A Aberon, le château royal était en effervescence.
Les premiers Vardens étaient arrivés avec l'espoir d'un tournant dans la guerre menée depuis un siècle contre Galbatorix.
Déjà, l'enthousiasme s'était propagé parmi les surdans originaires de l'empire.
Le peuple était partagé entre scepticisme et crainte.
L'aristocratie restait circonspecte.
Bien sûr, ils ne voulaient pas de la menace impériale mais ils n'avaient jamais pensé à l'affronter un jour. Malgré tout, il fallait reconnaître que l'empire n'avait jamais vraiment menacé le Surda.
L'armée du royaume n'était pas prête. Très peu de soldats avaient une expérience sur le terrain. La plupart d'entre eux n'avaient fait qu'assurer la protection des villes et de la population contre des brigands.
Les seuls soldats ayant de l'expérience étaient des déserteurs de l'empire et ils n'avaient jamais été bien vus. Ils s'étaient engagés, soit pour protéger leurs familles en cas de guerre si l'empire venait à attaquer le Surda ce qui n'était jamais arrivé, soit qu'après leur passé militaire, il leur avait paru naturel de poursuivre dans la même voie. Les plus zélés d'entre eux entretenaient leur haine de l'empire mais en raison de craintes d'actions inconsidérées de leur part, ils n'étaient promus que difficilement. Au bout de quelques années, ils finissaient par se calmer et les plus résolus rejoignaient les Vardens.
Il y avait également des déserteurs impériaux profitant d'un régime moins stricte. Ils vivaient paisiblement sans faire preuve de zèle excessif.
Ceux qui avait été rejetés par les Vardens tentaient parfois leur chance dans l'armée surdane, sans évoquer leur échec et surtout la raison de leur rejet.
Les Surdans qui s'engageaient ne se démarquaient pas. Ils voulaient protéger leur pays contre tout ennemi. Certains demandaient à rejoindre les Vardens occasionnellement. Leur départ permettait à leur pays de participer à l'effort de toutes les races contre Galbatorix mais faisait perdre de précieux soldats au Surda. Seuls les soldats sans famille demandaient à rejoindre les Vardens.
Après l'annonce de la victoire des Vardens, l'armée s'attendait à un afflux de volontaires.
Orrin réfléchissait l'esprit confus.
Dans ses mains, une lettre portant le sceau de Galbatorix occupait toute son attention.
C'était la première missive de l'empire qui arrivait au Surda depuis le grand bouleversement qui avait vu l'anéantissement de l'ordre des dragonniers et l'émergence del'empire.
À cette époque, quand les hommes qui voulaient conserver leur liberté s'étaient opposés aux parjures et leurs armées, ils avaient réussi à les maintenir à distance. Mais ce n'était pas la force du Surda qui avait fait reculer l'empire, c'était sa faiblesse. Galbatorix avait bien d'autres ennemis à vaincre.
Galbatorix avait concentré son effort contre les dragonniers et leurs alliés elfes avant de démanteler les royaumes et de leur imposer son règne.
Il avait été simplement trop occupé pour s'inquiéter que quelques villes des terres au sud de son empire échappe à sa domination.
L'ancêtre d'Orrin avait reçu une lettre reconnaissant l'existence de son royaume assortie de menaces si la colère de Galbatorix venait à se déchaîner.
Et puis, c'était tout. Le roi s'était confiné dans son château d'Uru baen et ne donnait plus signe de vie.
Le premier roi du seul royaume humain libre avait reçu la visite d'un ancien dragonnier et lui avait promit le soutien dont il avait besoin. Depuis, la situation était restée inchangée. Les vardens ne se faisaient connaître que par leur audace et non pour leurs résultats. Les frontières de l'empire n'avaient pas changé malgré tout le sang versé. L'empire ne faisait pas mine d'être sur la défensive.
Et puis, les événements s'étaient précipités. Des hordes d'urgals avaient été envoyées par l'empire pour anéantir les Vardens. Nul indice n'avait permit de savoir comment ils avaient découvert l'accès au royaume nain. Ajihad était mort et sa fille avait pris sa place avant de se lancer dans une invasion en règle de l'empire.
Et voilà qu'une nouvelle missive impériale arrivait.
« Galbatorix, grand roi de l'empire de Broddring, conquérant de Vroengard, réformateur de l'ordre des dragonnier, pourfendeur de Vrael, protecteur de l'humanité, terreur des elfes à Orrin, roi du Surda, salut ! Nos efforts pour bâtir un empire où l'humanité pourra vivre dans la paix et la prospérité se sont heurtés à la méfiance et à l'incompréhension. Des hommes se sont laissés bernés par des discours subversifs et projettent de mettre l'empire à feu et à sang, n'hésitant pas à s'allier avec d'autres races mettant en danger l'humanité dans leur inconscience. Dans cette situation, notre volonté est d'affirmer clairement notre désir de paix entre les humains et notre espoir que ceux qui se laisseraient emporter par la tempête de la guerre voient la folie et l'horreur de leur quête et qu'ils y renoncent. En témoignage de notre bonne foi, nous avons envoyé une ambassade extraordinaire auprès de la cour du Surda afin d'assurer le Surda de l'amitié et de l'estime que l'empire lui porte. Afin que cette ambassade soit le germe d'une nouvelle amitié entre nos peuples, nous lui donnons mandat pour agir en notre nom et travailler à une nouvelle ère.
Fait en notre ville d'Uru Baen, la cent troisième année de notre règne »
Orrin ne savait que penser.
Il avait fait lire cette missive devant son conseil et Nasuada, qui était présente pour une raison quelconque, avait ri. Elle avait annoncé qu'il était clair que Galbatorix avait peur et qu'il voulait faire flancher la résolution des Vardens et s'assurer de la neutralité du Surda mais qu'en aucun cas, elle ne renoncerait à la lutte. Elle avait été à deux doigts de jeter la missive dans le feu.
‒Nous lui répondrons par l'épée, avait-elle fanfaronné.
Orrin restait perplexe.
Ce n'était pas dans les habitudes de l'empire d'agir ainsi. Il était assez intrigué par cette ambassade et la future amitié qu'elle était censée amener.
Par ailleurs, il avait peu apprécié la liberté prise par Nasuada pour intervenir, sans la moindre courtoisie, dans un conseil auquel elle n'était pas conviée.
Son intendant se démenait pour trouver où loger les Vardens à leur arrivée et de leur procurer les ressources nécessaires. Nasuada, elle, ne se souciait pas des détails pratiques de l'installation de son peuple au Surda.
Quand un brouhaha inhabituel s'éleva dans le ville, Orrin se rendit sur une terrasse pour satisfaire sa curiosité.
Un attroupement se formait à la porte Nord de la ville.
Plusieurs voitures se présentaient à l'entrée et semblaient poser problème à la garde.
Il y avait sans cesse des voitures, chariots de marchandises ou voyageurs allant plus simplement franchissant les portes. Il n'était pas inhabituel de voir la circulation bloquée que les gardes fassent preuve de zèle ou qu'une mule ait décidé de s'arrêter inopinément. Il n'y a pas de quoi s'inquiéter.
Orrin soupira.
Il se demandait si la décoction qu'il avait préparé en mélangeant des substances aléatoires était toujours dans le même état. À cause de son devoir à accomplir, il avait été contraint de quitter son laboratoire et se demandait s'il avait bien éteint le feu qui permettait à sa décoction de mijoter gentiment. Il ne voulait pas risquer d'être absent quand une réaction se produirait. Tous ses efforts seraient gâchés.
Mais, il devait décider comment répondre à cette lettre.
D'un autre coté, il pourrait aussi répondre oralement à l'ambassadeur impérial.
Mais il avait tant de problèmes à régler qu'il doutait d'avoir le temps.
Les relations commerciales avec les nains étaient encore perturbées. Les marchands refusaient de partir sans avoir la certitude absolue de l'absence d'urgals dans la région.
Une vague de réfugiés étaient arrivés à Cithri, perturbant la ville. Les logements de la ville étaient déjà occupés et les autorités ne savaient quoi faire. De plus, un rapport de son service de renseignement portait mention de sérieux doutes quand aux histoires racontés par les nouveaux arrivants. Quatre d'entre eux étaient soupçonnés d'être des repris de justice et leur présence au Surda n'était pas rassurante pour la population.
Des pirates s'étaient emparés de bateaux marchands et échappaient à la marine.
Des portraits de jeunes filles de la noblesses âgées d'au moins quinze ans étaient envoyés dans l'espoir de retenir son attention.
Orrin n'avait que peu de souvenirs de sa défunte mère et son père ne s'était pas remarié.
Il s'était retrouvé à un jeune age sur le trône et avait du s'adapter de son mieux.
Ses sujets vivaient paisiblement mais la question de l'avenir se posait. Orrin se promettait régulièrement de trouver une réponse.
Mais pour l'heure, il fallait s'occuper de l'épineuse question de l'alliance militaire avec les Vardens. Nasuada se proposait d'en prendre le commandement mais il fallait s'assurer que le Surda n'y perdrait pas. Il était certain que Nasuada avait plus d'expérience à la guerre et avait même bénéficié des enseignements de son père. Elle était plus que volontaire pour venger la mort de ce dernier. Le corps d'Ajihad avait été retrouvé dans un état épouvantable. Ses restes étaient mélangés à ceux de son escorte et des urgals qui les avaient attaqués. Malgré cela, Nasuada ne se laissait pas emporter par la soif de vengeance. Elle avait l'appui du nouveau dragonnier qui lui avait même prêté allégeance et était certaine du retour des elfes dans la lutte.
L'armée surdane faisait piteuse mine à coté mais ne voulait que sa valeur soit niée pour autant.
Le Surda avait moins combattu mais avait toujours apporté un soutien essentiel, mettant en danger sa propre existence tandis que les Vardens étaient à l'abri dans les Béors.
Le soir même, la nouvelle arriva sans souci de discrétion.
L'ambassade impériale était arrivée et sollicitait une audience.
Le lendemain, la cour était rassemblée.
Orrin était sur son trône, prêt à recevoir les diplomates impériaux. À ses cotés, des nobles surdans étaient répartis en petits groupes et parlaient avec animation. Parmi eux, plusieurs magiciens surdans maintenaient une protection contre toute attaque mentale contre Orrin.
Enfin, la porte s'ouvrit.
‒Son excellence, Aliénor comtesse de Furnost, ambassadrice extraordinaire de son altesse impériale Galbatorix, annonça l'huissier.
L'ambassadrice s'avança, le visage imperturbable, suivie par une petite troupe de dignitaires et de dames de compagnie.
Elle s'arrêta devant le trône et s'inclina, indifférente aux murmures.
‒Salut, roi Orrin ! Nous portons la parole de Galbatorix pour assurer sa volonté de maintenir la paix entre nos deux pays et pour travailler ensemble pour que l'humanité puisse connaître une nouvelle ère.
Orrin remarqua soudainement Nasuada, habillée en servante, qui écoutait attentivement. Agacé, il se crispa légèrement.
‒Bienvenue aux émissaires qui viennent avec des paroles de paix, répondit-il. Il serait bon de construire une ère de paix et de prospérité. Quel message portez-vous ?
La comtesse de Furnost s'inclina encore.
‒Sa majesté déplore les années de crainte qui ont séparé nos deux pays. Il souhaite assurer sa volonté de maintenir des relations franches et cordiales avec le Surda. Comme premier pas sur le chemin de la concorde et pour dissiper tout malentendu, nous vous restituons ce qui vous reviens de droit. Tanya, si tu veux bien !
Une petite demoiselle de compagnie présenta un coffre long d'apparence très ordinaire à la comtesse qui le prit et le présenta à sa tour à Orrin.
Ce dernier fit un signe et deux gardes allèrent récupérer le coffre et le lui apportèrent.
Orrin ouvrit et découvrit une épée dans son fourreau. Curieux, il l'examina et voulut la brandir.
En découvrant l'épée, il poussa une exclamation de surprise et la fit sortir entièrement de son fourreau.
Elle était exceptionnellement légère et semblait sortir de la forge. Mais ce qui la distinguait était sa couleur orangée et le diamant de même couleur qui ornait son pommeau. C'était une épée de dragonnier.
Après l'avoir remise dans son fourreau, Orrin tourna son attention vers l'ambassade impériale qui gardait un visage impénétrable.
‒Cette épée a appartenu à votre grand oncle, Fremacor, révéla l'ambassadrice. D'après nos recherches, il est mort voilà deux siècles en sauvant des humains qui subissaient un redoutable incendie. Contraint d'aller au milieu des flammes sans protection, il a sacrifié sa vie et son nom a été honorée. Son épée est demeurée à Doru Arabea. Elle est votre maintenant.
‒En vérité, je ne sais que dire, balbutia Orrin, bouleversé par le cadeau. J'ignorais totalement cette histoire.
‒En ce cas, permettez-nous de vous faire don d'un exemplaire des chroniques relatant sa mort.
La petite demoiselle de compagnie s'avança avec une liasse de parchemin.
Cette fois, Orrin alla lui-même prendre le présent, après avoir rengainé l'épée et la déposer sur son trône. Il parcourut d'un œil vif et vit que le parchemin était noirci par une écriture qu'il eut du mal à comprendre. Sur un autre parchemin, le texte était retranscrit dans une langue plus claire et moderne.
‒C'est un très beau présent, dit-il avec émotion, et une nouvelle fierté pour ma lignée.
Il confia les parchemins à son secrétaire avec mission de les ajouter aux archives du royaume.
‒Le dragonnier était de votre famille, répéta la comtesse. L'épée vous revient donc de droit. Les anciens dragonniers la laissait avec d'autres. Elle serait mieux à votre coté.
Émerveillé, Orrin oublia l'invasion qu'il projetait de mener avec Nasuada.
‒Je suis heureuse que ce présent vous plaise, votre majesté. J'espère que cette épée pourra marquer l'amitié nouvelle qui pourrait lier l'empire et le Surda.
En levant le tête, Orrin aperçut le regard courroucé de Nasuada.
‒C'est à espérer, répondit-il. Il est toujours bon de s'entourer d'amis.
La comtesse hocha gravement la tête.
‒Assurément ! Mais comme les liens d'amitié sont si fragiles, il est parfois nécessaire de faire coïncider l'amitié avec l'intérêt. Aussi, il serait bon que nous puissions avoir une rencontre officielle pour assurer le bien commun de nos peuples respectifs.
‒Que prévoyez-vous donc ?
‒Il est difficile d'évoquer ce projet de manière concise et claire mais nous comptons organiser des foires à intervalles réguliers pour favoriser les échanges commerciaux. Ces foires auront lieu à Furnost. C'est pourquoi, l'empire souhaite que s'ouvre une ligne commercial avec le Surda pour cette occasion. Nous avons commencé à aménager des routes et nous garantissons la protection des convois marchands quel qu'en soit l'origine. Si vous le permettez, nous pouvons tout vous expliquer en détail devant votre conseil. Vous aurez l'occasion de découvrir toutes les implications des foires pour la prospérité du Surda et la paix entre nos peuple.
‒Je ne saurais rejeter une main tendue aussi franche.
L'ambassadrice s'inclina.
‒Grace vous soit rendue ! Étant donnée l'ampleur de la tâche et le temps nécessaire pour mettre en œuvre le projet, il serait bon que tout soit décidé au plus tôt. Voulez-vous bien que nous décidions de l'heure de notre rencontre dès maintenant ? Il est certain que vous avez de nombreux devoirs à remplir en tant que roi mais je puis vous assurer que vous ne regretterez pas le temps passé à nous écouter.
‒Monsieur de Poude, appela Orrin.
Un homme s'approcha promptement.
‒Quand pouvons-nous réunir le conseil ?
Quelques heures plus tard, Nasuada ne décolérait pas.
Ils commençaient à organiser leur invasion de l'empire et voilà qu'Orrin faisait bon accueil aux émissaires de Galbatorix et même se tenait prêt à les recevoir.
‒Enfin, roi Orrin, vous n'allez tout de même pas faire ça ? Que va penser le peuple s'il vous voit recevoir les diplomates du tyran ? Tout l'effort de guerre sera compromis !
‒Nasuada, très chère, cessez de vous agiter comme cela, répliqua-t-il.
‒Galbatorix a du avoir vent par ses espions de notre projet d'invasion. Ces émissaires font de beaux cadeaux et parlent de beaux projets pour vous dissuader d'entrer en guerre, ou au moins pour vous ralentir. Cette histoire de foire n'est qu'un prétexte.
‒C'est possible mais la courtoisie exige de recevoir des émissaires. Du reste, si vraiment ils ont été envoyés pour nous distraire de l'effort de guerre, alors ils n'auront pas eu le temps de se préparer et il sera aisé de s'en apercevoir. Au pire, je n'aurai perdu que le temps de les recevoir.
Sans plus attendre, il partit vers la salle qui avait été prévue pour la rencontre. Nasuada lui emboîta le pas en rouspétant.
Orrin retrouva ses conseillers et la représentante de la guilde des marchands qui se joignait à eux.
‒Je souhaite vous accompagner, déclara Nasuada.
Orrin lui lança un coup d'œil qui s'éternisa.
‒Je crains que cela ne soit une mauvaise idée, dit-il finalement. Les derniers événements vous ont fait perdre toute prudence et je crains que vous ne fassiez preuve d'un certain manque de retenue. Je ne voudrais pas déclencher un incident diplomatique.
‒Juste avant de partir en guerre, c'est approprié en effet, railla la jeune femme.
‒Il est malavisé d'en parler aussi ouvertement à proximité de l'ambassade impériale.
‒Quelle importance ? Galbatorix doit déjà savoir.
‒Mon royaume n'est pas prêt à partir en guerre et les Vardens non plus, dit-il d'une voix plus basse. Ils ne sont même pas encore tous arrivés. Il serait prématuré de déclencher des hostilités. Il serait bon que vous vous souveniez que vous n'appartenez pas au Conseil du Surda et que je ne vois pas à quel titre vous faire introduire. Vous ne pouvez prétendre être une servante cette fois.
‒Je peux toujours me faire passer pour une scribe ou l'assistante de votre intendant.
‒Non et non. Vous vous feriez remarquer et l'intendant du Surda est connu ainsi que ses assistants. Ce serait là un mensonge trop aisé à découvrir. Allons, soyez raisonnable ! Je vous rapporterai ce qui a été dit si cela se rapporte à vos Vardens.
Nasuada dut se résoudre à rester dehors. Elle se demanda où était Trianna. Il existait peut-être un sort permettant d'écouter à travers les murs.
‒Le roi !
L'ambassade était déjà présente et encore debout.
Orrin alla à sa place et s'assit, imité par tous les autres présents.
‒Je vous écoute !
‒Je vous sais gré de nous avoir reçu si rapidement. Si vous me permettez, je vais vous expliquer.
La petite Tanya présenta un parchemin que la comtesse déplia.
Ce fut long et complet. Tout le projet fut exposé. Des estimations des flux commerciaux pour les années à venir et des taxes réduites pour l'occasion furent présentés. La comtesse mentionna les efforts pour sécuriser les routes ainsi que l'aménagement du port de Furnost si des marchands surdans préféraient transporter leur marchandises sur des bateaux.
Il était évident que ce projet avait été préparé de longue date.
‒Nous souhaitons que des marchands surdans participent à ces foires afin de contribuer à une nouvelle ère prospère.
‒En vérité, vous semblez avoir pensé à tout, dit Orrin. Aussi, je ne vois pas bien ce que vous attendez de moi. Que me demandez-vous exactement ?
‒Votre majesté, nous voulons simplement nous assurer de votre bienveillante coopération. En plus des opportunités économiques tant pour mon comté que pour le Surda et l'empire, ces foires pourraient être le début d'un lien solide entre nos pays. Pour le Surda, ce serait l'ouverture de nouveaux débouchés pour vos marchandises et la possibilités de se fournir sur les marchés impériaux, avec des taxes réduites. La seule contrainte pour vous sera d'aménager les routes au sein du royaume mais cet investissement sera plus que récompensé.
Orrin examina longuement les documents présentés. C'était tellement nouveau pour lui qu'il craignait de trop s'avancer.
‒Nous ne voulons point vous presser, reprit la comtesse. Peut-être serait-il préférable que nous laissions nos documents de présentation pour que vous puissiez y réfléchir sereinement. Si vous le désirez, vous pourrez même envoyer un homme de confiance pour qu'il se fasse une idée directement sur place. Si vous désirez un complément d'information, nous sommes à votre disposition amis je crains que nous n'ayons abusé du temps que votre bonté a bien voulu nous consacrer.
‒J'ai, en effet, mon devoir qui m'attend. Mais je vous sais gré de m'avoir présenté votre projet. Je vous promets qu'il sera examiné avec la plus grande attention.
Toute l'ambassade s'inclina une dernière fois et s'en alla après une salutation.
En sortant à son tour de la salle, Orrin ne fut pas surpris de voir Nasuada l'attendant, impatiente d'en savoir plus.
À ses cotés, une magicienne varden grimaçait en se tenant la tête.
‒Ils sont solidement protégés, dit-elle. Je ne puis enquêter sans risquer d'être découverte.
‒Tant pis, dit Nasuada. Nous allons devoir recourir à d'autres méthodes. Orrin que vous ont-ils dit ?
‒Avez-vous tenté de pénétré leurs esprits ? Cela pourrait être considéré comme un acte de guerre et déclencher la fureur de Galbatorix.
‒Quelle importance ? La guerre va avoir lieu de toute façon. Elle a même déjà commencé.
‒Mais, il n'est pas temps encore pour le Surda. J'ai de nouvelles affaires à discuter avec le conseil au grand complet. Je vous en ferai part en temps utile.
Indifférente aux regards hostiles, l'ambassade quitta le château paisiblement.
La comtesse se détendit brusquement et faillit tomber.
‒J'espère ne pas vous avoir fait mal, dit Tanya. Je ne voyais pas d'autres moyens pour exposer mon projet sans que ce soit moi qui parle.
‒Je vais bien. J'ai simplement eu un vertige en reprenant le contrôle. Ce n'était pas agréable mais s'il faut en passer par là, alors je le supporterai. Allons, rentrons tous maintenant.
Ils se rendirent au manoir dont ils avaient loué l'usage le temps de leur séjour.
Plus tard, Tanya en habit de servante alla vers le marché. Elle y croisa un homme originaire de l'empire qui choisissait des légumes avec soin.
Elle entra dans son esprit.
« Faites votre rapport ! »
« A vos ordres ! »
