L'aube se leva. Un rayon tomba sur la femme gémissante dont le mari tenait la main, soucieux. Le temps s'écoulait lentement jusqu'au cri du nouveau-né.
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«C'est une magnifique petite fille ! s'exclama la sœur de la mère. Je vais la nettoyer et je te la donne. Veux-tu que je prévienne ton fils?
- Oui, oui, vas-y, la pressa le mari ému aux larmes. Une fille…»
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Il sourit tendrement à sa femme, qui épuisée, ne put que faiblement acquiescer. Un petit garçon entra brusquement dans la chambre, ses cheveux châtains peuplé d'épis témoignait de son réveil récent.
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«Où est-elle? S'exclama-t-il.
- Calme-toi, ta mère est épuisée… Elle arrive.»
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A ces mots, la sœur revint et posa délicatement l'enfant dans les bras de la mère. Celle-ci réussit enfin à sourit, mais son teint restait cadavérique.
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«Bienvenue Ziane Somin», chuchota-t-elle en embrassant le front du nouveau-né.
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Elle tendit l'enfant à son mari, qui scruta le bambin émerveillé. Sa femme se laissa aller contre l'oreiller, et sentant la vie la quitter, elle pria pour que sa fille puisse avoir une vie heureuse, malgré son départ.
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«MAMAN!»
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Le petit garçon s'effondra en larme, il était trop tard pour elle.
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Ziane était familière de l'ombre. Elle s'y glissait discrètement, se protégeant du regard de son père ou d'autres personnes. A dix-sept ans, elle avait vécu une vie d'ombre. Son père ne s'était jamais remis du décès de son épouse et son frère était parti travailler jeune. Lorsqu'il ramenait de l'argent, leur père dilapidait rapidement tout, ainsi, Salvarode avait pris pour habitude de confier une partie de cette somme à sa petite sœur. Elle s'occupait des repas, des relations avec les voisins, de l'entretien de la maison... de tout ce que son frère faisait quand il était là. C'était difficile, mais c'était une vie qu'elle connaissait. Seulement, à douze ans, Salvarode lui annonça qu'il allait partir pour trois ans. Ses yeux brillaient et elle se trouva incapable de le retenir. Il partit, laissant sa famille derrière lui, sans jamais donner de ses nouvelles. Ziane se retrouva livrée à elle-même, obligée de se défendre et d'apprendre à le faire. Il existait peu d'établissement embauchant des gamines comme elle, seul les auberges et les bars offraient cette opportunité.
Attachant ses longs cheveux bruns, elle vérifia que son poignard était toujours à sa place. Certes, ce n'était pas grand-chose, mais c'était mieux que rien. Elle entra dans la salle, un plateau avec plusieurs pintes d'alcool en équilibre sur son bras. Elle survola la salle du regard et elle le vit. Ce n'était pas un habitué. Ses cheveux blancs étaient marquants, car il n'était pas vieux. Elle plissa les yeux en constatant que son regard lui était rendu et se détourna aussitôt pour servir les commandes qu'elle avait. Il n'était pas seul. Elle ne connaissait personne à sa table. Dans un aussi petit village, au fin fond de Gwendalavir. Elle zigzagua entre les clients, récupérant des verres, des clins d'œil et surtout des commandes. Elle se rendit compte trop tard qu'elle faisait face à la table où était assis l'individu qui avait attiré son regard. Une femme élancée et amusée se tenait à ses côtés. Son cœur rata un battement lorsqu'elle porta son attention sur celle-ci. Elle était dangereuse, elle le sentait. D'un sourire aimable, elle prit leurs commandes et s'en alla tout aussi rapidement. L'instant d'après, une autre serveuse entrait dans la salle et Ziane ne réapparut pas de la soirée.
La maison était silencieuse. Elle se faufila jusqu'à sa chambre, le cœur battant à tout rompre. Elle s'était échappée de son travail grâce à une excuse quelconque, fuyant le danger. Certes, elle n'était pas directement menacée, cependant, il valait mieux pour elle se fier à son instinct. Parce qu'elle ne désirait pas sortir de l'ombre, c'était là qu'elle avait sa liberté.
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«Suis-je réellement libre?»
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Personne ne lui répondit. Personne n'avait la réponse. Le lendemain, glissé sous la porte d'entrée, un bout de papier l'attendait. Quelques mots pour elle et elle sut de qui ils venaient à l'instant où elle les lut.
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Ombre fugace
Comme un souffle d'air pur
Rêve de liberté
