !

— Jamais entendu parler. »

Barbe Blanche pouvait presque entendre les sourcils de son interlocuteur se froncer à cet affront. Encore un petit prétentieux.

« Mon capitaine est le célèbre Monkey D. Luffy, l'homme qui deviendra le Roi des pirates !

— Tu es un ami du petit frère d'Ace ? » Se fraya la voix d'Atmos qui n'avait pas osé interrompre plus tôt la discussion de son Père.

« Gurarararara. » Barbe Blanche avala une rasade de saké et rendu son outre à son fils. « Tu es un des amis du nourrisson ! Et regarde comme tu es imbu de toi-même ! Tu as quel âge ? Trente, quarante ans ?

— C'est impoli de demander mon âge ! »

Barbe Blanche confia son bisento à son fils. Il inspira profondément puis fendit l'air de ses mains, déchirant le voile de brouillard.

L'opacité surplombant ses enfants se leva, dévoilant les pirates se disputant comme des maternelles dans leur maison. Le tumulte écrasant disparu en même temps.

Et, face à Barbe Blanche, se trouvait un esprit flottant verdâtre au crâne squelettique entouré de trois flammes lumineuses.

Toujours prit dans leur dispute, Barbe Blanche lança la première réflexion qui lui vint.

« Moi, au moins, je suis vivant.

— C'est un coup bas ! »


To be continued.

Encore une fois (parce qu'il n'y en a jamais assez), je voudrais tous vous remercier d'être passé par ici. Merci d'être venu vous amuser avec moi et me soutenir en vous abonnant à ma chaîne— Non, attendez, j'ai pompé sur le mauvais voisin, je crois que je n'ai pas de pouces bleus. Merci d'être là ! :)

Je remercie également mon dictionnaire d'exister et d'avoir trouvé la moitié des mots de ce récit. Des fois, je me demande s'il ne pourrait pas écrire mes chapitres tout seul...

Bye Bye tout le monde ! Ne traînez pas à aller vous coucher !

A la prochaine !