Ginny tremblait de toute part. Sa poitrine était comprimée, ses muscles tendus et des larmes s'écoulaient le long de ses joues. Elle se sentait mal, terriblement mal. C'était comme si tous ses membres coulaient le long de son corps, qu'elle se décomposait de l'intérieur. Elle avait chaud, mais froid à la fois.

Elle se leva sans savoir si ses jambes la soutiendraient longtemps.

– Excusez-moi… Je… Je dois sortir, bafouilla-t-elle avant de s'enfuir hors du salon.

Elle ne pensait à rien d'autre qu'à Astoria, à son visage et sa voix. À sa trahison. Elle se sentait trompée, idiote. Comment avait-elle pu subir tout cela sans le voir ? Comment avait-elle pu croire que tout était parfait ?

Elle se sentait mal. Elle avait le tournis.

Elle se traîna jusqu'à l'extérieur. Elle avait besoin d'air frais, d'une grande bouffée d'air frais. Qu'il pleuve, qu'il vente, elle n'en avait rien à faire. Elle étouffait.

Comment avait-elle pu lui mentir ainsi ? Lui cacher quelque chose d'aussi gros, d'aussi grave ? Elle avait mal, tellement mal.

Elle s'était bercée d'illusions, elle avait été aveuglée.

Elle la haïssait. Elle la détestait de tout son cœur, de toute son âme. Tous les espoirs, tous les sentiments qu'elle avait pour Astoria s'étaient envolés à la seconde où Harry avait parlé de Daphné.

Daphné. Elle n'arrivait pas à y croire. Astoria avait dit tant de fois du mal de sa sœur, arguant qu'elle méritait ce qu'elle vivait en Grande-Bretagne, qu'elle surjouait son état. Elle avait poussé Ginny à croire que sa sœur était le diable incarné, qu'elle ne valait rien. Et elle l'avait bêtement crue, soutenue.

Elle sanglotait sans pouvoir se calmer. Elle était en état de choc. Tétanisée. En transe.

Quelqu'un posa une main sur son épaule et elle sursauta en se retournant brusquement. Elle fit face au regard calme et composé de Théo.

– On va marcher ? suggéra-t-il en lui tendant un mouchoir.

Elle le fixa pendant de longues secondes, incapable de croire à ce qui se passait. Elle était encore hors du temps, hors de sa réalité.

– Je… Et Rachel ? Elle… Je devrais…

– Laisse, Harry s'en occupe. Allons marcher.

Cette fois-ci, il lui tendit sa main droite et elle ne put refuser. Elle se leva, les jambes tremblantes, tout en essuyant son nez et ses joues avec le mouchoir. Il passa son bras sous le sien et l'aida à marcher pour se rendre dans le jardin.

Après quelques minutes de silence, elle lâcha son bras et marcha d'elle-même. Ses sanglots se calmaient, alors que sa colère montait.

– Je ne l'ai jamais aimée, fit-elle avec dureté. Je l'adorais. Je la déifiais.

Théo resta silencieux. Il avait mis ses mains dans ses poches et marchait à ses côtés sans un mot. Elle avait besoin de parler, elle voulait crier, hurler à quel point elle la haïssait.

– J'avalais tout ce qu'elle me disait sans même y réfléchir. Elle avait toujours raison, elle me disait quoi faire, quoi porter, quoi dire. Et je ne m'en rendais même pas compte. J'étais tout le temps terrifiée, j'avais peur qu'elle me quitte, qu'elle m'en veuille à la moindre chose que je faisais. C'était comme ça tous les jours, j'étais tout le temps sur mes gardes à veiller à ce qu'elle soit contente et fière de moi.

Elle renifla avec colère. Elle était enragée.

– Je la déteste, rit-elle froidement. Elle a gâché ma vie pendant deux ans, et je ne le voyais même pas. Elle m'a pervertie, elle a infiltré chaque chose que je faisais pour le contrôler. C'est ça, elle me contrôlait, en fait.

Elle secoua la tête. Elle avait presque envie d'en rire, d'éclater de rire tant tout cela lui semblait fou. Comment avait-elle pu croire à tout ça ? Elle se trouvait pitoyable, minable.

– Elle a mal parlé de nos familles pendant deux ans, elle me poussait à m'éloigner d'eux, à ne pas leur répondre. Elle me disait que c'était mieux comme ça, qu'ils méritaient mon silence et que j'avais le droit à un peu de répit. Que je méritais la paix.

Elle s'arrêta au bord d'une barrière qui donnait sur l'Isle. En bas, des familles jouaient près du fleuve, il y avait des enfants, des adolescents, des parents. Ils semblaient heureux. Elle les enviait.

Théo s'arrêta près d'elle et sortit son paquet de cigarettes. Elle en attrapa une avant qu'il ait eu le temps de le ranger. Il tourna les yeux vers elle, mais ne prononça pas un seul mot et se contenta d'allumer leurs deux cigarettes. Peu importait ses bonnes résolutions, elles semblaient dérisoires face au reste.

Il fixait les familles d'un œil mélancolique. Son regard était pourtant dur, comme si décidé. C'était un mélange étrange. Il fumait presque avec rage, il voulait finir son tabac le plus vite possible, peut-être pour se détruire un peu.

Ginny baissa les yeux vers le fleuve à nouveau, vers ces enfants qui couraient et jouaient près de l'eau.

– Une fois, j'ai eu le malheur de lui parler d'enfants, pouffa-t-elle alors que d'autres larmes se mettaient à couler sur ses joues. Je lui ai dit que je voulais une grande famille, comme mes parents. Je lui ai dit que nous pourrions adopter, ou bien trouver un donneur.

Elle se souvenait de ce jour comme si c'était hier. Elle en avait encore mal au ventre d'angoisse.

– Elle a passé une heure à me faire culpabiliser, poursuivit-elle à voix basse. Elle m'a listé toutes les raisons pour lesquelles elle jugeait qu'avoir des enfants était une mauvaise idée. Puis elle a enchaîné en me demandant si je voulais vraiment finir comme ma mère.

Ginny eut un sanglot plus fort que l'autre qui secoua ses épaules et l'empêcha de poursuivre. Elle se prit le visage entre les mains, sa cigarette au bout des doigts. Elle était épuisée. Tout allait si bien jusque-là, tout était si parfait, si doux, si tranquille. Comment avait-elle pu être si aveuglée ?

Théo lui conjura un nouveau mouchoir et le lui tendit. Il gardait le silence, comme s'il avait peur de déranger cet instant suspendu. Ginny savait qu'elle aurait été incapable de dire tout ça si elle avait été interrompue. Il restait silencieux et c'était bien. Elle lui en était reconnaissante, bien qu'incapable de le dire. Elle avait presque honte de se montrer ainsi devant lui, mais elle ne voulait pas y penser. Il y avait bien trop de choses dans sa tête.

Finalement, il prit la parole, après un silence pesant lors duquel Ginny se répétait intérieurement toutes les horreurs qu'Astoria lui avait un jour dites. Toutes ces paroles et ces gestes qu'elle avait fini par banaliser. Par peur, par terreur.

– Tu as le droit d'être en colère, lui dit-il avant d'expirer une bouffée de fumée. Je serais inquiet si tu ne l'étais pas. En fait, j'attendais le jour où tu le serais enfin.

– Tu savais, n'est-ce pas ? lui demanda-t-elle après avoir hoché lentement la tête. Tu savais que ça n'avait pas été sain ?

– Oui. Nous le savions tous.

Une larme solitaire s'écoula sur la joue de Ginny. Elle l'essuya aussitôt, toujours honteuse de cette faiblesse.

– Mais essayer de te le faire comprendre aurait été vain, Ginny.

Il prononçait rarement son prénom. Il le faisait seulement lors de leurs petites conversations, lorsqu'ils parlaient de l'état du monde et échangeaient sur leurs différents points de vue. Il était calme, presque un autre homme, dans ces moments-là.

– Il fallait que tu le comprennes seule, que tu ouvres les yeux sur ce qu'elle t'a fait subir.

Elle hocha la tête. Cela faisait sens, elle savait qu'il avait raison. C'était simplement difficile à admettre, à avaler. Tout le monde autour d'elle l'avait prise en pitié, l'avait regardée rentrer et refaire sa vie en sachant qu'elle n'était pas guérie, qu'elle n'était pas sortie de cette relation.

Elle en avait mal à la poitrine.

– Plus tard, tu feras la paix avec tout ça. Je sais que c'est difficile à croire, mais tu finiras même par ne plus lui en vouloir.

– Comment tu le sais ?

Il ne répondit pas, il se contenta de hausser les épaules et de tirer sur sa cigarette.

Elle baissa la tête vers l'Isle et essuya ses dernières larmes.

En bas, les enfants jouaient et criaient avec bonheur.

oOo

Le soleil se couchait lentement à l'horizon, mais le ciel était trop couvert pour que la moindre couleur s'y dessine. Il n'avait pas plu de la journée, mais le temps n'avait pas été des plus favorables pour sortir.

Cela avait suffi à rendre Hermione bougonne, elle avait passé la journée enfermée dans sa librairie à lire des romances aux fins tristes qui lui avaient brisé le cœur. Elle était rentrée chez elle traînant des pieds et seul un moment dans les bras de Drago avait suffi à lui changer les idées.

Ils avaient dîné dans un silence presque parfait et avaient rangé la cuisine en discutant à voix basse de leurs lectures du jour. Hermione se sentait en paix, désormais. Elle était tranquille, calme.

Après le repas, elle s'était installée dans le jardin, sur le tronc d'arbre au sol, pour fumer une cigarette. Elle avait remarqué que sa consommation personnelle avait baissé depuis quelque temps. Il lui arrivait de fumer avec Drago le soir, avant de dormir, ou bien dans la journée lors de ses pauses à la librairie, mais autrement, elle ne fumait plus autant qu'avant. Son paquet par jour ne dépassait désormais plus les deux ou trois cigarettes.

Albert était allongé près d'elle, la tête posée sur le bout de ses pieds. Il avait couru longtemps dans le jardin après le dîner et semblait épuisé par tous ces efforts. Hermione avait envie de s'allonger à ses côtés et se blottir contre lui.

Elle en avait souvent envie ces derniers temps. Drago, Albert, et même parfois les héros idiots de ses livres. Elle avait envie d'être serrée dans les bras de quelqu'un, de se blottir contre un autre corps et d'être réconfortée.

Elle tira sur sa cigarette et observa la fumée s'éloigner d'elle après l'avoir expirée. On ne voyait même pas la lune à cause des nuages, ce soir-là. Hermione n'aimait pas ce genre de nuit, elle avait l'impression d'être seule, que le monde était sans vie et triste. Il ne pleuvait pas, il n'y avait pas d'orage. Il faisait gris, et c'était déprimant.

Elle entendit des pas derrière elle et se tourna vers Drago. Il portait le pull préféré d'Hermione, celui aux détails bleus et blanc qui faisaient tant ressortir ses yeux.

Il s'installa à ses côtés sur le tronc d'arbre et tira le paquet de cigarettes d'une des poches arrière du jean d'Hermione. Il l'alluma avec le briquet qui s'y trouvait et tira longuement dessus.

Hermione se souvenait de la première fois qu'il avait fumé à nouveau. Il avait poussé un petit soupir de satisfaction qui l'avait faite rire pendant de longues minutes. D'après ses dires, il avait attendu le plus longtemps possible avant de reprendre, mais avait fini par craquer à force de la voir fumer. Il l'avait faite taire d'un regard avant qu'elle n'ait pu s'en excuser.

Il ne fumait pas beaucoup, seulement le soir, avant de dormir. Il disait que cela le détendait, que parfois, cela lui permettait de calmer son esprit avant de se coucher. Hermione s'était souvent demandée si c'était vrai, où s'il ne fumait pas simplement par envie de l'accompagner.

Il lui faisait penser à Ron dans ces moments-là. Elle se souvenait qu'il avait été le seul à ne fumer qu'une cigarette par jour lors de la chasse aux Horcruxes. C'était Harry qui les y avait introduit. Hermione avait été réticente, arguant qu'il s'agissait de la pire chose qu'il puisse exister pour les dents, que cela finirait par les détruire de l'intérieur. Ils n'avaient pas été réceptifs à ses arguments, et elle avait fini par comprendre que ces cigarettes n'étaient rien comparées à ce qu'ils vivaient. Elle avait fini par se laisser tenter. Ils n'avaient pas tort. Il y avait bien pire. Elle était probablement celle qui fumait le plus désormais.

Elle se demanda si Harry avait réussi à arrêter, comme il l'avait souvent souhaité. Elle se souvenait de ces soirs où il promettait de jeter tous ses paquets le jour où Théo serait libre.

Drago prit la parole avant qu'elle n'ait le temps de laisser son esprit divaguer vers son meilleur ami. Elle ne voulait pas penser à lui, pas penser au fait qu'il lui manquait terriblement. Elle devait rester en colère contre lui, c'était mieux, bien mieux.

– Tu crois que tu pourrais me ramener des livres sur la psychologie ? lança-t-il après avoir tapoté sa cigarette contre le cendrier.

– Sur la psychologie ? répéta-t-elle, les sourcils haussés.

– Oui, enfin, je… Ce n'est pas important, laisse tomber.

Elle fut surprise qu'il se braque aussi facilement. Elle n'avait pas voulu être blessante, au contraire ! Elle était simplement surprise qu'il s'intéresse à cela. Lui qui ne demandait jamais rien, ce n'était pas anodin.

– Excuse-moi, dit-elle aussitôt en posant sa main sur son bras. Je ne voulais pas te vexer, je suis juste étonnée, je t'assure. Je te ramènerai tous les livres que tu veux, Drago.

Il avait les joues légèrement rosies de honte et Hermione s'en voulut encore davantage. La culpabilité lui retourna l'estomac.

– Je suis désolée, continua-t-elle. Fais-moi une liste des sujets qui t'intéressent et je te ramènerai tout ce que je trouve, Drago, c'est promis.

Il tourna les yeux vers elle, un sourire timide et reconnaissant sur les lèvres. Il se pencha vers elle et l'embrassa sur le front.

– Merci, se contenta-t-il de dire alors qu'elle se blottissait contre lui.

Elle détestait l'idée de l'avoir vexé. Il fronçait très légèrement les sourcils, lui prouvant qu'il était toujours déstabilisé par cette conversation. Elle s'en voulait tant. Comment les choses avaient-elles pu aller si vite ? Elle était censée savoir qu'il aurait réagi ainsi.

Elle écrasa sa cigarette et passa ses bras autour de son ventre, jusqu'à ce que leurs deux corps soient collés l'un à l'autre. Elle soupira presque de soulagement lorsqu'il passa une main sous ses cheveux pour caresser sa nuque.

– Mes cheveux sont trop longs, murmura-t-elle alors.

– Moi aussi, répondit-il avec un petit rire.

Elle leva la tête et croisa son regard de défi. Elle se mordit la lèvre inférieure alors qu'un large sourire étirait sa bouche. Est-ce qu'ils pensaient à la même chose ?

– J'ai des ciseaux de coiffeur dans ma chambre, souffla-t-elle.

– Tu accepterais de me couper les cheveux ? s'étonna-t-il en se reculant légèrement.

Elle frissonna à la perte de son contact. Sa peau chaude lui manquait. Il commençait à faire froid dehors.

– Uniquement si tu coupes les miens, lui répondit-elle alors.

– Deal, sourit-il avec malice.

Si elle ne lui faisait pas confiance, Hermione aurait eu peur de ce regard qu'il lui lançait, de ce regard qui donnait l'impression qu'il allait volontairement rater sa coupe. Mais elle lui faisait confiance, entièrement confiance. Peut-être même trop parfois. Il était le seul à qui elle confierait sa vie. Il savait qui elle était, il savait comment prendre soin d'elle. Et il le faisait.

Il était le seul à ramasser ses tasses de thé froid, à lui préparer ses plats favoris, ou lui conseiller de s'hydrater quand elle passait la journée à lire sans arrêter. Il était le seul avec qui elle pouvait débattre des heures de leurs lectures mutuelles ou bien avec qui elle pouvait jardiner sans se sentir jugée à propos de ses mains tremblantes ou du fait qu'elle ait perdu ses talents en botanique avec le temps. Il était le seul qui l'embrassait, qui massait ses épaules en fin de journée, qu'elle avait envie de serrer dans ses bras jusqu'à tomber de sommeil.

Il était le seul à qui elle confierait ses cheveux, auxquels elle tenait tant et qui pourtant étaient devenus une tare avec les années. Elle se demandait parfois ce qui l'avait retenue de les raser, après toutes les fois où elle les avait arrachés. Elle avait encore des souvenirs amers de sa dernière crise de panique, lors de laquelle elle s'était rendue chauve par endroit. Drago était arrivé à temps. Elle avait eu mal au crâne pendant des jours après cela.

Elle ne réalisa qu'il était debout devant elle que lorsqu'il appela son prénom avec douceur. Elle cligna plusieurs fois des yeux avant de les lever vers lui.

– Où étais-tu passée ? demanda-t-il avec un sourire doux, tout en lui tendant une main.

Elle l'attrapa et le serra dans ses bras aussitôt. Il poussa un petit hoquet de surprise mais n'attendit pas une seule seconde avant de passer ses bras autour d'elle.

– Merci d'être là, dit-elle les larmes aux yeux.

Elle se sentait émotive ce soir-là. Elle avait envie de lui dire tout ce qu'elle ressentait, de partager toutes les émotions puissantes qui faisaient battre sa poitrine.

– Je n'ai aucune envie de partir, lui chuchota-t-il à l'oreille.

Ils restèrent ainsi, sous le ciel plein de nuages, pendant de longues minutes. Parfois, Hermione lui murmurait des remerciements auxquels il répondait avec des baisers, ou des caresses. Elle se sentait bien dans ses bras, protégée, presque aimée. Aimée. Cela semblait si simple lorsqu'il était là.

Hermione n'avait jamais eu peur d'aimer les autres. Elle n'avait jamais craint de ressentir autant de choses pour quelqu'un, que cela soit ses amis, ou bien sa famille. Elle était en paix avec son amour pour les autres. Elle aimait aimer. Elle adorait ça.

Mais il y avait une grande différence entre le fait d'aimer et d'être aimée. Une différence que Hermione craignait, qu'elle avait connue toute sa vie. Elle s'était toujours convaincue du fait qu'aimer était bien plus important qu'être aimé. Elle avait grandi avec cette éducation : donner aux autres, donner tout ce que l'on avait. Et elle pensait avoir réussi.

Cela faisait quelques années qu'elle avait oublié cela, oublié son envie, son besoin de donner sans recevoir, d'offrir aux autres tout l'amour qu'elle avait accumulé pour eux. Elle s'était braquée depuis son arrivée en France, elle s'était fermée à ce qui pourtant lui avait permis de survivre pendant des années. Que serait-elle sans amour ?

Être aimée n'avait pas d'importance, mais aimer Drago, aimer ce qu'il représentait pour elle et aimer lui donner tout ce qu'elle pouvait ? Cela lui manquait. Elle le voulait. Et elle ferait tout pour.

Ils montèrent ensemble dans sa chambre et Drago y entra pour la première fois en y étant invité. Il était venu des dizaines de fois, réveillé par ses crises et ses hurlements de douleur. Hermione en avait honte, elle se sentit rougir alors qu'elle se dirigeait vers le placard où les ciseaux étaient rangés.

Il resta au centre de la pièce, les yeux occupés à observer tout ce qui l'entourait. Il découvrait la pièce dans son entièreté pour la première fois. Il n'avait jamais mis les pieds ici sans autre idée derrière la tête que de la secourir. Elle s'en voulait pour ça.

Peut-être qu'il ne se sentait pas bien ici ? Et s'il paniquait ? Et s'il se sentait mal de découvrir une nouvelle pièce de la maison, après des mois vécus ici ?

Elle se tourna vers lui pour vérifier, juste avant d'atteindre le placard. Juste pour vérifier. Elle voulait être sûre, elle voulait le protéger.

Il souriait. Cet idiot souriait. Il était bien loin d'être paniqué, il souriait en détaillant la seule pièce qui n'appartenait qu'à elle. Son cocon, son espace personnel. L'endroit où il avait déjà dormi une dizaine de fois mais qu'il quittait toujours dès l'aube pour ne pas risquer de l'importuner.

Il souriait comme si tout était bien. Peut-être que ça l'était.

C'était si facile de l'aimer, soudain. Encore plus simple, de plus en plus simple.

– C'était la chambre de mes grands-parents, lui confia-t-elle en sortant finalement les ciseaux du placard.

Elle le rejoignit et s'assit sur son lit pour le regarder. Il tourna les yeux vers elle, silencieux, dans l'attente de la suite de son récit.

– J'aurais pu dormir dans l'ancienne chambre d'enfant, celle qui est la plus proche de la tienne, mais j'avais envie de quelque chose de plus grand. Et puis j'étais sûre que la salle de bains marchait encore quand je me suis installée, ajouta-t-elle avec un petit rire.

Drago tourna alors la tête vers la partie salle de bains de la grande pièce et fronça les sourcils.

– Elle n'est pas utilisable ? demanda-t-il en s'en approchant.

– L'eau a été coupée quand mes grands-parents sont morts et je n'ai jamais réussi à la faire couler à nouveau, lui apprit-elle en le rejoignant. Je pensais que tout était une question de robinet sur les tuyaux, mais il semble que cela soit plus complexe que ça.

Il hocha lentement la tête, alors que ses yeux suivaient la route des tuyaux qui s'échappaient de la baignoire, du lavabo et des toilettes. Il s'approcha du petit robinet rouge qui dépassait de l'arrivée d'eau principale et le tourna vers la droite.

– J'ai déjà tout essayé, soupira-t-elle en le voyant faire. Je n'y connais rien et même la magie n'a rien pu faire.

Il se redressa et se tourna vers elle, le regard pensif. Après quelques secondes, il devint plus incertain, presque timide.

– Est-ce que tu veux que je regarde ? Pas maintenant ! enchaîna-t-il aussitôt, en bafouillant presque. Je veux dire que je pourrais essayer de comprendre ce qui ne va pas. J'ai lu quelques trucs de bricolage dans un des livres de ton grand-père, je pourrais peut-être y trouver des informations sur la plomberie.

– Tu ferais ça ? se surprit-elle à demander, en haussant les sourcils.

Les rides d'inquiétude disparurent autour des yeux de Drago. Il sourit.

– Pour toi ? Bien sûr.

Elle sourit de toutes ses dents et s'approcha de lui pour l'embrasser. Il lui rendit son baiser avec timidité, comme toujours. Pourtant, jamais Hermione ne s'en lassait. Elle se demandait souvent si elle était la première femme qu'il avait embrassée dans sa vie, si c'était pour cette raison qu'il semblait toujours aussi hésitant, presque effrayé de ce qu'il pourrait faire.

– Bon, tu commences ou je commence ? demanda-t-elle après s'être écartée, désormais excitée de jouer aux coiffeurs.

– Je veux bien que tu t'occupes de moi en premier, comme ça, j'aurai une sorte d'exemple.

S'il remarqua la rougeur de ses joues à ces mots, Drago ne dit rien après qu'elle eut hoché la tête et se contenta de s'asseoir sur le petit tabouret de la chambre. Hermione lui posa une serviette de toilette sur les épaules et lui sourit à travers le miroir, devant lequel ils étaient installés.

– Alors, qu'est-ce que je vous fais aujourd'hui, Monsieur Granger ?

Elle le vit sourire de toutes ses dents à ces mots et sentit son estomac s'envoler. Elle aimait tant l'appeler ainsi. Elle se poussait à le faire dès qu'elle en avait l'occasion, sachant à quel point cela leur plaisait à tous les deux.

Est-ce que cela voulait dire quoi que ce soit d'eux ? Peut-être. Mais c'était bien ainsi. C'était si bien.

– Je veux juste qu'ils soient plus courts, répondit Drago en passant une main dans ses mèches blondes. Pas trop courts non plus, j'aime qu'ils bouclent un petit peu, mais avec l'été qui arrive, je n'ai pas envie qu'ils soient trop longs et lourds sur ma tête.

– Très bien, répliqua-t-elle avec ce même ton de professionnel qu'elle avait employé pour rire.

Elle commença alors par mouiller ses cheveux, avant de couper les premières mèches. Ce n'était pas la première fois qu'elle faisait ça, Harry, Ron et même Luna étaient déjà passés sous ses coups de ciseaux bancals et ce plusieurs fois. Elle n'avait pas la prétention de dire qu'elle était douée, mais elle s'en sortait toujours pour que le tout ne soit pas catastrophique. Pas trop, du moins.

Ainsi, elle s'appliqua d'autant plus en sachant qu'il s'agissait de Drago. Elle avait même calé sa langue entre ses lèvres, comme si cela suffisait à ce que la coupe soit réussie.

Après une vingtaine de minutes à lui demander si ce n'était pas trop court chaque fois qu'elle coupait le moindre cheveu, Hermione se redressa et donna un dernier coup de ciseaux sur le bas des cheveux de Drago.

– Je pense qu'on est bon, dit-elle en lui jetant un regard plein d'appréhension.

Il tourna la tête de droite à gauche pour se regarder dans le miroir, alors que le stress montait dans la poitrine d'Hermione. Et s'il n'aimait pas ? Et si, en fait, elle avait coupé trop court ? Ses orteils se crispèrent dans ses chaussettes colorées, alors qu'il continuait de s'examiner.

Après ce qui lui parut durer une éternité, il se tourna enfin vers elle, un grand sourire aux lèvres.

– C'est parfait, lui dit-il en se passant une main dans les cheveux. C'est exactement ce que je voulais.

– Vraiment ? demanda-t-elle bêtement en s'approchant de lui.

– Vraiment, rit-il avec douceur. Merci, Hermione.

Elle lui sourit à son tour et se mit sur la pointe des pieds pour lui embrasser la joue.

– À toi, maintenant, lui dit-il en récupérant les ciseaux de ses mains. Qu'est-ce que je vous fais, Madame Granger ?

Elle s'installa sur le tabouret et il plaça la serviette sur ses épaules. Il y laissa ses mains, alors qu'ils se regardaient à travers le miroir. Elle se mordit la lèvre inférieure, incertaine quant à ce qu'elle allait lui dire. Elle voulait les couper plus courts, juste un peu. Juste un peu. Juste un peu.

– Coupe tout, finit-elle par dire, le regard décidé.

Elle le vit écarquiller les yeux, la bouche entrouverte.

– Tu es sérieuse ? demanda-t-il.

– Très sérieuse. Coupe le plus possible, au moins aussi court que toi.

Il avait les sourcils si haussés qu'elle se demanda si ça n'était pas douloureux. Mais elle était décidée. Son cœur battait la chamade de cette décision prise sur un coup de tête, mais elle n'avait aucune envie de reculer.

Drago déglutit et hocha la tête.

– Aussi court que moi, alors, souffla-t-il, semblant dépassé par sa demande.

Lorsqu'il coupa la première mèche, Hermione sentit un poids se retirer de ses épaules. C'était bien. C'était nouveau, mais c'était bien.


Merci à Damelith et Lyra pour leur aide et soutien !