Le grand jour était arrivé.

La première foire allait être ouverte.

Pour l'heure encore modeste, elle avait tout de même attiré marchands d'Uru Baen, de Dras Leona et même du Surda.

Avec le temps, la renommée des foires en attirerait d'autres.

Gil ead est facile d'accès par voie fluviale.

Si c'était possible, Tanya voulait qu'un canal soit creusé entre le lac Leona et le lac Tüdosten. Cela faciliterait l'accès depuis Belatona, Dras Leona et Teirm.

Mais le plus important était l'établissement de voies commerciales en dehors de l'empire.

Tanya était sûre que les nains voudraient participer. Étant donnée la méfiance des nains vis à vis de l'empire, ils embaucheront certainement des humains pour se rendre à leur place à la foire.

S'il était possible d'établir des relations, sinon cordiales et amicales au moins neutres avec les nains, alors ce serait l'opportunité d'explorer vers l'est.

L'empire avait une population d'une certaine importance et un grand territoire, le tout dans un epaix relative. C'étaient des conditions idéales pour prospérer.

Mais pour maintenir ces bonnes conditions, il fallait éliminer les menaces.

Les Urgals avaient été envoyés dans les Montagnes des Béors sous les ordres de Durza. La population générale ignorait l'implication des autorités pour cette affaire. S'il se savait que les urgals avaient servi les intérêts royaux, il y aurait un risque d'émeutes dans la moitié du pays. Les gens avaient tellement souffert des Urgals dans les campagnes et dans les villes qu'ils ne comprendraient pas qu'ils n'aient pas été massacrés.

Du reste, l'idée que les Urgals puissent être contrôlés par magie était inimaginable. Seule la propagande des rebelles pouvait insinuer le doute.

Les rebelles tentaient de passer à l'action, galvanisés par leur victoire et l'arrivée d'un nouveau dragonnier.

Tant que le Surda était resté officiellement neutre, les rebelles n'avaient été qu'une gêne. Mais si le Surda se rangeait ouvertement derrière Nasuada, alors la menace était réelle.

La réaction des elfes était imprévisible. Mais si Nasuada s'engageait dans cette aventure, ce n'était sûrement pas à la légère. Eragon avait sauvé une elfe avant de l'emmener chez les rebelles. Tanya ignorait sa position exacte mais elle était ambassadrice. Elle pouvait inciter les elfes à se mêler à la guerre.

Les nains étaient divisés mais risquaient de participer.

Mais dans l'immédiat, les rebelles étaient à découvert au Surda et la Main noir les frappait sans répit.

Sur ordre de Tanya, aucun officier n'était visé. Les magiciens étaient traqués en priorité mais ils s'exposaient peu.

L'escorte de Nasuada se renforçait alors qu'elle n'était jamais en danger.

Pour limiter les risques et pour apaiser la colère d'Orrin qui appréciait peu que ses sujets aient été pris à partie, les rebelles avaient ordre de ne plus sortir en ville.

De cette façon, ils n'avaient plus d'occasion de pousser les surdans à se joindre à eux en leur racontant des récits héroïques.

Et pendant ce temps, Orrin risquait de changer de regard sur l'empire.

Mais Tanya avait suspendu ses activités au Surda.

Elle tenait à s'assurer du bon déroulement de la première foire. C'était l'un des ordres du roi, après tout.

Les membres de la Main noire devaient restreindre leur activité pendant un temps.

Leurs rapports étaient étranges. D'après eux, Nasuada passerait beaucoup de temps avec une petite fille qui n'avait pas été clairement identifiée. Ce n'était pas sa fille cachée. Il n'y avait en toute logique aucune raison pour que Nasuada garde son attention sur une enfant.

Elle était même bien protégée.

L'un de ses gardes appréciait d'aller aux maisons closes. Il avait tendance à beaucoup parler pour se donner un air important mais était très mal à l'aise quand il en venait à évoquer la personne qu'il protégeait et changeait de sujet sans attendre.

Le trot des chevaux qui conduisaient la voiture gênait Tanya. Travailler dans ces conditions était pénible. Même si les routes étaient aménagées, il était impossible d'y réfléchir en paix.

Sur la route, elle pouvait voir des marchands qui faisaient le même chemin.

C'était le début de la prospérité pour Furnost.

Même avec la baisse des taxes, un tel afflux de marchands allait enrichir le comté.

Et après les échanges de biens et de capitaux pourrait venir celui des informations.

Mais ça n'allait pas se faire tout seul. Une alliance plus étroite avec le Surda pouvait être une opportunité si c'était possible. Un mariage entre les familles des seigneurs de Furnost et de Petrovya pourrait apporter une garantie de stabilité tout en attachant le Surda à l'empire. Quelle était la différence d'age entre les enfants de chaque famille ?

Des bateaux faisaient la navette entre Pétrovya et Furnost pour transporter les gens et les marchandises mais certains convois préféraient la voie terrestre. Le trajet était plus long mais ils n'avaient pas à payer un droit de passage et estimaient qu'ils seraient facile d'assurer leurs besoins avec la nourriture qu'ils avaient apporté avec eux et ce qu'ils pourraient chasser. Ceux-là gardaient une certaine méfiance et préféraient garder leur moyen de transport avec eux pour pouvoir s'échapper avec leurs marchandises si les circonstances devenaient défavorables.

Furnost ressemblait à une fourmilière avant un orage.

Les auberges étaient pleines et une foule dense s'agitait dans les rues.

Une grande plaine avait été laissée aux marchands.

Des tentes avaient été dressées un peu partout.

Les gardes qui escortaient les marchands avaient reçu ordre de déposer leurs armes.

Le comte Albior n'acceptait pas de laisser les marchands assurer leur propre protection en dehors des routes. Ils étaient sur ses terres et il n'abandonnerait pas sa position.

Malgré l'absence d'armes, des bagarres éclataient à l'occasion et il fallait de solides coups de bâtons pour rétablir la paix. Le prévôt de Furnost ne faisait preuve d'aucune indulgence. Il avait mit au cachot un petit groupe et mit au pilori d'autres personnes.

Des gens affluaient pour voir les marchandises. Un boulanger avait fait une ribambelle de petits pains au miel qu'il vendait au milieu de la foule.

Tanya avait sa chambre au château. Elle observait la situation.

Elle notait le type de marchandises qui était mis en vente et leur provenance. En général, il s'agissait des spécialités de chaque grande ville. Il y avait des bijoux, des tapis, du vin et bien plus encore.

Mais un point sortait de l'ordinaire.

Parmi les marchands venus du Surda, l'un se démarquait par sa marchandise.

Il vendait de la dentelle en grande quantité et de bonne facture. Des rubans, des robes ou des foulards attiraient des clients plus qu'intéressés.

Le Surda avait-il des manufactures pour confectionner toute cette dentelle ? Et pourquoi vendre à un prix dérisoire par rapport à la valeur de la dentelle ?

‒Il va falloir enquêter sur cette anomalie, murmura-t-elle.

Autre point qui l'intrigua, le marchand de dentelle était à l'écart des autres marchands surdans.

Elle se rendit sur place dans une robe simple et s'arrêta devant une table recouverte de coquillages.

‒C'est trop beau ! s'exclama-t-elle avec un enthousiasme savamment dosé. Tout cela vient du Surda ?

‒Hé oui, petite demoiselle, répondit le marchand. Ils viennent de la mer. J'ai même ceci ! continua-t-il en ouvrant un petit sac de toile d'où il sortit des perles.

‒C'est bien joli ! C'est au Surda que vous les fabriquez ?

‒Oh non ! En vérité, tout ceci vient de la mer!

‒Voici donc, la richesse du Surda !

Le marchand rit.

‒Il n'y a pas que cela. Voyez donc mes camarades !

‒Venez donc découvrir la spécialité de ma ville natale ! les encouragea un autre marchand surdan. Nous sommes réputés pour notre faïencerie !

À quel point avait-il fallu être précautionneux pour ne rien casser ? Par magie peut-être ?

Tour à tour, elle vit tous les étals.

‒Une coupe pour la demoiselle ? proposa le dernier qu'elle vit en montrant ses tonneaux.

‒J'ai peur de devoir décliner. À mon age, ce serait déraisonnable.

‒Oh allons,s boire un bon coup n'a jamais fait de mal à personne n'est-ce pas ?

Le marchand de vin éclata de rire à ses propres paroles.

Après s'être calmé, il reprit :

‒Même pas un peu pour goûter ? Et pour… ?

Il hésita à poursuivre en notant l'air patibulaire de l'escorte de Tanya mais celui-ci ne daigna pas répondre.

‒Peut-être votre père pourrait être intéressé ? insista-t-il.

‒Je ne suis pas venue acheter pour l'instant. Je regarde simplement. Je voulais voir les richesses du Surda. Il ne me reste plus qu'à voir celui-ci, termina-t-elle en désignant le marchands de dentelle qui écoulait sa marchandises sans difficulté.

Le visage du marchand de vin fit la moue.

‒Oh lui ! Il vient du Surda mais pas de notre compagnie ! Nous sommes partis ensemble et il nous a rejoint après.

Tanya salua le marchand et rejoignit la table sur laquelle la dentelle était vendue.

‒Admirez ! N'hésitez pas à toucher ! Voyez la finesse du travail !

Des femmes se pressaient avec leurs bourses. S'il n'y avait pas tant de dentelle, on aurait pu croire qu'elles auraient finis par se battre entre elles. Elles étaient ravies de la profusion de la précieuse marchandise et du prix exceptionnellement accessible.

Tanya n'avait pas remarqué que beaucoup de surdanes portaient de la dentelle en dehors de la noblesse. Cette abondance était bien soudaine.

Elle finit par penser à l'hypothèse de l'utilisation de la magie pour la production.

C'était évidemment plus pratique mais le prix ne pouvait que chuter avec la saturation du marché.

Aucun marchant n'avait intérêt à envahir le marché avec des produits de luxe. Ça n'avait aucun sens.

Tanya prit note de garder un œil sur cette étrange commerce.

Elle continua son tour.

Les divers marchands exposaient leurs produits avec un succès relatif. Certains échangeaient leurs marchandises. La plupart des clients venaient de Furnost mais le manque de chambres dans les auberges indiquait la venue d'autres personnes.

Un montreur d'ours était occupé à amuser des enfants. Des troubadours se préparaient à montrer leur talent.

Tout se déroulait pour le mieux.

Mais quelques jours plus tard, elle reçut un rapport de ses agents à Abéron qui retint son attention.

La capitale du Surda était en effervescence suite à la vente de dentelle à prix réduit. Les aristocrates et la haute bourgeoisie en achetait à foison et même des paysannes laissaient leur coquetterie prendre le dessus.

Les dentellières du Surda avaient fait grand bruit. Elles étaient venues en personne examiner la marchandise en protestant vigoureusement contre cette concurrence qu'elles jugeaient injustes. Leurs affaires s'étaient effondrées subitement.

Toute cette dentelle ne venait pas de l'empire et probablement pas des nains. Bien qu'ils étaient habiles de leurs mains, ils préparaient travailler la pierre et le métal.

Non, l'hypothèse la plus probable était que les rebelles étaient impliqués.

L'argent est le nerf de la guerre et Nasuada n'était pas la première à utiliser le commerce pour soutenir l'effort de guerre.

Les pensées de Tanya se tournèrent vers le marchand qui participait à la vente de dentelles à la foire.

Elle ressentait un mélange de colère en voyant l'audace des rebelles et une pointe d'admiration devant tant d'ingéniosité.

Mais Nasuada n'avait pas réfléchi assez loin.

Une telle méthode ne marcherait qu'un temps et pouvait avoir des conséquences imprévisibles.

Mais en attendant, elle ne pouvait empêcher les rebelles de se financer. Toute action contre le rebelle marchand détruirait tout son travail pour la foire. Il y avait la possibilité que des bandits tendent des embuscades à tous ceux qui quitteraient Furnost la bourse pleine mais Tanya avait justement œuvré à sécurisé au mieux les routes pour limiter les risques.

Elle décida de retourner au Surda. Elle se fit accompagner d'un seul homme, Folcard, qui feindrait d'être son père se rendant à Abéron désirant former son enfant à un métier.

Elle dut encore changer d'apparence. Elle dissimula ses cheveux dont elle avait changé la couleur sous un foulard et portait des vêtements simples.

Son faux père alla à la recherche des dentellières. Faisant mine de ne pas voir leur détresse, il leur dit qu'il souhaiter mettre sa fille en apprentissage pour qu'elle se forme à leur métier. Il demanda si elles acceptaient de prendre sa fille à l'essai et quel prix elle demandait.

La femme à laquelle il posait ces questions secoua la tête d'un air navré.

‒Nous ne pouvons plus prendre en apprentissage.

‒Comment ? Je peux en prie ! Ma fille était très enthousiaste à l'idée d'apprendre. Voyons, si elle promets de faire la cuisine et le ménage ?

‒C'est inutile. Nous sommes déjà en train de renvoyer nos apprenties.

Folcard tourna la tête pour voir que les autres personnes présentes faisaient grise mine.

‒Je ne comprends pas. Je croyais que votre dentelle était réputée dans tout le Surda. Qu'a-t-il bien pu arriver ?

‒Les Vardens ! Voilà ce qui est arrivé ! Ils font de la dentelle en grande quantité et la vende à bas prix. Nous avons perdu toute notre clientèle.

‒Maudits Vardens, s'écria une autre femme plus loin en crachant sur le sol.

‒Nous sommes allé protesté et nous espérons que le roi agisse en notre faveur mais nous n'avons guère d'espoirs.

‒De toute façon, c'est trop tard, intervint la femme qui avait craché. Le roi ne peut rien faire. Toutes les femmes qui veulent de la dentelle en ont eu. Même si ces Vardens arrêtaient d'en vendre, les bonnes dames n'auront plus besoin d'acheter de la dentelle. Et même ceux qui en voudront encore n'accepteront pas de payer au juste prix.

‒Ce n'est pas comme si nous pouvions baisser les prix.

‒C'est vraiment une triste nouvelle, dit Folcard.

‒En effet, nous avons tenté d'améliorer notre travail pour offrir de la dentelle de qualité mais ils font de même en un rien de temps.

À ce moment, la porte s'ouvrit pour laisser passer une femme.

‒J'ai des nouvelles et elles sont mauvaises.

Toutes les femmes se rassemblèrent aussitôt pour écouter.

‒Le roi a fait part à la dirigeante des Vardens de notre situation. Elle a rit et dit qu'elle avait besoin d'or pour partir à la guerre. Elle s'est moquée en disant qu'elle était prête à prêter de l'argent.

Un grondement retentit et les femmes présentes injurièrent copieusement les Vardens.

‒C'est absolument scandaleux, s'écria Folcard. Il faut aller lui demander des comptes. Elle vous mène à la ruine.

Les plus prudentes étaient réticentes faire quoi que ce soit mais la colère éclata.

Les femmes chuchotèrent entre elles, s'interrogeant sur l'identité de cet homme si en colère et se demandant comment obtenir justice.

‒Le fruit de votre labeur est détruit et volé par les Vardens, continua Folcard. C'est votre salaire que les Vardens prennent.

‒Reprenons notre or, s'écria une femme.

Les esprits étaient assez échauffés comme ça.

Les objections furent balayées.

Le groupe sortit et se dirigea vers le camp varden.

‒A bas les voleurs !

Elles n'étaient qu'une dizaine mais avançaient sans crainte.

Les passants furent surpris de cette explosion de colère et comprenant la situation, certains se joignirent aux dentellières.

Il y avait d'abord les dentellières et leurs familles. Ensuite venaient ceux qui accusaient les Vardens de manger leurs impôts. Après, venaient ceux qui accusaient les Vardens de leurs problèmes, des vols qu'ils avaient subi. Enfin, s'étaient ajouté à ce cortège des fauteurs de troubles.

Les gardes du prévôts alertés par le bruit, se rendirent sur place. Hésitant sur la conduite à venir, ils choisirent de rester aux alentours. Les mécontents n'avaient pour l'heure fait aucun mal et les gardes n'étaient pas mécontents que des gens du peuple portent leur colère contre les Vardens qui les prenaient de haut.

Folcard s'esquiva de la foule et rejoignit Tanya.

À cette heure de la journée, les Vardens étaient à l'extérieure, soit qu'ils s'entraînassent, soit qu'ils travaillassent.

Les quelques Vardens qui gardaient le camp furent surpris de l'arrivée d'une petite foule.

Ils maintinrent les portes fermées et brandirent leurs armes.

Mais, cela ne fit qu'exaspérer la foule dont certains commencèrent à jeter des pierres.

L'un des Vardens sonna du cor pour donner l'alerte.

Pendant que la petite foule hurlait de colère, l'un des Vardens se sentit menacé par un gourdin et porta un coup. Il fut immédiatement frappé de tout coté.

Les portes furent défoncées et les mécontents se ruèrent à l'intérieur.

Sans se concerter, ils se dispersèrent. Certains effrayés s'enfuirent.

Les entrepôts furent pillés.

Des Vardens arrivèrent en toute hâte et frappèrent les Surdans.

Jormundur voulut ramener la foule à la raison mais ne fut pas entendu.

Il fit sonner du cor.

En voyant les Vardens armés qui arrivaient, la plupart des Surdans prirent peur et ils s'enfuirent.

Quelques blessés ne purent s'échapper.

‒Quel gâchis, soupira Jormundur. Allez chercher des guérisseurs ! Regroupez les morts !

Il fit garder la porte soigneusement puis alla porter la nouvelle à Nasuada.

Dans un bureau, elle examinait des plans en étudiant les rapports qu'elle avait reçu.

Un sort fait par Trianna l'empêchait d'être dérangée par le bruit ambiant.

Quand Jormundur entra, elle comprit qu'il s'était passé quelque chose.

Furieuse, elle se rendit sur place.

Elle commença par s'assurer de l'état des blessés.

Les guérisseurs étaient épuisés mais ils avaient fait du bon travail.

Ensuite, elle voulut voir les Surdans blessés.

Quand un regard venimeux croisa le sien, elle fut troublée même si elle n'en laissa rien paraître.

‒Nous sommes venus au Surda pour que nous puissions tous ensemble nous libérer de l'oppression impériale, commença-t-elle.

‒Quelle oppression ? Ce n'est pas l'empire qui nous prive de notre travail et nous mène à la ruine !

Nasuada fronça les sourcils.

‒De quoi parlez-vous ?

‒Avec votre dentelle, vous nous prenez toutes nos clientes !

‒Je conçois que la situation puisse être problèmatique mais vous devez comprendre que nous avons besoin de fonds pour mener la guerre. D'ailleurs, nous vendons principalement dans l'empire.

‒Vous vendez suffisamment au Surda pour nous ruiner !

‒C'est possible mais nous n'empêchons personne de confectionner la dentelle à notre manière. Ce que nous faisons, vous pouvez en faire autant. D'ailleurs, maintenant, nous ne recevrons plus de fonds du Surda. Puisque vous êtes dans le commerce, vous devez savoir que c'est à vous de vous battre pour garder vos clientes. Si vous avez des réclamations, adressez-vous au roi Orrin. Vous partirez d'ici dès que vous aurez été soignée. Vous n'avez rien à gagner à vous en prendre à nous.

Elle rejoignit Jormundur pour son rapport.

‒C'est mauvais, dit-il. Ils se sont servis et ont pris du ravitaillement, des armes, de l'or. Une partie de la dentelle a été détruite par le feu.

Nasuada serra les dents en colère.

‒Je vais déposer une plainte officielle auprès d'Orrin mais je ne pense pas qu'elle aboutisse. À part ceux qui sont soignés ou morts, nous n'avons aucune preuve de l'identité de nos assaillants. J'imagine que les familles des dentellières du Surda sont impliquées mais je peux pas demander qu'on fouiller dans leurs maisons pour récupérer ce qui a été volé. Et il y avait d'autres gens.

‒Mais porter l'affaire devant le roi Orrin revient à reconnaître que nous avons été impuissants, objecta Jormundur.

‒J'en suis consciente mais nous pouvons dire que nos Vardens n'ont pas voulu faire de mal à des civils et que c'est la raison pour laquelle ils ont été débordés. D'ailleurs, eux même risquent de se plaindre.

Elle fut très mal reçu.

Orrin avait reçu le prévôt qui lui avait raconté la situation.

Comme Nasuada avait fait soigné les civils surdans blessés, il décida de ne rien faire. Au fond de lui, il comprenait parfaitement la colère de ses sujets même s'il regrettait la violence dont ils avaient fait preuve.

S'il punissait ceux qui avaient pris d'assaut les Vardens, il craignait un soulèvement.

Il estima que les mécontents avaient été assez punis par les coups reçus et les familles des morts recevraient une pension.

Randolphe, comte de Pétrovya, arriva à la capitale.

Il alla présenter ses hommages au roi.

Il était ravi du regain d'activité dont profitait sa ville. Puisque les marchands allaient affluer dans les années à venir, il souhaitait réaménager le port mais il manquait de personnel et de fonds.

Abéron n'avait pas un port très développé. Mais il y avait d'autres villes portuaires comme Reavstone ou Dauth où le personnel qualifié ne manquerait pas.

En revanche, pour les fonds, Orrin ne pouvait lui apporter une grande aide.

Déçu, le comte finit par envisager de demander un prêt au comte de Furnost.

Après tout, c'était aussi dans son intérêt.