Alors, ça y est, on entre un peu dans le lore !
Je précise que malgré mes recherches, j'ai dû pas mal inventer, j'espère que ça reste cohérent malgré tout…
Ne leur en voulez pas non plus, ce sera expliqué plus tard ;)
Bonne lecture !
5. Organes détraqués (amygdales, rate, appendice, vésicule biliaire, etc)
La douleur s'était déclenchée sans prévenir, paraissant ravager tout sur son passage.
Link n'était pas étranger à la souffrance. Elle était une amie fidèle depuis bien des années, l'accompagnant jusqu'aux confins des chemins sombres de sa vie.
Mais chaque nouvelle douleur amenait avec elle tout son cortège et il fallait s'y habituer avant de pouvoir la traiter comme n'importe quelle autre. Il fallait la rencontrer, la comprendre, puis la traiter et apprendre à passer outre.
C'était ainsi que Link les gérait, les alignant une par une, comme une collection sur une étagère, frottant les tâches et époussetant l'éventuelle poussière qui s'y déposait, les passant en revue chaque matin.
Mais celle-là était nouvelle. Inconnue. Soudaine.
Son corps s'arque-bouta dans ses draps, s'y entortillant, jetant la literie au sol alors qu'un de ses nombreux combats débutait. Le genre dont personne ne pouvait en deviner l'issue.
Sa gorge fut rapidement à vif sous les cris qu'elle poussait mais il était incapable de s'entendre, comme si ses oreilles étaient bouchées.
— Je prends ses jambes !
— Link, chéri, tu vas te faire mal…
— Attrape ses bras !
— Je fais ce que je peux ! Même les anguilles sont moins fuyantes ! C'est bon, je les ai.
— On tente de le réveiller ?
— Ça n'a pas très bien marché, la dernière fois…
— T'as raison.
Aveuglé par le sommeil, Link continuait de se débattre, cherchant à se libérer, ne comprenant pas ce qui lui arrivait.
Heureusement pour Lavio et Marine, ce n'était pas leur premier rodéo et ils parvinrent à appeler les urgences malgré tout.
Ils n'avaient pas beaucoup dormi cette nuit, et c'était deux zombies qui avaient échoué dans la cuisine, luttant pour garder les paupières ouvertes. L'idée de retourner se coucher ne les effleura même pas alors que chacun fixait son portable déposé sur la table, anxieux à la moindre notification.
Mais, contre toute attente, ce fut celui de Link qui s'illumina le premier, les faisant sursauter.
Marine fut la plus rapide, décrochant au vol.
— Allô ? Ici le portable de Link Lon, il n'est pas disponible actuellement, débita-t-elle à tout vitesse.
— Marine ?
— Ah, salut Ralph ! Désolée, Link n'a pas son portable avec lui.
— Tout va bien ? Ta voix est bizarre.
— La nuit a été dure, on ne va pas te mentir.
Ils s'entre gardèrent à ces mots, clairement épuisés. Mais ils devaient tenir. De toute façon, l'angoisse les empêchait de se reposer correctement.
— … J'arrive.
Elle n'eut pas le temps de l'en empêcher alors qu'il raccrochait et il ne répondit pas à ses tentatives de le rappeler.
Ils n'eurent qu'à attendre la sonnette, et cette fois ce fut Lavio qui réagit le premier, allant ouvrir. Il revint avec Ralph, donc, qui alla s'asseoir sur la chaise habituelle de Link.
Il les observa, l'un après l'autre, les sourcils froncés.
— Que s'est-il passé ?
— Tout va bien, Ralph. Tu n'étais pas obligé de faire la route jusqu'ici. Tu as déjà mangé ?
Marine quitta la table à son tour, s'apprêtant à fouiller dans les placards, quand Ralph l'attrapa au vol, se relevant finalement.
— Je sais que je ne peux rien réclamer de vous, je ne suis pas à votre niveau, et tout ça. Mais j'ai aussi le droit d'être tenu au courant si Link a un problème. Et vu vos tronches de déterrés et son absence, c'est clairement le cas. Que s'est-il passé ?
Ils restèrent dans le silence, debout dans la cuisine, Lavio et Marine refusant de croiser le regard de qui que ce soit.
— Link, finit par lâcher Lavio, a fait une crise de douleur cette nuit. Il est actuellement à l'hôpital. Nous ignorons ce qu'il a, exactement, car il n'a pas repris conscience tout du long.
Il s'agrippa au dossier de sa chaise, comme d'une béquille, pour s'empêcher de s'écrouler.
— Nous sommes rentrés, il y a quoi ? Deux heures ?
Marine hocha timidement la tête, acquiesçant.
— Une crise de douleur ? répéta Ralph. Vous dîtes ça comme si ce n'était pas la première fois.
— Parce que c'est le cas.
Marine s'affaissa dans sa chaise plus qu'elle ne s'y assit, défaite.
— Il a des douleurs chroniques et beaucoup de problèmes de santé. Il n'aime pas en parler, c'est lié à un passé douloureux et pas mal de traumatismes. Donc non seulement une poignée d'élus est au courant, incluant ses différents médecins, mais surtout, nous en parlons très peu.
— Même nous, nous ne savons pas grand-chose, avoua Lavio. Marine et moi n'aimons pas trop en parler, surtout dans son dos. On se contente de le ramasser quand c'est nécessaire. Comme cette nuit.
Ses oreilles lui parurent bourdonner alors que Ralph traitait ce qui venait d'être dit.
— Et… qu'est-ce que vous avez l'intention de faire ?
— Rien. On attend.
Sonné, il les observa alors qu'ils reprenaient place autour de la table, aussi défaits qu'à son arrivée.
Ils n'avaient plus qu'à attendre.
C'était Ralph qui conduisait, cette fois.
Des trois, il était celui avec le plus d'heures de sommeil à son actif donc il ne les avait pas laissé refuser. Bien sûr, il devait être guidé, ne connaissant pas très bien le coin.
— L'hôpital militaire ? Mais pourquoi l'hôpital militaire ?
La ville où ils se trouvaient était d'une taille modeste et assez bien desservie. Mais, surtout, elle possédait deux hôpitaux, le civil et le militaire.
— Parce que Link est un ancien militaire. Ils ont tout son dossier et, surtout, ils savent exactement ce qu'il a traversé et les risques inhérents.
Marine froissait le tissu de sa jupe entre ses doigts nerveux, les yeux rivés sur l'horizon. Sa voix était morne, prenant à peine conscience de ce qu'elle racontait.
Derrière, Lavio était à peine mieux, renforçant la conviction de leur chauffeur.
Ils avaient eu un appel un peu plus tôt, les informant que « le maître Lon » avait repris connaissance et qu'ils avaient besoin de leur accord pour l'opération.
Respectant au mieux la limitation de vitesse, Ralph avait un milliard de questions se bousculant dans la cavité de son crâne mais il ne parvenait pas à choisir par laquelle commencer.
Alors, il se contenta de suivre les indications puis de se garer et enfin, de les suivre à travers les couloirs.
Bien qu'ils avaient demandé à l'accueil la direction à prendre, ils avaient l'air de savoir exactement où se rendre, comme s'ils s'étaient renseignés uniquement par politesse, marchant à grands pas au travers des couloirs.
— Madame Lon ?
— Elle-même.
Censurant un mouvement de surprise, Ralph décida de rester spectateur, observant le médecin s'entretenir avec Marine. Dans l'ensemble, il lui expliqua l'état de Link, la raison de sa crise, l'opération nécessaire et lui demandait de signer les papiers inhérents.
— Représentante légale ? Comment ça ? chuchota-t-il finalement à Lavio.
— Mmh ? Marine et Link sont mariés, devant la loi, lui expliqua-t-il. De fait, elle peut prendre les décisions quand il en est incapable.
La révélation le figea sur place, lui volant le souffle de ses poumons et les mots qu'il aurait bien voulu prononcer.
Marine et Link sont mariés.
Mais, alors, qu'étaient Lavio et lui ? Les acteurs d'une vilaine farce ?
Les poings serrés dans les poches, il les suivit alors qu'ils allaient s'échouer dans l'une de ces salles d'attente impersonnelles, les chaises grinçant sous leurs poids soudains.
— Alors ? lança Lavio, en direction de Marine.
— Techniquement, rien de grave, soupira-t-elle. Il a fait une appendicite. Mais c'est tellement le merdier avec toutes les cicatrices et ses traitements, qu'ils doivent être extrêmement prudents.
Elle leur tendit les formulaires qu'elle avait dû compléter.
— Une appendicite ? répéta son voisin. Eh bah, compte sur moi, je ne vais pas le lâcher à ce sujet.
— Vous m'épuisez déjà tous les deux, et Link n'a même pas encore été opéré…
Les laissant se chamailler, Ralph fixait ses chaussures, traitant encore les informations qu'il venait de recevoir.
Il se rendait compte à quel point il les connaissait si peu, finalement. Et, paradoxalement, Link moins qu'eux deux.
Est-ce que ça valait le coup de continuer ce qu'ils avaient ou valait-il mieux tout arrêter tant que rien de concret n'avait été réalisé ?
Il ne sortit de ses pensées que pour deux raisons. Marine s'était accroupie et appuyée sur ses genoux, la mettant en plein dans son champ de vision, et Lavio avait placé une main sur les siennes, lui permettant de se rendre compte qu'il avait repris ce vieux tic d'attaquer la peau de ses ongle, jusqu'au sang.
— Pardon, j'avais la tête ailleurs, vous disiez quelque chose ?
— L'opération est sensée être courte, mais comme Link va être dans le gaz un moment, on proposait d'aller à la cafétaria. Elle est très bonne.
Le sourire de Lavio était sûrement pour lui donner l'impression que tout allait bien, mais il eut l'effet contraire.
— Tu peux nous croire, personne n'a envie de le croiser à la sortie d'une anesthésie générale ! Il vaut mieux lui laisser le temps d'émerger complètement, rit-il.
Mais Ralph n'avait pas envie de rire. Il se leva, oui, les suivit à travers les couloirs, en effet, mais il n'ouvrit pas la bouche, les sourcils froncés. Il accepta le gobelet de café mais refusa les douceurs proposées, jouant avec sa boisson une fois assis.
— Alors… toi et Link… vous êtes mariés, finit-il par dire.
Coupés dans leur badinage, Marine et Lavio se tournèrent vers lui, d'abord surpris puis un peu coupable.
Évidemment, ce fut la concernée qui prit la parole, reposant son muffin sans y avoir touché.
— Exact. Aux yeux de la loi, nous sommes mariés.
— Lavio a dit la même chose. « Devant la loi ». Que faut-il comprendre ?
Ralph n'était même pas énervé ou en colère. Il était soudainement épuisé et il n'était pas sûr, finalement, de savoir pourquoi il s'acharnait à ce point sur ce détail. Ils étaient mariés, et alors ? Ni la loi ni la société n'allaient l'empêcher de continuer de voir Link, et encore moins avec la bénédiction de son épouse ou de son autre petit ami !
— Exactement ce que ça veut dire. Je porte son nom, nous avons un compte commun, un contrat de mariage et un testament chacun. Mais il n'y a pas d'amour derrière.
— Mais… tu l'aimes !
— Totalement, sourit-elle. Mais, tu as dû le comprendre, il y a des zones d'ombres dans nos passés.
Appuyant son coude sur la table, Lavio se tourna vers Ralph puis prit la parole :
— Elle l'a épousé pour le droit de résidence.
Bien que ses yeux brillaient d'amusement, il était clairement sérieux, ce n'était pas une blague. D'ailleurs, Marine leva les yeux au ciel mais hocha la tête.
— C'est assez cru et très résumé, mais c'est à peu près ça. Je n'ai pas envie d'expliquer les circonstances, et Lavio ne les connaît pas, mais en gros, je ne suis pas née ici. De fait, je n'avais pas droit de résider au-delà d'un certain temps. Link a proposé ce moyen, parmi d'autres. De plus, ça l'arrangeait. Tu t'en ais sans doute rendu compte, mais il est orphelin. Enfin, il a encore une sœur, mais ils ne sont pas très proches. Alors, quand des circonstances, comme celles d'aujourd'hui, réclame une deuxième personne en capacité de prendre toutes sortes de décisions… Et tu l'as sans doute aussi constaté, il n'a pas vraiment foi en grand-monde.
À ses côtés, Lavio compta exagérément sur ses doigts, dans le but évident de le faire rire. Au mieux, il lui arrache un micro sourire.
— Même le véto, il ne lui fait pas confiance, conclut-il en reprenant sa tasse de thé.
— Le véto ? Pour Shiro ?
Ralph se moquait un peu de la réponse, mais dans l'immédiat, il avait besoin de laisser tranquille ses neurones, le temps de traiter les informations.
— Shiro, c'est mon affaire. Non, c'est pour les animaux de la ferme en général ou pour notre couple de lapins. Qui ne sont pas destinés à finir dans nos assiettes ! le menaça-t-il faussement.
— … Attendez, la ferme ? Des lapins ?
Il prenait conscience qu'il n'avait pas tant vu de la maison que ça. Bien sûr, il le savait, mais à ce point… quoi d'autre ignorait-il à leur sujet ? Lavio était le héros déchu d'un royaume voisin ?
— Oui, ces deux crétins ont adopté un couple de lapins qui se trouvent être en fait deux pur mâles. Lavio en a ricané pendant des jours. Heureusement, Link l'a empêché de les nommer.
— Hé ! J'avais de très bonnes idées de prénoms, je te ferais savoir !
Marine le fixa jusqu'à ce qu'il abandonne et hausse les épaules, marmonnant dans sa barbe.
— Et, pour finir, la maison est une ancienne ferme. Link en a hérité quand il était plus jeune mais il l'a totalement investi en quittant la marine. Nous avons surtout des cocottes, des ruches et deux vaches. Rien de très grand, juste ce qu'il faut pour remplir la cuisine. Mais son activité est surtout centrée sur le verger.
Malgré lui, son expression trahie ne fut ratée par aucun d'eux et ils poussèrent un nouveau soupir.
— Ce n'est pas un manque de confiance en toi, Ralph. Si Link n'était pas sérieux à propos de vous deux, il ne t'aurait jamais parlé de nous. Ni même permis que nous nous rencontrions ou que nous passions du temps ensemble. Tu peux nous croire. Ou te faire ton propre avis.
Avisant l'heure, elle prévint que, normalement, ils devraient retrouver leur tête de pioche préférée dans sa chambre attitrée. Et se moquer de son état vaseux dû aux antidouleurs et l'anesthésie générale.
Lorsqu'ils y parvinrent, Ralph les laissa passer devant, s'engouffrer par la porte ouverte et se presser autour du lit du patient.
C'est en le voyant ainsi, allongé, vêtu de la blouse obligatoire, le visage lisse de ses rides d'expressions habituelles et la fatigue dans ses yeux si doux, subitement bien plus jeune que ce qu'il avait pu voir jusque-là, que Ralph se rendit compte de la violence de ses propres sentiments à son encontre.
Il n'avait même pas esquissé un geste pour effleurer ses larmes soudaines que Link tourna légèrement la tête en sa direction, agitant faiblement la main pour l'inciter à les rejoindre, sa bouche esquissant un faible sourire.
Il ne se fit pas prier et se précipita pour la saisir, cette main dénudée de tous bijoux, si petite dans la sienne, couverte de cicatrices diverses et un peu caleuse.
Le cœur serré, il la pressa contre ses lèvres, l'embrassant de toute la force de l'amour qu'il ressentait pour lui.
— Bonjour, Link, le salua-t-il, la gorge serrée.
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