J'ai légèrement hésité et, en faisant des recherches sur ces fameuses "cramping pains", j'ai découvert que ça touchait aussi les femmes enceintes. Il était donc temps de donner un peu de consistance à la mère de Link !

Marlin : Old Smith / Dove : épouse de Marlin et mère de Linkle et Leon / Eartha : mère de Link / Linkle et Leon sont jumeaux (tante et père de Link)

Rappel : Leon n'a pas pu être présent pour l'accouchement et Linkle disparaît peu de temps après (comme dit dans "Malade à un endroit inopportun)

Bonne lecture !


La lune était montée dans le ciel depuis un moment.

Par la fenêtre dont le rideau avait été mal tiré, Eartha fixait ce rayon si pâle contre les pierres de la maison.

À ses côtés, son mari ronflait comme un bienheureux, ignorant tout ce qui pouvait trotter dans sa petite tête.

Se détournant du rayon de lune, elle l'observa, tendant le bras pour retirer les cheveux s'étant égarés sur son visage, le caressant avec douceur, jusqu'à ce qu'il finisse par grimacer, tentant de la chasser sûrement.

Soupirant, elle tenta de se retourner, revenant à sa contemplation des particules de poussière dansant dans la faible lumière.

Sa grossesse lui paraissait plus dure chaque jour, particulièrement depuis que ses nuits étaient réduites. Elle avait l'impression d'avoir toujours mal quelque part, et ça c'était quand le bébé ne décidait pas de s'agiter subitement.

Lors de ces moments, elle ne pouvait pas s'empêcher de penser à son cher mari. Évidemment, ça ne servait à rien pour apaiser la douleur, mais ça lui occupait l'esprit…

Même si la cité d'Hyrule était considérée comme la capitale du royaume, elle restait un petit village où tout le monde se connaissait.

Le groupe d'enfants qu'ils étaient à l'époque avait fait les quatre cent coups comme leurs parents avant eux, et sûrement leurs enfants après eux.

Leon n'avait pas été le plus vieux ni le plus jeune de leur groupe. Mais il montrait déjà les premiers signes du charisme du commandant qu'il était actuellement, n'hésitant pas une seconde quand il devait se faire obéir par les plus vieux ou les plus turbulents.

C'était un grand dadais maladroit au sourire franc et qui n'avait jamais hésité à inviter les filles dans leurs escapades. Il lui avait plus d'une fois attrapé la main pour la tirer après lui ou s'était faufilé dans l'échoppe familiale pour l'attirer dehors, son expression canaille la faisant rapidement rire, manquant de les faire repérer.

Elle n'était pas la plus jolie de leur petite bande, et pourtant, lorsque l'âge des mariages les atteignit, c'est vers elle qu'il s'était approché lors du bal, tout gêné dans ses habits du dimanche, l'invitant à une danse. Personne n'avait été dupe, ils avaient déjà gigué auparavant ensemble, autant qu'avec tous les autres jeunes et moins jeunes adultes, mais tout dans son attitude hurlait que ce n'était pas une danse comme les autres.

Alors, quand il vint la chercher à la maison de ses parents une semaine plus tard, comme l'exigeait la coutume, personne n'en avait été vraiment surpris.

Bien sûr, il y eut des taquineries sur leur chemin, et quelques piques jalouses. Mais il y eut aussi des félicitations, alors qu'elle traversait la cité dans les bras de Leon jusqu'à la maison qu'il partageait avec son père et sa sœur.

Cet exploit seul avait suffi à faire taire le moindre quolibet. Déjà parce qu'il n'y avait pas grand-monde capable de se vanter de pouvoir porter qui que ce soit sur une telle distance sans faiblir, mais aussi parce que ça avait permis de rappeler que Leon n'avait pas obtenu sa place de chevalier par l'entremise de son père. Et que si quelqu'un avait l'intention de l'imiter pour épouser Eartha, il partait avec un sacré handicap.

Son beau-père l'avait aussitôt traité comme sa propre fille, même si au fond, il l'avait toujours fait, sans doute grâce à l'amitié qu'elle entretenait avec Linkle qui avait été ravie d'une autre présence féminine et plus encore qu'elle soit sa meilleure amie.

La vie chez le forgeron n'avait pas été bien différente ensuite. Elle participait aux corvées et entretenait la maison alors que Leon passait ses journées à s'entraîner au château, et son futur beau-père à la forge. Linkle et elle papotaient avec grand-plaisir, enthousiaste à l'idée de devenir belles-sœurs. Bien sûr, Eartha retournait de temps à autre auprès de sa famille de sang pour donner un coup de main ou des nouvelles, surtout qu'il fallait préparer le mariage.

Et quel mariage… Leon avait été un peu trop lui-même, ou sur le coup de l'émotion ?

Sa brusquerie au moment de remonter le voile lui avait laissé une cicatrice qu'elle pouvait heureusement cacher de ses cheveux, mais personne ne risquait d'oublier quand, en voulant se retourner pour l'admirer, il avait envoyé toute sa famille les quatre fers en l'air après avoir jeté au sol la travée de son côté.

Le souvenir lui tira un léger rire qu'elle tenta de camoufler, ne voulant réveiller personne.

Sous sa main, un coup de pied énergique annonça le début des hostilités.

— Mais combien êtes-vous, là-dedans ? soupira-t-elle en frottant la zone. Dors, petit bébé, maman est fatiguée…

Doucement, elle entonna la berceuse que sa mère, et sa mère avant elle, entonnait pour apaiser ses enfants.

Pour l'occasion, elle se permit d'être moins discrète, atteignant le volume d'un murmure. C'était une berceuse, après tout, pas l'hymne national.

Le bébé parut comprendre l'attention, une légère caresse repassant là où le coup avait été porté, comme une excuse, pendant que Leon se recroquevillait contre elle dans l'inconscient de son sommeil.

Profitant de l'occasion, Eartha garda une main sur son ventre proéminent, caressant à son tour l'endroit approximatif, comme si elle pouvait toucher le fœtus, et plongea l'autre dans la chevelure douce.

Quand il dormait, Leon retrouvait cette innocence de leur jeunesse. Son sourire et son caractère doux n'était pas enfoui si loin, mais s'il voulait atteindre la place à laquelle il aspirait, il ne devait montrer aucune faiblesse, seulement du sérieux et de la résolution. Mais quand il revenait à la maison, c'était le retour du grand gosse qui les emmenait à la chasse aux Minish dans la forêt de Tyloria.

L'annonce de la grossesse avait surpris un peu tout le monde et ils n'avaient pas fini d'être charrié à ce sujet, mais c'était à croire que le petit était aussi pressé que son père d'entrer dans leurs vies !

Le nom était encore à la réflexion, mais Eartha avait une idée toute arrêtée à ce sujet, prétendant le contraire à quiconque oserait le lui demander. Après tout, peu importe le sexe de l'enfant, il aura la meilleure des marraines qui soit en la personne de sa tante. Le nommer en son honneur était bien le minimum !

— Oh, mon petit Link, j'ai si hâte de te serrer dans mes bras… souffla-t-elle.

La berceuse était finie, Leon s'était une nouvelle fois tourné un peu plus loin, et ses jambes lui faisaient un mal de chien, sans parler du reste de son corps.

Profitant de l'occasion, elle entreprit de quitter le lit conjugal, s'appuyant lourdement sur la tête de lit pour se lever. Dédaignant ses chaussons, elle avança pieds nus dans la chambre, s'approchant de la fenêtre, massant ce qu'elle pouvait de son dos et de ses cuisses.

Dehors, la nature semblait dormir, pas un bruit ne s'en échappant. Des ombres démentaient de temps en temps cette impression, passage fugace d'un lapin dans les fourrées ou d'un renard, vol silencieux d'un hibou… Il y avait tant de choses à voir !

La descente de l'escalier était une épreuve à elle toute seule, mais elle ne voulait pas réveiller Leon et il n'y avait pas grand-chose à faire dans leur chambre. Au pire, elle pourrait toujours commencer la préparation du déjeuner un peu plus tôt.

Arriver au rez-de-chaussée lui fut un soulagement et elle se permit de se poser un temps, s'avançant pour rejoindre le banc. Ce fut à ce moment qu'elle découvrir qu'elle n'était pas toute seule et manqua de peu de crier sous la surprise, parvenant à plaquer les mains contre sa bouche avant que la moindre syllabe ne la quitte.

Heureusement, la lune était toujours là et Eartha reconnut rapidement qui se trouvait-là.

— Beau-père ?

— Marlin, ma chérie, je t'ai déjà dit de m'appeler Marlin. Que fais-tu la si tôt ? Tu as besoin de dormir, encore plus dans cet état.

Rougissant à la correction, elle attrapa une poignée de sa chemise de nuit, la triturant, gênée.

— Je n'arrive plus à dormir, avoua-t-elle honteuse.

— Viens t'asseoir, l'invita-t-il après une brève pause. Faut pas rester debout comme ça.

Mais la position assise ne fut d'aucune aide et elle décida de rester finalement debout malgré la fatigue engourdissant ses membres.

— Quand je te vois comme ça, tu me fais penser à ma tendre Dove, confessa-t-il. La pauvre a bien souffert durant sa grossesse. Beaucoup de bébés n'ont pas survécu, mais jamais je ne l'ai entendu se plaindre. Quand les jumeaux ont enfin poussé leurs cris, j'avais plusieurs fois tenté de la convaincre d'arrêter de s'entêter. Les gens peuvent bien dire ce qu'ils veulent, avoir des enfants n'est pas une obligation.

Il lâcha un lourd soupir avant de la regarder.

— Pardon, je radote déjà. Je suis très heureux d'être grand-père, ce n'est pas ce que je voulais dire. Juste… ne te force pas, d'accord ? J'ai déjà perdu une épouse et je refuse que mon fils traverse la même expérience. Ta santé prime avant tout.

Il lui tapota la main avant de se lever à son tour et d'aller souffler sur les braises du foyer.

Touchée, Eartha décida de réessayer de s'asseoir malgré les crampes parcourant ses mollets, réarrangeant les coussins.

Nul besoin d'allumer une bougie pour en connaître les motifs, il y avait les tentatives de Linkle qui n'avait clairement aucune patience pour les travaux d'aiguilles, les siens faisant partie de son trousseau, et ceux de celle qu'elle aurait voulu appeler « belle-maman » si elle avait vécu aussi longtemps. Les broderies qu'elle avait réalisé de son vivant lui avait valu une belle réputation et chacun s'était attendu à ce qu'elle célèbre un très beau mariage, peut-être même avec le roi Dartas lui-même !

Mais non, elle avait préféré le futur plus grand forgeron du royaume, choisissant l'amour à la sécurité. Oh, elle avait sûrement été très heureuse et le roi avait trouvé chaussure à son pied à son tour, mais encore maintenant les commères en parlaient, soupirant sur sa décision, refusant d'admettre qu'elle avait fait le meilleur choix possible.

Petite, elle l'avait connu quand leur petite bande envahissait la forge, que ce soit pour se ravitailler après des heures à écumer les bois ou tout simplement pour explorer la forge, ce lieu si mystérieux que les adultes leur interdisaient l'entrée.

C'était une femme très douce, toujours souriante, jamais contrariée, peu importe qu'ils arrivaient crottés jusqu'aux sourcils alors qu'elle venait de nettoyer ou qu'il fallait nettoyer un genou écorché, les accueillant patiemment et leur offrant toujours des mots gentils.

Plus d'une fois, Eartha avait prié en son for intérieur pour lui ressembler, une fois adulte, tout en sachaht qu'elle représentait un idéal qu'elle ne pouvait rêver atteindre.

Son décès avait été une telle nouvelle que ç'avait été comme si le roi lui-même était mort.

Tout le monde avait porté le deuil et la famille royale elle-même avait escorté le cercueil, pas un œil n'était resté sec.

Elle avait été si petite, à l'époque…

Eartha sortit de ses pensées au bruit soudain. Son beau-père s'était agenouillé à ses pieds, tenant une bassine remplie d'eau chaude.

— Plonge tes pieds dedans, ça devrait aider.

Sans se faire prier, elle obéit. Elle aurait dû mettre ses chaussons, finalement, la pierre glacée ayant refroidie ses extrémités.

Mais Marlin ne s'arrêta pas à ça et entrepris de masser les mollets de sa bru qui ne savait plus où se mettre.

— Beau-père, je peux le faire…

— À d'autres, jeune fille, j'ai bien remarqué que tu as dû mal à te pencher depuis un moment. Parviens-tu seulement à atteindre tes genoux ?

Embarrassée, elle garda sagement bouche close et le laissa finalement faire, ses mains désœuvrées saisissant un des coussins pour le faire tourner entre elles, alors qu'elle observait les geste du forgeron.

— Je l'ai fait tellement de fois pour Dove… raconta ce dernier. Quand le soleil sera levée, je tirerai l'oreille de mon fils à ce sujet. Ça fait partie de son rôle de père ! Pour faire des gosses, y'a du monde mais pour le reste…

Il grommela longuement, amusant Eartha avant qu'elle ne se sente somnoler malgré elle, détendue par les mains habiles. Elle s'endormit complètement, le coussin serré contre elle, celui brodé du sceau familial par la main experte de Dove, rêvant du futur, créant un sourire attendri sur le visage de Marlin quand il s'en rendit compte.

Il alla récupérer une couverture d'une malle pour en couvrir la jeune hylienne puis retira la bassine et lui sécha les pieds, s'assurant de ne pas la réveiller.

La vie revenait en ces murs, c'était un bon présage.


Voracity Karn