La magie existait et suivait des principes qu'il était facile de connaître.

Tout d'abord, la nature d'un sort était déterminée par les mots prononcés dans une ancienne langue. Ensuite, un sort nécessitait la même énergie que la même action réalisée sans magie.

Suivant cette loi, Tanya devrait déjà être morte.

En effet, pour tuer deux urgals adultes avec du feu, il fallait fournir une énergie supérieure à celle d'un corps de petite fille.

C'était ce que lui avait expliqué le magicien qui lui avait proposé de la prendre en apprentissage.

Il semblait que peu d'individus étaient capables d'apprendre la magie.

Chez les autres races, les prédispositions à la magie étaient différentes. Les elfes semblaient avaient des facilités de ce coté là. Chez les nains, les données étaient insuffisantes pour se faire une opinion tranchée mais les proportions d'individus capables semblaient similaire aux humains.

Quand aux urgals, ils semblaient plus doués pour tout ce qui est physique mais il y avait tout de même quelques sorciers parmi eux.

Les raisons des prédispositions à la magie étaient inconnus. Elles ne dépendaient pas du sexe ou de la condition sociale ou même de la génétique. Mais là encore, les données étaient insuffisantes.

Tanya savaient que ses parents n'étaient pas magiciens.

Mais dans un monde où la magie était connue depuis des millénaires, il était surprenant que peu d'études semblent avoir été menées sur ce sujet.

En général, les plus érudits pensaient que le hasard était la seule explication et les autres pensaient à un choix divin.

De plus, étant donnée la rareté de cette aptitude, il était illogique que les enfants ne soient pas tous testés. Chaque magicien n'ayant pas conscience de son talent représente une perte pour le pays.

Ce monde était en grande partie inconnu de ses habitants. Malgré sa taille qui ne semblait pas exceptionnelle, le pays dans lequel vivait Tanya était un empire. Il y avait également un royaume humain et on supposait qu'une vaste forêt servait de pays à des elfes et que les hautes montagnes du sud abritaient des nains. L'espace de vie des urgals n'étaient pas clairement défini.

Étonnamment, il n'y avait pas un empereur mais un roi membre de l'antique ordre des dragonniers et qui régnait depuis un siècle. Un règne d'un siècle était une opportunité intéressante pour mener des projets à long terme mais il y avait un risque évident d'obsolescence à tout point de vue pour les institutions du pays et un risque de manque d'adaptabilité aux crises.

Cela étant, la possibilité de vivre aussi longtemps était une perspective intéressante pour faire face aux menaces de l'Être X mais il semblait qu'aucun œuf de dragon n'existait plus et le dernier de cette espère ne pouvait pas pondre tout seul, d'autant plus que c'était un mâle.

L'aptitude à la magie de Tanya lui offrait la possibilité de se mettre au service du roi. Son talent était très recherché. Les magiciens étaient utilisés comme guérisseurs ou à la guerre ce qui étaient deux options très limitées.

Si elle se distinguait à la guerre, elle pouvait espérer obtenir une position confortable pour ses vieux jours. Le seul ennemi était un groupe de rebelles et, bien sûr, les urgals.

Cela semblait très aléatoire mais c'était la meilleure option de Tanya. Elle se lança donc avec enthousiasme dans l'apprentissage.

Son maître, Daref Greso, était un guérisseur.

Il connaissait beaucoup de mots en ancien langage mais presque uniquement du domaine médical même s'il rechignait à les lui apprendre. De par les brèves rencontres qu'elle avait faite avec d'autres magiciens depuis le début de son apprentissage, Tanya avait pu constater qu'ils étaient jaloux de leur savoir et n'envisageait de le partageait que mot à mot. Une telle habitude impliquait une régression de la connaissance du vocabulaire en ancien langage au fil des générations puisqu'il y avait toujours des magiciens mourant avant d'avoir livré tous leurs secrets.

C'était mauvais. Dans sa vie précédente, Tanya avait apprit plusieurs langues en plus de sa langue natales avec plusieurs alphabets donc elle s'y connaissait un minimum. Conserver pieusement une poignée de mots étaient utiles à l'échelle d'un individu sans réelle ambition mais pour un groupe désirant apprendre et maîtriser une nouvelle langue, la pratique était la meilleure option.

Un faible nombre de magiciens connaissaient des bribres d'ancien langage dans l'empire. C'était insuffisant pour apprendre. La diplomatie impériale n'offrait pas la possibilité d'aller pratiquer chez les elfes.

Mais pour l'heure, la vie de Tanya était bien remplie. Elle avait été intégrée à une garnison de soldats en tant qu'apprentie magicienne. Ce statut la dispensait des devoirs militaires mais elle traînait volontiers avec les soldats pour en savoir plus sur l'empire. De temps en temps, elle accompagnait une patrouille, seule ou avec son maître. Les soldats l'appréciaient et avaient tendance à la considérer comme une mascotte. Elle ne côtoyait jamais les grands officiers mais plus généralement les simples soldats ou les lieutenants.

Il n'y avait pas d'école militaire dans ce monde. Les militaires apprenaient sur le tas et les officiers supérieurs étaient généralement issus de la noblesse. Pour être officier de carrière, il fallait un exploit pour obtenir une promotion.

Daref Greso refusait de soigner les simples blessures pour ne pas s'épuiser inutilement mais il se concentrait la plupart du temps sur les fractures ou pour des blessures graves comme des doigts à recoller. Il n'y avait que peu d'efforts de prévention pour la santé générale.

À son habitude, Tanya se leva à l'aurore et commença sa journée par de la course à pied autour du camp. Travailler son endurance lui permettrait de lancer des sorts plus puissants et plus souvent.

Le réveil fut sonné et elle vit du coin de l'œil les soldats se rassembler. Elle n'entendit pas ce qui était dit mais elle vit que la plupart des soldats partaient courir également.

Les activités sportives en groupe n'étaient pas vraiment habituelles mais les soldats étaient honteux qu'une petite fille s'activent autant devant eux.

Ce n'était qu'une petite course pour se maintenir en forme. Elle n'avait, après tout, pas encore prit de repas et elle ne voulait pas prendre de risque pour sa santé.

Après une toilette rapide, elle alla emprunter du feu pour préparer le repas.

Son maître se leva en baillant.

– Ah merci Tanya !

Il y avait trop de légumes à son goût. Il ne comprenait pas pourquoi la fillette en mettait à presque tous les repas. Quelle était l'intérêt de son poste s'il ne pouvait même pas avoir de viande ?

– Nous partons en manœuvre aujourd'hui, rappela Tanya.

– Oui, oui. Encore une fichue idée ! bougonna l'homme.

La garnison leva le camp et partit.

Après avoir quitté Therinsford où ils stationnaient, les soldats rejoignirent Yazuac puis descendirent la rivière Ninor jusqu'à son embouchure. Leur objectif était juste sur la rive de l'Isenstar. Un point de repère avait été placée à leur intention à proche distance de l'embouchure.

Tanya et son maître voyageaient sur de paisibles mules.

Apparemment, voyager sur des bateaux n'avait pas été une option.

Après qu'ils eurent mis pied à terre, le commandant fit appeler son état-major pour leur transmettre les ordres qui étaient restés scellés jusque là.

– Messieurs, notre mission commence maintenant. La garnison de Gil'ead est en train d'arriver par bateaux. Nous devons être prêts pour quand ils seront là. L'objectif de cet exercice consiste à évaluer notre capacité à protéger un trésor contre des ennemis. Le coffre que vous voyez là est le trésor. L'ennemi est représenté par ceux de Gil'ead. Ils arriveront d'ici trois jours, moins s'ils se pressent. Nous devons tenir jusqu'à dans cinq jours. Ce n'est qu'un exercice. Rappelez donc à vos hommes que je ne veux pas de blessés graves. Les soldats frapperont avec le dos de leur épée, à moins que notre magicien soit capable de rendre nos lames moins coupantes ?

Tous les regards se tournèrent vers Greso qui promit de faire au mieux.

– Allons donc, commenta un lieutenant. Il est pas tout seul maintenant, il pourrait se débrouiller, non ?

– Votre mieux sera insuffisant, commenta le commandant Davon. Des observateurs venus directement d'Uru Baen sont chargés de nous évaluer. Vous les reconnaîtrez facilement. Chacun aura une écharpe blanche autour de la taille. Naturellement, ils pourront circuler librement. Nos soldats auront un insigne bleu et les autres un insigne rouge pour les différencier. J'attends de vous que vous vous atteliez à cet exercice comme si c'était une bataille en condition réelle.

Son regard se promena sur ses officiers.

– Greso, aboya-t-il soudain. Vous avez eu l'autorisation d'emmener votre apprentie à condition qu'elle ne perturbe pas notre réunion. Pourquoi vous parle-t-elle ?

Après avoir lancé un regard agacé à Tanya, Greso se tourna vers le commandant Davon.

– Toutes mes excuses commandant. Elle me demandait de lui expliquer les règles.

– Vraiment ? N'avez-vous pas affirmé qu'elle représentait un atout pour notre garnison ?

– Si, commandant.

– Alors,… ?

Il se figea de surprise en voyant Tanya s'avancer et s'incliner devant lui.

– Qu'est-ce que ça veut dire ?

– Je vous prie d'excuser mon insolence, commandant. Les règles que vous avez mentionné m'avaient fait penser à une idée. Comme je n'osais pas la présenter directement, j'ai voulu en parler à mon maître. Il était clairement inapproprié pour moi de parler pendant le conseil.

– Relève-toi ! Dis-m'en plus !

– Avant tout, j'aimerais savoir quelles sont les conditions pour protéger ce coffre ?

Davon haussa un sourcil mais répondit.

– Il doit être maintenu fermé et gardé à moins de 20 mètres du point de rendez-vous représenté par le bâton planté dans le sol qui était présent à notre arrivée.

– Dans ce cas, est-il possible de l'enterrer ? Un coffre ordinaire pourrait être utilisé comme leurre.

Davon réfléchit en se frottant la moustache.

– C'est une idée, reconnut-il. Nous dresserons le camp autour. Envoyez des hommes abattre des arbres pour ériger des murs et d'autres creuser des tranchées. Exécution !

Et comme il remarquait l'air songeur de Tanya, il la fit rester.

– As-tu d'autres idées peut-être ?

– Hé bien, j'imagine qu'il serait mal vu de détruire les bateaux rouges puisqu'ils appartient à l'armée. Donc, il n'est pas possible de construire des scorpions ou des catapultes pour les abattre.

– Effectivement, nos fortifications provisoires peuvent être détruites mais pas les bateaux rouges.

– Je vois.

Des feux étaient maintenus allumés sur la plage toute la nuit.

Mais les rouges n'avaient pas l'intention de faire une arrivée discrète.

Trois bateaux s'avançaient en pleine journée.

Les bleus s'avancèrent prêts à les repousser sur la plage.

Pendant que Tanya observait la situation, elle se souvint soudainement des réunions stratégiques auxquelles elle avait assisté. Surprise et gênée, elle voulut chasser ce souvenir de ses pensées mais il s'imposait à elle.

Des barques s'avancèrent vers la plage et les rouges ramaient vigoureusement.

Ils se dirigèrent vers un coin moins défendu et débarquèrent.

Le combat fut acharné mais bref.

Pendant que la plupart des soldats s'affrontaient, un groupe de rouges fila rapidement.

Ils s'arrêtèrent devant le fortin bleu sans y prêter attention.

Sur la plage, les rouges reculaient lentement pour que les bleus s'éloignent du fortin et se laissent emporter par la joie de vaincre.

Les rouges sortirent des pelles et commencèrent à creuser.

Le commandant Davon poussa un juron.

– Avec moi, messieurs, et l'arme au poing !

Évidemment, le fortin avait été construit pour se défendre et uniquement cela.

La porte avait été aménagée à l'arrière ce qui leur fit perdre du temps et de l'élan.

À ce rythme là, ils allaient perdre et les observateurs ne perdaient pas une miette du triste spectacle.

Les tambours résonnaient pour faire revenir les soldats sur la plage mais ils ne firent pas attention.

Tanya inspira profondément. Il fallait quelque chose qui attirât leur attention.

Elle ne savait pas comment envoya un signal sonore qu'ils pourraient entendre. De plus, même si elle réussissaient à produire un son semblable à une sirène d'alerte, ça risquerait de les surprendre et de leur faire perdre leur propre combat.

Elle esquissa un sourire en remarquant un observateur.

Les sentinelles rouges virent venir à eux tout un groupe d'observateurs. Ils étaient un peu intrigués par leur nombre et leur précipitation mais ils ne réagirent pas spécialement.

En revanche, quand le premier des rouges qui creusaient fut bousculé là, il y eut une réaction.

Mais c'était trop tard. Quand il voulurent se relever, une épée fut placée sous leur gorge et ils durent se rendre. Les observateurs avaient laissé leur place à des bleus.

Quatre rouges purent se défendre mais en vain. Ils finirent tous prisonniers.

Les yeux transmettaient les informations qu'ils détectaient au cerveau. Il était possible de modifier leur perception en imposant dans leur rétine l'image des observateurs.

Puisqu'ils étaient censés être morts, les rouges prisonniers n'avaient pas besoin de gardiens. S'ils essayaient quand même de combattre, ils recevraient une pénalité qui pouvait aller jusqu'à la défaite de leur garnison.

Aussi, les bleus n'eurent pas à se soucier d'eux et coururent jusqu'à la plage.

Les officiers bleus présents comprirent que le plan avait échoué et lancèrent un repli rapide.

Ils brisèrent leur formation et coururent aux barques dans lesquelles ils embarquèrent.

La première victoire était aux bleus mais l'exercice était toujours en cours.

Davon convoqua les sentinelles pour savoir si des espions avaient pu s'approcher du camp avant que ça ne commence.

Tanya alla voir Greso.

– Maître, il m'arrive quelque chose d'étrange. Juste après l'arrivée des rouges, je me suis souvenu de la réunion stratégique à laquelle j'ai assisté le premier jour. Malgré mes efforts, je me suis retrouvée incapable de me concentrer sur la situation présente.

Son maître blêmit en l'entendant.

– C'était donc ça ! gronda Davon qui l'avait entendue. Magicien de pacotille, êtes-vous totalement ignorant ou avez-vous oublié de former votre apprentie à la possibilité que son esprit soit sondée par un autre magicien.

– Je n'y ai pas pensé, monsieur. Comme les guérisseurs ne sont pas censés participer au combat, je n'avais pas vu la nécessité.

– Il faut que je vous fasse fouetter pour vous apprendre à faire votre métier ? Vous avez failli nous faire perdre aujourd'hui. Notre leurre s'est retourné contre nous !

– On peut entrer dans l'esprit de quelqu'un ? s'exclama Tanya choquée. C'est une opportunité incroyable. On peut les intoxiquer en leur faisant croire à des faux souvenirs. Ça nous permettrait de contrôler ce qu'ils croient savoir et donc de les manipuler.

Davon et Greso tournèrent un visage incrédule vers elle.