Chapitre5: Sœurs
Le lendemain
Chambre de Buffy Summers - hôtel Sheterton
Assise contre le montant du lit et le téléphone à la main, Buffy était en vidéoconférence avec Willow et l'écoutait avec attention:
# Je n'ai rien trouvé de bizarre sur cette femme. Tout ce que je sais c'est qu'elle vient de San Francisco où elle vivait avec ses deux filles, Logan et Taylor, et sa femme Emma Nollan qui est décédée d'un cancer il y a bientôt dix ans. C'est une ancienne avocate qui gagnait plutôt bien sa vie et détenait un cabinet très réputé à New York.
— Quelque chose cloche dans cette histoire. Elle n'était pas étonnée quand j'ai évoqué l'Ascension.
# Qu'elle s'intéresse aux forces occultes ne fait pas d'elle un démon, surtout si sa fille est une Tueuse. Tout au plus, c'est une mère avisée qui s'intéresse aux activités de sa fille, ce qui n'est pas plus mal si on considère que Logan Nollan est en dehors du contrôle du Conseil et n'a pas d'Observateur. Penses-tu qu'on devrait les prévenir?
— Non! dit Buffy. Pas pour le moment. Ils viendraient faire de l'ingérence comme ils en ont l'habitude! Oh! Et tu diras à Cordelia ou Angel que ce n'était pas nécessaire de m'envoyer Spike.
Willow marqua une pause sur cette information.
# Spike ? Tu as vu… Spike?
— Oui, toujours égal à lui-même avec ses «chaton» par ci, «chaton» par là… Faudrait que quelqu'un lui dise que le manteau en cuir c'est passé de mode!
Willow constatait Buffy tout à fait sérieuse.
# Buffy… De quoi tu parles? Spike est mort.
Buffy fronça les sourcils.
— Pardon?
# Je pensais que tu étais au courant. Il est mort il y a bientôt dix ans à Los Angeles.
Buffy ne bougea plus:
— Mais… Tu m'avais dit qu'il était revenu quand le médaillon de la chute de Sunnydale a été envoyé chez Wolfram et Hart.
# Oui, c'était le cas. Mais il est décédé lors d'une mission il y a dix ans.
— Impossible! s'exclama Buffy. Je te dis que je l'ai vu, je lui ai parlé! À moins que…
Une seule chose pouvait expliquer ce qu'elle avait vu. Buffy s'affola:
— À moins que ce soit la Force! Après tout… je ne l'ai pas touché une seule fois et cette femme…
Son angoisse grimpa:
— Tu penses que c'est possible? Que la Force peut être de retour à Sunnydale?
Buffy s'emballa:
— Non d'un chien! La Mairesse m'a dit que les énergies convergeaient vers leur centre de gravité! C'est forcément la Force.
# Attend Buffy. Du calme. C'est effectivement une règle de base de la magie primaire, mais d'aucune façon, la magie ne ressuscite les morts. Enfin, pas comme ça, pas à si grande échelle, pas sans raison et sans une intervention d'une très grande puissance.
Buffy fit une pause. Elle voyait bien la stupeur de Willow et savait tout autant qu'elle n'avait pas rêvé. Lui revint alors l'anecdote du lycée que Buffy n'avait pas abordé avec Alex:
— J'ai parlé au proviseur du lycée qui m'a dit qu'une femme cherchait Alex. Et cette femme, la description qu'il m'en a faite… J'ai tout de suite pensé à Anya.
# Anya?
— Je n'avais aucune preuve, jusqu'à hier soir… Je l'ai aperçu de mes yeux au Bronze. J'ai tenté de la rattraper, mais j'ai eu une urgence…
Il y eut un long silence, un silence lourd de sens durant lequel les deux amis se perdaient dans leurs propres réflexions en songeant à toutes les personnes chères qu'elles avaient perdues.
# Buffy… Est-ce que tu crois que…
Les mots de Willow restèrent en suspens et Buffy avala difficilement. Si elle venait de penser à sa mère, Willow avait forcément songé à Tara.
— J'en sais rien, dit-elle à demi-mot.
Un autre silence, marqué de craintes, d'espoir, de douleurs, de nostalgie, et Willow décréta:
# Écoute… Je vais prendre mon billet d'avion pour le premier vol de ce soir, je serai à L.A. demain.
Buffy craignait d'avoir fait une erreur en se confiant à Willow sur ces informations. Elle s'était abstenue avec Alex au sujet d'Anya pour ne pas l'inquiéter, lui donner de faux espoir, mais ce qu'elle venait de confier à Willow sous-entendait des possibilités incroyables.
— Willow, attends… Je n'ai aucune certitude sur ce que j'avance. Si c'est la Force qui revient pour prendre sa revanche… tout ça pourrait être un piège!
À l'écran, Willow traversait déjà le couloir d'une maison pour rejoindre une chambre.
# Force ou non, je pense que ce qui se tient à Sunnydale risque de rapidement te dépasser Buffy… Et même si je sais qu'Alex est d'un grand soutien, il ne fera pas le poids si d'autres personnes que nos amis reviennent à la vie, et je ne parle pas d'humain, tu t'en doutes.
Buffy avait redouté ces paroles et ne pouvait les contredire. Que se passerait-il si Adam, Warren, ou pire, Gloria, Caleb, ressuscitaient à leur tour? Buffy en sentit un frisson d'effroi.
— OK. Je t'attends. Merci Will.
# De rien, à demain.
Buffy raccrocha et soupira doucement pour évacuer l'angoisse qui grimpait en elle. Elle quitta le lit et récupéra un pieu dans sa valise ouverte sur une commode.
Si Spike était en vie et n'était pas une représentation de la Force, elle devait s'en assurer!
Trente minutes plus tard, cimetière de Rosedale
Spike posa un vase style baroque sur une colonne en pierre. Revenir à Sunnydale exigeait aussi de s'installer dans un logement digne de ce nom pour William le Sanguinaire, et cela venait avec une décoration à son goût. C'était un véritable plaisir de retrouver son ancienne crypte que des squatteurs imprudents avaient osé occuper.
«Spike ?» entendit-il derrière lui.
Il se tourna et afficha un petit sourire provocant.
— Ah, Buffy! Je savais que tu viendrais me voir. Prête pour un nouveau corps à corps?
Buffy approcha sans attendre et toucha Spike de son index, une réaction qui laissa Spike dubitatif.
— Mais qu'est-ce que tu fais?
— Tu es réel! dit Buffy… Tu es bien réel!
— Bien sûr que je suis réel, amour.
Mais Buffy était plongée dans ses réflexions suite à sa discussion avec Willow.
— Quand es-tu revenu à Sunnydale? interrogea-t-elle.
Spike leva les sourcils de surprises.
— Eh bien, il y a quelques jours. J'ai essayé de te contacter, mais tous les autres avaient disparu. J'ai d'abord cru à un sort, jusqu'à ce que je te croise au cimetière.
— Toi, où étais-tu avant d'arriver? renvoya la Tueuse.
Spike ouvrit la bouche, prêt à répondre spontanément, mais aucun son ne sortit. Non pas par manque de volonté, mais parce qu'il se rendait compte qu'il n'avait aucune idée de l'endroit où il se trouvait avant son retour.
Le constatant confus, Buffy questionna:
— Quelle est la dernière chose dont tu te souviennes?
Un court silence s'imposa. Buffy le voyait troublé, fouiller ses souvenirs avec difficulté.
— J'étais… à Los Angeles, avec Cordelia et Gunn et… Il y a eu une explosion et…
Son regard bleu, bouleversé, remonta dans celui de la Tueuse. Spike ne s'était pas un seul instant soucié de la chronologie des événements. Lui, si inconstant… Voilà bien longtemps qu'il ne comptait plus les années, ni même le nombre de fois où il s'était réveillé ivre mort tant il buvait. Si Buffy lui avait brisé le cœur, une autre demoiselle avait pris sa place pour le malmener, la vodka devenant une fidèle compagne à ses nuits en solitaire.
— J'étais mort, comprit-il à retardement.
Buffy afficha un air désolé.
— Il paraît, oui… Et, tu n'es pas le seul à avoir ressuscité à Sunnydale. Il faut qu'on trouve pourquoi et comment, Spike.
Mais le vampire ne répondit pas. Rares étaient les fois où il se montrait soucieux, et comment ne pas l'être en réalisant qu'il n'était pas si immortel qu'il l'avait toujours pensé.
— Spike! Reprend-toi bon sang, j'ai besoin de toi.
Ce dernier cligna des paupières, l'expression plus concernée:
— Que veux-tu que je fasse?
— Ce que tu as toujours fait. Renseigne-toi auprès des démons de la ville, ouvre grand tes oreilles et si tu entends quoi que ce soit sur des résurrections semblables à la tienne, tu m'appelles.
Elle sortit une carte de sa poche et la lui tendit:
— Voici mon numéro!
Spike prit la carte et Buffy tourna les talons…
— Je compte sur toi…
Elle s'éloigna tout en sortant son téléphone de sa poche. Une fois dehors, elle marcha entre les tombes et appuya sur une touche qui composa le numéro de Willow:
# Oui, Buffy?
— Spike est réel. Il est revenu depuis un an et il s'est souvenu qu'il était mort.
# Oh…
Buffy était ébranlée par les implications d'une telle découverte. Et plus les secondes s'égrainaient plus elle réalisait que les conséquences sur leurs vies seraient sans précédent.
— Est-ce que tu penses que ça peut concerner tous ceux qu'on a connus?
Willow devinait que Buffy pensait à sa mère autant qu'elle pensait à Tara.
# Je l'ignore Buffy, mais quoi qu'il arrive, nous devons restées prudentes dans nos conclusions.
— Et si ça concernait aussi tous nos ennemis?
Buffy l'avait dit, et mettre des mots sur un passé dont ils étaient sortis indemnes, souvent de justesse, avait quelque chose de bouleversant.
# Écoute, je serai là demain matin au plus tard.
— Je dois retrouver Anya… Si elle est vivante, elle doit être complètement perdue! Est-ce que tu as quelque part une photo d'elle?
# Je dois en avoir dans mes anciens albums. Je t'envoie ça tout de suite avec un sort de localisation. Ça te fera gagner du temps!
— Merci. Je préviens Alex de ton arrivée et on t'attend.
# À demain…
— À demain.
Buffy raccrocha et retourna sans attendre vers le RAV4. Dès qu'elle fut assise, son téléphone sonna:
— Oui?
# Salut Buffy. C'est Alycia Chase…
Buffy avait totalement oublié la jeune Tueuse et à vrai dire son appel tombait mal.
— Alycia, je suis sur une mission, est-ce que je peux te rappeler plus tard?
# Ouais, sans problème.
— Merci, à plus tard…
Vingt minutes plus tard – Magic Box
La clochette de la boutique de magie résonna quand Buffy franchit la porte.
Si tout était comme dans ses souvenirs, Buffy trouverait les ingrédients de sa liste derrière le comptoir d'accueil. Elle approcha jusqu'à ce dernier et posa son regard sur la silhouette d'une femme brune, coupe carrée, qui se tenait de dos et rangeait quelques artefacts sur une étagère:
— Bonjour, j'ai besoin de plusieurs ingrédients.
— Je suis à vous tout de suite.
Buffy patienta un court instant et la femme se tourna enfin vers elle, arborant un grand sourire qui s'effaça la seconde suivante quand leurs regards se rivèrent l'un dans l'autre.
Buffy vacilla, autant que son interlocutrice qui la reconnaissait.
— Buffy… C'est bien toi?
Le cœur de la Tueuse venait sans doute de manquer un battement.
— Mademoiselle Calendar?
Assassinée par Angélus, son ancienne professeure d'informatique se tenait devant elle et Buffy bafouilla:
— Vous étiez…
— Morte, je sais. Ça fait trois ans que je suis revenue…
Buffy repartait si loin dans ses souvenirs… face à l'ancienne enseignante, elle redevenait l'adolescente choquée par le meurtre d'Angélus. De toutes les résurrections auxquelles elle avait songé, pas une seconde Buffy ne s'était préparée à faire face à Jennifer Calendar… Willow n'en reviendrait pas non plus quand elle arriverait, songeait-elle.
Jenny contourna le comptoir et approcha pour prendre les mains de Buffy qu'elle serra doucement comme pour s'assurer qu'elle fut réelle.
— Je suis si heureuse de te revoir!
Buffy sentait des larmes brûler ses joues sous l'émotion.
— Moi aussi… Mais…
Elle devait se reprendre.
— Que s'est-il passé à Sunnydale?
— Je l'ignore. Pas plus que je ne sais ce qu'il s'est passé entre l'année2004 et 2019. Je suis morte pendant 17ans Buffy, et malgré toutes mes recherches, rien n'explique que je sois revenue à la vie.
Et pendant ces 17années, Jenny n'avait pas pris une ride, constatait Buffy. Elle était telle qu'elle l'avait connu avant de mourir.
— Où sont Giles, Willow, Alex et Cordelia? interrogea son ancienne professeure d'informatique.
— C'est une longue histoire que je vous raconterai mais avant ça… je dois retrouver une amie, j'ai besoin de faire un sort de localisation au plus vite.
Buffy lui tendit son téléphone
— Avec ces ingrédients.
Jenny parcourut la liste des yeux:
— Tu n'es pas la première à me demander ces ingrédients aujourd'hui.
Buffy fronça les sourcils:
— Comment ça?
— Une jeune femme est venue à l'ouverture de la boutique ce matin avec la même liste.
Buffy réalisa que Jenny n'avait pas connu Anya. Elle récupéra son téléphone et chercha dans sa messagerie, la photo de l'ancienne démone que Willow lui avait transmise:
— Est-ce que c'était elle?
— Oui je la reconnais, c'était bien elle!
Buffy sentit son cœur battre à tout rompre. Jenny, Anya, Spike… Se pouvait-il que sa mère soit quelque part, qu'elle la retrouve telle qu'elle l'avait perdu un sombre matin où la vie tout entière de la jeune adulte qu'elle était s'était effondrée? Elle en eut les larmes aux yeux tandis que Jenny fouillait différents tiroirs.
L'ancienne professeur posa face à Buffy de l'amarante, des racines d'asphodèle, de la poudre de mandragore, quatre bougies, quatre cristaux de sel et enfin la carte de Sunnydale.
— Tout est là. Je peux te conduire dans l'arrière-boutique si tu veux faire le sort tout de suite.
— Oui, merci, ça va m'aider…
Elles rejoignirent une table derrière un rideau et Buffy plaça les cristaux aux quatre coins cardinaux de la carte de Sunnydale pendant que Jenny allumait les bougies.
La mise en place terminée, Buffy prit son téléphone, éparpilla la poudre de mandragore et récita la formule en lisant:
— Thespia, nous marchons dans l'ombre. Dans l'obscurité. Tu es la protectrice de la nuit.
Elle brûla les racines d'asphodèle et continua:
— Thespia, déesse, maîtresse de la nuit, nous t'implorons, ouvre une fenêtre sur le monde des ténèbres. Que ton savoir nous guide et nous protège. Que ta grâce soit la preuve de ta bonté.
Une lueur scintilla au sud-est de la ville et Buffy redouta la pire:
— C'est pas vrai… Elle est à l'hôtel Sheterton.
— Et qu'y a-t-il à l'hôtel?
— Alex!
Parc de Sunnydale – State Street
Alycia détestait rester au Cheesy, un hôtel miteux aux murs en carton où les activités dégueulasses du voisinage résonnaient à n'importe quelle heure du jour et de la nuit. Raison pour laquelle elle préférait encore quitter sa chambre.
Et que faisait une Tueuse qui n'avait presque pas d'argent pour vivre? Elle s'offrait un burger et un soda au Double Mixte et partait s'asseoir sur un banc du parc pour ne pas avoir à supporter les odeurs de la friture.
Elle avait envoyé un message à Logan ce matin, mais celle-ci n'avait pas encore répondu. Rien d'étonnant. Elle savait que ce genre de fille aimait se faire languir.
Dire qu'elle avait hâte de la revoir était un euphémisme. Leur soirée avait été agréable, pour ne pas dire géniale. Elles avaient dansé, s'étaient rapprochées, et même s'il ne s'était rien passé de très concluant, Alycia savait que le courant passait…
Ce parc de Sunnydale était toujours très calme contrairement à celui de Northfolk situé près de l'université. Les étudiants s'y rejoignaient toujours entre les cours.
Une famille pique-niquait sur le gazon. À une vingtaine de mètres, un père jouait à lancer une balle de base-ball à son fils qui la rattrapait avec son gant. Et ce fut une silhouette plus qu'inattendue qu'Alycia reconnut sur un châle posé sur l'herbe. La surprise était de taille. Logan était seule, assise en tailleur, le nez plongé dans un bouquin.
Alycia marcha dans sa direction et la salua:
— Ton petit look d'intello te va bien…
Une paire d'yeux se releva sur elle:
— Je vous demande pardon?
Alycia fut surprise par cette question et le ton pour le moins agressif de Logan qui jurait avec le souvenir qu'elle gardait de leur soirée.
— Je… je passais par là et je t'ai vu, je voulais simplement te dire bonjour.
La jeune femme se reprit en constatant que son interlocutrice n'était pas agressive:
— Hum, je vois… Tu me confonds avec ma sœur.
Alycia leva les sourcils, incertaine de comprendre.
— Ta sœur?
— Logan… Ma jumelle!
Cette fois, la stupeur se refléta dans le regard vert d'Alycia.
— Oh tu… tu es…
— Taylor, dit cette dernière en fermant son manuel de cours. La sœur de Logan.
Elle le rangea dans un sac et se leva en récupérant son châle sur l'herbe.
— Tu ne dois pas bien la connaître, sinon tu saurais que ma sœur a horreur de ces objets appelées «livres»!
— Désolée, vraiment… La ressemblance est vraiment…
— Non, elle et moi, on n'a rien à voir, mais si tu connaissais Logan, tu t'en serais rendu compte!
Elle recula et tourna les talons après un regard pour le moins glacial qui laissa Alycia de marbre. Si Logan était le feu, cette fille, sa jumelleétait la glace et venait de souffler sur elle un vent sibérien.
1630 Revello Drive
Logan avait laissé un message sur le répondeur de Buffy Summers, sans rappel de sa part pour le moment.
Quant à son rendez-vous de la veille, Alycia Chase lui avait écrit un message auquel Logan hésitait encore à répondre.
Incapable de se concentrer, elle était assise derrière son bureau, tapotait un stylo sur le chapitre de son manuel de littérature ouvert devant elle et pensait à tout autre chose qu'à Shakespeare.
Une pluie fine commençait à tomber contre la vitre et des grondements lointains résonnaient.
Elle entendit la porte du rez-de-chaussée, quitta sa chambre et traversa le couloir vers les escaliers, arrivant sur le palier où sa sœur se déchaussait. Contrairement à elle, sa jumelle excellait en cours et obtenait d'excellentes notes dans toutes les matières. C'était cela, l'avantage de ne pas être une Tueuse, de ne pas être soumise à la mission, aux entraînements, aux patrouilles… et ne pas être épuisée le matin pour aller au lycée.
— Où étais-tu?
— Au parc, je suis rentrée parce que le ciel se couvrait. Un orage arrive.
— J'allais déjeuner, tu manges avec moi?
— Une minute, je dois ranger mes affaires.
Logan acquiesça.
— OK, je t'attends dans la cuisine…
Logan s'y rendit et ouvrit le réfrigérateur. Chez les Nollan-Quinn, le frigo n'était jamais vide et même quand leur mère était absente, il y avait toujours de bons petits plats à manger. Regina était une grande cuisinière et au menu du midi Logan avait le choix entre du saumon aux épinards aux oignons hachés, ou du poulet cacciatore avec du couscous.
Elle opta pour le second choix et se servit une assiette qu'elle plaça dans le four à micro-ondes.
Taylor arriva après elle et Logan demanda:
— Dis, tu as terminé le devoir sur Shakespeare?
— Si tu parles de celui qu'on doit rendre lundi, bien sûr que je l'ai terminé. Ça fait au moins dix jours que monsieur Jenkins nous l'a donné.
Logan soupira et s'installa derrière le comptoir.
— Ça fait dix jours que maman me demande de patrouiller plus longtemps et de trouver ces maudits livres de l'Ascension.
Taylor ne tint pas rigueur de cet argument. Elle savait que Logan attendait qu'elle lui donne son devoir. Elle se servit du saumon aux épinards, fit chauffer son assiette et vint s'installer devant sa sœur qui la regardait avec insistance:
— S'il te plaît! Laisse-moi au moins prendre connaissance de ton plan d'analyse.
— C'est précisément le plan le plus important.
— Tu sais ce que je faisais hier soir quand tu es sortie au Bronze? renvoya Taylor…
Logan s'agaça:
— T'es sérieuse là? Je te signale qu'en dehors des quelques sorties que je fais de temps en temps pour avoir une vie sociale que je n'ai pas au lycée, je passe mon temps à faire des trucs de Tueuse!
Taylor se moquait de ses piètres excuses:
— Hier soir je faisais ton devoir, sur demande de maman! Tu sais ce que ça veut dire? Ça veut dire que quand maman t'envoie sauver le monde, moi je suis celle qui bosse pour deuxpour que tu obtiennes un diplôme qui ne te servira à rien, parce qu'une fois que nous serons à l'université, tu seras complètement larguéeet étant donné que nous ne suivrons pas le même cursus, je ne ferai plus tes devoirs!
Logan ne répondit pas à ces paroles. Elle savait que leur mère demandait parfois à Taylor de faire ses devoirs quand la mission primait sur le lycée. Ce qui n'était pas si injuste en y réfléchissant. Après tout, Logan ne pouvait pas à la fois obtenir de bonnes notes, et empêcher l'apocalypse. Regina avait scindé leur vie en deux. Logan était les muscles, Taylor le cerveau et l'une et l'autre excellaient dans leur domaine. Comme disait Regina, mieux valait maîtriser une compétence qu'être moyenne en tout, sauf que Taylor, elle, était bonne en tout. Certes, elle ne se battait pas, pas physiquement, mais elle excellait dans tout le reste et Logan l'enviait pour ses capacités d'analyse, de compréhension, d'application de tout ce qu'elle apprenait.
Logan n'eut pas le temps de répondre. La porte d'entrée s'ouvrit sur Regina qui entrait les bras chargés de courses:
— Aidez-moi les filles.
Les jumelles se levèrent pour décharger les bras de leur mère.
— Tu n'avais pas une réunion à midi? interrogea Taylor.
— Elle a été reportée à demain, répondit Regina en posant sur le comptoir son sac à main.
Puis elle se tourna vers Logan qui vidait les sacs pour ranger les aliments dans le réfrigérateur.
— Logan, j'ai une nouvelle piste pour retrouver les livres de l'Ascension.
— Laquelle?
— Un démon du nom de Skyler.
— Je dois le tuer? interrogea Logan.
— Non, nous allons le payer. Il exige simplement de l'argent. Nous avons rendez-vous demain soir au cimetière de Restfield.
— Un lieu charmant pour des transactions tout aussi charmantes, commenta Logan.
— Combienil vous demande? interrogea Taylor.
— Cinq mille dollars, dit Regina en récupérant une assiette et des couverts.
Taylor rangea le riz dans le placard et retourna s'asseoir derrière l'îlot de la cuisine:
— Et tu lui fais confiance à ce démon?
— Nous n'avons pas vraiment le choix.
Taylor était sceptique, mais n'en dirait rien. Elle n'était pas une Tueuse, et dans ce genre d'affaires, ce qu'elle pensait importait peu, même si elle n'en pensait pas moins… Elle se contenta de manger, écoutant sa mère et sa sœur discuter du rendez-vous…
Au même moment, de l'autre côté de la ville
Hôtel Sheterton
Alex recula d'un pas lent, le regard perdu sur la silhouette devant lui. Son soda était tombé sur le sol, lui échappant des mains quand il avait ouvert la porte de la chambre en pensant trouver Buffy…
Mais ce n'était pas Buffy qui s'adressait à lui en cette seconde:
— Alex, je t'en prie, je sais que tu vas trouver ça étrange, mais c'est moi, Anya, ta Anya…
— Si c'est toi, reste où tu es! pointa-t-il du doigt.
Il n'avait aucune arme, aucun pieu, aucune croix et qu'en aurait-il fait, car il savait que le minimum requis pour éloigner les fantômes était le sel… introuvable dans une chambre d'hôtel.
— Alex, je ne suis pas un fantôme, je suis revenue, je ne sais pas comment, je ne sais pas pourquoi, mais je suis là et ça fait trois jours que je te cherche… Je suis allée chez Buffy, au lycée de Sunnydale, au Bronze, et je t'ai enfin retrouvé…
Alex secouait doucement la tête, sonné par ce face-à-face, mais aussi immobile. Anya se rapprocha doucement, pas après pas, voyant Alex enlisé dans sa torpeur. Il avait vieilli, un peu grossi, mais c'était bel et bien lui, son Alex, l'amour de sa vie… Des larmes roulèrent sur ses joues et Anya finit par le prendre dans ses bras:
— Alex! J'ai eu si peur.
Alex l'enlaça, tremblant, bouleversé. Était-ce un rêve? Était-ce un cauchemar? L'un ou l'autre, il refusait de se réveiller… Pas un jour en vingt ans, il n'avait cessé de penser à Anya. Était-ce seulement réel? Ses parfums sous ses narines, la douceur de ses cheveux sous ses doigts, ses petites mains de démone agrippant son dos… Alex ne pouvait pas en douter. Quand bien même ce moment était une illusion, il y succombait… Ses bras l'enlacèrent, fébriles, pour la garder contre lui, pour que plus jamais ce moment ne s'achève.
Dans le couloir, Buffy arrêta sa course effrénée, suivie de Jenny et toutes deux trouvèrent le couple enlacé.
— Alex!
D'un mouvement prudent, Alex recula de sa défunte amante revenue à la vie, sans la lâcher et Buffy vit enfin le visage d'Anya se tourner vers elle.
Tout comme Jenny Calendar, l'ancienne démone n'avait pas changé, n'avait pas vieilli d'une ride malgré le poids des années.
— Salut Anya… dit-elle enfin. Heureuse de te revoir.
Accrochée au bras d'Alex, cette dernière afficha un petit sourire soulagé.
— Moi aussi je suis contente de te revoir.
Alex était choqué… Anya, et maintenant Mademoiselle Calendar tuée par Angélus. Elles étaient telles qu'elles avaient été avant leur mort tragique et violente. Il interrogea sa meilleure amie d'un regard déboussolé:
— Buffy… Qu'est-ce qui se passe?
— J'aimerais bien le savoir…
Jenny les observa à tour de rôle et proposa:
— Si vous voulez parler, on devrait aller chez moi, dit Jenny. Il y a plus de place et nous serons plus à l'aise pour discuter…
Mais Alex répondità Buffy:
— J'aimerais rester seule avec elle… Nous avons des choses à nous dire.
Buffy acquiesça, compréhensive:
— Bien sûr. Appelle-moi quand tu auras terminé.
Elle quitta la pièce, accompagnée de Jenny qui demanda:
— Et maintenant?
Buffy n'avait plus qu'une seule idée en tête:
— Reste-t-il des ingrédients pour un nouveau sort de localisation?
— Bien sûr, qui veux-tu localiser?
— Ma mère, dit Buffy…
Jenny se pinça les lèvres, désolée de comprendre que la maman de Buffy Summers était décédée…
