Personnages : X Japan (hide, Heath, Yoshiki, Pata, Toshi, Taiji), Yokosuka Saver Tiger (hide, Kyo, R.E.M, Tokihiko, Tetsu)

Disclamer : X Japan et Yokosuka Saver Tiger ne m'appartiennent pas (Yumeko et Kazuki, en revanche, oui)

Rating : M (tabagisme, alcool, langage grossier, abus sexuel).

Mot de l'auteure : Bonjour à tous. Si quelqu'un passe par-là bienvenu dans l'univers du métal indépendant underground japonais des années 1980. Ici aussi je me suis beaucoup, beaucoup documenté sur les groupes indies des années 1980 du Japon (et figurez-vous qu'on y découvre de sacrée perle). Encore une fois j'ai essayé de me rapprocher au plus de ce qui existait. La plupart des groupes (sinon tous) qui seront évoqués dans cette fic ont existé et pour certain d'entre eux existent encore. Chaque chapitre sera basé sur une chanson existante (et autant vous dire que j'ai fouillé les méandres de l'internet pour en dénicher certaines). Je vous invites à les écouter en lisant les chapitres concernés et j'espère pouvoir vous faire découvrir de véritables beautés oubliés et qui gagneraient à être plus connus. J'espère que cette fic vous plaira. Bonne lecture au courageux !

Prologue – Break The Darkness [X]

Février 1987

Yume expira une longue volute de fumée d'entre ses lèvres. Piétinant sur place pour tenter de se réchauffer un peu. Elle tira sur la manche de sa longue veste polaire, pour couvrir un peu plus ses doigts tremblant de froid. Elle aspira une nouvelle taffe sur sa cigarette, en jetant un regard vers le ciel nocturne et couvert qui laissait échapper quelques flocons de neige, presque fondus, quand ils arrivaient au sol. Elle recracha avec impatience la fumée et jeta sa clope à moitié consommée au sol, qu'elle écrasa nerveusement avec sa chaussure. Elle inspira l'air frais, une dernière fois, et se força à afficher un sourire enjoué et potiche sur son visage. Et puis poussa l'épaisse porte en métal pour retourner à l'intérieur. Prenant un instant pour s'habituer à l'air chaud et enfumé de ce lieu, lui crispant le corps et contractant ses vaisseaux sanguins brutalement.

« Yumeko-chan, t'étais où, putain ? »

La jeune femme grimaça, fronçant les sourcils. Elle reconnue la grosse voix de ce type. Il tenait cette boîte, et elle le détestait. Elle détestait aussi qu'il l'appel "Yumeko-chan", comme s'ils étaient intimes. Elle se tourna vers lui, après une lente levée de ses orbites noires vers le ciel, et l'assassinat du regard.

« Prendre l'air. Qu'est-ce que ça peut te foutre ?

- Ça peut me foutre que c'est bientôt à toi de monter sur scène. Alors bouge-toi. »

Elle soupira, roulant des yeux en le regardant partir aussi vite qu'il était venu. C'était à chaque fois comme cela. Dès qu'elle ne lui répondait pas d'une voix mielleuse, il lui parlait comme il aurait parlé à une merde. Un jour, elle lui collerait un pain, c'était sûr. La jeune femme se dirigea vers la loge, tout en retirant son manteau, qu'elle jeta sur la chaise devant la coiffeuse où elle s'était installée. Elle vérifia rapidement ses longs cheveux décolorés, son maquillage charbonneux, et remonta un peu ses seins pour mettre plus en valeur son décolleté, maintenu dans un soutien-gorge à balconé, prolongé par un corset de similicuir qui l'étouffait presque et parfaitement inconfortable. Elle se retourna et vérifia que ses bas tenaient bien, accrochés à ses porte-jarretelles.

« Yumeko-chan ! Bouge-toi, c'est à toi dans trente secondes. »

Elle poussa un profond soupir agacé, et se saisit de sa guitare électrique, posée sur son socle, juste à côté de la coiffeuse. Elle attrapa le médiator coincé entre les cordes et le manche et gratta rapidement les cordes avec, pour s'assurer qu'elle était bien accordée, plus par reflexe qu'autre chose, car au vu du bruit ambiant, il n'aurait pas été possible pour le meilleur musicien du monde de déterminer son accordage avec certitude. Elle s'approcha de l'entrée de la scène, perchée sur ses hauts talons, passant la sangle de sa guitare sur son épaule.

« T'es prête ?

- Ta gueule, cracha-t-elle, amère.

- T'as de la chance d'avoir un cul pareil, et qu'autant de client te réclament, sinon je t'aurais viré depuis longtemps.

- Crève, connard. »

Vraiment, elle haïssait ce mec. Déjà, parce qu'il était un immonde beauf, répondant à tous les clichés du genre. Mais aussi parce qu'elle le savait, il l'exploitait. Elle travaillait ici en toute illégalité, alors il était évident qu'il ne la payait pas à son juste prix. Malgré tout, ce travaille, elle avait beau le détester, il payait bien. Mieux que tout ce qu'elle avait pu faire jusqu'à présent. Alors elle subissait, tant bien que mal. Et ce soir, c'était plus mal que bien.

« Allez, en piste beauté, c'est à toi ! »

Se disant, il lui mit une claque sur les fesses, pour la pousser sur scène. La jeune femme se retourna pour l'assassiner du regard, le gratifia d'un doigt d'honneur effronté.

« Un jour, je te ferais la peau Yôji, cracha-t-elle, avant de monter sur la scène. »

Elle passa le rideau, dernier rempart entre la loge et la scène, et s'avança sur le plateau enfumée, illuminé de lumière bleutés, glissant ses doigts sur son instrument au son saturé, jouant des cordes. Yume n'en avait alors pas tout à fait conscience, mais elle avait un doigté incroyable, avec une guitare. Maitrisant accords, arpèges et solo à la perfection. Elle jouait avec sa guitare sur cette scène, pour des regards lubriques, à moitié nue. C'était un des clous des spectacles burlesque nocturnes de cette boîte de strip-tease. Jouant lascivement avec son instrument, sexuellement. Léchant parfois le manche sur toute sa longueur, avec ce regard langoureux dont elle avait le secret, et qui avait le don de lui attirer des sifflets et des cris excités et qui tous les soirs, lui faisait gagner des pourboires incroyables. Si Yume n'avait pas conscience de ses capacités avec une guitare, elle avait en revanche parfaitement conscience de son pouvoir sexuel. Mais même si sur scène, elle n'en laissait rien paraître, elle se dégoûtait. Parce qu'après ça, elle longeait lentement le bord de la scène à quatre pattes, et sentait des mains la toucher, lui glissant parfois quelques billets dans l'élastique de son string, ou dans le fond de son soutien-gorge. Et puis, elle quittait toujours cette scène après un solo, avant de terminer avec un dernier coup de langue sur le manche de sa gratte, avec un sourire qui se voulait gourmant, qu'elle feignait avec exactitude, et ce regard qu'elle maîtrisait absolument. Parce qu'en partant sur cette note, elle savait qu'elle serait appelée pour des danses privées, et même si elle n'en avait pas envie, ça lui rapportait pas mal. Alors, elle devait le faire.

À peine Yume, eut-elle quitté la scène, que son faux sourire s'effaça et son regard s'assombri aussitôt. Elle attrapa la serviette qu'un régisseur lui tendait, et elle se hâta d'essuyer le manche dégoulinant de sa propre salive.

« Yumeko-chan, toujours aussi bandante, bravo à toi.

- Vraiment, quand est-ce que tu vas te décider à t'étouffer dans ton vomi, espèce de porc !? »

Faisait-il tout ce qu'il était possible de faire pour être le pire con du monde, ou bien était-ce naturel chez lui ?

« Calme-toi petite, si tu veux voir ta paye !

- Oubli un seul yen et tu me revois plus, j'irais chez la concurrence.

- Bonne chance pour trouver quelqu'un qui accepte d'embaucher une mineure. Pour l'instant, t'es à moi, petite pute. »

Il avait raison : si elle était encore là, c'était bien pour ça. Parce qu'il avait accepté de la faire bosser dans le milieu de la nuit et du sexe alors qu'elle était mineure. Il n'y avait que cet immonde connard pour accepter de faire ça en toute connaissance de cause.

« Espère que le jour de ma majorité arrive suffisamment vite pour que je ne t'ai pas crevé avant. »

Il haussa les épaules, en s'allumant une cigarette, plongeant une main dans la poche de son pantalon de costume. Il avait rarement eu affaire à une danseuse avec un caractère aussi mauvais, et qui avait autant de répondant, et il n'aimait pas qu'on le mouche, surtout lorsque cela venait d'une de ses filles. Mais Yume lui rapportait beaucoup d'argent. La réputation de cette petite blondinette au cul bombé et jouant de la guitare comme une chaudasse s'était rapidement répandue dans le monde de la nuit de Kabukichô, et elle ramenait du monde. Alors, il lui passait son comportement et son tempérament de merde, parce qu'elle pouvait faire tourner son établissement à elle toute seule.

« Si j'ai personne pour toi, d'ici une demi-heure, t'iras servir un peu en salle pour montrer la marchandise à ces messieurs. Ai-chan, t'es la prochaine ! »

Yume retourna dans la loge en marmonnant et se laissa tomber sur la chaise devant sa coiffeuse, après avoir posé sa guitare sur son socle et retiré les billets coincés dans ses sous-vêtements pour les rangers dans la petite boîte en fer posée sur la table. Elle poussa un profond soupir, glissant ses mains dans ses cheveux. Elle tenta un regard vers le miroir, mais son reflet la rendait malade. Elle s'accorda alors une cigarette, qu'elle jugeait bien méritée. Mais elle eut à peine le temps de tirer deux taffes que le fameux Yôji la fit appeler.

« Il y a deux clients pour une danse privé, pour toi, Yumeko-chan. Box numéro trois.

- Merde, ils peuvent même pas me laisser le temps de m'en griller une !

- T'es censé bosser, pas t'en grille une en regardant le plafond. »

Elle grommela, juste avant d'aspirer une dernière grande bouffée, et alla écraser sa cigarette dans le cendrier posé sur la coiffeuse. Elle vérifia qu'aucun billet n'était encore coincé dans ses dessous, et en trainant des pieds, elle prit le chemin vers ledit box numéro trois. Elle força son sourire le plus stupide sur les lèvres.

Dans le box numéro trois, deux jeunes hommes aux longs cheveux décolorés. L'un arborait un look de biker, l'autre semblait tout droit sortie d'un film de vampire à petit budget. Ils étaient physiquement terriblement différents, et se ressemblaient pourtant beaucoup, dans leur look extravagant. Ils étaient vautrés dans des fauteuils. Affalé serait en fait, plus exacte.

« Salut, vous deux, alors vous vouliez une petite danse ? Susurra-t-elle.

- En fait, ce ne sera pas nécessaire, lâcha le plus vampirique des deux.

- Ah non !? Répliqua l'autre avant de se faire fusiller du regard par le premier. Ça va, je déconne Yoshi-kun, détends-toi. »

La belle blonde, interloquée les fixa, son sourire ayant disparu presque aussitôt.

« Comment ça, ce ne sera pas nécessaire ? Répondit-elle, plus vivement qu'elle ne l'aurait cru.

- On voudrait vous parler. »

Surprise, elle eut un mouvement de recul. Elle connaissait ce truc-là. Le mec qui veut juste parler et qui finalement est là pour autre chose qu'une danse. Elle y avait déjà eu droit à ce type d'énergumène, et très franchement, c'était un non catégorique pour elle. Tant pis pour la perte financière.

« Non, répondit-elle, froidement, en reculant encore, pour mettre une distance entre eux. Désolée, je ne "parle" pas au client.

- Vous voulez pas vous asseoir deux secondes et écouter ? On a une proposition à vous faire.

- Je répète : je ne fais pas ça. Et les plans à trois c'est pas mon truc du tout.

- Elle est têtue en plus. J'aime bien, marmonna le biker, qui avait l'air de s'amuser de la situation, plus que son acolyte tout du moins.

- C'est ça. Du coup, je vous conseils de sortir du bâtiment et vous allez cent mètres plus bas. Vous trouverez quelques putes, elles sont sympas en plus. Et pas chère.

- Non mais on est pas là pour ça, marmonna celui qui avait répondu à l'appellation de "Yoshi-kun". S'il vous plaît, accordez-nous deux minutes. Après, on vous laisse tranquille. »

Elle les fixa de ses yeux noirs et profond. Bon, d'un autre côté, si elle retournait dans les loges tout de suite, elle allait encore voir Yôji venir lui hurler dessus, et franchement, elle n'avait pas la force, là. Alors, elle soupira et céda, voyant que les deux jeunes hommes sortaient leur paquet de cigarette respectif, presque en même temps. Alors qu'elle ressentait le terrible appel à la nicotine se faire :

« D'accord, mais vous me dépannez une clope dans ce cas ? »

"Yoshi-kun" esquissa un sourire et lui tendit son paquet pour qu'elle se serve, et alluma ensuite la cigarette de la jeune femme, qui alla s'asseoir dans un des fauteuils libres, face à eux, s'assurant tout de même de garder une certaine distance de sécurité, au cas où il aurait fallu prendre la fuite.

« Je vous écoute.

- On vous a vu jouer de la guitare sur scène…

- Oui, c'est le gros de mon show.

- Vous en jouez depuis longtemps ?

- Vous êtes là pour me questionner sur mon parcours musical ? Répliqua-t-elle, en grimaçant.

- Bref, on aimerait que vous rejoigniez notre groupe. On est à la recherche d'un guitariste, et on pense que vous seriez parfaite ! »

La proposition laissa alors place à un long silence, tout du moins autant que les lieux le permettaient. Yume, affalait dans son fauteuil observa attentivement les deux phénomènes face à elle, se demandant sérieusement s'ils carburaient à l'alcool ou bien à quelque chose de plus fort et de moins légal. Elle inspira une longue bouffée sur sa cigarette, puis recracha lentement une volute de fumée, un sourcil haussé, depuis qu'elle avait entendu cette phrase.

« Celle-là, on me l'avait encore jamais faites, lâcha-t-elle finalement avec un brin d'amusement.

- On est très sérieux, on vous a entendu jouer et vous êtes brillante, insista "Yoshi-kun".

- Brillante ? Répéta-t-elle, assez surprise par le choix de ce mot.

- Brillante ! J'ai besoin de vous dans mon groupe. On joue du métal, et c'est pile dans le genre que vous jouez. »

La jeune blonde fixa intensément le plus bavard des deux. Il lui donna l'impression de ne jamais pouvoir la fermer. Quant à l'autre, il avait l'air de bien se marrer à regarder le premier se débattre avec ses arguments qu'elle semblait juger un peu bancal. Elle se releva finalement, tirant une longue taffe sur sa cigarette.

« Ecoutez, moi j'y connais rien en groupe. Je ne joue pas en groupe et de toute façon, je ne suis pas intéressée.

- Vous n'avez même pas prit le temps d'essayer de savoir…

- Je n'en ai pas besoin, le coupa-t-elle en écrasant sa clope dans le cendrier. J'ai besoin d'argent pour vivre, et on ne vit pas de la musique. Les groupes de métal au Japon, ça ne marche pas. Ça ne marchera jamais. Merci pour la clope. »

Se disant, la jeune femme se retourna et quitta la pièce d'un pas décidé et sûre d'elle. Le plus biker des deux, tira sur sa cigarette non sans un énième sourire amusé.

« On avait pas payé pour un quart d'heure ? Demanda-t-il en cachant très difficilement son hilarité.

- Taiji-kun, ferma ta gueule. »

Yoshiki était un garçon déterminé, borné, têtu, décidé, persuadé, entêté, obstiné, tenace. Pour faire court, quand il avait une idée en tête, il était tout bonnement incapable de la lâcher, et était prêt à tout pour la réaliser. Il était certain que si Yoshiki s'était mis en tête de voler comme un oiseau, il aurait pu y arriver, ou serait mort en essayant. Et là, son idée était toute trouvée. C'était pour lui une évidence, cette jeune femme qui jouait de la guitare dans cette boîte de strip-tease, c'était elle qu'il voulait pour son groupe. Lorsqu'il l'avait entendu jouer ce solo, une création originale de ce qu'il en savait, ça avait été une véritable certitude. Et pour Taiji, qui l'accompagnait ce soir-là, aussi. Un coup de foudre musical. Alors Yoshiki était retourné dans cette boîte, soir après soir, attendant qu'elle monte sur scène et interprète ce même spectacle, ajustant, voir améliorant ce solo qu'elle jouait avec une facilité déconcertante, mais que Yoshiki et Taiji avaient trouvé technique et mélodique. Tous les soirs, il avait réservé un moment avec elle, payant le prix fort pour lui parler, ne serait-ce qu'un quart d'heure. Mais elle faisait toujours semblant de ne pas l'écouter, elle se contentait de fumer, sans même le regarder, à chaque fois, et partait au bout des quinze minutes réglementaires. Le gérant lui lançait toujours un regard étrange, un sourire amusé qui donnait de l'urticaire à Yoshiki, et lui faisait toujours des petits clins d'œil hilare. Le jeune homme n'était pas un grand défenseur de la cause des femmes, certes, mais ce type était d'un malsain incroyable.

Ce soir-là, il ne manqua pas à l'appel. Installé dans un fauteuil de cuir, il avait comme toujours assisté au spectacle et avait réclamé la jeune femme par la suite. Il fumait une cigarette, quand elle rentra dans la pièce, une cigarette coincée entre ses lèvres maquillées de rouge, comme toujours à peine vêtue, haut perchée sur ses talons, ses longues jambes passant devant lui.

« Allons-y ! Qu'est-ce que vous allez me raconter de beau ce soir pour me convaincre ? Demanda-t-elle en se laissant lourdement tomber, dans le fauteuil en face du sien.

- En fait, j'ai l'impression que ça vous plaît et que ça vous amuse de me voir venir tous les soirs pour essayer de vous convaincre de rejoindre X.

- M'amuser, j'en sais rien. Mais me plaire : oui. Chaque fois que vous me demandez je gagne cinq milles yens, rétorqua la jeune femme sur un air de défis.

- Alors quoi ? Vous n'écoutez jamais un traitre mot de ce que je vous raconte ?

- Vous êtes vexé ? Répondit-elle en haussant les épaules. Mais c'est vous qui venez tous les soirs. Dans le genre crampon, vous vous posez là, quand même. »

Yoshiki leva les yeux au ciel. Il n'en croyait pas un mot. Elle pouvait protester autant qu'elle voulait, il savait que sous ses airs blasés, elle entendait, avec peut-être un peu plus d'attention que ce qu'elle voulait bien laissait paraître. Yoshiki savait qu'il l'avait intrigué, et il estimait que si déjà, il en était arrivé à ce point, alors plus de la moitié du chemin était déjà fait. Le reste était du tout cuit selon lui.

« Je pourrais être vexé, si c'était vrai que vous n'écoutiez pas.

- Je vous trouve bien culotté de me traiter de menteuse.

- Menteuse, j'en sais rien. Mais obstinée, ça, c'est sûr.

- Alors là, je vous retourne le compliment. »

Yoshiki écrasa sa cigarette et s'en alluma une seconde dans la foulée, en haussant encore une fois les épaules. Obstiné, il l'était, il en avait parfaitement conscience.

« Pourquoi ce soir vous me parlez ? »

La jeune femme recracha la fumée de sa clope en tournant subitement la tête vers lui.

« Comment ça ?

- D'habitude, vous ne me parlez pas. Alors pourquoi ce soir vous me parlez ?

- Je dois être de bonne humeur, répondit-elle en haussant les épaules.

- Ou vous faiblissez, répliqua-t-il, avec satisfaction. »

Elle le fixa d'un air de défi, penchant légèrement la tête sur le côté, sans détourner un seul instant son regard noir de celui du jeune homme à la chevelure décoloré. Il avait du culot, il fallait le reconnaître, et Yume appréciait assez le culot. Elle avait l'habitude des hommes impudent, et ça ne lui faisait pas peur. Yoshiki le compris quand il vit un très léger rictus se dessiner sur les lèvres de la jeune femme. À peine perceptible, certes, mais il put le voir. Et puis il la vit reprendre une bouffée de sa barrette de cancer, presque trop lentement.

« Peut-être ai-je simplement pitié, répliqua-t-elle, toujours sur cet air assuré.

- Alors ayez pitié du pauvre batteur sans guitariste que je suis et rejoignez mon groupe.

- J'ai déjà décliné cette offre, il me semble. Et plusieurs fois.

- Venez au moins assister à une répétition. Ça ne vous coûte et ne vous engage à rien.

- Du temps.

- Je vous demande pardon ?

- Vous avez dit que ça ne me couterait rien, mais ça me couterait du temps. Et de l'énergie accessoirement.

- De l'énergie, vous en avez à revendre.

- Mais du temps, non. Qu'est-ce qui vous fait croire que je peux me permettre de perdre du temps pour venir voir une bande de guignol qui se prend pour un groupe de rock ?

- Parce que l'expression de votre visage, le soulagement qui s'y lit quand vous me reconnaissez et que vous savez que vous n'aurez pas à danser… vous détestez ce que vous faites. »

Elle inspira profondément par le nez, quelque peu agacée d'être percée à jour par ce sombre inconnu. Elle s'enfonça un peu plus dans son fauteuil, l'assassinant encore de son regard noir. Elle le fixa avec cet air de dédain qui lui allait presque trop bien, pinçant légèrement les lèvres.

« Je déteste ça, et ? Ça ne vous regarde en rien, et ça ne change rien au fait que je n'ai aucune envie de perdre mon temps.

- Vous savez au fond de vous que ce n'est pas une perte de temps, et que vous en avez envie.

- Et voilà qu'à nouveau il est présomptueux.

- Présomptueux ou convaincant ?

- Présomptueux, insista Yume en plongeant ses yeux noirs dans les sien. »

Yoshiki leva les yeux au ciel en grimaçant, mais elle se contenta de regarder ailleurs en tirant sur sa cigarette, se refermant comme une huître. Elle ne prononcerait plus un mot de la soirée à nouveau s'il continuait sur cette voie. Mais le jeune homme savait que ce soir, il avait avancé plus que n'importe quel autre soir. Elle se refermait peut-être, mais elle lui avait quand même parlé. Elle avait engagé la conversation en premier. Il ignorait pourquoi, et elle l'ignorait probablement aussi, mais c'était venu d'elle, même si ça n'avait que pour but apparent de le charrier.

Il se leva subitement, et s'approcha, plongeant la main dans la poche de son cuir et en sortie une carte qu'il lui mit sous le nez. Elle loucha une seconde dessus, avant de lever les yeux vers lui, interrogatrice.

« Je vous ai écrit l'adresse de notre studio de répétition à Ikebukuro. Le quartier craint un peu, mais… Je crois pas que ce soit quelque chose qui vous choc. On répète les mardi, jeudi, vendredi et samedi soir à partir de vingt-et-une en général, jusqu'à minuit. Vous passez quand vous voulez. Il y a mon numéro aussi, si jamais vous avez des questions.

- Quoi ? C'est votre dernière visite ou quoi ?

- Disons que vous coutez cher. Et bientôt je ne pourrais plus payer mon loyer si je continue. Mais je reviendrais. J'ai pas encore dis mon dernier mot. Je vous laisse juste réfléchir et vous laissez un peu mariner avec tout ça. »

Et sans rien rajouter, ce fut lui qui quitta la pièce en premier, sous le regard médusé de la jeune femme, qui sans s'en rendre compte, s'était saisit de la carte. Elle se mordit légèrement la lèvre en jouant avec le morceau de papier cartonné du bout des doigts.

Yume ouvrit la porte de son appartement, tentant de faire moins de bruit possible. Mais une fois qu'elle eut retiré ses chaussures et posé sa guitare contre le mur, elle constata de la lumière dans la pièce à vivre. À pas feutrés, elle s'avança pour voir ce qu'il en était. Dans le noir, la télé était allumée, le son à peine mit. Etendu de tout son long dans le canapé, un jeune homme endormi, la télécommande enserrée dans ses mains, fermement. Elle se pencha au-dessus de lui dégagea une mèche des longs cheveux blonds de ce dernier qui couvrait son visage et le regarda avec tendresse et amusement. Elle tenta de se saisir de la télécommande, avec délicatesse et éteignit la télé. Mais ceci eut pour effet de le réveiller en sursautant légèrement. En la reconnaissant, il paru tout à coup rassuré, et passa ses mains sur son visage, las.

« Yume-chan, tu m'as fait peur, marmonna-t-il, encore bien endormi, visiblement.

- Désolée, Onii-chan, je ne voulais pas te réveiller. Qu'est-ce que tu fais dans le canapé ?

- Non, t'inquiète pas. J'arrivais pas à m'endormir, alors j'ai essayé de m'abrutir devant la télé.

- Visiblement, ça a marché.

- Hm, si on veut. Ça va toi ?

- Hm, répondit-elle en haussant les épaules, avant de se redresser pour se lever. Tu devrais retourner te coucher. Il est encore tôt.

- Quelle heure ?

- Cinq heure.

- Non, c'est plus la peine. Je vais juste me tourner et me retourner dans mon pieu et ça va m'énerver. Mais toi, ça a pas l'air d'aller, qu'est-ce qui se passe ? »

Retirant sa veste, qu'elle alla accrocher au porte manteau, elle jeta un regard dans la direction du jeune homme.

« Rien. C'est juste… Il y a un type qui m'a proposé un truc un peu… insolite et… je sais pas trop quoi en penser.

- Un truc insolite ? Interrogea-t-il en se redressant vivement, les sourcils froncés. Je savais que ce boulot allait…

- Non ! T'affoles pas, rien de pervers ou de bizarre, le coupa-t-elle. Enfin, bizarre, si. Mais pas dans le sens où t'as l'air de l'entendre. »

Le jeune homme n'aimait pas la savoir dans cette boîte toutes les nuits, travaillant en toute illégalité pour un pervers et dansant pour des dizaines d'autres vicieux tous les soirs. Il détestait ça, même. Peut-être son côté un peu trop protecteur envers elle, mais la savoir dans ce quartier et dans cet endroit toutes les nuits, hantait son sommeil de cauchemar et d'angoisse, le peu où il arrivait à en fermer l'œil.

« C'est quoi alors cette proposition ?

- On m'a proposé de rejoindre un groupe… »

Il esquissa un sourire, alors qu'elle s'approchait à nouveau pour venir s'asseoir sur le dossier du canapé. Il s'assit en tailleur, attrapant son paquet de cigarette, posé sur la table basse et s'en alluma une, avant d'en tendre une à la demoiselle qui ne put refuser, alors qu'il s'accoudait au dossier, pour pouvoir mieux la voir.

« C'est une bonne chose, non ?

- C'est bizarre, tu trouve pas ? Je veux dire, qui vient dans un club de strip-tease pour aller pêcher une guitariste ? C'est carrément glauque, non ?

- Mais c'était sérieux comme proposition ?

- Je crois bien, le type m'a proposé ça, i peu près une semaine, et depuis, il est revenu tous les jours, juste pour me faire de long discours sur pourquoi je devrais accepter de rejoindre son groupe et blablabla…

- Ah quand même. Mais ça m'étonne pas tant que ça, t'es une excellente guitariste.

- Oh arrête !

- Je te jure ! Bon, et ce serait quel groupe ? Peut-être que je connais.

- Heu je crois que c'est juste une lettre… Je sais plus.

- T'as le nom du type ?

- Non… Si ! Attends, il m'a filé sa carte ! »

Elle fouilla dans la poche de son jean pour en sortir le morceau de papier cartonné, qu'elle prit le temps de relire avant de le tendre au jeune homme.

« HAYASHI Yoshiki-san ? Ça te dit quelque chose ?

- Hm, Yoshiki-san ? Demanda-t-il en regardant la carte. Attends, c'est pas le batteur de X, ça ?

- Aucune idée. Tu le connais ?

- Si c'est bien celui que je pense, oui. Il est venu à quelques concert de Saver Tiger. On a un peu sympathisé. Il est cool. Excellent batteur. Il a essayé de me débaucher il y a quelques mois de ça, déjà. Il est toujours en recherche de membre, il y a un sacré turnover chez eux de ce que je sais. Leur style est sympa. Mais s'il est revenu aussi souvent te voir, et qu'il insiste comme ça, c'est que tu dois vraiment l'intéresser.

- Je vois. »

Elle luit prit la carte des mains et l'observa sous tous les angles un instant, avant de hausser les épaules. Elle la lui redonna, presque en la jetant, avant de se lever, pour se diriger vers le minuscule coin cuisine, se lançant dans la préparation de café.

« Tu devrais accepter, lâcha le jeune homme, d'une voix qui se voulait la plus assurée possible. »

Elle ne réagit pas tout de suite, remplissant le filtre de café moulu, avant de mettre la machine en marche.

« Tu plaisantes, j'espère ?

- Pas du tout.

- J'ai pas le temps pour ces conneries, moi.

- Ben trouve-le ?

- Et comment, Hide ? On a déjà du mal à s'organiser entre ton boulot, ton groupe, mon boulot et…

- Ouais, d'ailleurs, tu fais bien de parler de ça, l'interrompit-il.

- Oh non, tu vas pas remettre le sujet sur la table, quand même ? Pas à une heure pareille, alors que je suis claquée ?

- Ah si, si. Je saisis toutes les perches qui me sont tendues, moi. Je déteste que tu fasses ce boulot. Ça m'énerve.

- Parce que tu crois que ça me réjouis ? Sérieusement, Hide. Mais ça paye bien, et on a besoin d'argent, tu le sais. Et j'ai rien trouvé qui paye aussi bien, surtout une mineure. L'option d'après c'est de faire la pute, alors estimons-nous heureux que je puisse au moins garder trois morceaux de tissus sur le corps.

- Donc c'est ça tes seules options dans la vie ? Faire la pute ou danseuse topless ?

- Je fais pas de topless, cracha-t-elle vexée.

- Pour le moment. Mais t'as pas d'autres ambitions ?

- Professionnelles ? Aucune. Dans la mesure où j'ai arrêté le lycée à même pas seize ans, c'est difficile d'avoir de l'ambition.

- T'as pas besoin d'avoir fait Tôdai pour faire de la musique. Il faut juste du talent, du charisme et ça tu en as à revendre.

- Arrête, je t'en prie. On ne vit pas de la musique. Encore moins du rock, Hide. Toi avec Saver Tiger, tu peux te vanter de dire que ton groupe marche pas mal. Pourtant, dis-moi combien tu te fais par mois avec ce groupe ?

- Dix mille, vingt mille yens, répliqua-t-il sans pour autant se démonter.

- Ben voilà.

- Mais la fierté que je ressens de faire ça, n'a pas de prix. Fais-le pour le plaisir.

- Et comment on ferait, hein ? On s'organise comment après ?

- On s'organisera. On s'organise toujours. On s'en sortira forcément. Mais ce serait une bonne chose pour toi.

- Je ne vois pas en quoi, marmonna-t-elle, toujours restée dans le coin cuisine.

- Tu verrais du monde. D'autres gens, d'autres adultes. T'es à l'âge où tu devrais sortir, profiter de la vie, faire la fête. Et tu ne fais rien de tout ça. À part moi, et peut-être les membres de Saver Tiger, tu connais combien d'adulte ? Et quand je dis connaître, j'entends : avoir des conversations normales, de plus de dix minutes.

- Tu me fatigue déjà comme si t'étais dix à toi tout seul, crois-moi, j'ai besoin de personne d'autre.

- Très malin, ça. On rigole bien, avec toi ! Mais je suis sérieux. On trouvera une solution. Au pire, ce sera une expérience sympa qui t'auras pris un peu de temps. Au mieux, ça pourrait être quelque chose d'énorme. »

Elle porta son attention sur la machine à café, comme fascinée, son regard se fixant sur le liquide brun, coulant dans la cafetière dans un bruit assez tonitruant et désagréable. Elle s'évitait soigneusement et obstinément de croiser le regard du fameux Hide.

« Il t'a proposé quoi concrètement ? Reprit-il en la voyant garder le silence.

- … De venir assiste à une répétition…

- Vas-y !

- Tu me saoul, Hide, grogna-t-elle.

- Assiste à trois ou quatre de leurs répétitions, et si après ça, t'en crève toujours pas d'envie, je te laisserais peut-être tranquille.

- Bon, je vais me coucher !

- Cette conversation n'est pas terminée ! S'écria-t-il, en la regardant aller s'enfermer dans sa chambre. »

Hide fixa la porte de la chambre, maintenant close… Mais environs trente secondes plus tard, comme il s'y attendait, la porte se rouvrit, sur une Yume passablement énervée, qui s'approcha de lui vivement.

« Une seule répétition.

- Trois.

- Une seule.

- Deux. Mais en réalité, je sais déjà qu'une seule suffira.

- Alors pourquoi tu négocie ?

- Juste pour te rappeler à quel point je peux être emmerdant quand je m'y mets. Et que je ne te lâcherais pas avec ça.

- Mais qui m'a collé un grand frère pareil !? Grogna-t-elle entre ses dents.

- Hé ! Je te rappel que j'étais sur cette terre avant toi ! La question est plutôt de savoir qui m'a collé une petite sœur pareille ! »

Yume afficha une moue boudeuse, plissant le nez, alors que son regard noir, tentait d'assassiner son ainé. Hide affichait ce sourire satisfait, sûr de lui, qui avait le don de la rendre dingue.

Hide savait d'avance que les résistances de Yume était fragile. Elle pouvait parler aussi fort et protestait autant qu'elle voulait, les digues étaient basses et fragiles. Il la connaissait suffisamment pour savoir cela. Il l'avait déjà vu assister à ses répétitions, et il savait l'envie qui était la sienne, il l'avait vu dans son regard, des dizaines de fois.

« Deux répétitions, reprit-il finalement. Et si tu meurs pas d'envie de rejoindre ce groupe après ça, je te fous la paix. Juré ! »

Il tendit la main vers elle, comme s'il s'apprêtait à conclure une affaire.

« Nous avons un marché, alors, soupira-t-elle en venant serrer sa main.

- Marché conclus. »