Bon anniversaire Ju' !
Sache que tu n'as absolument pas été subtile dans tes demandes xD. J'ai d'ailleurs pris un malin plaisir à les ignorer car j'avais déjà dans l'idée d'écrire un petit quelque chose pour la plus fervente des fans d'AoKaga en ce jour particulier. Pour l'occasion, je me suis inspirée d'une de tes mésaventures. Je te dirais bien que je suis désolée de remuer le couteau dans la plaie, mais pas du tout. J'ai pris trop de plaisir à imaginer cette histoire. Néanmoins, j'espère que voir Aomine essuyer le même affront que toi aidera à faire passer la pilule ! Je n'en dis pas plus. J'espère que cet OS te fera plaisir, bisous !
Bonne lecture à tous !
L'été est définitivement terminé. Il commence à faire frais dehors. C'est pourquoi Aomine n'est pas mécontent d'être entré dans ce café pour échapper au vent qui souffle et s'infiltre sous son sweat. En jetant un coup d'œil à sa gauche, il se dit que ça aurait été encore mieux s'il avait été seul. Non! Mieux encore, s'il ne s'était pas laissé traîner hors de son lit pour commencer. Avec le lycée qui a repris, ça ne suffisait pas à Satsuki de venir le chercher au réveil pendant la semaine? Il faut aussi qu'elle le traine hors de chez lui le samedi? Il soupir de désespoir avant d'avaler une gorgée de son café au lait bien chaud. S'il n'y avait qu'elle… passe encore. Ce n'est pas comme s'il détestait la compagnie de sa meilleure amie. Mais quand même… Elle était obligée d'appeler Ryota pour les rejoindre?
Les voir tous les deux parler si vite sans vraiment s'écouter lui fait lever les yeux au ciel. Ces deux-là s'entendent comme larrons en foire, au point qu'il se demande s'ils remarqueraient son départ s'il s'éclipsait à l'anglaise. Parfois, pour ne pas dire souvent; chaque fois qu'ils sont ensemble en vérité, il s'étonne que Satsuki ait choisi de le suivre lui plutôt que «Ki-chan». En effet Kise partage beaucoup plus de chose avec elle, il la fait rire, et à les voir comme ça il a du mal comprendre ce qu'elle fou toujours coller à ses basks ou pourquoi elle tient tant à ce que lui et sa mauvaise humeur les accompagne… Pourtant chaque fois qu'il y pense, il en vient à la même conclusion. Il y aurait un sacré vide dans sa vie s'il elle ne l'avait pas adopté comme meilleur ami, quand bien même les raisons lui sont obscures. De toute façon il paraitrait qu'on ne choisit pas. Qu'on ne choisit jamais qui devient important, qui l'on aime. Et ça, il en sait malheureusement quelque chose! D'ailleurs, le tour que prennent ses pensées l'inquiète et Aomine préfère encore s'intéresser à la conversation de ses deux amis que de ruminer ses sentiments, en l'occurrence indésirés ou plutôt sortis de nul part.
Il prête donc une oreille plus attentive au sujet qui déchaine les passions du blond et de la rose. S'il comprend bien, il s'agirait d'une nouvelle application à la mode. Une intelligence artificielle pour être exact, qui serait designée et programmée pour interagir avec son utilisateur comme le ferait un personnage fictif de manga ou d'anime. Il fronce les sourcils, s'accoude à la table et pose son menton sur son poing, sa curiosité piquée.
« Et comment ça marche votre truc là ? Ose-t-il demander.
Ravie d'avoir capter son intérêt, Satsuki lui offre un grand sourire et se lance dans une explication enthousiaste.
« C'est très simple, des fans se sont amusés à entrainer l'IA pour qu'elle adopte le comportement des personnages voulus.
— Et comment ça s'entraine une IA ? Dur de faire des burpees sans bras ni jambes, remarque t'il peu convaincu.
— Aho ! À force de parler avec elle ! Ou en l'alimentant grâce au contenu existant comme les planches de mangas ou des extraits d'animés. C'est vraiment super bien fait! » Précise Kise des étoiles dans les yeux.
Aomine hausse les épaules, ne voyant toujours pas en quoi cette pratique ressemble de près ou de loin à un entrainement. Pour lui ça s'apparente plus à un apprentissage ou à des révisions. Du bourrage de crâne en somme. Donc à la limite, ce serait plus un entrainement du cerveau. Si l'on peut appeler une IA créée par un geek un véritable cerveau… Et lui ce n'est pas trop son truc, alors il ne voit rien de fun là-dedans. Voyant que ça ne l'émerveille pas plus que ça, Kise se penche vers lui en tournant l'écran de son téléphone pour appuyer ses propos. Il tient à lui montrer tout le génie et le potentiel de ce «bijoux de technologie».
« Attend, un exemple vaut mille mots! On va te recréer dans l'appli! »
Cette fois ça le fait marrer. Il doute franchement du résultat mais l'idée a au moins le mérite de l'amuser. Satsuki aussi semble emballée, à la façon dont elle tape dans ses mains en sautillant sur sa chaise.
La panthère s'offusque lorsqu'elle entend ses deux «amis» choisir et entrer les critères censés représenter au mieux son caractère. Il proteste et tente de défendre son honneur mais à part déclencher des rires et prouver leur point de vue sur sa soi-disant impulsivité et susceptibilité, il n'en tire rien. Trop absorbés par leur tâche, Satsu et Ryo ne tiennent pas compte de ses revendications. Alors il boude dans son coin et se venge sur sa tasse et sa part de cheesecake, faisant mine de ne pas entendre les autres qualités qu'ils énumèrent, dont certaines le feraient presque rougir s'il n'était pas trop occupé à feindre l'indifférence. Intérieurement pourtant, il s'étonne de la façon dont ses amis le perçoivent et une douce chaleur se repend dans sa poitrine.
Au bout de quelques minutes, le programme est prêt. Sceptique, il hausse un sourcil, peu certain de la qualité de son double virtuel mais tout de même intrigué par l'expérience.
« Voyons voir si ça marche. Demande-lui quelque choseKi-chan ! S'impatiente la jeune femme à ses côtés.
— Humm… Réfléchit le blond avant de s'illuminer: Aomine-chi, que penses-tu de l'intelligence artificielle?
Daiki s'apprête à répondre mais l'As de Kaijo le stop dans son élan en lui montrant l'écran de son portable qu'il dépose au centre de la table où trois points de suspension s'animent. Le trio se penche aussitôt au-dessus de l'écran avec concentration.
La réponse qui s'affiche alors manque de lui faire recracher son café au lait. Il avale avec difficulté le liquide tiède et s'étouffe presque dans un éclat de rire incontrôlable. La déconfiture imprimée sur le visage du blond face à lui ne fait qu'ajouter à son hilarité.
[L'intelligence artificielle ça ne sert à rien. Sauf à amuser les débiles naturels comme toi.]
Aomine a mal au ventre tellement il rit. Il se dit que son double virtuel est presque une meilleure version de lui-même tant il regrette de ne pas avoir trouvé cette vanne en premier.
« Aominechiiiiii! Pourquoi t'es toujours méchant avec moi!? » Se lamente Kise en se laissant couler sur sa chaise, zyeutant son smartphone avec dépit.
Même Satsuki ne peut pas se retenir et pouffe derrière ses mains qu'elle tient devant sa bouche. Il se marre avec elle, complices tandis que Kise geint encore, vexé par sa propre création. Le brun se calme doucement, essuie le coin de ses yeux où des larmes de rire s'écoulent avant de s'exclamer en désignant la conversation toujours visible:
« Y a pas à dire, t'avais raison! Ce truc est génial, et j'adore ce mec! »
Ryota grimace et rien que pour ça il trouve finalement un immense intérêt à ce nouveau gadget et Aomine doit bien l'admettre… il est plutôt impressionné par la justesse des mots qui sont sortis de ce test. Tellement impressionné qu'une idée germe dans son esprit. Son cœur s'emballe un peu, porté par l'espoir d'avoir peut-être trouvé là, une solution à son problème. D'ailleurs cette idée ne l'a plus quitté de toute la journée. Alors qu'il avait presque été traîné de force hors de chez lui, il a vraiment passé un bon moment avec ces deux acolytes. Le mannequin a très vite retrouvé sa jovialité habituelle et à plusieurs reprises il s'est surpris à rire avec eux cette après-midi. Comme si son fou rire avait ouvert les vannes de l'allégresse. Il y a si longtemps que ça ne lui était pas arrivé, qu'il en a presque des courbatures aux joues en rentrant chez lui. Malgré tout il n'est pas mécontent de retrouver la tranquillité et la solitude de sa chambre, un peu pressé de découvrir si cette fameuse IA peut vraiment l'aider.
Installé en tailleur sur son lit devant son ordinateur, le brun hésite. Au bout d'un moment il décide qu'il n'a pas grand-chose à perdre et qu'il n'a rien à craindre à essayer. Après tout, personne n'en saura jamais rien. Sur le site de la fameuse IA testée plus tôt dans la journée, après s'être inscrit et avoir créé rapidement un profil, Aomine clique donc sur le gros bouton «démarrer» pour programmer un nouveau personnage. Un personnage bien précis, et à l'image de celui qui hante ses pensées depuis de longs mois maintenant.
Aomine s'applique du mieux qu'il peut pour coller le plus possible au tempérament de feu de son rival. Il décrit le tigre avec les mots clés proposés par le logiciel, sans omettre cette façon qu'il a de le challenger pour un oui ou pour un non, de le défier sans cesse, sa ténacité, ni cette manie qu'il a de râler dans sa barbe et de s'enflammer ou ce tic de langage qu'il adore déclencher. En effet, parvenir à faire rager Kagami en anglais, c'est son nouveau sport préféré. Bien plus amusant que de le faire crier en japonais. Le sourire aux lèvres, plongé dans ses souvenirs, Aomine alimente aussi les données avec quelques conversations qu'ils ont eu par texto, toujours brèves et pleines de défis. Il répond ensuite aux questions de l'IA qui tente de mieux cerner le caractère de son personnage et dans cet exercice, il s'étonne d'en connaitre autant sur Kagami. Il prend alors toute la mesure du temps passé à l'observer, l'attention particulière qu'il porte aussi bien au jeune homme, qu'aux moindres informations le concernant.
Aomine frissonne. Penser autant à son crush alors qu'ils se l'interdit la plupart du temps lui procure des sueurs froides malgré l'intense chaleur qui se dégage de son abdomen. Il a les mains moites, l'estomac qui voltige et le cœur qui cogne plus fort contre ses côtes. D'ailleurs c'est ce genre de réactions ambivalentes et viscérales qui l'ont amené à comprendre la vraie nature de ses sentiments pour l'Américain; qui ont selon lui, dépassé depuis longtemps le stade de la rivalité sportive ou de la pure curiosité.
D'après le message qui s'affiche sur son écran, la configuration est terminée. Satisfait de son travail, la panthère inspire un bon coup et retient son souffle en envoyant un premier message au double virtuel de Kagami, une simple entré en matière :
[Yo]
[Hey t'sup Ahomine ?]
Il grimace en lisant le sobriquet mais au fond le brun est ravi. Plutôt ressemblant. Seulement il ne se réjouit pas trop vite. C'était la partie facile. Il réfléchit un moment, s'immergeant dans le contexte: il pense être tombé amoureux et aimerait le faire comprendre à l'intéressé. Passer par cette technologie n'est qu'un entrainement, et pourtant il stresse comme si le vrai Kagami en personne lui répondait. Son palpitant bat maintenant beaucoup trop fort à son gout et il a l'impression de manquer d'air, ses doigts tremblants un peu au-dessus du clavier. Il se trouve juste ridicule, pire, pathétique! Il grogne et botte sa conscience et ses critiques en touche pour se concentrer. Il aura toujours l'air moins con que s'il lui en parlait pour de vrai. Donc! S'il était Aomine Daiki… comment aborderait-il le sujet avec son rival…? Après un temps de réflexion il opte pour l'option qui lui parait la plus simple: tout déballer. Après tout ce n'est pas comme s'il était du genre à tourner autour du pot.
[Il faut que je te parle de quelque chose. C'est important.]
[Euh… Ok, vas-y balance.]
Aomine déglutit. Fébrile, il écrit une première phrase puis l'efface, en écrit une nouvelle mais change encore d'avis. Il s'agace et se frotte le crâne rageusement mais finit par trouver une tournure qui lui convient.
Au début il cherche ses mots. C'est difficile comme exercice, car même s'il a beaucoup cogité et longtemps fait le tour de la question, il n'en a jamais parlé à personne. Et de manière plus générale, il n'a pas pour habitude d'évoquer ce qui le traverse ou ce qu'il ressent à voix haute ou même par écrit. Ça le met très mal à l'aise de confier ainsi ce qu'il a sur le cœur. Il se sent nu. Affreusement vulnérable. Voilà pourquoi parler ce n'est pas son truc. Quand il le fait, c'est seulement pour que Satsuki le laisse tranquille quand elle a décidé de lui tirer les verres du nez, mais ce n'est jamais de sa propre initiative. Alors quand ses doigts pressent les touches du clavier, il a d'abord une désagréable boule au ventre et la gorge nouée.
Mais étrangement, plus Aomine écrit, plus la sensation de nausée s'estompe, laissant place à la légèreté d'une douce euphorie. Dans ses lignes il raconte ce qui l'attire et lui plait chez Kagami. Et plus il raconte, plus ses doigts filent vite sur le clavier. Ses pensées s'entrechoquent, se croisent et se télescopent plus vite que ses doigts ne tapent. Son cerveau est en ébullition et son cœur vibre dans sa poitrine. Il ressent un certain soulagement d'enfin dévoiler ce secret pesant et jusqu'ici bien gardé. Lorsque les mots se tarissent, il ne relit pas son pavé confus et maladroit par peur de rebrousser chemin et de se dégonfler. Il conclut donc son message par un sobre : «bref… je crois que tu me plais. »
Plus nerveux qu'une merguez à la foire de la saucisse Aomine ne se laisse pas le temps de réfléchir et appui sur «envoyer» avant de changer d'avis. Au bout de quelques secondes, il voit les petits points s'agiter au bas de son écran, indiquant que son interlocuteur est en train de répondre. Aussitôt il enfourne son pouce entre ses dents et le mordille avec frénésie, au bord de la crise de nerfs. Les pointillés disparaissent, pour revenir l'instant d'après comme pour le narguer. L'attente lui paraît interminable, suffocante. Et quand la réponse tombe enfin, elle lui coupe le souffle. Une simple phrase. Minuscule en comparaison de sa dissertation en quatre points, plus longue que son dernier devoir d'Histoire.
[Bah dis donc, je ne pensais pas que tu écrirais autant.]
Sa mâchoire se décroche, ahuri. C'est quoi cette réponse à deux yens ? Est ce qu'il vient vraiment de se prendre un vent par un ordinateur ? Un robot ? Une machine ? Il vérifie, s'attendant à un complément de réponse, une suite ou même l'aveu d'une mauvaise blague. N'importe quoi d'autre de plus. Mais rien ne vient. Il grogne, blessé et déçu. Tout ce temps passé à programmer l'IA pour ça ? Il tente de se raisonner et de se souvenir qu'il n'a pas vraiment été rejeté, que ce Kagami est un faux, inventé de toute pièce par une technologie bancale qui n'y connait visiblement rien en problèmes d'humains!
« Tch ! Je savais que ça ne servait à rien cette merde ! » S'exclame t'il en redressant le menton.
Il aurait mieux fait de rester sur ce premier avis, plutôt que de se laisser convaincre par cet abruti de Ryota. Ou alors il est simplement un meilleur personnage virtuel que Bakagami, voilà tout. Lui au moins, il s'était fait rire. D'un geste rageur, il referme l'écran de son ordinateur et attrape le ballon presque lisse sur sa table de chevet. Maintenant il ressent le besoin urgent et irrépressible de se défouler pour éliminer la frustration et la sensation de vulnérabilité qui étreint à nouveau sa gorge et tord ses boyaux. Et pour ça, il ne connait rien de mieux qu'un basket.
Il lui faut un moment pour se calmer. Ce n'est qu'une fois la lumière du jour sur le déclin qu'il se sent mieux. Il finit même par s'ennuyer. Son remède de prédilection dans ces cas-là n'est autre qu'un one on one acharné contre son adversaire préféré. Il sort alors son portable de son sac et envoie sa localisation au tigre avec l'emoji balle de basket et un simple point d'interrogation. La nervosité serre de nouveau son ventre en voyant danser les trois petits points générés par le vrai Kagami mais pas de façon désagréable, au contraire. Un sourire fend vite son visage en découvrant le «j'arrive» de son rival. Alors qu'il s'apprête à ranger son téléphone, satisfait, ce dernier vibre de nouveau dans sa main. Il déverrouille l'écran pour lire la notification et là, il se fige.
« Après le basket, il faudra que j'te parle. »
Aomine ne peut s'empêcher de penser à cette même phrase qu'il a écrit à son Kagami de substitution un peu plus tôt et s'étonne de la coïncidence. Dans le doute son cœur rate un battement, puis il hausse les épaules, essayant de se convaincre que ce n'est effectivement que ça: une simple coïncidence. Un concours de circonstances, la synchronicité, deux grands esprits qui se rencontrent et qu'il n'a aucune raison valable d'être aussi nerveux. Après tout, il s'agit de Bakagami, ça ne doit pas être très sérieux. Rien de bien grave. Mis à part la bouffe et le basket, ce mec ne réfléchit pas à grand-chose de toute façon. Peu convaincu par ses propres arguments, c'est très agité qu'Aomine repart à l'assaut du panier. Il en viendrait presque à regretter son coup de sang contre l'IA. Tout ce qu'il voudrait là maintenant, c'est pouvoir s'entrainer à lui parler normalement, sans avoir peur de bafouiller. Quoi que Kagami veuille lui dire, il n'a rien à craindre. Pas vrai ?
Derrière son écran incurvé plus grand que l'envergure de ses bras et seule source de lumière de la pièce, un rictus imperceptible redresse le coin de la bouche du fantôme. Il aspire une longue gorgée de milkshake à travers sa paille, aux anges.
Il rit encore intérieurement de la conversation qu'il vient d'avoir avec Kise, qui s'acharne à chercher les compliments d'un Aomine plus sarcastique que le vrai Daiki en personne. Vraiment, incarner son ancienne lumière est son plaisir coupable. Il le connaît tellement bien aussi, que s'est le plus facile à interpréter. Et face à Kise-kun… il ne s'en lasse pas.
Peu de chose peuvent le surprendre de la part de ses amis. À force de les observer, il lui semble connaitre leurs réactions à l'avance et s'amuse parfois à les prédire. En fait, c'est sûrement de là que lui est venue l'idée de cette application. Si ses proches ont été sa base de travail, il l'a ensuite élargie aux caractères des mangas qu'il dévore, et à sa grande surprise, elle est devenue autonome, nourrie par les utilisateurs et les fans comme lui. Seulement… il ne peut pas s'empêcher de prendre les commandes de temps à autre. S'immisçant dans la peau de ses personnages fétiches. Ce qui est aussi un moyen de perfectionner l'algorithme avec ses connaissances en psychologie et en sociologie, sa nouvelle passion.
Malgré tout, il doit bien avouer qu'il se sent un poil coupable d'être entré ainsi dans l'intimité de Aomine. En voyant son adresse mail et son pseudo dans la liste des nouveaux profils utilisateurs, il n'a pas pu résister. S'il s'était attendu à voir l'As de Too débarquer sur son logiciel pour tenter de draguer sa précieuse Mei-chan ou la fameuse Erza dont il est un fervent admirateur, il ne s'était pas douté une seconde qu'il serait amené à lire des morceaux de conversation entre lui et Kagami, son autre sujet d'étude favori.
Depuis quelque temps Kuroko a bien remarqué le changement d'atmosphère entre les deux fauves, cependant il n'était pas prêt à recevoir une véritable déclaration d'amour, qui ne lui était même pas destinée. Connaissant son ami, il a pu sentir tout son désarroi et sa confusion entre ses lignes. S'il avait deviné que Taïga était devenu très important pour Daïki, il avait visiblement sous-estimé la profondeur de ses sentiments. Il en est resté tellement stupéfait, qu'il n'a pas su quoi répondre, oubliant qu'il devait incarner au mieux un Kagami très pudique, qui déteste lire, préférant lui aussi ruminer seul ses sentiments avec une balle des heures sous un panier.
En vérité, il ne pense pas que Kagami aurait réagi de la sorte. En toute honnêteté, il n'en sait rien. Et il se voyait mal répondre à sa place, même sous les traits d'un personnage emprunté censé lui ressembler… Ce petit jeu l'amusait beaucoup tant qu'il était sans conséquence. Mais jouer avec les sentiments de ses amis n'a jamais été le but de son application. Il se demande cependant si après cette réponse peu engageante, Aomine aura le courage de se déclarer une seconde fois, au vrai Taïga. Il en doute un peu, et il ne peut s'empêcher de trouver ça dommage… Il réfléchit en mordillant sa paille en plastique à défaut de pouvoir aspirer le précieux nectar dans son gobelet vide. Il sait que Kagami a téléchargé l'application depuis qu'il lui en a parlé, en omettant de lui préciser qu'il en était le créateur. Le tigre s'est amusé un peu avec au début mais il s'en est vite lassé. Il ne lui en veut pas, Kagami n'est pas très branché sur les animés ou même le numérique en général en dehors des jeux vidéo. Ce qui l'arrange dans ce cas précis.
Après une dernière hésitation, il tape quelque ligne de code sur son clavier et la page d'une conversation avec l'utilisateur qu'il désir contacter s'ouvre. L'IA n'est pas faite pour envoyer des messages spontanément, elle est programmée uniquement pour répondre. Mais ça, Kagami n'en sait rien, et pour une fois il fait exception. Ceci est un cas de force majeur.
Il utilise l'avatar de Daïki, celui créé par Kise plus tôt dans la journée et envoi un premier message.
[Yo Bakagami]
Au bout de quelques minutes, Kagami, qui malgré sa haine envers Aomine qu'il clame haut et fort à qui veut bien l'entendre, ne peut évidemment pas s'empêcher de mordre à l'appât, bien trop tenté de répondre à sa némésis, même virtuelle.
[Hey t'sup Ahomine ?]
La réponse lui arrache un nouveau rictus. Prévisible.
Comme la panthère, il n'y va pas par quatre chemins et annonce qu'il doit lui parler. Kagami semble surpris mais curieux, il accepte. Après avoir consulté sa conscience et une brève manipulation de sa part, il envoie le roman écrit des mains du vrai Aomine via la voix du Aomine virtuel. La déclaration transmise, le fantôme s'apprête à sortir de la fenêtre de messagerie, se disant qu'il s'est assez immiscé dans les affaires des autres pour aujourd'hui, voir l'année entière, quand la réponse de Taïga fuse.
[WTF ! Tout ça ? Flemme de lire…]
Ce qu'il lit le fait glousser malgré lui. Un ricanement s'échappe de ses lèvres aussi fin et délicat qu'un tintement de grelot. Malgré ces propos, les points de suspension s'agitent à nouveau et c'est plus fort que lui. Impossible de fermer cette conversation maintenant… il a envie de savoir ce qu'en pense Kagami. Une petite voix, celle de sa conscience sûrement, lui murmure que c'est immoral, qu'il a franchi la limite et qu'il ira en enfer pour ça, mais il la chasse, le ventre serré d'une excitation malsaine. Celle de découvrir en direct et en avant-première les prémices d'une relation sur le point de prendre un tournant qui lui semble des plus logiques et des plus évidents.
[Wait… is that a joke ? Ahomine, c'est pas drôle !]
Cette fois il laisse son programme répondre seul, estimant en avoir fait assez, il quitte le mode administrateur.
[Si j'avais voulu te faire rire, tu serais en train de te rouler par terre !]
Vraiment très Aominesque, il n'y a aucun de doute… Parfois il s'effraie presque de la justesse des conversations que peut tenir sa création. Évidemment, c'était le but recherché mais ça n'en est pas moins déroutant. Bien qu'il prenne toujours beaucoup de plaisir à voir ses deux lumières interagir, même avec leurs avatars artificiels, cette fois-ci il écoute sa conscience et ferme le chat. Satisfait, Tetsuya s'étire en baillant, les bras au-dessus de sa tête. Connaissant les deux fauves, il ne doute pas une seconde qu'il connaîtra de toute façon bientôt le fin mot de cette histoire…
En rejoignant le terrain proche de chez Aomine, Kagami est de plus en plus angoissé. Cet Aho de malheur a la fâcheuse tendance à le mettre dans un état de nerfs particulier. Un mélange d'agacement et d'excitation qui le rend fébrile et au bord de l'explosion. Mais il faut dire aussi que ce message, bien qu'envoyé par une fausse version du spécimen en question l'a complètement chamboulé. Il se demande encore ce qui lui a pris de répondre, ou de se laisser prendre au jeu, pourtant la simple idée que le vrai Aomine puisse penser la même chose à son sujet lui retourne les tripes. Il est sous le choc.
Voilà un moment maintenant qu'il surprend ses pensées tourner exclusivement autour de son rival. Il s'était dit que ça finirait par lui passer mais c'est devenu de pire en pire en apprenant à le connaître en dehors du basket, quand ils ont commencé à sortir entre amis ou même parfois seulement tous les deux après un match. Le brun est devenu une obsession dont il a beaucoup de mal à se débarrasser et toutes les occasions sont bonnes pour le voir. Même se faire éclater pour la centième fois en one and one.
Il a la trouille au ventre en arrivant sur le terrain où la panthère concentrée joue déjà. Quel Baka il fait parfois! À agir avant de réfléchir… Cette foutue déclaration dont chaque mot sont imprimés dans sa mémoire lui a donné des ailes. Il traine certainement un peu trop avec Midorima mais il a vu ce message comme le signe qu'il pouvait tenter sa chance. Une invitation du cosmos, des astres ou que sait-il d'autre à initier un pas de plus vers le brun. C'est pourquoi il a osé lui dire qu'il aimerait lui parler. Mais lui parler de quoi exactement? Qu'un Aomine virtuel lui a déclaré sa flamme et qu'il n'y a pas été tout à fait insensible? La blague! Pire plan drague de l'Histoire… Kagami tique sur ses pensées. Drague? C'est ça qu'il cherche à faire? Il déglutit en arrivant sur le terrain, toute once de confiance en lui envolée.
En le voyant planté là les bras ballants, Aomine hausse un sourcil à son intention et lui lance la balle. Son cœur rate un battement tandis qu'il essaie de détourner le regard de son adversaire qu'il fixait un peu trop. Vraiment un connard ce Daïki… il ne pouvait pas être moins beau? Ou moins bon au basket aussi? Tout ça c'est de sa faute de toute façon! Sur ces conclusions, Kagami dribble un peu en soupirant pour relâcher la tension crispant son corps et s'élance jusqu'au panier pour un simple lay up. Il espère secrètement que Aho aura oublié sa requête ou que d'ici la fin du match, il aura une illumination divine ou un nouvel élan de courage suicidaire. En attendant, il est bien content de pouvoir vider le capharnaüm de son esprit en affrontant l'As des miracles. Dans ces moments-là, il n'y a la place pour rien d'autre que le basket. L'arceau, le ballon, Aomine et lui. Et c'est exactement ce dont il a besoin.
Pour changer, il perd ce match. Pourtant ce n'est pas faute de tout donner à chaque fois. Déployant toute sa force et sa créativité pour surprendre Daïki. Mais il n'est pas le seul à évoluer. Il lui semble que Aomine a encore progressé et ça l'agace autant que ça l'émerveille. Ce mec est un talent brut au potentiel sans fond. Les mains sur les genoux pour reprendre son souffle, il se demande vaguement s'il pourra le rattraper ou même l'égaler un jour… En tout cas ce qui est certain, c'est qu'il n'aura de cesse d'essayer. Encore et encore, tant que la panthère voudra bien l'affronter, il répondra présent sous le panier.
Au bout de quelques minutes, sa respiration retrouve une cadence régulière, contrairement à son cœur dont l'allure ne veut pas ralentir sachant ce qui l'attend. Il rejoint le brun qui se désaltère près de leurs affaires et l'imite. Noyant son angoisse à longues gorgées d'eau fraîche. La nuit est presque sur eux à présent. Comme toujours, ils n'ont pas vraiment vu le temps passer. La lueur d'un réverbère les tient hors de l'obscurité s'épaississant autour d'eux, elle se reflète dans le regard tempête qu'il croise à la dérobée. Aomine l'observe avec une intensité qui l'oblige à détourner le regard au risque de rougir. Son ventre se contracte, son cœur accélère sa course, la panique le gagne. Son rival semble hésiter à engager la conversation, s'essuyant plus longuement que nécessaire avec sa serviette, lui laissant ainsi le temps de reprendre le contrôle de ses nerfs. Lorsqu'il se décide, la voix profonde du brun sonne incertaine, ce qui le surprend assez pour en relativiser ses propres craintes.
« Tu… tu voulais me parler?
— Yeah… well… Il se masse la nuque, au comble de l'embarras. Plus te demander quelque chose en fait. Temporise-t-il.
— Vas-y dis toujours.
Il ose un regard furtif à son rival qui ne le quitte pas des yeux et il inspire profondément avant de se jeter à l'eau:
« Tu dirais quoi si la prochaine fois on appelle ça un date?
— Tu veux dire… comme un rancard? » S'étonne Ao.
Kagami hausse les épaules et hoche la tête pour acquiescer en faisant de son mieux pour ne pas fuir le regard outremer qui le transperce. Il lui semble que Aomine le fixe de la sorte pendant une éternité, le temps suspendu entre eux et ses traits insondables. Kagami soutient son regard dans ce drôle de duel pour lui assurer tout son sérieux et sa détermination le cœur au bord des lèvres et le souffle court. S'il savait qu'en cet instant le cerveau de Aomine est juste en train de redémarrer, il serait sûrement moins nerveux. Heureusement, le brun retrouve l'usage de la parole et le libère du suspense insoutenable qui tend tous ses muscles.
« D'accord… mais va pas croire que je serais plus tendre avec toi sur le terrain!
— T'as pas intérêt! » Eructe-t-il, en le menaçant de son index.
Aomine lui décoche un demi sourire satisfait qui manque le faire défaillir avant de poursuivre.
« Compte sur moi… Tu fais quoi demain?
— Euh… demain dimanche ?
— Non, demain jeudi Baka! grogne le fauve en roulant des yeux.
Kagami grimace face au sarcasme et réplique mauvais:
« Depuis quand tu sors de ton pieux les dimanches?
— Bah faudrait savoir Baka ! Tu veux me voir ou pas? S'agace le brun.
— … Yes, I would like that. Admet-il en se sentant rougir pour de bon.
— C'est bien ce qui me semblait. Écris-moi où et quand, je viendrais.
— Yeah ok. À demain alors? Demande-t-il presque malgré lui, n'osant vraiment y croire.
— C'est ça, à demain. » Confirme pourtant Aomine en se frottant l'arrière du crâne.
Kagami reste planté sur le terrain, dans la flaque de lumière du lampadaire, observant la silhouette de son rival s'éloigné dans la nuit. Il a comme un doute sur la réalité du moment. Est-ce qu'il vient de demander à Aomine Daïki de sortir avec lui? Oh my god ! Percute t'il en écarquillant les yeux. Est-ce que Aomine vient de dire oui? Il ne sait pas par quel miracle c'est possible, ni où il a finalement trouvé le courage, mais il exulte sa joie en poussant un cri de victoire, le poing en l'air. Puis il récupère son ballon d'un savant rebond et s'élance en courant pour marquer un puissant dunk en guise de célébration. Pas sûr qu'ils changent quoique ce soit à ce qu'ils font d'habitude lorsqu'ils se voient. Un basket, un Maji Burger et peut être une partie de jeu vidéo chez lui. Mais demain, il pourra appeler ça un rencard autrement que dans son imagination, et ça change tout!
Sur le chemin du retour jusque chez lui, son cerveau fait des nœuds en partant dans tous les sens. Ne devrait-il pas lui préparer un repas maison pour changer ? Marquer la différence de ce jour spécial? Quel est son plat préféré déjà? Le poulet teriyaki! But, wait … Est-ce qu'il ne devrait passer au konbini? À bien y penser, pas certain qu'il ait tout le nécessaire dans ses placards pour préparer la sauce favorite de Daïki. Prenant peu à peu la mesure de l'évènement, Kagami commence à paniquer. Il court presque entre les rayons de la supérette, remplit son cadi fébrile en se remémorant les détails de la recette, pourtant il ne parvient pas à se défaire du sourire idiot qui lui bouffe le visage.
Après une longue douche régénérante, Aomine est étalé à demi nu en croix sur son lit. Son cœur bat encore la chamade de la demande inattendue de Taïga. La coïncidence est énorme. Tellement énorme qu'il a comme un doute… Il ouvre sa messagerie habituelle et vérifie par acquis de conscience, mais non, aucune déclaration envoyée au vrai Kagami. Celui-là même qui vient de lui proposer un rancard… Il n'en revient toujours pas. Le jour où il trouve enfin le courage d'admettre ce qu'il ressent autrement que dans l'espace intime et privée de son esprit, Kagami le coiffe au poteau en l'invitant le premier ? De quel genre de sorcellerie peut-il bien s'agir ? Au fond peut-importe les circonstances… Est-ce que l'audace du tigre l'étonne ? Pas vraiment. Il a plus d'une fois eu l'occasion de mesurer sa bravoure, elle n'est plus à prouver. Avec un rictus aux lèvres, il se redresse au milieu de son lit et ouvre son ordinateur laissé à l'abandon plus tôt dans l'après-midi. Demain il a un date, et pour garder son attitude détachée qu'il porte en guise d'armure, il a besoin d'être préparé. Aomine passe donc la soirée à chater avec son Kagami de substitution pour s'entraîner et mettre toutes les chances de son côté pour donner envie à Taïga de recommencer. À moins que la prochaine fois... ce ne soit lui qui lui propose en premier ? La simple idée de remettre ainsi les compteurs à égalité lui arrache un sourire.
FIN
