De nombreuses années se sont écoulées depuis la publication du dernier chapitre. Malgré le peu d'enthousiasme suscité par cette fanfiction, elle continue de m'intéresser. Je la finirai ! Tout est déjà planifié. Je manque juste de temps.

Comme à l'accoutumée, cette fanfiction traite de sujets sombres dont des violences sexuelles. Prenez garde.

Quelques rappels chronologiques essentiels à la compréhension de ce chapitre :

• Juillet 1965 : Les fiançailles de Bellatrix à 14 ans & première rencontre avec Lord Voldemort.
• Janvier 1970 : Bellatrix avale une potion ratée et devient stérile.
• Avril 1970 : Bellatrix tue Cassiopa Maggins, fille d'Igor Maggins, un Auror.
• Août 1970 : Massacre du reste de la famille Maggins (femme, parents, grands-parents) mais Maggins s'échappe.
• Octobre 1970 : Bellatrix est enlevée et torturée par Maggins. Mère Lestrange est tuée. Contre-attaque des mangemorts, Bellatrix est sauvée et soignée.
• Décembre 1970 : À Pembroke, première apparition publique de Voldemort, de nombreux moldus meurent.
• Juin 1971 : Andromeda quitte Poudlard.
• Août 1971 : mort de Reginaldus Lestrange tué par Fabian Prewett dans une taverne de l'Allée des Embrumes.
• Septembre 1971 : Andromeda s'enfuit de chez elle.
• Octobre 1971 : Bellatrix tombe enceinte mais perd le bébé lors d'un raid en Roumanie. Fabian Prewett est tué.
• 31 décembre 1971 : Orgie chez les Lestrange. Parallèlement, Bellatrix et Voldemort couchent ensemble pour la 2ème fois.


Chapitre XIV : Nid de Serpents

Juillet 1972,

Manoir Lestrange.

L'odeur familière de bois et de cuir assaillit Bellatrix dès qu'elle ouvrit la porte du grenier de la demeure des Lestrange. C'était l'odeur réconfortante d'une vieille maison vénérable qui avait si longtemps su protéger ses membres de tous les fléaux du monde. Chez les Lestrange désormais, plus rien n'était rassurant et protecteur. Les deux héritiers, orphelins de père et de mère, passaient en coup de vent dans cette vieille demeure froide, entre deux missions pour l'Ordre des Ténèbres. Bellatrix était souvent la seule occupante des lieux. Ce jour-là, elle s'était mise en tête de chercher des informations sur la scolarité du père de Rodolphus, Reginaldus Lestrange, à Poudlard, lui qui avait côtoyé le Seigneur des Ténèbres de près, et avait même pu compter parmi ses amis. Cela faisait plusieurs mois qu'elle cherchait des indices un peu partout dans la maison ancestrale des Lestrange : elle avait commencé par le bureau du patriarche, mais elle n'y avait trouvé que quelques photos de famille, rien qui datait de son passage à Poudlard. Le cœur un peu serré, elle avait trouvé les albums de Rodolphus et Rabastan, grandissant au fil des âges. Lorsqu'elle était arrivée aux photos du jour de son mariage, elle avait refermé l'album d'un geste brusque. Manifestement, il n'y avait rien d'intéressant dans cette pièce. Elle avait ensuite exploré la bibliothèque, la salle de billard (pièce qu'elle détestait depuis qu'elle y avait surpris Rodolphus et ses amis dans des positions plus que compromettantes), la grande chambre parentale, sans jamais tomber sur quelconque document datant de la scolarité de Reginaldus Lestrange à Poudlard. Il ne lui restait que l'immense grenier à inspecter.

Les sept premiers mois de l'année 1972, Bellatrix ne vit son Maître que deux fois. Elle était maintenant habituée à cette cadence monotone, bien que le manque la tourmentât. La première fois eut lieu en février, au Quartier Général, ce qui était devenu assez rare pour surprendre tous les mangemorts. La réunion avait abordé divers sujets, notamment une vague de recrutement imminente chez les Mangemorts. Bellatrix n'avait pas été inattentive au déroulé de la réunion : elle n'en avait pas perdu une miette, et tous ses sens avaient été pris au piège par la présence de Lord Voldemort, de telle sorte que le souvenir qu'elle en gardait était parfaitement clair, comme ces souvenirs souvent manipulés mais laissés intact par une pensine.

Elle avait longuement superposé l'implacabilité de ses yeux à l'agilité gracile de ses mains, le fiel de ses mots à la sensualité de ses lèvres, la cruauté de son regard à l'ironie irrévérencieuse de ses sourires. Elle avait été assise à quelques places de lui – très loin du bout de la table, du malheureux anonyme intimidé qui gardait les yeux posés sur ses pieds, et elle avait pu prendre la parole à plusieurs reprises. Il avait pris au sérieux toutes ses remarques et l'avait même complimentée sur sa dernière mission. Il s'en était tenu à cela. Bellatrix aurait pu se vexer mais elle savait qu'un tel comportement, de la part d'un homme qui assumait tous ses actes et ne s'excusait de rien, trahissait un trouble plus grand que ce qu'il n'en paraissait. Lord Voldemort n'était pas à l'aise avec ce qui s'était passé, elle le savait. Qu'importe, Bellatrix n'en était pas sortie indemne non plus. Les rêves érotiques crispaient ses nuits et l'envie de lui électrifiait ses jours. Un désir absolu s'était lové au creux d'elle et réclamait sans cesse d'être assouvi. Cela avait chassé la morosité de ses journées. La sensation était particulièrement agréable et bien différente de ses précédentes exacerbations érotiques. Contrairement à l'année passée pendant laquelle sa libido s'était réveillée en elle avec brutalité et animalité dans une abrutissante perte de contrôle, le désir qui la dévorait à présent était sans cesse nourri par ses fantasmes et l'indicible sensation d'être sortie d'un long sommeil. L'agonie de cette envie inassouvie la galvanisait. Elle se sentait enhardie, réveillée, incroyablement vivante dans ce corps qu'elle avait si souvent haï et maltraité. Ce sexe féminin qu'elle avait cru faible, ses pouvoirs qu'elle pensait amoindris, sa personnalité qu'elle avait étouffée et ses impérieux désirs qu'elle avait tus si longtemps se rappelaient à elle sans commune mesure.

Au tout début de cette réunion, leur première entrevue depuis leur nuit passée ensemble, leurs regards s'étaient croisés à plusieurs reprises. À un moment, Bellatrix eut la distincte impression que Lord Voldemort avait détourné le regard un peu trop rapidement alors que rien ne l'appelait là où ses yeux s'étaient posés. Elle avait senti au fond d'elle son agitation déconcertée, une forme d'embarras et de perplexité, qui le rendait presque nerveux. Tout le corps de la Mangemort avait été traversé par un frisson délicieux. Elle sut qu'elle avait franchi une étape, creusé une fissure dans la carapace du Seigneur des Ténèbres ; une entreprise extrêmement dangereuse qui pouvait même la mener à sa perte, mais qui, si elle manœuvrait intelligemment, lui permettrait d'atteindre la place dont elle rêvait. Elle était prête à prendre ce risque. Mourir pour atteindre ce but lui semblait une belle fin.

La deuxième fois qu'elle le vit fut le dernier jour de juin, lors de l'intronisation de Lucius Malefoy en tant que mangemort, juste après son retour de Poudlard. Diplômé et intronisé le même jour, une chance incroyable. Seule une poignée de Mangemorts avait été conviée à l'évènement, parmi lesquels Bellatrix et Rodolphus. Avec animosité, elle avait observé ce jeune homme arrogant recevoir la marque des ténèbres. Son esprit avait aussitôt replongé dans le souvenir écœurant de l'orgie dépravée à laquelle Lucius avait participé lors des vacances de Noël, une scène qu'elle n'avait pu se résoudre à partager avec Narcissa.

Dans ce grenier jusqu'alors jamais inexploré, elle découvrit à l'aide de sortilèges de rangements, quelques cartons datant des années d'études à Poudlard des parents Lestrange. Parmi les parchemins des devoirs, les relevés des BUSES et des ASPICS, les antiques lettres de familles sorcières ornées d'armoiries ostentatoires, elle retrouva les cours de Défense Contre les Forces du Mal dispensés par une certaine Ludmilla Thenn. C'était en partie ce qu'elle était venue chercher. En regroupant les indices laissés par sa mère et ses propres intuitions, elle devinait que cette jeune professeure avait eu une relation particulière avec son Maître. Ils avaient certainement concocté certaines potions ensemble, à en croire les étiquetages trouvés dans le laboratoire du Seigneur des Ténèbres. La raison lui échappait. Pourquoi une professeure de Défense Contre les Forces du Mal s'était-elle alliée à son élève de Septième Année pour créer des potions ? Qu'est-ce qui avait bien pu relier les deux individus ? Bellatrix éplucha les nombreux parchemins avec attention. Elle se rendit compte que les cours étaient de grande qualité, et témoignaient de connaissances extrêmement solides de la Magie Noire. C'était étrange. Il fallait être hautement qualifié pour enseigner à Poudlard, surtout au poste de professeur de Défense contre les Forces du Mal. Qui pouvait bien être cette jeune femme ? Appartenait-elle à une famille influente ? Les Thenn n'étaient pas membres des Vingt-huit sacrés.

A la mi-journée, elle fut interrompue par la cloche de la maison. Elle savait que l'un des Elfes-de-maison s'en occuperait. Quelques minutes plus tard, une tête blonde fit irruption dans la pièce :

– Narcissa ! siffla Bellatrix avec surprise, qu'est-ce que tu fais ici ?

– Bellatrix ! s'écria la jeune sorcière en retour, je suis venue te voir vu que tu restes enfermée ici.

Les deux sœurs s'enlacèrent rapidement.

– Je suis rentrée de Poudlard depuis déjà deux semaines et tu n'as même pas pris la peine de venir me voir, reprocha l'adolescente.

– Désolée Narcissa, j'étais occupée, mentit Bellatrix.

La vérité était qu'elle avait repoussé le moment de faire face à sa petite sœur, tant elle répugnait à lui cacher la vérité au sujet de son petit ami, Lucius. A chaque lettre reçue ces derniers mois, Narcissa n'avait eu de cesse de chanter les mérites de son amoureux, vantant ses qualités, sa prévenance, son sens de l'humour. Bellatrix avait lu toutes ces niaiseries avec un pincement au cœur. Narcissa était complètement sous le charme de ce goujat influençable de Malefoy ; elle était loin d'imaginer qu'il participait aux orgies répugnantes de Rodolphus.

À plusieurs reprises, Bellatrix avait pris la plume pour tout lui révéler : la soirée privée le soir du Nouvel An dans une des pièces à l'arrière du Manoir Lestrange ; la dizaine de Mangemorts, les plus proches amis de Rodolphus, ainsi que quelques catins – Alecto y compris – affairés à boire, jouer, fumer des drogues magiques et à baiser dans tous les coins de la pièce. Elle avait voulu lui décrire comment Lucius, ivre et hilare, s'était laissé convaincre sans difficultés à laisser Alecto lui descendre la braguette. Le problème était que même à l'écrit, Bellatrix avait eu toutes les difficultés du monde à décrire ce tableau amoral à sa petite sœur. Elle qui était si innocente, si joyeuse et solaire. Bellatrix n'était pas très différente de ses parents concernant sa petite sœur ; elle non plus ne parvenait pas à faire éclater la bulle d'innocence qui l'entourait. Druella, Cygnus, Bellatrix, Andromeda, ils avaient tous leur part d'ombre et de secrets, mais Narcissa était différente.

Lâchement, Bellatrix avait décidé de garder pour elle toutes ces informations éprouvantes. Après tout, Narcissa n'était qu'une adolescente de seize ans. À cet âge, les passions sont souvent éphémères. Narcissa n'était même pas encore diplômée. Avec un peu de chance, Lucius et Narcissa se sépareraient d'eux-mêmes sans que Bellatrix ait à briser le cœur de sa petite sœur. Maintenant que Lucius avait quitté Poudlard et avait rejoint les rangs du Seigneur des Ténèbres, il était probable qu'il laisse derrière lui les souvenirs de leur romance adolescente.

C'était peut-être là la solution, médita Bellatrix. Il suffisait de guider ce goujat vers d'autres distractions, vers des femmes plus compatibles avec son ambition. Dans un an, il serait peut-être lié à une autre riche héritière, et Narcissa serait libre de toute attache.

– Je ne suis pas simplement venue te saluer, avoua Narcissa après quelques échanges badins sur Poudlard et leurs parents.

Elles étaient maintenant installées dans un des petits boudoirs du manoir, celui que Bellatrix réservait pour elle ces derniers temps, car il était, de façon très commode, à l'opposé des appartements de Rodolphus, des salons d'apparat ou des salles de réception. Elle ne risquait pas de le croiser dans cette partie de la maison, au troisième étage, côté nord, près des appartements occupés par les invités – ce qui n'arrivait jamais.

Revenant à sa petite sœur, Bellatrix arqua un sourcil interrogateur.

– Dis-moi.

– Andromeda s'est mariée, avoua-t-elle d'une petite voix.

– Quoi ? Avec qui ? Comment le sais-tu ? s'exclama Bellatrix, se levant brusquement.

– Papa et maman ont reçu une lettre des parents de Lucius. Les Nott ont informé les Malefoy que leur fille, Philippa, médicomage à Sainte Mangouste, a appris d'une de ses patientes, Gwen Fawley, qu'Andromeda aurait écrit à sa fille Vivian Fawley, une ancienne camarade de Poudlard, pour l'inviter à son mariage. C'était en mai, semble-t-il.

– Et donc, avec qui ? s'impatienta Bellatrix, tapant du pied.

– Laisse-moi terminer. Apparemment, Vivian Fawley n'a pas pu y assister, et sa mère était incapable de se souvenir du nom, mais elle était certaine que ce n'était pas un Sang-pur. Papa et maman étaient furieux. Papa a fait tout son possible pour découvrir l'identité de cet homme. Il a contacté les Fawley, mais Vivian Fawley était en mission humanitaire en Australie et les hiboux ne lui parvenaient pas. Oncle Orion et tante Walburga ont également tenté d'en savoir plus de leur côté, sans succès, jusqu'à ce que Regulus – tu te rends compte, Bellatrix – Regulus nous apprenne que Siriuscorrespondait régulièrement avec Andromeda. Il ne nous l'avait jamais dit ! Depuis que Sirius est à Poudlard, il est devenu INSUPPORTABLE d'ailleurs, il faudra que je te raconte ! Clairement, être réparti à Gryffondor ne lui a pas fait du bien. Il traîne sans cesse avec ce petit insolent de Potter, et ils ne font que des bêtises !

– Narcissa...

– Oui, donc, je reprends ! Sirius a été interrogé rapidement par tante Walburga, mais il a tout nié en bloc et a refusé de fournir les lettres qu'il échangeait avec Andromeda. Impossible de les retrouver. Mais hier soir, Regulus les a découvertes ! Son elfe l'a apparemment aidé. Bref, tante Walburga et oncle Orion ont lu les lettres et ont découvert qu'Andromeda était mariée à un Né-moldu.

Glacée, Bellatrix s'assit lentement.

– Il s'appelle Ted Tonks.

Qu'allait penser Lord Voldemort ? se demanda immédiatement Bellatrix. Un Né-moldu dans sa famille ! Quelle honte. Puis, elle pensa à sa sœur Andromeda. Qu'est-ce qui avait pu si mal tourner pour qu'elle disparaisse ainsi et décide d'épouser un Sang-de-bourbe. Elle n'avait pas seulement décidé de les fuir, non, elle était déterminée à les humilier.

– Comment ont réagi nos parents ? demanda enfin Bellatrix après un long moment à digérer la nouvelle, les yeux dans le vague.

– Très mal, évidemment. Ils ont cherché à savoir où elle vivait, mais Andromeda n'avait laissé aucune information à Sirius. Son hibou a été confisqué, il a été puni et ne peut plus sortir. Oncle Orion a écrit à professeur McGonagall pour lui dire qu'il était inacceptable de laisser de jeunes sorciers recevoir des lettres sans en informer leurs parents.

Bellatrix aurait été indignée si son courrier à Poudlard avait été lu, mais maintenant qu'elle était majeure, elle était du côté de son oncle et de sa tante. Comment Sirius, à onze ans, avait-il pu avoir des nouvelles de sa cousine disparue sans que personne ne soit au courant ? Elle chassa cependant rapidement Sirius de son esprit. Cette nouvelle était catastrophique. Elle n'avait jamais compris pourquoi Andromeda avait choisi de partir sans laisser de trace, et maintenant, elle était mariée à un Né-moldu ?

– Et qui est-ce, ce Ted Tonks ? souffla Bellatrix.

– Une raclure de Sang-de-bourbe de Gryffondor, éructa une voix caverneuse.

Les deux sœurs sursautèrent et virent Rabastan Lestrange sur le pas de la porte du salon. Son visage affichait une expression particulièrement dégoûtée. Bellatrix se souvint que Rabastan et Andromeda avaient été fiancés autrefois.

– Je ne le connais pas, répondit Narcissa, les sourcils froncés.

– Il était un an plus âgé qu'elle, il était de mon année, répondit Rabastan d'un air toujours aussi fâché. C'était un bon à rien, nul en tout, et parfaitement invisible. Je ne lui ai adressé la parole qu'une seule fois : lorsqu'il a reçu mon Cognard en pleine tête lors d'un match de Quidditch, et que Dumbledore m'a forcé à m'excuser. Andromeda n'était pas intéressé par lui, je l'aurais su !

– Comment l'aurais-tu su ? s'étonna Narcissa, je ne me souviens pas que toi et Andromeda étiez particulièrement proches.

Rabastan eut un air un peu gêné un bref instant, puis il fit un geste de la main, comme pour écarter les questions stupides de Narcissa.

– Andromeda a toujours été une fille très bizarre. On aurait dû se méfier davantage. Mais de là à épouser ce type complètement insignifiant. Il a dû l'ensorceler avec un philtre, un sort, un envoûtement, n'importe quoi !

Il criait maintenant. Bellatrix se souvint pourtant des vêtements bleus en denim qu'elle portait, des chansons de sous-marin jaune et de portes peintes en noir qu'elle écoutait, de citations d'auteurs moldus comme ce Jack London retrouvées dans son journal, et surtout, de son regard profondément blessé lorsqu'elle avait appris, exactement deux ans auparavant dans le salon du Manoir des Black, que Rabastan et elle étaient des Mangemorts. Bellatrix savait, au fond d'elle, qu'Andromeda n'avait pas eu besoin de philtre d'amour pour épouser un Sang-de-bourbe.

– Je refuse de croire qu'elle a épousé cet idiot de Gryffondor ! hurla-t-il.

Le chandelier au-dessus des deux sœurs se mit à trembler, le sol à gronder, puis tout redevint calme la seconde suivante. Le souffle court, Rabastan sembla sur le point de dire quelque chose, mais il se ravisa et quitta la pièce précipitamment.

Narcissa et Bellatrix échangèrent un regard légèrement interloqué.

– C'est lui qui est bizarre, souffla Narcissa, avec une moue dédaigneuse.

– C'est un Lestrange, abonda Bellatrix d'un air entendu.

XxXxXxX

Malgré sa remarque ironique envers les Lestrange, Bellatrix était intriguée. Après que Narcissa fut rentrée au manoir de leur père, elle décida qu'il était temps d'avoir une conversation sérieuse avec lui. Elle n'avait jamais vu Rabastan agir de la sorte. Parmi tous les membres de la famille Lestrange, vivants ou morts, Rabastan avait toujours été celui qui avait été le plus amène avec Bellatrix au fil des années. Même lorsque Rodolphus, à l'époque de leurs longues fiançailles, avait tourmenté Bellatrix, Rabastan n'avait jamais semblé approuver ce comportement.

Plus tard, après qu'il eut rejoint les rangs des Mangemorts, la première mission que lui avait confiée le Seigneur des Ténèbres avait été d'assassiner la famille de l'Auror Maggins, avec Bellatrix et Ethan Rosier. Avec le recul, il était évident que c'était une mission très difficile pour un tout nouveau Mangemort. Les Aurors, ces chasseurs de Mages Noirs étaient redoutables. Bien-sûr, cette mission avait été un échec : bien que la femme et le bébé fussent morts, Maggins avait réussi à s'échapper, entraînant des conséquences funestes. Pendant des mois, Rabastan, Bellatrix et Ethan avaient été exclus de l'Ordre des Ténèbres, condamnés à traquer cet Auror au sang-de-bourbe pour racheter leurs fautes. Ethan avait été odieux avec Bellatrix – comme à son habitude – mais Rabastan, lui, avait été d'un grand soutien. Tout comme Bellatrix, il avait été meurtri d'avoir déçu le Seigneur des Ténèbres dès sa première mission. Comme elle, il avait payé le prix fort pour cet échec terrible, car Maggins s'était vengé en tuant la mère de Rabastan et en capturant Bellatrix.

Pendant les mois difficiles qui avaient suivi, Rabastan avait fait preuve de compassion. Sans dire qu'ils étaient proches, Bellatrix avait toujours trouvé en Rabastan un allié fiable, moins ombrageux que son frère, plus doux, comprenant aussi, comme seul un petit frère le put, combien la morgue et les inconduites de Rodolphus pouvaient être pénibles à supporter.

Enfin, elle avait remarqué qu'il n'avait pas participé aux festivités obscènes de son grand frère lors de la soirée de Nouvel An. Sans doute cela avait-il plus à voir avec l'embarras qu'aurait ressenti Rodolphus à s'adonner à des frasques libidineuses aux côtés de son petit frère, mais Bellatrix était tout de même reconnaissante envers Rabastan de ne pas être aussi dépravé que son frère. Comme c'était déjà le cas à Poudlard, Rodolphus aimait s'entourer d'une cour d'adorateurs avec qui il s'efforçait de mettre au point des farces cruelles à l'encontre des Gryffondors, d'organiser des beuveries secrètes dans les cachots, ou encore d'échafauder quelque attaque vengeresse envers quiconque leur déplaisait. Une cour très fermée, dont son frère, plus jeune, n'avait jamais fait partie. Bellatrix s'en était elle-même extraite après que Rodolphus avait commencé à loucher sur ses seins naissants et à laisser traîner des mains balourdes sur ses fesses. En définitive, pensa tristement Bellatrix, Rodolphus n'avait pas tellement changé.

Elle trouva Rabastan dans le salon-bibliothèque. Orientée sud, cette longue pièce aux multiples fenêtres était toujours baignée de lumière, mais en ce début d'après-midi d'été, il y faisait également très chaud. Le jeune homme avait remonté ses manches, et faisait les cent pas, les mains agitées d'un tic nerveux. Une bièraubeurre fraîche avait été posée sur une petite table à côté de lui, probablement par l'un des Elfes-de-maison. En la voyant s'avancer dans la pièce, il cessa de gesticuler. Il resta muet, les mains dans les poches et les yeux baissés.

– Tu sais, je n'ai jamais eu l'occasion de te demander, et Andromeda ne m'en a jamais parlée mais… Que s'est-il passé entre vous ? Ma mère m'a dit que vous avez été fiancés, plus d'un an, jusqu'au décès de ton père. Manifestement, Andromeda était tout à fait opposée à ces fiançailles.

Un sourire amer, Rabastan laissa échapper un rire étouffé. Bellatrix leva un sourcil.

– Ai-je mal compris la situation ? s'enquit-elle, avant de s'asseoir sur le grand canapé d'angle.

– Oh non ! C'est ce qu'elle répétait à qui voulait bien l'entendre, mais ça ne l'empêchait pas de coucher avec moi quand cela lui chantait, siffla-t-il avec rancœur.

– Pardon ? s'étouffa Bellatrix, le souffle coupé.

– Il faut croire que ta petite sœur n'est pas aussi respectable que toi, Bellatrix, continua-t-il sur le même ton, avant de se pencher pour se saisir de la bièraubeurre dont il but de grandes gorgées avant de la reposer sur la table.

Il reprit sa position près de la fenêtre, les poings serrés, et ne semblait pas vouloir élaborer sur la question. Bellatrix voulut confirmation :

– Vous couchiez ensemble ?

Rabastan ne la regardait plus, il avait de nouveau baissé les yeux, la mâchoire serrée.

– Pas de façon régulière… on a couché ensemble deux fois, expliqua Rabastan, à voix basse, mais à chaque fois, c'est elle qui est venue à moi et non l'inverse !

Bellatrix avait envie de lui lancer un sortilège, de se lever et d'exploser de colère. Sa petite sœur avait été fiancée à Rabastan ! Sa petite sœur s'était mariée à un Sang-de-bourbe ! Sa petite sœur avait couché avec un garçon avant le mariage ! Il lui semblait qu'elle ne cessait d'apprendre des nouvelles ahurissantes à propos d'Andromeda. C'était comme si elle ne l'avait jamais vraiment connue. Pourtant, elles avaient été si proches en grandissant. Même à Poudlard, Bellatrix avait toujours veillé à ce que sa petite sœur soit bien traitée par les autres élèves, à ce que ses devoirs soient toujours bien rédigés et rendus à l'heure, à ce que les garçons de Serpentard ne la reluquent pas avec lubricité. Elle avait été une grande sœur soucieuse et à l'écoute lorsqu'il le fallait. Avait-elle seulement la moindre idée de qui était cette jeune fille ?

– Explique-moi ce qui s'est passé entre vous, reprit Bellatrix, en tentant de garder son calme.

Rabastan ne se fit pas prier. C'était comme s'il avait attendu longtemps le moment où il pourrait révéler tout ce qu'il avait sur le cœur.

– Il y a deux ans, lors de ma dernière année à Poudlard, mon père et tes parents ont décidé de nous fiancer Andromeda et moi. En secret. Elle ne l'a pas pris aussi mal que toi lorsque tu as été fiancée à Rodolphus. En fait, elle avait presque l'air… contente. Elle disait qu'elle viendrait vivre ici, et qu'elle serait avec toi plus souvent. De mon côté, je n'avais jamais pensé à Andromeda de cette manière-là. A Poudlard, j'étais en couple plus ou moins officiellement avec une autre fille. J'ai tout de suite rompu avec cette fille, et j'ai commencé à m'intéresser à Andromeda. On est allés à Pré-au-Lard ensemble une fois. Je l'ai emmenée à quelques fêtes dans les cachots. Et puis, la veille de mon départ de Poudlard, elle est venue me rejoindre dans ma chambre de Préfet-en-chef. Comme ça, de son plein gré, je ne l'avais pas invitée, on ne s'était même jamais embrassés !

– Elle faisait ça souvent… ? demanda Bellatrix choquée, se rendre dans les dortoirs des garçons en pleine nuit ?

– Je ne pense pas, c'était sa première fois, répondit Rabastan, je n'ai jamais vraiment compris pourquoi elle était venue ce soir-là.

Bellatrix hocha la tête avec consternation. Personne ne savait jamais vraiment ce qui passait par la tête d'Andromeda. C'était une autre de ses extravagances, entre la musique moldue, les vêtements bizarres, voilà qu'elle avait décidé de donner sa virginité à un garçon avec qui elle n'était même pas en couple.

– Vous vous êtes mis ensemble après cela ?

– Plus ou moins, soupira Rabastan, on s'est écrits quelques fois. J'ai essayé d'être gentil avec elle. Mais tout a changé la semaine suivante quand je suis entré au service du Seigneur des Ténèbres, et qu'elle l'a appris quelques jours après chez ton oncle et ta tante.

– Je m'en souviens.

– Je pense que ça lui a fait un choc d'apprendre que tu étais à son service aussi, ajouta Rodolphus, toujours est-il qu'elle n'a plus daigné répondre à mes lettres à partir de ce moment-là. Quand l'été s'est terminé et qu'elle est retournée à Poudlard, j'étais un peu décontenancé de ne pas recevoir de nouvelles. Je me suis dit qu'elle avait simplement besoin de temps. Elle est restée silencieuse à toutes mes lettres, sauf en octobre et en décembre. En octobre, elle m'offrait ses condoléances pour la mort de ma mère.

À ses mots, Rabastan posa sur Bellatrix un regard hésitant. Au moment de la mort de la mère Lestrange, elle était elle-même aux mains de son ravisseur Maggins, à subir les sévices les plus ignobles. Il y pensait aussi, évidemment. Chez les Lestrange, ce jour noir n'était plus jamais évoqué.

– Et puis, en décembre, dans un tout autre style, elle m'a demandé si j'avais pris part à « l'attaque terroriste » à Pembroke, reprit-il en mimant les guillemets dans les airs, en me faisant bien savoir qu'il était intolérable que j'aie pu m'en prendre à quelques Sangs-de-bourbe.

Rabastan s'étrangla de rire en levant les yeux au ciel. Bellatrix se souvint qu'elle avait reçu une lettre similaire d'Andromeda, ce qui l'avait incitée à voir ses deux sœurs à Pré-au-Lard, pour leur rappeler leurs devoirs envers leurs familles. Andromeda avait eu un air hargneux, revêche, et avait fait savoir, avec verve, qu'elle désapprouvait complètement les idéaux du Seigneur des Ténèbres. Quelle idiote, pensa furieusement Bellatrix.

– Elle n'a cessé de demander à nos parents de briser vos fiançailles à partir de ce moment-là, devina Bellatrix.

– Et c'est ce qu'elle a obtenu le jour de la mort de mon père, dit Rabastan avec amertume. Comme tu le sais, c'était en août de l'année dernière, les préparatifs pour le mariage avaient commencé, une date avait notamment été fixée… Elle ne m'adressait plus la parole, mais j'étais trop occupé par mon service auprès du Seigneur des Ténèbres pour m'en préoccuper. Pourtant, le jour même de la mort de mon père, après les obsèques, elle est venue au Manoir Lestrange. Elle m'a dit que ses parents avaient accepté de rompre nos fiançailles. Elle n'aurait pu choisir meilleur jour pour me l'annoncer. J'étais en plein deuil, après m'être tout juste remis de la mort de ma mère. Pourtant, elle s'est peut-être rendu compte que ce n'était pas très délicat de sa part, car la seconde d'après, elle s'est déshabillée et m'a plus ou moins sautée dessus. Tout comme la première fois, ça n'avait absolument aucun sens.

Il hocha la tête un peu la tête, comme s'il essayait de comprendre les agissements plus qu'inhabituels de son ex-fiancée. Bellatrix ne put s'empêcher de se souvenir qu'elle avait elle-même employé les mêmes moyens pour consoler Rodolphus de la mort de son père. Elles étaient peut-être plus similaires qu'il n'en paraissait, se dit-elle, un peu étonnée.

– Quelques jours après, elle avait disparu, termina-t-il.

Il finit sa bièreaubeurre, et s'installa sur le canapé à côté de Bellatrix, avec un profond soupir. Avachi, la nuque en-arrière contre le dossier du canapé, les yeux fermés, Bellatrix se fit la réflexion qu'il ressemblait énormément à son grand frère. Il était moins ferme, moins cruel, moins acerbe, mais il avait la même façon de parler, les mêmes expressions du visage, le même sourire. A ce moment précis, Rabastan arborait un air fatigué, irrité, perdu, un air qu'elle avait souvent vu sur le visage de Rodolphus.

– Ce n'est pas très reposant d'être fiancés à des sœurs Black il faut croire, souffla-t-elle, presque amusée.

Rabastan renifla, un rictus aux lèvres.

– J'espère pour Lucius que la petite Narcissa est moins bizarre que toi et Andromeda, plaisanta Rabastan, avant de frotter ses yeux, comme pour y enlever la fatigue, la réminiscence de ces souvenirs à la fois douloureux et insensés.

Parce qu'il lui était douloureux de penser à ce pervers de Lucius Malefoy, Bellatrix ne répondit pas.

– Je plaisante bien-sûr, reprit Rabastan.

Il s'était un peu redressé et regardait maintenant Bellatrix dans les yeux.

– Tu es beaucoup moins bizarre que ta sœur, assura-t-il avec un léger sourire.

– Merci, répondit Bellatrix, même si Rodolphus doit penser l'inverse.

– Rodolphus est un idiot, répondit-il aussitôt, l'air sévère, il s'en rendra compte quand sa colère sera retombée. Mais il faut dire que tu ne l'as pas raté quand tu l'as torturé. Dire que j'ai dû aller chercher le Seigneur des Ténèbres pour te stopper. Tu étais incontrôlable.

Bellatrix baissa les yeux.

– Il croit que j'ai fait exprès de perdre le bébé, et ce n'est pas le cas, répondit Bellatrix, il me dit des choses horribles, m'insulte, et se permet même de se pavaner avec sa catin sous mes yeux.

– Alecto n'est qu'un passe-temps, elle est drôle, et elle ne lui demande jamais rien, expliqua Rodolphus d'une voix douce.

– Elle est vulgaire, moche comme un pou et conne ! s'exclama Bellatrix, les poings serrés, et les joues rougies par la colère ; par la honte aussi.

– Elle n'est pas si conne que ça… Tu sais, tu devrais lui parler plus souvent, ajouta Rabastan, elle m'a dit des choses intéressantes à propos de ta grossesse.

– Comment ça ? se renfrogna aussitôt Bellatrix.

– Elle m'a dit que lorsqu'elle t'avait auscultée et découvert que tu étais enceinte, elle avait perçu que le bébé n'était pas bien accroché. Il y avait quelque chose qui clochait. Tu avais déjà failli le perdre à ce moment-là. Ce n'est jamais bon signe. Elle pense que le raid en Roumanie n'y est pour rien. Tu l'aurais perdu quoi qu'il arrive.

Un mélange d'émotions parcourut Bellatrix à l'entente de ces mots. En premier lieu le mépris et l'agacement de savoir qu'Alecto et Rabastan se permettaient de parler d'elle derrière son dos, l'indignation que cette apprentie médicomage puisse faire des conjectures de cette nature sans y être invitée, et enfin, un sentiment irrépressible de soulagement. Avec horreur, elle sentit les larmes lui monter aux yeux. Se pouvait-il que ce soit vrai ? N'y était-elle vraiment pour rien ?

Rabastan détourna les yeux, gêné, en percevant le trouble de Bellatrix. Il tapota maladroitement sa main, puis se leva pour sortir de la pièce.

– Je retiens que tu m'as corrigée sur le « conne », mais pas sur « vulgaire et moche comme un pou », releva Bellatrix d'un air gouailleur.

Rabastan éclata d'un rire franc.

– C'est un laideron, je te l'accorde.

Ce fut au tour de Bellatrix d'éclater d'un rire franc et malicieux.

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Depuis le raid en Roumanie, Rodolphus s'efforçait d'éviter Bellatrix autant que possible. La plupart du temps, lorsqu'il la croisait au manoir, il l'ignorait, sans même daigner poser un regard sur elle. Si l'humeur le rendait plus hargneux, il se permettait quelques insultes – toutes lapidaires, cinglantes et cruelles. Bellatrix, désormais habituée à ces attaques, se glorifiait de ne ressentir qu'un léger pincement au cœur quand cela arrivait. Pourtant, certaines interactions plus sérieuses restaient inévitables, comme lors des réunions du Cercle des Ténèbres ou des grands événements mondains.

C'était justement l'une de ces occasions, en cette fin de juillet. Un événement d'envergure se préparait : le mariage de la jeune héritière des Avery avec le patriarche des Rosier. Les pères Avery et Rosier faisaient partie des premiers à avoir rejoint le Seigneur des Ténèbres au tout début de son ascension. Lord Voldemort, ces deux hommes, ainsi que feu Reginaldus Lestrange avaient été camarades de classe à Poudlard. Maintenant veuf, Ennius Rosier avait jeté son dévolu sur la très jeune Géraldine Avery, fille unique de son ami, Enguerrand Avery. Ce mariage devait sceller l'amitié indéfectible entre les deux familles et confirmer leur place privilégiée aux côtés du Seigneur des Ténèbres. Ennius Rosier avait déjà deux fils : l'un, Ethan, était déjà Mangemort ; l'autre, Evan, encore étudiant à Poudlard.

De nombreux Mangemorts influents étaient invités, ainsi que la crème de la haute société sorcière. Rodolphus, Bellatrix et Rabastan faisaient évidemment partie des convives. Bellatrix avait longuement réfléchi à plusieurs stratagèmes pour éviter de se rendre à ces fiançailles. Elle n'avait guère envie de se sociabiliser, de prétendre être l'épouse modèle de Rodolphus, ou l'amie fidèle de Géraldine Avery, autrefois surnommée « le Fantôme ». Cependant, elle avait abandonné tous ces plans dès lors qu'elle avait appris que son Maître ferait une apparition. Si jouer la comédie une journée était le prix à payer pour le voir, elle était prête à toutes les courbettes imaginables.

Bellatrix était cependant particulièrement courroucée par la présence de Rodolphus à ses côtés, feignant de l'ignorer, le regard distant balayait la salle des invités, tout en l'évitant soigneusement. Elle le vit esquisser un sourire amusé en direction d'Alecto Carrow, de l'autre côté de la pièce, à quoi elle répondit par un sourire lascif. Bellatrix sentit la colère monter en elle. Leur petit jeu la dégoûtait d'autant plus qu'elle avait passé la nuit la plus exécrable de sa vie à cause d'eux.

Au milieu de la nuit, Bellatrix avait d'abord cru que des oiseaux, chantonnant des airs d'été, l'avaient réveillée dans la fraîcheur nocturne. Cette illusion s'était rapidement dissipée quand des éclats de rire retentirent, suivis par des bruits sourds de meubles fracassés et de coups contre les murs. Les sons provenaient du premier étage, juste en-dessous. Bellatrix savait pertinemment que la chambre sous la sienne était celle de Rodolphus. Elle entendit à nouveau ce rire perçant, aigu, féminin, qui s'éteignait dans un gémissement de plaisir tonitruant. Ulcérée, Bellatrix avait jeté ses couvertures d'un geste rageur et était descendue frapper à la porte de la chambre. Un instant, le bruit cessa. Puis elle entendit distinctement une voix murmurer :

– Ne t'arrête pas.

Bellatrix frappa de plus belle, se maudissant intérieurement de ne pas avoir pris sa baguette. De longs soupirs se firent entendre, puis la porte s'ouvrit sur un Rodolphus particulièrement échevelé, haletant, presque entièrement nu, qui la regardait d'un air sombre et menaçant.

– Un problème, pétasse ? demanda-t-il d'un ton acerbe.

– Est-ce que toi et ta pute pourriez cesser vos ébats ? On vous entend dans toute la maison.

– Mmh... fit Rodolphus, faisant mine de réfléchir, puis, se tournant vers Alecto, il ajouta : tu penses pouvoir faire un peu moins de bruit, Alec' ?

Bellatrix leva les yeux au ciel en entendant ce diminutif ridicule. En se retournant, Rodolphus dévoila l'intérieur de la chambre. Sur le lit, Alecto était étendue, nue comme un ver, plus rousse que jamais, la peau rougie et luisante, un large sourire aux lèvres. Elle éclata de rire bruyamment, mais en croisant le regard noir de Bellatrix, elle s'interrompit.

– Loin de moi l'idée de semer la zizanie chez les Lestrange, dit-elle d'un ton apaisant.

Elle fixa Bellatrix un instant, laissant ses yeux glisser le long de sa silhouette. La nuisette très fine de soie qu'elle portait ne laissait rien à l'imagination. La rage de Bellatrix redoubla. Si seulement elle avait pris sa baguette...

– Elle peut nous rejoindre si elle veut, reprit Alecto, un sourire libidineux aux lèvres.

– Je ne suis pas une sale dépravée comme toi, cracha Bellatrix, choquée par cette proposition indécente.

Quelle bande de pervers, pensa-t-elle furieusement. Rodolphus, non plus, ne sembla pas apprécier cette remarque, car il s'empressa de dire que c'était hors de question. Il posa alors une main sur Bellatrix pour la faire reculer, puis referma brusquement la porte de la chambre derrière lui.

– Qu'est-ce que tu cherches, Bellatrix ? souffla-t-il à quelques centimètres de son visage.

– Tes parents auraient honte de toi, répondit-elle d'un ton égal, le menton levé.

– Mêle-toi de ce qui te regarde, répliqua-t-il avec morgue. Quel intérêt de venir frapper à ma porte ? Tu ne pouvais pas insonoriser ta chambre ? T'étais curieuse de me voir coucher avec elle ? Ça t'a excitée de nous entendre ?

– Tu ne m'as jamais excitée, pauvre plouc, rétorqua Bellatrix.

– Menteuse, dit-il dans un sourire cruel.

D'un geste brusque, il la repoussa contre le mur du couloir. Il effleura l'un de ses tétons à travers la nuisette, dur et pointé vers lui.

– J'ai juste froid.

Il rit. Rapidement, sa main glissa sous sa nuisette, ses doigts effleurant son sexe, trempé et suppliant d'être touché.

– Ce n'est pas à toi que je pensais, sale vicelard, retire tes mains.

Rodolphus retira ses mains. Il ne riait plus. Il la regardait, les pupilles dilatées, le souffle court, un sourire sardonique aux lèvres.

– Tu veux que je te baise, Bellatrix ? Tu n'as qu'à te retourner. Relève ta robe, montre-moi ton cul, et je te baiserai profondément et rapidement, pour que je puisse retourner profiter de l'autre chienne dans la chambre. C'est ça que tu veux, non ?

Bellatrix plissa les yeux, dégoûtée et pleine de haine. Le mépris dans ses yeux l'emplissait de désespoir, même si, au fond de son âme, elle ne pouvait nier qu'une part d'elle-même avait envie de faire exactement ce qu'il demandait. Se retourner, le laisser glisser ses mains sur ses seins nus, sensibles au moindre contact ; le laisser la pénétrer dans ce couloir, cambrée au maximum, la robe relevée, pour enfin sentir son corps se crisper autour de lui et entendre le bruit obscène de leurs corps s'entrechoquant. Évidemment, elle ne fit rien de tout cela. Elle le repoussa brutalement et se contenta de l'insulter avant de s'éloigner.

De retour dans sa chambre, elle s'était réfugiée dans son lit, refusant de céder à son désir incontrôlable. Elle savait que, dans les affres du plaisir, ce serait Rodolphus qu'elle risquerait de voir, et il était absolument intolérable de le laisser s'immiscer dans ses fantasmes qu'elle réservait à son Maître. Quel goujat. Quel salopard.

Tentant d'oublier l'humiliation de la veille, Bellatrix ne ressentait que honte et rage en observant la complicité partagée entre Rodolphus et Alecto. Tandis qu'elle se torturait dans les méandres de ses désirs inavouables, ces deux-là agissaient comme si elle n'existait pas, invisible au milieu des invités. Bellatrix n'aurait pu imaginer humiliation plus grande.

Elle fut bientôt tirée de ses pensées moroses par l'arrivée d'invités de haut rang venus les saluer, Rodolphus et elle. Il y eut les Malefoy, les Parkinson, les Fawley, puis les Crabbe. Les Rosier semblaient avoir convié absolument tout le monde. Rodolphus jouait alors les maris attentionnés, veillant aux moindres besoins de sa femme, l'étreignant doucement par la taille tout en lui proposant un verre de vin pétillant. Bellatrix leva les yeux au ciel, tentant d'ignorer la sensation désagréable de sa main sur elle. Soudain, son regard fut happé par un petit sorcier moustachu au fond de la salle de réception. Il se dérobait à sa vue, disparu derrière les flots des invités, mais réapparaissait fugitivement entre deux capes, deux robes. Elle fronça les sourcils, troublée.

– Ce n'est pas possible… murmura-t-elle, sous le choc.

Rodolphus, interrompant sa dégustation de vin, tourna vers elle un regard interrogateur, un sourcil levé.

– Que t'arrive-t-il encore ? À qui vas-tu gâcher la journée cette fois ?

Voyant qu'elle restait figée, il scruta la salle à son tour, cherchant ce qui pouvait bien la laisser interdite. Au bout d'un moment, il poussa un soupir las.

– Cet Ethan Rosier… Quel imbécile…

Bellatrix, encore sous le coup de la surprise, en oublia momentanément sa rancœur envers Rodolphus.

– Non, non, murmura-t-elle, regarde là-bas, ce sorcier moustachu. C'est Edgar Mirepoix. Je le reconnais parfaitement. C'est ce misérable charlatan qui m'a soignée après que j'ai pris ma potion de stérilité. Ce crétin a osé régénérer mes ovaires sans que personne ne le lui demande ! Il est censé être mort !

– Mmh, mmh… Ethan Rosier était supposé avertir son père de ne pas l'inviter, répondit Rodolphus d'un ton désinvolte, mais Bellatrix perçut sans mal la moquerie perverse tapie dans ses paroles.

– Quoi ? Mais quel rapport avec Rosier ? Je te dis que cet homme est censé être mort ! C'est le Seigneur des Ténèbres qui me l'a dit !

– Ah… C'est ce qu'il t'a dit… Mais ce qu'il a "omis" de te préciser, c'est que c'est lui qui a demandé à Mirepoix de te régénérer les ovaires. À la demande de mon père… et de moi.

Bellatrix resta pétrifiée, horrifiée. Les traits de Rodolphus, déformés par un plaisir cruel, semblaient confirmer l'impossible.

– Quoi ? répéta-t-elle d'une voix blanche, presque inaudible.

– Mon père n'aurait jamais toléré que la lignée des Lestrange soit rompue parce qu'une "folle" a décidé de détruire ses ovaires. Ton viol par ce Sang-de-Bourbe fut l'occasion rêvée pour faire venir Mirepoix et réparer ta "petite erreur". Bien entendu, mon père, paix à son âme, ignorait que tu t'empresserais de mettre fin à la vie que tu portais à peine fécondée.

Les paroles de Rodolphus résonnaient en elle comme un glas funèbre. Le sol semblait se dérober sous ses pieds. Trois hommes avaient décidé de s'approprier son corps sans son consentement. La trahison était absolue. Que le patriarche des Lestrange ait élaboré un plan pour préserver sa lignée, elle pouvait l'imaginer… Mais que Rodolphus, celui qui prétendait l'aimer, et pire, son Maître, à qui elle avait juré allégeance, aient participé à ce complot sordide… Cela dépassait tout. Elle croyait qu'il la comprenait. Elle croyait qu'il ne la réduirait jamais à un simple instrument de reproduction, une "vache à lait" vouée à perpétuer une lignée de sorciers au sang pur. Elle croyait qu'il la respectait.

Les larmes lui montèrent aux yeux. Le rire sifflant de Rodolphus, comme lointain, accentuait encore l'intensité de sa souffrance. Autour d'elle, personne ne semblait remarquer son désarroi. Comme toujours, elle était invisible au milieu de la foule. Brisée, son regard accrocha soudain celui qui faisait battre son cœur et frissonner son âme.

Lord Voldemort, droit et imposant, se tenait à quelques pas, entouré de ses plus anciens fidèles, Enguerrand Avery et Ennius Rosier. Il interrompit sa conversation pour planter ses yeux dans les siens. Bellatrix distingua une légère crispation dans son expression, un froncement de sourcils à peine perceptible. Submergée par un élan de rage, elle fendit la foule pour le rejoindre. Rodolphus tenta de la retenir d'un geste brusque, mais elle se dégagea avec force.

Arrivée devant son Maître, elle s'immobilisa, les yeux levés vers lui, ses larmes roulant librement sur ses joues.

– Madame Lestrange, la saluèrent Avery et Rosier en inclinant légèrement la tête.

Elle les ignora. Une seconde, puis deux. Voldemort, exaspéré, soupira avant de murmurer d'une voix glaciale :

– Suis-moi.

Sans un mot, Voldemort se tourna et se dirigea vers une pièce adjacente. Bellatrix le suivit d'un pas ferme, abandonnant le tumulte de la réception derrière elle. Chaque fibre de son être était tendue, désespérée de comprendre ce qu'il avait à lui dire. Elle avait l'impression que le monde s'effondrait autour d'elle. Si le Seigneur des Ténèbres l'avait réellement trahie, alors plus rien n'avait de sens ni d'importance.


Il va sans dire que je lis tous vos commentaires, et que ceux-ci me motivent, même si je mets des années à écrire un chapitre. Si vous avez lu celui-là, donnez-moi vos impressions.

Merci,

SamaraXX