Chapitre2: Le diable est dans les détails
Rien d'étonnant de constater que la mairie de Sunnydale était identique à celle de ses souvenirs, songea Buffy en arrivant au comptoir d'accueil:
— Bonjour, je souhaite parler au maire.
— Vous avez rendez-vous?
Bien sûr, cette secrétaire aux airs d'Harmony ne lui simplifierait pas la tâche:
— Eh bien, non, mais…
Elle eut une idée, certes un peu audacieuse, mais efficace:
— Dites-lui que je souhaite lui parler de l'Ascension et il me recevra certainement.
La femme afficha un air perplexe et prit son téléphone.
— L'ascension? répéta-t-elle incrédule.
— Passez-lui le message!
— Votre nom?
— Buffy… Buffy Summers.
— Un instant, je vous prie.
Buffy patienta et entendit:
— Madame la maire, une jeune femme du nom de Buffy Summers souhaite vous parler. Elle n'a pas rendez-vous, mais évoque… comment dire… une Ascension.
Une pause et elle répondità sa patronne:
— Bien madame.
Elle raccrocha et s'adressa à la femme:
— Madame la Maire va vous recevoir, veuillez me suivre.
Buffy ne s'était pas attendue à ce que monsieur le Maire soit «madame», et davantage à ce que son stratagème fonctionne. Était-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle? Elle verrait au fur et à mesure… Elle marcha dans un couloir et la secrétaire l'invita à s'installer:
— Vous pouvez vous asseoir et patienter ici, ce ne sera pas long.
— Merci.
La secrétaire s'éloigna et Buffy prit place.
Elle était envahie par d'autres souvenirs, ceux de son amitié avec Faith, leurs chasses qui avaient mal tournées, s'étaient soldées par le meurtre accidentel d'Allan Finch… Sans oublier la trahison de Faith qui avait rejoint le Maire Wilkins et lui avait livré les livres de l'Ascension.
Sa dernière année de lycée avait manqué de très mal finir pour elle, et avait d'ailleurs mal pour pas mal d'élèves dévorés par Wilkins, sans oublier puisqu'Angel avait quitté Sunnydale et que Faith s'était retrouvée dans le coma. Non, cette année avait vraiment été compliquée et Buffy s'en souvenait comme si c'était hier.
Voilà vingt ans qu'elle n'avait plus de nouvelle de Faith si n'était par Willow et Kennedy qui l'avaient revue une fois lors d'un séminaire de Tueuses à Londres il y a trois ans.
Willow lui avait répété à maintes reprises que Faith avait changé et, malgré son aide dans leur combat contre la Force avant la chute de Sunnydale, les vieilles rancœurs de Buffy avaient refait surface. Le temps lui avait enseigné qu'il était parfois préférable d'entretenir certains ressentiments pour ne plus se faire mal, davantage quand une personne avait réellement compté dans sa vie. Malgré les années passées, Buffy n'avait jamais digéré la trahison de sa sœur d'arme, quand bien même avait-elle amende honorable d'après Angel.
La porte s'ouvrit après quelques minutes et la silhouette qui se dressa devant elle la laissa perplexe.
— Je peux maintenant mettre un nom sur l'inconnue qui est venue devant ma maison hier soir, dit la mairesse. Mademoiselle Buffy Summers, je présume?
Dressée sur des talons hauts, vêtue d'un magnifique pantalon tailleur et d'un chemisier blanc, Buffy reconnaissait l'inconnue qui ne le serait plus très longtemps! Cette femme était celle qui s'était tenue derrière le rideau de sa maison la veille, et donc la mère de Logan Nollan, propriétaire du 1630 Revello Drive. Elle en restait bouche-bée. Clairement, tout ça ne pouvait être une succession de coïncidences.
— Et vous devez être Regina Quinn.
La Mairesse ouvrit la porte plus grande:
— Entrez, je vous en prie.
Buffy obéit, perplexe, curieuse et balaya le bureau des yeux. Même décoration, mêmes meubles… Seul le pupitre était différent et affichait: «Mairesse Regina Quinn».
Plus troublant, plusieurs cadres photos, dont un numérique, de la concernée et de ses filles trônaient sur une longue commode en bois de rose. Il y avait donc bel et bien deux filles et Logan Nollan avait une sœur. Encore un point semblable de comparaison à sa propre trajectoire, hormis peut-être la forte ressemblance entre les deux qui dénotait qu'elles étaient jumelles.
Regina s'installa dans son siège en cuir et croisa les jambes, reposant ses bras sur les accoudoirs.
— C'est culotté de votre part de venir me trouver et de demander un rendez-vous en évoquant l'Ascension à ma secrétaire. Que savez-vous de l'Ascension?
Buffy afficha l'air suspicieux que ses amis et proches lui connaissaient. Néanmoins, à la façon détendue dont la Maire évoquait le sujet, une question restait en suspens: parlaient-elles de la même chose? Il n'y avait qu'une façon de le savoir et répondre franchement et sans détour lui permettrait d'être fixée.
— J'en sais tout ce qu'i savoir puisque j'en ai arrêté une il y a déjà vingt-trois ans. Et puisque Sunnydale semble reprendre ses bonnes vieilles habitudes consistant à tuer des gens dans des circonstances apocalyptiques, je me suis dit que je pourrais revenir y passer quelques jours de vacances en souvenir du bon vieux temps.
Contre toute attente, la Maire esquissa un léger sourire face au ton ironique de son interlocutrice qu'elle trouvait des plus charmantes.
— Il me semblait bien que vous étiez une Tueuse.
Buffy était donc fixée.
— Donc nous parlons la même langue! Ce qui m'amène à vous demander: vous êtes quoi?
— Je suis humaine.
— D'accord. Mais plutôt sorcière, démon vengeur, ou… Non! Surtout ne me dites pas que vous êtes un genre de déesse!
Un autre sourire et la Maire renvoya:
— Que faites-vous dans ma ville, miss Summers?
— On peut dire que vous avez le sens du territoire.
— Et vous le don de détourner la discussion. Que fait une Tueuse de votre âge dans cette ville?
Buffy commençait à perdre patience avec ces remarques sur son âge.
— Premièrement je ne suis pas grabataire, j'ai quarante-et-un an, pas quatre-vingt! Et deuxièmement j'ignore si vous êtes au courant, mais cette ville est une copie conforme de la Bouche de l'Enfer que j'ai fermé il y a vingt ans. Et quand je dis «fermé», je ne veux pas dire qu'elle devrait être aux abonnées absentes, je veux dire qu'a la place de votre jolie ville se trouvait un magnifique cratère provoqué par l'explosion d'un ami!
Regina l'observa un court instant, autant que Buffy le faisait, et le manque de réaction de la Mairesse était suspect:
— C'est moi ou vous ne semblez pas étonnée par ce que je vous dis? lança Buffy.
Il semblait nécessaire pour Regina de corriger quelques points importantsà l'attention de cette charmante touriste qui ne semblait pas très au fait de certaines évidences dans le monde complexe des forces du bien et du mal:
— Vous n'avez pas fermé la Bouche de l'Enfer, Miss Summers. Vous l'avez obstruée, tout au plus. Et il n'y a rien d'étonnant à ce que les énergies qui convergent autour de cette ville demeurent les mêmes. Les humains ne sont pas les seuls à subir ce qu'on nomme communément le karma. Les énergies positives, négatives ou neutres sont dans la terre, les airs, dans l'eau, dans les murs, les objets qui nous entourent… les énergies sont partout, ne se détruisent pas, elles sont invisibles, vaporeuses, se dispersent, mais convergent toujours vers leur zone d'origine ou vers ce qu'on appelle aussi leur centre de gravité, car il est dans leur nature de retrouver leur place. Au même titre que vous êtes ici, à cette place…
Buffy leva les sourcils sur ces explications quelque peu poussées et se reprit:
— Merci pour le cours de science physique quantique ou je ne sais quoi! mais ce qui m'intéresse c'est les raisons qui vous ont fait converger vous, vers la Bouche de l'Enfer. Pourquoi vous intéresse-t-elle?
D'autres questions étaient tout autant importantes:
— D'ailleurs comment se fait-il que vous soyez la mère d'une Tueuse et habitiez dans ma maison?
— Votre maison? dit Regina d'un autre sourire. Et vous osez dire que j'ai le sens du territoire…
Le téléphone sonna.
Sauver par le gong, songea Buffy.
Regina appuya sur la touche de réponse:
— Oui Margy?
— Madame, monsieur Grims votre rendez-vous de onze heures est arrivé.
— Merci, qu'il vienne, mademoiselle Summers et moi avons terminé.
Elle raccrocha et se leva:
— Je dois abréger notre charmante conversation, miss Summers.
Buffy fut entraînée vers la porte et rappela:
— Vous voulez savoir ce que je fais dans votre ville? Je suis venue chercher des réponses et croyez-moi, je les trouverais.
— Je vous le souhaite, dit Regina d'un léger sourire.
La Mairesse se tourna vers son rendez-vous qui attendait dans le couloir, Buffy supplantée par cet homme qui entra à la suite de Regina, la porte se fermant sur son nez.
Elle n'aimait pas cette femme, songeait-elle. Avec ses grands airs de «madame», son charisme insolent, son ton solennel et cette arrogance… C'était évident: Madame la Mairesse cachait nécessairement quelque chose! D'autant que ce court échange laissait Buffy avec plus de questions qu'elle n'en avait eues en arrivant. Qui était cette femme, d'où venait-elle et dans quel intérêt était-elle venue s'installer sur la Bouche de l'Enfer en connaissance de cause? Willow l'aiderait à enquêter et de son côté, il était temps d'aller se présenter à la jeune Tueuse, direction son ancien lycée…
Une demi-heure plus tard, lycée de Sunnydale
Les couloirs, les casiers, les odeurs, hormis les tenues des élèves qui ne dataient plus des années 90, Buffy était choquée par toutes les similitudes et les détails qu'elle reconnaissait. Elle avançait d'un pas lent, submergée par d'autres souvenirs de ses années lycée, celles qui avaient précédé l'Ascension lors de la remise des diplômes.
Malgré les épreuves traversées, malgré ce qu'elle avait perdu, elle avait conservé de ces lieux de merveilleux souvenirs avec Alex, Willow, Oz et même Cordelia.
Elle s'arrêta devant deux portes battantes dont les hublots familiers donnaient à l'intérieur d'une grande pièce: la bibliothèque. Elle y avait rencontré Giles, son incomparable observateur au flegme Britannique, et bien sûr, Wesley à qui Faith avait donné du fil à retordre. Ce lieu était cher à son cœur, devenu leur QG, là où le Scooby Gang avait résolu nombre de mystères et sauvé le monde à de nombreuses reprises.
Elle y entra et glissa une main le long du comptoir sur lequel Giles avait posé devant elle le manuel poussiéreux «Vampyr» le jour de son arrivée au Sunnydale High. Une rencontre qui lui avait fait prendre ses jambes à son cou…
Un sourire mélancolique dessina ses lèvres sur ce rappel en pensant à Giles qui coulait des jours heureux en campagne anglaise du côté de Cotswolds.
Buffy sursauta quand un homme se redressa depuis l'arrière du comptoir et rajusta ses lunettes.
— Hum… Bonjour, vous venez pour le poste de bibliothécaire?
Coïncidence ou non, il était anglais, mais ne ressemblait ni à Giles ni à Wesley, mais plutôt à l'ancien proviseur Wood, avec plus de cheveux sur la tête et moins de muscles. Seuls son flegme britannique et son accent trahissaient ses origines.
— Oh non, non, pas du tout, je me promenais, je suis une ancienne élève.
L'homme sembla surpris.
— Décidément.
Buffy plissa les yeux
— Décidément quoi?
— Une autre femme est venue hier et se promenait dans les couloirs. Je ne pensais pas qu'autant de personnes pouvaient être nostalgiques de leur ancien lycée.
Sur cette révélation, Buffy tenait peut-être une piste sérieuse d'enquête. En tout cas, elle ne la négligerait pas! Le voyant ranger quelques cartes, elle demanda:
— Pouvez-vous m'en dire plus sur cette femme? Peut-être que je la connais, ajouta-t-elle innocemment.
— Eh bien… Elle était à peu près de votre taille, plutôt jolie, les cheveux blonds ou auburn, je ne suis plus très sûr… Et elle cherchait un autre élève.
— Vous a-t-elle dit qui?
L'homme sembla réfléchir, fouiller dans sa mémoire.
— Un certain Al... Alec…
— Alex? l'aida Buffy.
— Oui, Alex, c'est bien le prénom qu'elle a prononcé. Alex Harris!
Buffy était statufiée en songeant à la possible identité de la femme que cet homme venait de décrire.
— Et… est-ce qu'elle vous a dit comment elle s'appelait?
— Malheureusement non. Je n'ai pas pensé à lui demander à vrai dire.
— Qu'a-t-elle fait ensuite?
L'homme se retrouva plus que surpris par toutes ces questions.
— Pardon, mais… êtes-vous de la police?
— Non, mais il se peut que je connaisse cette personne et qu'elle ait besoin de mon aide. Alors si vous savez quoi que ce soit…
— Je suis désolé, je ne sais rien de plus.
Buffy demeurait incertaine. Qui, faisant sa taille, plutôt jolie, avec des cheveux blonds, pouvait chercher Alex? Elle ne pouvait croire en la réponse qui lui venait spontanément pour la simple et bonne raison qu'elle avait vu Anya mourir sous ses yeux dans la grotte des Turoks. Dieu savait, et surtout Willow le lui avait expliqué, qu'aucune magie ne ressuscitait les morts décédés de façon «naturelle».
— Merci pour ces explications, je dois y aller…
Elle s'éloigna, mais l'homme l'interpella:
— Attendez! Je ne me suis pas présenté. Je suis le proviseur de cet établissement et nous cherchons un nouveau ou une nouvelle bibliothécaire…
Il approcha et tendit la main:
— Anton Astings, enchanté. Vous ne seriez pas intéressée par ce poste à tout hasard?
Buffy leva les sourcils, gênée de s'imaginer à la place de Giles.
— Non… Merci, mais les livres, ça n'a jamais été ma tasse de thé.
— C'est bien dommage. Si jamais vous croisez qui que ce soit qui aiment les livres et cherche un emploi calme…
— Je vous le ferai savoir! compris Buffy…
Elle s'éloigna vers la porte pour fuir cette étrange rencontre et sortit dans le couloir si rapidement qu'elle bouscula une silhouette et renversa ses livres sur le sol. Confuse, elle se pencha pour les ramasser et les lui tendit:
— Vraiment désolée…
Elle réalisa que l'élève percutée n'était autre que Logan, la fille de la Maire Regina Quinn dont le regard bleu la sonda aussitôt avec méfiance. Il n'y avait donc pas de hasard dans cette ville:
— Encore vous! accusa Logan.
Buffy lui sourit légèrement.
— Tu dois penser que je te suis.
— C'est exactement ce que je pense.
— Sauf que moi je sors et toi, tu arrives, donc techniquement…
Elle s'arrêta d'argumenter et préféra abréger:
— Il faut qu'on discute.
— Désolée, mais je ne vous connais pas, et je dois aller étudier avec une amie.
Elle la contourna pour continuer sa route, et s'assurant d'un regard dans le couloir qu'elles fussent seules, Buffy l'interpella:
— Attend Logan, je suis une Tueuse moi aussi… Et moi aussi j'ai aimé un vampire avec une âme.
Logan s'arrêta net sur ces paroles et se tourna doucement vers la femme avant de plonger son regard marqué d'interrogations dans le sien. Avait-elle bien entendu:
— Vous êtes une Tueuse?
— La Première, précisa Buffy non sans une certaine fierté. Tu es au courant qu'il y en a d'autres à travers le monde n'est-ce pas?
Logan acquiesça d'un signe de tête quelque peu hésitant.
— Oui, mais… qui vous a parlé du vampire?
Buffy jugea que le moment n'était pas opportun pour avoir cette discussion en plein couloir de son ancien lycée. Et il était préférable de garder les questions pour plus tard si elle voulait revoir Logan dans de meilleures conditions. Elle sortit une carte de sa pocheet la lui tendit:
— Tiens, mon numéro de téléphone. Quand tu auras terminé d'étudier et si tu souhaites me parler, appelle-moi et je répondrai à tes questions.
Logan prit la carte et regarda la Tueuse s'éloigner. Était-ce cela, la sensation étrange qu'elle avait sentie lors de leur rencontre fortuite la veille devant chez elle? Elle n'en savait rien, mais il était certain qu'elle appellerait cette femme.
Sa meilleure amie arriva.
— Logan?
C'était Raven Reyes. Le teint mâte, de grands yeux en amandes et les cheveux bruns mi-longs, Raven faisait de la magie et était d'ailleurs très douée dans son domaine.
— C'était qui cette femme? Une nouvelle prof?
Logan était encore sous le choc de ces présentations.
— Ce n'était pas une prof. Cette femme, c'est celle qui était devant chez moi hier. Elle dit qu'elle est une Tueuse.
— Vraiment? Et que t'a-t-elle dit?
— Qu'elle avait eu un petit ami vampire qui avait une âme.
Elle montra sa carte.
— Elle m'a laissé son numéro. Je vais sûrement la rappeler.
