Bonjour,
Merci pour vos reviews.
Makiang, sois rassurée, Severus ne sera PAS soumis. Le but de cette fic est justement d'inverser volontairement ce qu'on trouve bien trop souvent dans les fics: un Snape vampire dom et méprisant avec un Harry calice tout faible et soumis. Comme je l'avais déjà fait dans Un calice pour deux, je préfère écrire sur un lien bien plus équilibré où les deux parties subissent des conséquences du lien et pas une seule. J'explore ici une manière d'inverser les rôles sans complètement écraser les caractères des persos. Même si, j'en suis désolé par avance, ici Harry sera assez pathétique…
Lamourloi, je suis ravi de te retrouver dans une review, merci pour ta fidélité! Je dois avouer que le détail que tu as trouvé est totalement fortuit. Au début, Cléon n'avait pas de nom, il était juste «Le Vampire» mais je trouvais ça vraiment moche de laisser ça tout du long du coup j'ai décidé de lui chercher un prénom et j'ai cherché dans un émulateur de prénom quelque chose qui me plaise.
Bonne lecture.
Chapitre 2: Reconstruction de Poudlard
Une semaine était passée depuis la fin de la bataille finale. Harry logeait dans une chambre à la Tête de Sanglier et participait à l'effort collectif pour reconstruire le château avec les survivants de la bataille. Rogue avait récupéré de sa presque mort et avait repris son poste de directeur de l'école. Le Ministère avait très vite levé toutes les charges contre l'ancien espion sous la pression de Harry Potter et des membres de l'Ordre du Phénix. Même les Malfoy avaient été relâchés bien que leur cas ne soit pas tout à fait jugé. Lucius Malfoy, en bon stratège, était présent tous les jours sur les terres de Poudlard avec sa famille pour participer à la reconstruction.
De là où il était, Harry voyait Severus en pleine conversation avec le Lord blond. Severus avait l'air heureux, libéré d'un poids. C'était un autre homme. Il souriait à son ami à qui il avait menti sur ses vraies intentions pendant près de dix-sept ans. Pourtant Lucius Malfoy ne semblait pas lui en vouloir, mais Harry se méfiait des apparences. Il était attentif aux informations que ses sens lui donnaient sur le sang-pur et il était surpris de le sentir très détendu, les masques pouvaient enfin être déposés.
– Pourquoi as-tu fait ça, Potter ?
Harry réussit à ne pas sursauter et se tourna vers son rival de toujours. Drago Malfoy n'était plus son ennemi, la donne avait changé. Harry ne pouvait en être plus conscient qu'en cet instant, le regard plongé dans celui de Malfoy. Il revit leurs conflits adolescents avec une impression d'irréalité. Ils étaient loin le petit prétentieux et le gamin impulsif qui s'affrontaient dans les couloirs. Harry sentait le fossé entre Malfoy et lui avec une douloureuse acuité. Ils n'étaient plus du même monde. Harry dévisagea longuement le jeune homme qui, derrière son masque d'impassibilité parfaite, semblait méfiant à son égard.
– Quoi donc Malfoy ? Sauver ta peau ?
– La mienne, celles de mes parents…
Harry entendit la question supplémentaire, celle qui n'avait pas été posée, quand il intercepta le regard de Drago vers Severus Rogue. Il soupira et plongea sa main dans sa poche pour y attraper la baguette d'Aubépine dont il n'avait plus l'usage depuis qu'il avait réparé la sienne. Il la tendit à son vis-à-vis tout en répondant.
– Te concernant, Malfoy, c'était un simple retour des choses.
Les yeux de Drago s'agrandirent de surprise. Sa main tremblait quand ses doigts se refermèrent sur le bois. Il sentit sa magie répondre à la baguette et en fut soulagé. Un remerciement soufflé passa ses lèvres et Harry hocha la tête en réponse avant de détourner les yeux vers Severus.
– Pour tes parents, disons que je les savais en situation de faiblesse et j'avais besoin d'alliés. Je m'en suis servi.
– Très Serpentard.
– T'imagines même pas, sourit-il.
– Mais c'est pas la seule raison, non ?
Drago tourna lui aussi son regard vers les deux amis. Lucius et Severus discutaient sans pression comme ils n'avaient pu le faire depuis des années. La guerre et la trahison avaient mis tant de barrières entre eux. Ils se redécouvraient enfin, sans mensonges ni manipulations.
– Je suppose que non.
– Alors c'est vrai ? T'es plus humain ? Et Severus…
– Oui, c'est vrai, le coupa-t-il.
Un long silence s'installa entre eux alors qu'ils contemplaient toujours leurs aînés. Harry éprouvait ce besoin incontrôlable de toujours chercher Severus des yeux, de le couver de son regard, de s'assurer de sa sécurité. Cependant, il tentait de le faire avec le plus de discrétion possible car il craignait de mettre Rogue mal à l'aise et il sentait qu'il souffrirait bien trop d'un rejet de sa part. Il avait déjà beaucoup de mal à gérer le fait que Severus ne faisait que peu de cas de lui. Il se doutait qu'il allait devoir contacter son créateur bientôt à ce sujet, mais il n'osait pas. Il ne savait pas exactement quels reproches ou jugements il redoutait, mais il ne voulait pas trop y penser.
Drago posa la question qui titillait sa curiosité depuis qu'il avait appris la situation de son parrain.
– Tu l'aimes ?
– Qui ? Rogue ? S'exclama Harry avec surprise.
Devant le hochement de tête de son vis-à-vis, Harry se perdit un instant dans ses pensées. Il ne s'était pas posé la question, pas tout à fait dans ce sens, plutôt. Depuis une semaine, il s'était interrogé sur les raisons de son acte, mais aussi sur ce qui le liait désormais à Severus, ses sentiments envers lui. Il sourit pour lui-même et redevint sérieux avant de répondre.
– Non, c'est pas pour ça que j'ai fait ça. C'est, c'était plutôt, je sais pas, une impression d'immense gâchis. Comment t'expliquer ? Depuis que je suis un vampire, je sais ce que cachent les gens. C'est, heu, de l'empathie, je crois. En clair, ton masque impassible est pas très utile avec moi, dit-il avec un clin d'œil. Et quand je l'ai vu mourir, j'ai su que Rogue n'était pas le connard que j'avais toujours cru. Il a sacrifié autant que moi dans cette guerre, tu sais. Plus même, je pense… Tu peux accuser mon syndrome du héros, mais j'ai pas pu envisager de le laisser mourir alors que je pouvais l'empêcher. Et aujourd'hui, je sais pas. C'est biaisé par le lien du sang.
Un long silence suivit cette déclaration et Drago prit le temps d'intégrer chaque parole offerte par Potter. Ils avaient rarement, si ce n'est jamais, parlé avec autant de civilité, sans s'insulter. Il sentait qu'une possibilité de paix lui était offerte et il était décidé à l'accepter.
– Une dernière question, Potter, si tu permets. Pourquoi m'avoir répondu avec autant d'honnêteté ?
– Parce que j'ai senti que tes intentions n'étaient pas mauvaises, Malfoy, au contraire. Tu t'inquiètes pour Severus. Je pense qu'on pourrait, heu, recommencer depuis le début, toi et moi. T'en penses quoi ?
Avec un sourire complice, Drago tendit sa main en guise de réponse et Harry la serra fermement.
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Ils étaient installés au bord du lac. Ron et Hermione dévoraient des sandwichs préparés par les Elfes en guise de dîner tandis qu'ils profitaient de la fraîcheur de la soirée. Les journées étaient harassantes entre la chaleur suffocante de ce mois de mai et la quantité de magie qu'ils devaient mobiliser pour la reconstruction de l'école. Harry, étendu dans l'herbe, savourait l'arrivée de l'obscurité. Cléon l'avait prévenu, le soleil ne le dérangerait pas vraiment, mais il se sentirait plus à l'aise à la nuit tombée.
– Harry ?
Quand il ouvrit les yeux pour lui montrer qu'il l'écoutait, Hermione grimaça.
– Tu devrais peut-être aller voir le professeur Rogue.
– Pour quoi faire ?
– Tu… Harry, tes yeux sont rouges. En fait, ils sont rouges depuis ce midi.
La vague d'inquiétude qui émanait de Hermione le submergea et il secoua la tête pour éclaircir ses idées. Ron et Hermione avaient passé plusieurs mois à ses côtés, ils avaient appris à détecter les signes de sa faim. Harry pouvait comprendre qu'ils s'interrogent de les voir alors qu'il avait un calice. Il n'aurait pas dû avoir faim tout le temps, comme ça, mais il n'était pas capable d'en demander plus à Severus. Il détourna le regard.
– J'irai tout à l'heure.
– Harry !
Ron restait silencieux alors que Hermione tentait de raisonner Harry, mais son attitude indiquait sans équivoque qu'il soutenait la jeune femme. Il était installé près d'elle, comme pour faire bloc, et il hochait la tête à ses mots. Son expression reflétait aussi son assentiment. Harry grogna et se redressa en leur tournant le dos.
– Vous pouvez pas comprendre, ok ?
– Est-ce qu'il… Harry, est-ce qu'il refuse de te laisser…
– Non, bien sûr que non ! Hermione ! C'est pas ça, ok ?
– Alors quoi ?
Il secoua la tête. Comment pouvait-il leur expliquer ? Il était incapable de boire à satiété. Il se mordilla la lèvre pendant plusieurs minutes et son visage exprimait sa détresse à l'idée de ce qui le retenait. Finalement, il ferma les yeux et chuchota son aveu.
– C'est moi qui m'arrête trop tôt. Il me repousse pas, Hermione, mais il souffre et… juste, c'est insupportable.
– Il souffre ? demanda-t-elle avec surprise.
– Il est tendu quand je bois, Hermione. Il se crispe. Putain, il a subi des Doloris de Voldemort pendant des années et j'ai l'impression de le torturer encore plus ! C'est pas ça que je voulais. Je pensais, je croyais, enfin… Il est mon calice, merde ! Je peux pas lui faire de mal !
Harry se replia sur lui-même, le visage dans les mains. Il luttait contre son désespoir. Il avait fait de Rogue son calice pour qu'il vive, pour qu'il soit libre et heureux. Et c'était un bel échec. Tous les jours, il devenait son tortionnaire, il lui faisait du mal. Il sentait Severus se crisper pour résister à la douleur, mais il finissait toujours pas gémir. Et ce son lui était plus intolérable que tout le reste. Il n'était plus capable de boire quand Severus exprimait sa souffrance. Et quand il arrêtait, quand il s'en allait, Rogue ne le regardait pas. Le visage fermé, les yeux clos, les mâchoires crispées, il ne disait pas un mot, ne faisait pas un geste pendant que Harry s'éloignait.
– Tu es sûr qu'il souffre ?
– Tu ne l'as pas vu, Hermione.
– Je veux dire… Harry, tu ressens sa souffrance ?
Il releva son visage défait pour croiser son regard. Ils s'observèrent un instant et il finit par secouer la tête, résigné.
– Je ne sens rien. Il est, je crois que c'est de l'occlumancie, en tous cas, rien ne passe. C'est, ça aussi, c'est…
Harry laissa sa phrase en suspens, il ne pouvait pas expliquer à ses amis combien il était sensible au fait que Rogue le rejette ainsi. C'était à la fois ridicule vu que l'homme l'avait haï depuis le premier jour et honteux tant c'était intime. Hermione n'osa pas ajouter quoi que ce soit mais elle se promit d'aller faire des recherches à la bibliothèque dès que celle-ci serait de nouveau accessible.
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– Harry !
Le cri d'Hermione Granger fit sursauter Severus. Aussitôt, il chercha son vampire des yeux et le trouva sous une pierre qui avait décidé qu'elle ne voulait pas rester à la place qu'on lui avait attribuée. Madame Pomfresh se précipita sur place alors que Arthur Weasley s'occupait de faire léviter l'objet coupable afin de le déposer plus loin. Potter avait la jambe dans un angle anormal et son sang se répandait autour de lui. Les mâchoires crispées, et les doigts refermés sur le tissu de son vêtement, il retenait avec difficulté ses gémissements de douleur. Tout le monde afflua pour voir ce qu'il se passait alors que l'infirmière s'égosillait à essayer d'obtenir de l'espace.
Le Maître des Potions croisa alors le regard de Potter. Ses yeux étaient rouges et l'imploraient de venir l'aider. Pourtant pas un son ne sortait de sa bouche. Le contact visuel fût rompu quand Hagrid prit Harry dans ses bras pour l'entraîner à l'intérieur. Harry hurla de douleur. Un frisson d'effroi traversa Severus et il fût pris de nausées comme si le cri de Potter lui arrachait les entrailles. Ses mains se mirent à trembler devant l'image de Potter en mauvaise posture.
Cela faisait deux semaines qu'il nourrissait Harry à son poignet et qu'il manquait de jouir à chaque fois. Il avait en horreur les réactions de son corps et se montrait de jour en jour plus réticent à céder aux besoins de son vampire. Il dépensait tous les jours beaucoup d'énergie à monter ses barrières d'occlumancie au maximum pour éviter d'être influencé par le lien qui l'unissait à Potter. Pourtant, en cet instant, tout son être voulait se précipiter à la suite du blessé pour… pour quoi faire ?
Une claque retentissante le sortit de ses pensées et il se retrouva face à une Minerva Mcgonagall furieuse. Il se crispa et se prépara, la joue brûlante, à encaisser les reproches. Pourtant, malgré sa voix haut perchée, la professeure de Métamorphose, chuchotait presque tant elle était hors d'elle et tentait de se contenir pour ne pas humilier son collègue devant tous les bénévoles.
– Comptez-vous attendre qu'il ait perdu sa jambe pour intervenir, Severus ?
La phrase le laissa glacé et, sans contrôler la panique qui s'empara de lui, il repoussa l'écossaise et se mit à courir vers le bâtiment. Une part de lui voulait garder ses distances avec à ce satané Potter, mais au fond de lui, il sentait qu'il ne pouvait tout simplement pas laisser Harry souffrir, ça lui était insupportable. Il savait que c'était à cause du lien et il tentait de lutter contre ça, plutôt avec succès. Pourtant, l'hypothèse que Harry soit mutilé par sa faute, car c'était de sa faute, bien sûr, lui était intolérable.
Quand il entra en trombe dans l'infirmerie et traversa le sort de silence, il se sentit déchiré par le hurlement de douleur qui raisonna à ses oreilles. Il s'accrocha à une chaise pour ne pas s'effondrer sous le choc. L'infirmière semblait dépassée, Granger paniquait, Weasley gesticulait. Les sorts et les potions n'agissaient pas comme prévu et Harry Potter souffrait. Les larmes aux yeux, perdu dans sa douleur, il délirait. Pourtant, il planta ses prunelles rouges droit dans les siennes au moment où Severus pénétra dans la pièce, il avait senti la présence de son calice. Son regard semblait damné quand il gémit son prénom, comme une supplique. Alors la voix froide du Maître des Potions résonna dans la pièce et tout le monde se tût.
– Sortez tous.
– Mais… Severus…
– Mais rien, Poppy ! s'énerva-t-il. Les potions ne fonctionnent pas parce que Potter est un vampire et vous le savez. Seul le sang peut le guérir. Le sang de son calice. Alors sortez ! TOUS ! MAINTENANT !
Il y eut un silence entrecoupé par les halètements de Harry et celui-ci finit par interpeller sa meilleure amie. Sa voix était rauque d'avoir crié.
– Hermione… s'il te plaît… j'ai besoin… s'il te plaît… tu sais…
Hermione pâlit. Oui, elle savait combien la morsure était un acte intime. Harry avait eu honte pendant plusieurs semaines qu'elle ait assisté à sa première fois. Depuis, elle ne l'avait plus vu se nourrir. Alors la morsure d'un vampire sur son calice… Elle comprenait la demande de Harry et elle fit aussi vite que possible faire sortir tout le monde de la pièce.
Une fois la porte fermée, Rogue approcha du lit de Potter, ils ne se quittèrent pas des yeux. Harry gémissait, les dents serrées. Severus s'assit sur le bord du lit et Harry dût fermer les yeux, les mains crispées sur les draps, pour ne pas hurler. Imperturbable, Rogue commença à déboutonner sa manche, mais la main blanche se posa sur son poignet. Concentré pour contenir la douleur, les yeux humides, Harry hésita. S'il parlait de son calice en l'appelant par son prénom et s'il avait prononcé ce même prénom dans les affres de la souffrance, il n'osait plus maintenant que Severus était près de lui. Avec difficulté, il gémit quelques mots :
– Non, professeur… Va m'en falloir plus… je dois… mordre à la gorge… s'il vous plaît…
– Bien.
L'homme s'était tendu, mais n'avait pas envisagé de refuser une demande directe de son vampire. Il sentait qu'il ne pouvait pas s'opposer aux désirs de Potter et cela le hérissait. Mais dans ces circonstances précises, il ne souhaitait pas y résister. Il déboutonna alors son col et se pencha vers le visage du blessé. Harry lui dit de s'installer près de lui, étendu contre lui. Severus frémit. Si une petite morsure au poignet lui procurait un plaisir difficile à contrôler, qu'en serait-il d'une morsure à la gorge, au sein d'une étreinte? Il ferma les yeux et obtempéra.
Harry passa un bras dans son dos pour le maintenir contre son corps et gémit un remerciement, comme à chaque fois que Severus lui offrait son sang, avant de planter ses crocs dans la gorge offerte avec un soulagement visible. Le plaisir transperça Severus. Il s'accrocha de toutes ses forces aux épaules de Potter pour ne pas perdre la tête, mais après plusieurs minutes d'échanges à subir ces vagues de bien-être à chaque gorgée de sang qui quittait son corps, il ne put retenir un gémissement. Honteux, il voulut s'éloigner, mais Harry l'en empêcha, il le maintenait avec fermeté alors qu'il s'abreuvait à même sa gorge. Ses blessures guérissaient, la douleur disparaissait. Harry n'avait plus conscience de la situation, son instinct avait pris le relais.
Néanmoins, quand Severus sentit sa tête tourner, il murmura le nom de son vampire et celui-ci mit fin à la morsure en léchant la plaie pour qu'elle se referme. Honteux et bien trop excité, Severus voulut s'éloigner, mais Harry ne le lâcha pas. Il murmura :
– J'en ai prélevé plus que d'habitude, vous ne pourrez pas marcher, reposez-vous un peu ici.
Et sur ces mots, ses bras resserrés sur le corps de Severus, Harry Potter s'endormit.
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– Potter, je voudrais vous parler, s'il vous plaît.
C'était la mi-juillet. L'école était presque reconstruite et Harry louait désormais une petite maison à l'extérieur de Pré-au-lard. Une grande partie des personnes qui avaient participé à la reconstruction étaient parties profiter de l'été et les derniers professeurs présents aidaient à terminer les aménagements pour que l'école puisse rouvrir en septembre. Harry était en train d'insuffler sa magie au plafond enchanté de la Grande Salle quand Severus était venu le chercher. Il mit fin à son sortilège, lança un regard aux professeurs présents pour les saluer et suivit Rogue dans les couloirs jusqu'au bureau directorial. Ils n'échangèrent pas une parole jusqu'à ce qu'ils fussent chacun assis.
– J'ai des affaires personnelles à régler dans ma résidence principale, je vais m'absenter pendant environ un mois.
Harry pâlit à cette annonce. Il savait qu'il prélevait le strict minimum à Severus en ne prenant qu'un peu de sang tous les jours à son poignet. Il n'osait pas imaginer dans quel état il serait après un mois sans être nourri. Rogue comprit son malaise et le réprimanda comme il l'avait tant fait les années précédentes.
– Ne soyez pas idiot, Potter, grogna-t-il. Si je vous en parle c'est pour que nous trouvions une manière de continuer à vous sustenter. Néanmoins, si cela est possible, j'aimerais éviter de revenir tous les jours.
– Je comprends…
La voix de Harry était douloureuse. Il savait déjà qu'il allait souffrir de cette séparation. Rien que l'idée que Severus pouvait évoquer cette situation sans sourciller lui était éprouvante. Il ne cessait de douter, de se sentir rejeté par Rogue. Il avait de plus en plus l'impression de n'être qu'une épine dans son pied. Peut-être le lien qu'il avait formé dans l'urgence et la panique du moment était trop faible, peut-être que Severus cherchait un moyen de se débarrasser de lui. Ils auraient dû être interdépendants et ce n'était pas le cas. Harry semblait être le seul à avoir besoin de la présence de l'autre. Et il se faisait violence pour s'en priver. Mais si c'était le désir de Severus, il ne pouvait qu'y céder. Il observa Rogue un long moment puis, vaincu, la mort dans l'âme, il hocha la tête. C'est presque dans un murmure qu'il répondit à la demande.
– Je suppose que, et bien, si vous me faites parvenir votre sang, heu, régulièrement, je pourrais, peut-être, heu, m'en contenter. Mais, enfin, je crois, peut-être, heu.
– Monsieur Potter ! s'impatienta Severus.
– Pardon professeur. C'est que, je pense que, enfin, il faut une vraie morsure pour, heu, pour maintenir la pr-production, heu, peut-être, heu, toutes les semaines, enfin, si vous, je, si c'est possible et, heu, si… vous êtes d'accord.
La voix de Harry mourut alors qu'il se rendait compte de ce qu'il venait de proposer. Il avait baissé les yeux, rouge de gêne, et luttait pour ne pas se replier sur lui-même. Il voulait se réfugier sous sa couette pour ne plus y penser. Ne pas voir Severus tous les jours, qu'il soit loin, qu'il n'ait aucune nouvelle. Il avait déjà l'impression d'en mourir. Rien que l'idée lui était insupportable. Mais il se convainquait qu'il avait survécu à pire, que ça n'était qu'un petit mois, qu'il le verrait tout de même. Pourtant, son cœur déjà arrêté sembla se déchirer. Il eut du mal à reprendre son souffle.
Il n'était pas capable de sentir les émotions de Rogue. Il savait que ce n'était pas normal et il supposait que c'était parce que Rogue usait au maximum d'occlumancie pour bloquer le lien. Il préférait cette hypothèse à la possibilité d'un lien mal fait, mais il n'avait aucun moyen d'en être sûr. Et même si c'était le cas, ça n'était pas non plus rassurant. Ce n'était qu'une preuve de plus que Severus ne voulait pas de lui. Dans ces moments de doutes, il en venait à se demander s'il avait eu raison de les lier ainsi, mais l'idée que Rogue serait mort le terrassait de douleur. Il avait besoin de lui, il était dépendant de lui autant sur le plan physique que sur le plan émotionnel. Ce n'était pas le cas de Severus qui serait certainement plus heureux sans l'avoir dans les pattes. Dans ces moments-là, il pensait à la mort. La sienne. Pour libérer Severus de sa présence.
Le fait que le lien soit incomplet n'aidait pas non plus, mais il était inenvisageable pour Harry, malgré ses besoins de plus en plus intenses, d'imposer quoi que ce soit à Rogue, surtout de cet ordre. Il ferma les yeux pour cacher sa souffrance à l'idée de cette séparation en attendant que Severus valide la torture qu'il s'imposait par cette proposition. Après un long silence, Rogue poussa un soupir de résignation et le couperet tomba de sa voix glacée :
– Très bien. Je peux m'organiser pour revenir une fois par semaine et vous faire parvenir une poche de mon sang tous les deux jours.
Les yeux toujours clos, Harry se força à retenir les tremblement de ses mains et poussa sa torture personnelle jusqu'à remercier son calice.
