Salut !

Voici le dernier chapitre ! En espérant que cela vous plaise :)

J'ai été assez émue en le rédigeant... J'espère que vous le serez aussi.

Bonne lecture !


Chapitre Cinq ~ C'est le Jour

Tybalt savait qu'il ne la reverrait jamais. Jamais il ne pourrait recroiser son doux regard, jamais il ne regoûterait à ses lèvres, ni ne sentirait son odeur entêtante. Il mourrait aujourd'hui, et il en avait pleinement conscience. Le souffle glacial de la mort s'insinuait dans son être, et étrangement, il n'éprouvait aucune peur.

Aujourd'hui, Tybalt allait mourir, peut-être de la main de Roméo, ou peut-être par celle du Prince qui le condamnerait. Il avait dit adieu à Juliette, et maintenant il marchait vers son destin, un destin qu'il avait lui-même forgé, dévoré par une rage inextinguible.

Il ne lui restait plus rien : ni amour, ni tendresse, ni douceur, encore moins de pitié. Seule la haine, brûlante comme un incendie ravageur, embrasait son cœur.

« Tybalt ! »

La voix de Julian résonna derrière lui alors qu'il quittait la demeure Capulet d'un pas déterminé. Son ami le rejoignit en un éclair, l'excitation perçant son visage.

« As-tu appris la nouvelle ? »

Tybalt tourna son regard, une lueur sombre embrasant ses prunelles. La nouvelle semblait avoir le pouvoir de ravir ou de détruire, et il frissonna à l'idée de ce qu'elle pouvait signifier. Était-ce la mort de Roméo qu'il espérait ? Ou pire, la perte de Juliette ?

« Quelle nouvelle ? »

Julian hésita, ses mots glissant avec une gravité palpable.

« Roméo Montaigu et Juliette… Ils se sont mariés cette nuit. Tout le monde en parle dans les rues. Les Montaigu et les Capulet s'enflamment. Plusieurs affrontements ont déjà eu lieu. Tous te cherchent. »

Un soupir las quitta les lèvres de Tybalt alors qu'il réalisait l'ampleur de cette trahison. Julian poursuivit, sa voix vibrant d'une agitation fiévreuse :

« Le Comte et la Comtesse Capulet ne sont toujours pas au courant, mais quand ils le sauront… Je ne donne pas cher de la peau des deux-là. Apparemment, Giovanna serait complice, qui plus est ! Te rends-tu compte, Tybalt ? Votre propre Nourrice ! »

La rage bouillonnait en lui, alimentée par la douleur. Le visage de Juliette se dessina dans son esprit, sa douceur désormais ternie par le déshonneur.

« Tu veux te venger, n'est-ce pas ? »

Le sourire goguenard de Julian trahissait une compréhension macabre. Tybalt, déjà perdu dans son abîme, ne pouvait qu'acquiescer silencieusement.

« Je vais le tuer. »

Au fur et à mesure que Tybalt s'enfonçait dans cette obscurité, le sourire de Julian s'élargissait. Et alors que le jeune Capulet reprenait sa marche, la voix de son ami résonna, teintée d'une admiration troublante.

« J'aime le Tybalt que je vois ! »

Le rire qui suivit évoqua un diablotin se réjouissant du désespoir de son hôte. Julian s'en alla, répandant la nouvelle comme une traînée de poudre, annonçant à tous que Tybalt, consumé par sa haine, allait venger l'honneur des Capulet.

Dans son cœur, l'écho du désespoir résonnait avec une intensité mortelle, une mélodie lugubre de perte et de haine. Il ne restait que cela. Un désir de destruction, une volonté de plonger dans l'ombre, pour retrouver, au fond de son âme, la passion qu'il avait une fois portée pour Juliette, maintenant altérée par la rancœur.

Il s'avançait, inexorablement, vers l'inévitable.

oOo

Lorsque Giovanna pénétra dans la chambre de Juliette, elle fut d'abord saisie par le chaos qui régnait. Les draps, en désordre, s'entassaient au pied du lit comme les souvenirs égarés d'une nuit troublée. Le miroir de la coiffeuse, brisé en mille éclats, renvoyait des reflets déformés de la douleur ambiante, tandis que des traces de sang maculaient les dalles froides du sol, témoins silencieux d'une tragédie imminente. La fraîcheur de l'aube pénétrait dans la pièce, apportant avec elle un frisson de désespoir.

La Nurse parcourut la chambre du regard, son cœur se serrant à chaque instant. Juliette était introuvable. Une angoisse sourde l'envahit, la poussant à se diriger vers le balcon. Lorsqu'elle aperçut sa protégée, elle ne put retenir un cri d'effroi.

Juliette était là, recroquevillée sur elle-même, ses bras entourant ses genoux, fixant l'horizon à travers les piliers de pierre comme si elle espérait y trouver une réponse. Ses yeux, si rougis et enflés, avaient perdu leur éclat d'autrefois, et des sanglots silencieux secouaient encore ses frêles épaules.

« Juliette ? Que se passe-t-il, ma chérie ? »

Sans attendre, la Nourrice se précipita vers elle, plaquant son visage larmoyant contre sa poitrine, la berçant avec tendresse comme on le ferait avec un enfant. Les larmes de Juliette s'accrochèrent aux vêtements de Giovanna, qui, à cet instant, devinrent son seul réconfort.

« Juliette, parle-moi. »

Les mots de la jeune fille jaillirent, désespérés, comme un cri d'alarme dans la nuit.

« Ô Nourrice, je… Je ne veux pas qu'ils meurent. Je ne veux qu'aucun des deux ne meure. »

L'inquiétude se mua en terreur, et Giovanna serra un peu plus l'enfant contre elle, comme si elle pouvait ainsi protéger son âme fragile.

« Mais de quoi parles-tu, mon enfant ? Qui va mourir ? »

« Tybalt ! Tybalt veut tuer Roméo… »

À ces mots, le cœur de Giovanna se déchira, et elle ressentit une vague de désespoir l'envahir. TybaltSon petit garçon, emporté par une colère dévorante.

« Quand ? Quand est-il parti ? »

« À… À l'aube… »

Un hoquet traversa la gorge de la Nurse tandis qu'elle levait les yeux vers le ciel, implorant la clémence d'un sort cruel. Le soleil, déjà haut, annonçait que le temps lui était compté. Si elle avertissait le Comte maintenant, elle savait que rien ne changerait. Les événements, comme une tempête déchaînée, se mettaient en marche. Et il était trop tard pour intervenir.

Un sanglot, amer et désespéré, fit tressauter ses épaules alors qu'elle maintenait le visage de Juliette contre elle, une mère protégeant sa fille d'un monde en flammes. Elle ferma doucement les yeux, murmurant une prière, implorant Dieu de veiller sur celui qu'elle aimait comme son propre fils. Le poids de la fatalité pesait sur ses épaules, et dans l'obscurité grandissante, elle ne pouvait qu'espérer un miracle, alors que les ombres du destin se rapprochaient inexorablement.

oOo

Tybalt avançait, l'esprit accaparé par une obsession : sa Juliette. Avec une amertume poignante, il se remémorait ses années de conquêtes. Dès l'âge de quinze ans, il avait su séduire toutes celles qui croisaient son chemin. Combien de femmes lui avaient offert leur virginité sans hésitation ? Combien avaient osé lui confier des « je t'aime » sans réaliser la douleur qu'il allait leur infliger ? Trop. Pourtant, Juliette… Juliette était la seule à hanter son esprit. Il l'avait vue grandir, il l'avait aimée d'un amour pur et dévorant. Aujourd'hui, elle s'en allait avec lui. Avec Roméo. Le cœur de Tybalt n'était plus qu'un amas de cendres, étouffé par l'indifférence du néant. Il n'éprouvait plus rien, si ce n'est le désir d'accueillir la mort comme une délivrance. Mais avant cela, il emporterait avec lui ce rat.

Comment pouvait-elle aimer le fils des Montaigu ? Comment pouvait-elle croire à la sincérité de cet idiot ? Il allait lui montrer, à son Roméo, ce que signifiait vraiment « souffrir d'amour ». Il lui ferait payer les faiblesses de sa fleur, et il était prêt à tout pour cela.

Il aimait Juliette depuis l'aube de son adolescence, et cette passion l'avait plongé dans une folie dévorante. Aujourd'hui, il avait osé lui confier son amour, l'embrasser avec une tendresse désespérée, pour finalement l'abandonner… Pour ne jamais la revoir. Il avait renoncé à son rêve unique : l'avoir pour lui. Il avait sacrifié sa Juliette pour arracher la vie à celui qui lui avait volé son seul trésor. Son cœur, meurtri par la jalousie, sombrait dans un océan de trahison, et il savait qu'il allait mourir. Mourir pour elle. Mourir d'amour. Pour celle qui avait su conquérir son cœur.

Alors qu'il atteignait la grande place, une voix moqueuse l'interpella, hérissant les poils de Tybalt.

« Tiens, tiens, tiens… Tybalt est parmi nous ! »

L'ironie de cette voix le frappa comme un coup de poignard, alors que d'autres s'épanchaient en échos sarcastiques, répétant son nom avec une malice insupportable. Relevant le regard vers l'auteur de ces paroles, Tybalt sentit la patience lui faire défaut.

« Mercutio, si le chien est là… le maître ne doit pas être bien loin. »

Ses compagnons tourbillonnaient autour de Mercutio tel une meute de loups affamés, mais Tybalt, d'un ton plus ferme, s'écria :

« Je cherche Roméo ! »

Mercutio, surpris, répéta presque dans un murmure ce que son rival de toujours venait de dire :

« Tu cherches Roméo ? »

Un éclat de panique traversa le regard du brun, que Tybalt remarqua avec un plaisir malsain. Tous deux savaient la raison de cette quête, et elle n'annonçait rien de bon. Mais la panique s'évanouit aussi rapidement qu'elle était apparue, remplacée par un mépris flamboyant, et Mercutio s'adressa à ses amis d'un ton hilare :

« Il cherche… ROMÉO ! »

Tandis que ses amis imitaient le neveu Capulet avec une malice réjouissante, Mercutio se tourna vers Tybalt, arborant un sourire plein de dédain, et poursuivit dans sa moquerie :

« Ô Tybalt… Je t'ai vu chercher tant de choses ! La gloire… La fortune… L'amour. La querelle ! Mais Roméo… Jamais ! Pourquoi ?

- Ne t'inquiète pas pour ça, Roméo sait très bien pourquoi.

- Mon Tybalt, serais-tu devenu fou ? Non… Non ! Non ! Non ! »

Depuis leur première rencontre, Tybalt avait toujours su que Mercutio n'était pas un homme de bon sens, que la folie l'habitait. Que pour lui, la vie n'était qu'un vaste terrain de jeu où rien ne pouvait lui arriver. Il était invincible. Et cela l'avait toujours profondément exaspéré. Mais ce jour-là, il semblait plus imprévisible que jamais. Était-ce la menace pesant sur son ami qui avait plongé le poète dans une telle transe ?

« Fou de jalousie, peut-être ? Fou de chagrin… Fou de colère ! Mais Tybalt, dis-moi, entre nous… Qu'as-tu fait de fou dans ta vie ? Rien ? Rien… Rien ! Ah… Si. Aimer celle qui ne t'aimera jamais. Oh oui, ça, c'est fou. »

Il avait osé. Ce rat avait osé. Tybalt ne put contenir davantage sa rage et tenta de frapper le neveu du Prince, mais Mercutio esquiva avec une aisance déconcertante, son rire résonnant comme une provocation insupportable. Pour lui, tout cela n'était qu'un nouveau jeu.

« Tybalt, j'en ai fini de rire avec toi. Tu n'es qu'un fat, non, tu es pire ! Ouvre bien tes oreilles, mon ami, car aujourd'hui, c'est le jour où tu vas mourir. »

Tybalt, le visage en feu, se redressa, défiant Mercutio, soutenu par les cris enthousiastes de ses amis. Oui, aujourd'hui, il tuerait.

« Petit poète de pacotille. Maintenant c'est terminé ! Depuis notre enfance, je ne rêve que de tuer, et enfin ma patience sera récompensée ! »

Les deux hommes s'engagèrent dans une lutte frénétique, leurs poings se déchaînant dans une danse violente. Le sang coula, et Tybalt, au cœur de ce tumulte, ressentit une étrange renaissance. La douleur physique balayait la torpeur de sa souffrance mentale, le faisant oublier les démons qui l'assaillaient.

Les blessures de son poing se rouvrirent alors qu'il assénait un coup dévastateur au nez de Mercutio. Alors qu'il s'apprêtait à empoigner le jeune fou par les cheveux, une présence inattendue surgit, le repoussant avec force avant de retenir Mercutio.

Roméo était là.

« Laisse-le, Mercutio ! » s'écria-t-il, son regard empreint de désespoir.

« Roméo ! Comment oses-tu me demander de demander sa grâce ? Ce n'est qu'un chien enragé ! » rétorqua Mercutio, la rage embrasant ses mots.

« Mercutio !

- UN LÂCHE ! »

Tybalt, tel un fauve, tenta de frapper le poète face à cette provocation, mais Benvolio s'interposa, le repoussant avec une force inattendue.

« La mort attend son heure ! Ne précipitez pas la vôtre ! Mercutio, arrête ! »

Perdant patience, Tybalt, empli d'une colère brûlante, poussa Benvolio à terre et s'approcha des deux autres. Saisissant Roméo par le col de sa chemise bleue, sous les cris et les acclamations de la foule, il cracha au visage du jeune Montaigu, qui, pourtant, ne répliqua pas, murmurant seulement :

« Tybalt, pense à Juliette… »

Ce fut la goutte de trop.

Dans un élan de rage, le blond frappa Roméo en plein ventre, le faisant s'effondrer au sol, tandis qu'il hurlait avec une fureur démesurée :

« Qu'est-ce que tu crois, Roméo !? Tu te crois Roi !? Mais tu n'es rien, non ! Pour personne ! Tu es comme nous, même pire que nous ! Te voilà plein d'amour !? »

Tout en frappant dans la jambe du jeune Montaigu pour l'empêcher de se relever, il s'écria, sa voix résonnant comme le feu qui consume son âme :

« Et tu pisses la tendresse ! Tu es comme les vautours qui attendent la faiblesse ! »

Tybalt s'écarta enfin, riant avec ses compagnons qui se délectaient du spectacle. Alors qu'il se retournait pour en finir avec le Montaigu, il aperçut son cher frère de cœur tentant d'aider son ami à se relever. Poignard en main, Tybalt se jeta sur eux, emporté par toute la haine qui l'habitait. Il planta son arme dans le ventre de son ennemi de toujours, sous le regard affligé et choqué de Roméo.

« La vie n'est pas un jeu, Mercutio. »

Le jeune poète, écarquillant les yeux, tomba dans les bras de son frère de cœur. Tybalt s'éloigna en riant, un sentiment grisant serpentant dans ses veines. Il ne réalisait pas l'ampleur de son acte, l'impact fatidique de son coup. La haine et le désir de vengeance embrumaient encore son esprit, ses membres tremblants de cette ivresse.

Se retournant, il lança avec désinvolture :

« Allez, Mercutio ! Relève-toi ! »

Mais rien ne se produisit. Mercutio demeurait au sol, suffoquant. Le cri de Roméo parvint aux oreilles de Benvolio :

« Mercutio, tu saignes ! »

L'intéressé éclata d'un rire enfantin, comme si cette douleur n'avait aucune prise sur lui. Doucement, il leva une main tremblante vers le visage de son ami, sa voix rauque murmurant :

« Regarde Roméo, la vie… Elle s'échappe ! Je pars, Roméo ! Ne t'excuse pas. Ce sont les enfants qui s'excusent ! Et Juliette… elle aime un HOMME ! »

Tybalt rit de plus belle, une ironie mordante étreignant son cœur. Il rêvait de planter son poignard dans le cœur de Roméo, la haine l'enivrant, brouillant la frontière entre rêve et réalité. Il était ailleurs, loin d'ici, loin de cette scène macabre qu'il avait orchestrée.

« Je t'en prie, aime Juliette, Roméo ! Aime-la de toute ton âme, moi je meurs. Et je t'attendrai sur l'autre rive. »

Dans un ultime sursaut de vie, Mercutio se redressa, forçant l'admiration générale, même celle de Tybalt qui contemplait la plaie à son abdomen. Il prenait enfin conscience.

« Je meurs dans la poussière… Je meurs comme un roi ! Continuez votre guerre ridicule… Et moi, je maudis vos familles ! »

Une pulsion de rage s'empara de Tybalt, mais il n'eut guère le temps de réagir. Une voix s'éleva, perçant l'air avec une intensité déchirante :

« Tybalt, non ! »

Le cri d'Antonia fût un écho déchirant, le moment même où Mercutio s'effondrait, inerte. Son dernier souffle s'échappa de ses lèvres, et son regard, désormais fixe, trahissait l'absence d'une vie. La panique s'empara du corps de Tybalt, réalisant avec horreur l'ampleur de son acte. La haine qui l'avait nourri pendant ces trois jours s'évanouit en un instant, laissant place à une peur incontrôlable et dévastatrice.

Il venait de tuer Mercutio. Il était mort. Plus jamais… plus jamais ils ne s'affronteraient, plus jamais il ne verrait cette folie brillante dans ses yeux… Plus jamais… Il se retourna, cherchant le soutien de ses amis, mais ils étaient eux aussi pris dans un maelström de panique et d'incompréhension. Leurs visages étaient des miroirs de sa propre terreur. Il croisa les yeux de jade de Julian, quand soudain un cri terrible le fit sursauter :

« TYBALT ! »

Le jeune homme n'eut pas le temps d'analyser la situation ; la douleur l'assaillit, tranchante et implacable. Trop tard. Trop tard pour reculer, trop tard pour s'excuser. À genoux, il sentit le sang dégouliner le long de son abdomen, une flaque écarlate s'étalant sur le pavé de la place. Le soleil, au zénith, brillait impitoyablement alors qu'il s'enfonçait lentement dans l'obscurité. Son esprit s'évada vers Juliette, ses deux yeux bleus gravés dans sa mémoire, tandis que le goût de ses lèvres s'invitait, fugace, sur les siennes.

Son corps s'effondra lourdement sur le sol brûlant, et son regard se posa sur une fleur rouge au cœur noir : un coquelicot. Un dernier sourire effleura ses lèvres, une ultime lumière alors que la vie s'échappait lentement de lui. Le poignard tomba avec un fracas sourd, son propre poignard. Ainsi, même dans la mort, Mercutio et lui partageaient une fatalité inéluctable.

Julian s'approcha, tremblant devant le corps inanimé de son meilleur ami. À genoux, il ferma avec douceur les yeux de Tybalt, un geste chargé de tendresse. Mais Antonia s'interposa bientôt, hurlant le prénom de celui qu'elle aimait, prenant son visage entre ses bras, essayant de le bercer comme un enfant endormi.

Tybalt était mort.

oOo

L'agitation dans la demeure des Capulet affola Juliette qui avait passé sa journée sur balcon, guettant inlassablement le retour de Tybalt qui ne vint jamais. Elle avait prié, encore et encore. Imploré Dieu de lui accorder sa pitié. Mais rien ne fit. Tybalt n'apparut pas. Elle aurait tant aimé tout oublier, revenir à quelques jours en arrière, sous le saule, avec lui.

Ce fut lorsque sa Nourrice entra dans sa chambre que Juliette perdit pied. La petite femme avait son regard rougis par les larmes. Cherchant ses mots avec douloureux, mais elle-même ne semblait pas savoir comment faire face à la situation:

«Nourrice!? Que se passe-t-il!?

- Ô Juliette… Mon Dieu Juliette… Comment te l'annoncer? Nous devons partir pour l'église, maintenant!

- Nourrice…

- Le monde est si … cruel

Elle ne put tirer un seul mot de plus de la bouche de Giovanna. Et Juliette sentit son angoisse croître. Qui était donc mort? Était-ce Roméo …? Ou bien Tybalt? Ou même les deux!? Son cœur se serrait avec une violence sourde à la simple pensé que l'un des deux hommes de sa vie pouvait avoir trouvé la mort. Et alors qu'elle enfilait une cape sur ses épaules, la promesse de son cousin, en échange de la sienne, lui serra la poitrine.

«Tybalt, je t'en prie… Tiens ta promesse.»

Le voyage jusqu'à l'église fut terriblement long, ses mains tremblaient sans qu'elle ne puisse réellement le contrôlé tandis que son cœur était emprisonné dans un étau. L'amertume de l'angoisse venait lécher avec dégoût sa langue tandis que les souvenirs de cette nuit lui revenaient à l'esprit. Le bonheur, l'amour s'entremêlaient inexorablement avec la détresse et le désespoir. Fermant les yeux pour contenir ses larmes, elle sentit les mains tendres et douce de sa Nurse enlaçant les siennes. Juliette ouvrit un instant les yeux, plongeant ses yeux bleus dans ceux de celle-ci avant de détourner le regard vers ses parents.

Sa mère, normalement si froide et strict semblait prise d'angoisse elle aussi. Un mouchoir blanc restait inexorablement plaqué sur son nez tandis qu'elle tentait de contenir des larmes qui menaçaient de couler. Face à elle, son père, son visage dur semblait de marbre face à l'angoisse qui l'entourait. Mais alors que Juliette sentait un sanglot traversé ses lèvres, le regard azuré de son père se posa sur elle. C'est là qu'elle vit, une immense peine se dessiner dans son regard. Il n'y avait plus aucun doute, l'espoir ne lui était plus permis. Mais elle ne pouvait s'y résoudre. Tybalt lui avait promis. Et Tybalt tenait ses promesses. Il ne pouvait être mort, il n'avait pas le droit. Roméo ne l'aurait jamais tué. Roméo n'était pas de ceux qui faisait couler le sang.

Lorsqu'elle descendit du carrosse, les cloches de l'église sonnaient telle une sentence autour d'eux. Elle vit les couleurs rouges et bleus s'entrelacer, signe que Montaigu et Capulet se mélangeait. Quel était cette sorcellerie?

Sans attendre, la jeune femme rentra dans l'église, suivit de près par sa Nourrice, ignorant la foule, elle bouscula, poussa, ne remarquant pas les regards emplis de larmes, de peine ou de haine qu'on lui lançait. Ce ne fut qu'arrivée au niveau de la dalle mortuaire qu'elle remarqua une chevelure ébène, encerclée par tant de personnes qui pleurait, hurlant encore son nom. Il ne fallut que quelques instants à peine à Juliette pour reconnaître le meilleur ami de Roméo.

«Mercutio …?»

Son cœur tambourinait dans sa poitrine au point qu'un chaos incontrôlable envahissait son crâne. Mercutio était mort. Où était Roméo? Où était Tybalt? Elle ne pouvait s'approcher du corps tant les Montaigu s'agglutinaient autour de lui. Certains pleuraient, d'autres hurlaient leur désespoir. Juliette tourna son visage pour fixer autour d'elle. Pourquoi étaient-ils ici si le mort en question était Mercutio? Elle ne comprenait pas. Elle ne comprenait plus. Ce ne fut qu'à cet instant qu'elle remarqua qu'à quelques mètres de là, du côté gauche de l'église se trouvait une autre dépouille autour de laquelle était réuni une foule moins importante, des Capulet cette fois. Sans attendre, le cœur menaçant de s'arrêter à tout instant, elle se faufila dans la foule sanglotant. C'est là que son monde bascula.

Sur une nouvelle pierre froide reposait un corps, blanc comme la neige. Ses boucles blondes s'étalaient tout autour de son visage tel un ange. Il semblait dormir. Mais comme en témoignait le sang séché qui s'écoulait de son torse, il n'était en rien plongé dans le sommeil. Le cœur de Juliette se brisa dans une douleur sourde, comme si l'on venait de lui planter un poignard dans le cœur.

«TYBALT!»

Son hurlement déchira le cœur de tous ceux présents dans l'église. Les Capulet firent un pas en arrière tandis que les Montaigu tournaient leur regard vers leurs ennemis de toujours. Juliette ne fit attention à personne, elle courut jusqu'à la dépouille, s'effondrant dessus en pleurant. Son corps était froid, son corps était déjà si froid. Son plastron avait été ouvert pour contempler la plaie qui l'avait tué, donnant ainsi, à la vue de tous, la cruauté de l'acte. Sur son torse, au niveau de sa poitrine, sa croix brillait d'un éclat particulier. Tremblante, Juliette vint poser son visage contre son torse, fermant les yeux de désespoir tant le contact de sa peau gelée la détruisait. Mais ce qui l'acheva fut le silence. Ce silence mortuaire qui régnait dans sa poitrine. Son cœur ne battait plus.

Tybalt était mort.

Une jeune femme aux cheveux auburn traversa la foule, tenant entre ses doigts fins les gants de cuir du mort. Avec un pas lourd de peine, elle s'agenouilla près de Juliette, enlaçant ses épaules d'un geste tendre. Elle avait toujours su que la haine emporterait son amant. Tybalt avait perdu Juliette, et les ténèbres s'étaient repues de son cœur avant de l'envoyer à la mort. Hélas, elle n'avait rien pu faire pour l'en empêcher.

Avec une douceur infinie, elle glissa les gants sur les genoux de Juliette, qui, tétanisée par le chagrin, refusait de lâcher le corps de son cousin.

« Je pense qu'il aurait aimé que ce soit toi qui les aies. »

Juliette, tremblante, se détacha lentement du corps, sous les regards désespérés de ceux qui les entouraient. Elle prit les gants de cuir entre ses doigts, les yeux rivés sur celle qui avait été son amie.

« Merci. »

Les deux femmes s'enlacèrent de nouveau, plus fort, plus profondément, et Juliette laissa éclater son chagrin, tandis qu'Antonia la berçait doucement contre son cœur.

« Il t'aimait si fort, Juliette. »

La jeune femme ne répondit rien, son cœur brisé la rongeant de l'intérieur. Elle se sentait vide, comme si toutes les émotions l'avaient quittée. La mort soufflait dans sa nuque et riait dans son esprit, se moquant d'elle et de ses espoirs. La sensation glaciale de sa présence l'envahissait, comme si elle la frôlait, passant des mains froides sur son cœur meurtri.

Alors, était-ce cela, la vie ? Être condamnée à choisir, à sacrifier ceux qu'elle aimait ? Jamais elle ne reverrait Tybalt. Il était mort, et avec lui, tant de choses s'éteignaient, laissant Juliette incapable de penser.

Elle demeura ainsi de longues heures, accroupie au pied de la dalle mortuaire, se remémorant chaque instant partagé avec cet homme désormais perdu. Elle veilla son corps sans relâche jusqu'à ce que la nuit enveloppe l'église. Roméo l'attendait. Elle savait qu'elle devait le rejoindre, mais son cœur se déchirait à l'idée de laisser son cousin derrière elle.

Roméo… Elle l'aimerait toujours, à jamais. Jamais elle n'avait connu un amour aussi pur, aussi tendre, aussi passionné. Il était l'homme de sa vie, son âme-sœur. Au premier regard, au premier baiser, elle avait su. Cet amour la consumait au point de perdre la raison, mais il ne pouvait effacer la douleur qui la rongeait.

Tybalt avait veillé sur son innocence, protégeant son enfance des malveillances du monde. Maintenant, cette innocence était morte avec lui. En cet instant, elle voyait mourir une part d'elle-même dans ce meurtre atroce.

Tybalt emportait avec lui une part de son cœur, et elle savait qu'elle ne serait plus jamais la même. Il était mort par amour. Par amour pour elle. Jamais elle ne pourrait se pardonner d'avoir été la cause d'un tel désastre.

Sans un mot, elle caressa une dernière fois son visage, balayant une mèche de cheveux de son front d'ange. Il semblait si beau, si apaisé, comme s'il dormait. Un mince sourire étirait même ses lèvres. De nouvelles larmes ruisselèrent sur ses joues alors qu'elle se penchait pour déposer un baiser salé sur les lèvres de son cousin, un baiser glacé, semblable à la mort.

« Je t'aime, Tybalt. »


Et voilà, notre petit bout de chemin prend fin ici, je vous souhaite à tous une belle continuation.

Si l'histoire t'a plût, ou si tu as des conseils, critiques, à m'apporter, je t'en prie, n'hésite pas. Une review fait toujours plaisir à l'auteur. Et les critiques nous permettent d'avancer.

Prenez soin de vous, et à bientôt.

R0manciere.