Thor (MCU), 2 septembre 2019
One-Shot écrit dans le cadre d'un défi d'écriture sur le thème « les héros en vacances » (juillet août 2019).


Le Jeger était un baleinier moderne, qui avait pris la mer il y a de cela une bonne dizaine d'années. Son équipage n'avait pratiquement pas changé depuis lors, et on y retrouvait le même groupe de marins avertis, professionnels et non dénués d'un certain appât du gain. Ce qui arrangeait bien ses deux passagers clandestins.

Pour l'heure, le navire fendait les flots gelés de la mer de Norvège, dans une trajectoire en zig-zag destinée à éviter les morceaux de glace sur son passage. Thor était penché par-dessus la balustrade et regardait le paysage enneigé défiler. Il avait pris soin d'enfiler le manteau prêté par les pêcheurs, mais ça ne l'empêchait pas de sentir l'air froid, qui semblait vouloir s'infiltrer sous sa peau. Il se demandait confusément comment cette partie de la planète Terre pouvait atteindre des températures plus négatives encore que celles de Jötunheim.

Il regrettait de ne pas avoir insisté davantage pour prendre l'avion, mais son frère avait décrété que c'était « trop cher » – et il se demandait à quoi « trop cher » pouvait bien correspondre, persuadé que de toute façon, le sorcier ne se privait pas pour sortir de l'argent de ces poches magiques. Un jour, ils finiraient par avoir une discussion à ce propos, d'ailleurs.

Thor se demanda, pour au moins la troisième fois de la journée, comment il s'était retrouvé là, ouvrit la bouche pour en faire part à son frère, mais ce dernier le devança :

— Encore ? Ça fait deux fois que je te l'explique, répondit Loki, sans lever les yeux du quelconque dispositif électronique rectangulaire qu'il consultait.
— Non, je veux dire, qu'est-ce qu'on fait vraiment ici ? Ce n'est pas exactement ce que j'avais en tête quand j'ai parlé de vacances, râla Thor, en pointant du doigt les morceaux de glace qui s'étendaient à perte de vue.
— Je sais ce que tu avais en tête. Crois-moi, c'est bien mieux.

Thor soupira.

— Quand est-ce qu'on arrive ?
— Dans une heure ou deux. On va accoster au… Spitzberg.
— Que comptes-tu aller visiter là-bas ?
— La ville de Longyearbyen, les montagnes aux alentours… hum, ils disent aussi qu'il y a une chance non négligeable de croiser des ours polaires. Oh et pour finir, le Global Seed Vault.
— Le quoi ?
— C'est une sorte de bunker souterrain où ils conservent les graines de millions d'espèces végétales.
— Pourquoi tu veux visiter ça ? fit Thor, surpris de l'intérêt soudain de son frère pour les plantes terrestres.
— C'est intéressant.

Il ne chercha pas à le contredire et partit ruminer dans son coin. Il ne voulait pas encore se disputer avec son frère. Il allait prier pour que celui-ci n'ait pas l'idée saugrenue de déclencher une apocalypse ou quelque chose qui s'en approchait.

Thor fut réveillé en sursaut deux heures plus tard, par un bruit sourd, suivi d'une secousse qui semblait être partie du côté droit du bateau. Encore groggy, il tenta au mieux de retrouver ses esprits, saisit un manteau au passage, avant de se précipiter à l'extérieur.

Il atteignit le pont tant bien que mal, pour le trouver en pleine effervescence. Des marins affairés couraient d'un bout à l'autre de l'embarcation, tout en braillant des instructions dans une langue que Thor ne pouvait comprendre.

— Loki ! Qu'est-ce qu'il se passe ? demanda-t-il, quand il réussit à lui mettre la main dessus.
— Ils ont heurté quelque chose, répondit l'interpellé, comme si rien de significatif n'était arrivé. Une fausse manoeuvre lors de l'approche du quai. Ça n'a pas l'air si grave. On devrait descendre, on est arrivé, de toute façon.

Les deux frères mirent alors pied à terre, pied qui s'enfonça aussitôt dans les quarante centimètres de neige qui recouvraient le sol. Thor commençait à se dire qu'il allait être difficile de rejoindre la ville, lorsqu'il avisa un chemin emprunté il y a peu.

— C'est mieux par ici, fit-il à l'intention de Loki, qui semblait hésiter à descendre du bateau.

Ce dernier grimaça à la vue du chemin, rendu boueux par la neige qui avait fondu sous le passage d'un quelconque véhicule motorisé.

— Tu viens, où tu restes planté là ? lança Thor, alors qu'il constatait que son frère n'avait toujours pas bougé.
— Il est hors de question que je marche là-dedans, fit Loki, avec une grimace de dégoût.

Thor se retint de lever les yeux au ciel.

— Tu veux que je te porte ? proposa-t-il, soudain.
— Quoi ? Certainement pas !

C'est donc avec son frère très mal installé sur le dos que Thor arriva dans les rues désertes de Longyearbyen. Au vu des lumières aux fenêtres, la population était retranchée dans les habitations, ce qui n'avait rien d'étonnant, étant donné la nuit qui venait de tomber et les températures négatives.

Les deux frères préférèrent ne pas s'attarder dehors et se hâtèrent vers leur hôtel. Après deux trois formalités et avoir récupéré les clés au comptoir, ils purent enfin accéder à leur chambre.

— Qu'est-ce que c'est que ce truc ? demanda Thor, en train d'observer une sorte de baignoire qui occupait un coin de la deuxième pièce.
— C'est un jacuzzi.
— Un quoi ?
— Peu importe, on ne s'en servira pas.
— Pourquoi avoir pris une chambre avec ça, dans ce cas ?
— C'était la plus spacieuse. Maintenant, va dormir, on part au lever du soleil, et le soleil se lève très tôt par ici.

Loki n'avait pas menti lorsqu'il avait dit que le soleil se levait tôt. En plus, la durée du cycle jour/nuit était pour le moins étrange, par ici. La nuit qu'ils venaient de passer n'avait durée que quatre heures. Thor avait cru comprendre que la nuit suivante serait plus longue, et ainsi de suite, jusqu'à ce que le soleil ne se lève plus et ce, pendant plusieurs mois.

À présent, quatre nuits étaient passées, dont la dernière, d'une durée d'environs cinq heures. Les deux frères avaient pu visiter la ville, le musée, partir voir les montagnes environnantes, et étaient même tombés sur quelques ours polaires. Thor n'appréciait pas trop les paysages enneigés, mais au moins l'endroit s'avérait calme et reposant. Il ne s'était pas disputé une seule fois avec Loki depuis leur arrivée, et ils avaient même passé du bon temps ensemble. Ces vacances ne semblaient pas une si mauvaise idée, en fin de compte.

Thor, perdu dans ses pensées, manqua de percuter Loki, lorsque celui-ci s'arrêta net, en plein milieu de nulle part.

— Il y a un problème ? s'informa-t-il.
— J'ai perdu la connexion, répondit le concerné, qui suivait le chemin à prendre sur son dispositif électronique.
— C'est parce qu'on s'est beaucoup éloigné de la ville ?
— C'est impossible. C'est relié à un satellite.
— Laisse tomber ce truc, on aura qu'à revenir sur nos pas, fit Thor, en pointant du doigt les traces qu'ils avaient laissées dans la neige.

Le temps était clair et sec, il y avait donc peu de chance qu'elles soient recouvertes. Loki sembla sur le point de dire quelque chose, avant d'y renoncer.

— Oh allez, ajouta Thor, qu'est-ce qu'on risque à part mourir de froid ? Enfin, surtout moi.
— Tu devrais faire attention mon frère, il est interdit de mourir à Longyearbyen, fit Loki dans un sourire.
— Comment on fait pour interdire à des gens de mourir ?
— La politique midgardienne n'est pas ma tasse de thé, répondit-il, en haussant les épaules.

Les deux frères marchèrent encore quelques mètres avant d'arriver au dernier bâtiment qu'ils comptaient visiter ; le Global Seed Vault. Le grenier de la planète se présentait sous la forme d'un angle de 90°C en béton qui dépassait du sol, large d'à peine deux mètres. À l'avant, une passerelle en métal menait à l'entrée, gardée par une porte métallique.

Seule une route sinueuse y menait, et les alentours étaient totalement déserts. Thor se tourna vers son frère.

— Tu es sûr qu'on a le droit d'être là ?

Loki le considéra pendant un moment, avant de répondre :

— Pas vraiment.
— Comment ça pas vraiment ? s'indigna Thor. À tous les coups, le bâtiment n'était pas ouvert au public.
— Personne ne saura qu'on est venu, argua Loki.
— Ce n'est pas une raison pour entrer par effraction !
— Techniquement, il n'y aura pas effraction.
Loki, gronda son frère.
— Écoute, on entre juste jeter un oeil et on ressort. Ce serait bête d'avoir fait tout ce chemin pour rien.
— D'accord, céda Thor à contre-coeur, mais ne t'avise pas de toucher à quoi que ce soit.

Loki ouvrit la porte métallique de l'entrée comme si elle n'était pas verrouillée, et s'engouffra dans le bunker. Les deux frères passèrent encore quatre portes de ce type, avant de se retrouver dans une salle vide aux murs gris. Enfin, on les devinait gris, car ils étaient recouverts d'une épaisse couche de glace.

On pouvait distinguer quatre portes ; trois d'entre elles étaient grises, similaires aux précédentes, mais la dernière abordait une couleur rouge vif. Sur le dessus de cette porte figurait un panneau à l'écriture majuscule. Thor ne parlait pas le norvégien, mais heureusement, quelqu'un avait pensé à laisser une traduction en anglais juste en dessous. L'inscription disait « Accès interdit. Danger. Zone effondrée. »

— Loki…
— C'est juste un leurre, dit le concerné, avant d'ouvrir la porte.

Des ampoules à nues suspendues au plafond s'allumèrent presque aussitôt. Thor pu alors observer une rangée de portes en bois, alignée des deux côtés du couloir, face à face.

— Parfait. Maintenant, nous n'avons plus qu'à trouver les labos, fit Loki, satisfait.
— Quels labos ? demanda Thor, étonné. Non, ne réponds pas… En fait, c'est ça que l'on est venu faire ici.
— Oui… c'est ce que j'ai dit.
— Non, Loki. Tu m'as dis que tu voulais « juste jeter un oeil ». Tu ne m'as pas expliqué la vrai raison de notre présence. Ce que tu cherches ici.

Le concerné pris un air surpris et ouvrit la bouche pour nier, mais y renonça en avisant l'air renfrogné de son frère. Il soupira.

— Je cherche un ancien artefact. Rien de dangereux. Un simple objet décoratif.
— Bien sûr.
— Alors quoi ?
— On va le trouver, le mettre en lieu sûr, et s'assurer qu'aucun individu de ton genre ne tombe dessus, déclara Thor, sur un ton qui n'admettait pas la réplique.
— D'accord, d'accord, pas la peine d'être désagréable, capitula Loki.
— Bien. Où sont-ils ces labos ?

Les laboratoires d'expérimentation de cette partie du bunker étaient au nombre de cinq. Les salles qu'ils avaient occupées se trouvaient sens dessus dessous, les meubles pour la plupart renversés et divers instruments scientifiques en morceaux jonchaient le sol. Tout ce qui aurait pu s'y trouver d'intéressant avait visiblement disparu.

Cela étant, après un examen plus minutieux du cinquième laboratoire, Loki était parvenu – on ne savait comment – à dénicher une trappe, menant à un sous-sol mal éclairé.

Et pour cause, celui-ci était illuminé par des bougies, qui reposaient sur des candélabres accrochés aux murs de pierre nue. Au centre de la pièce se tenait un présentoir, disposé à l'intérieur d'un bassin d'eau noire. L'oeuvre d'art de cette salle d'exposition sinistre était un objet oviforme, semblable à un oeuf, d'un noir dérangeant.

Avant que son frère n'ait pu esquisser un geste, Loki avait saisi l'objet, et le faisait tourner entre ses mains, tout en l'étudiant avec une minutie proche de celle d'un entomologiste.

Quelque chose ne va pas, pensa alors Thor.

En effet, quelque chose n'allait pas. Le sol tremblait. Dans un premier temps, ce fut à peine perceptible, puis les secousses allèrent crescendo. Ensuite, le béton se fissura.

Thor agrippa Loki par l'épaule pour le tirer de sa contemplation, au moment même où le sol explosait. Une forme gigantesque, serpentine, fila à vive allure vers le ciel. Des débris volèrent sur son passage et Thor eut toutes les peines du monde à les esquiver, alors qu'il tentait de se frayer un chemin vers la surface, traînant son frère derrière lui.

Les deux dieux atterrirent finalement en sécurité, à l'extérieur du bunker, qui avait volé en éclats. Ils se redressèrent à temps pour regarder ce qui ressemblait à un immense dragon aux écailles noires filer vers les cieux.

Thor se tourna vers Loki ; il serrait le drôle d'oeuf dans ses bras et abordait un air interloqué.

— Mais qu'est-ce que tu as fait ?