Les leçons s'enchaînaient et le même scénario se répétait inlassablement. Rogue pénétrait son esprit sans difficulté et Hermione faisait diversion en projetant des visions inconvenantes. S'il persistait, elle prenait un malin plaisir à en dévoiler davantage. C'était devenu invivable.

Comme d'habitude, il était négligemment appuyé contre son bureau. Il n'avait aucune idée de l'envie qu'il suscitait en s'exposant ainsi, vêtu d'une simple chemise blanche. Elle le déshabillait du regard. Attirée par ce corps qui semblait l'appeler, Hermione s'approchait de lui silencieusement.
Il ne réagit pas à ses doigts qui effleuraient les siens, elle frémissait en sentant le relief de la marque des ténèbres. Se rapprochant toujours plus, elle faisait courir ses doigts jusqu'à son épaule. Il ne tarda pas à sentir le souffle brûlant de son élève caresser sa peau alors que sa main glissait lentement le long de son torse.
Il ne pouvait plus faire semblant, il respirait son odeur, ses cheveux chatouillaient sa joue, il aurait pu l'enlacer, la soulever, saisir sa crinière désordonnée, ou simplement la laisser faire.
Elle posa ses lèvres au creux de sou cou, il se cramponna à son bureau, vulnérable. Son pouls s'accélérait, trahissant son flegme légendaire.
Alors qu'elle dérivait dangereusement vers sa mâchoire, il eut un frisson d'effroi, il fallait que ça cesse.

Assis à son bureau, presque essoufflé, Rogue dénoua sa cape pour se donner un peu d'air et observa la jeune femme assise face à lui, les joues rougies.
Il n'avait même plus la volonté d'utiliser l'occlumancie, il appréciait bien trop ce qu'Hermione lui suggérait à travers ses pensées.
A quoi servait encore cette mascarade ? Il n'y avait plus rien de scolaire à leurs échanges depuis quelques temps, elle le poussait toujours plus loin dans ses retranchements et il se laissait charmer faiblement, ils flirtaient avec les limites de la décence.
Cette exquise parenthèse n'effaçait pas la réalité, plus longue serait l'illusion et plus dure serait la chute, il avait encore l'enfer à vivre.

- Nos cours s'achèvent ici Miss Granger, dit-il d'une voix plus grave que d'habitude. Vous en savez suffisamment, vous serez capable de poursuivre seule.

Il ne lâchait pas Hermione du regard.
Elle le connaissait assez pour savoir ce que ses yeux onyx pouvaient cacher. L'interdit, la haine, un immense savoir, un sens du devoir infaillible, un mystère cultivé avec soin, autant de possibilités qui faisaient de Severus Rogue l'homme le plus intéressant qu'elle n'avait jamais rencontré.
Elle aurait pu crier de joie comme de frustration, pleurer de rage ou de désespoir, rire aux éclats de cette ironie mais elle resta calme, encaissant silencieusement la fin de cette complicité silencieuse. Qu'aurait-elle pu faire d'autre de toute façon ? Il ne revenait jamais sur ses décisions.
Elle pourrait s'en vouloir d'avoir été aussi joueuse, aussi directe, mais elle ne le regrettait même pas, c'était trop bon. Elle savait que ce serait éphémère et avait pris le parti d'en profiter simplement.
Dans une autre vie, elle l'aurait séduit, et c'est à ça qu'elle s'accrocherait désormais lorsqu'elle se laisserait aller à penser à lui.

Le samedi suivant, Harry et Ron avaient presque sauté de joie lorsqu'ils avaient appris qu'elle avait fini ses leçons avec Rogue.
Ils étaient contents pour elle et très impressionnés qu'elle soit capable de ''lire dans les pensées'' comme disait Ron, qui lui demandait bien trop souvent de deviner à quoi il pensait comme si elle venait d'apprendre un tour de magie renversant.
Harry avait également confié être rassuré qu'elle ne soit plus sous l'influence de Rogue, il s'était beaucoup inquiété pour elle.
La parole de son meilleur ami se libérait maintenant que les pensées d'Hermione n'étaient plus à la portée de l'ancien mangemort.

- Je crois que Rogue n'est pas étranger aux plans de Drago, je les ai entendus tu sais et…

- Tu sais Harry, sincèrement, je ne crois pas que ce soient nos affaires.

- Tu rigoles ? Et s'il prévoyait de faire quelque chose de vraiment grave ? chuchota Ron.

La Gryffondor bu une gorgée de bière au beurre en observant la salle bondée des Trois Balais. Elle comprenait ses amis bien sûr, ils avaient raison après tout. Mais à sa plus grande surprise, elle s'était laissé éprouver une certaine pitié pour Drago Malefoy.

- Je ne sais pas ce qu'il fait réellement, mais il passe presque tout son temps dans la Salle sur Demande. Rogue le sait, il est de son côté, et Dumbledore semble s'en moquer, il dit qu'il ne trouve pas ça important !

- Peut-être qu'il sait déjà ce qu'il se passe avec eux ?

- Mais pourquoi il ne veut pas me le dire ? s'exclama Harry un peu plus fort.

- Je ne sais pas, murmura Hermione. Je n'en ai aucune idée.

Pourquoi Dumbledore ne lui disait pas la vérité finalement ? Qu'est-ce que cela apportait de maintenir Harry à l'écart?

- Dumbledore fait des erreurs, comme tout le monde, déclara fermement Harry. Et je pense que faire confiance à Rogue en est une.

- Il m'a donné des cours Harry, d'une certaine façon il m'a aidé. Il n'avait pas à le faire, il n'a rien à en tirer.

- Ça ne prouve rien, soupira Harry.

- Et il t'a quand même fait du mal.

- C'était un mal pour un bien !

- Mais pourquoi tu le défens toujours? Il est horrible en cours, il est horrible avec les Gryffondor et il l'a été avec toi. il est injuste, il a été aux côtés de Tu-Sais-Qui…

- Je ne sais pas, tu as raison.

A quoi bon lutter ? Le déroulement des choses allait leur donner raison.

Elle se sentait terriblement mal en rentrant au château. Elle avait encore besoin de réponses et décida d'aller les chercher auprès de Dumbledore après avoir fini le devoir de métamorphose avec les garçons. Rogue ne lui dirait rien de plus et quand même il serait soudainement devenu bavard, elle doutait réellement qu'il en sache davantage.

Elle fut soulagée de constater que le mot de passe du bureau du directeur n'avait pas changé.
Lorsqu'elle s'apprêta à monter, elle entendit quelqu'un descendre rapidement et se retrouva nez à nez avec Rogue. Il s'était arrêté devant elle, la dominant de toute sa hauteur. Son visage ne laissait rien transparaître, il ne semblait même pas surpris de la trouver là. Il la toisa quelques secondes sans prononcer un mot avant de s'en aller sans se retourner.

Lorsqu'elle entra dans la pièce circulaire, Dumbledore était debout à côté de sa pensine et l'accueillit d'un sourire chaleureux.

- Miss Granger, que me vaut le plaisir?

- Merci de me recevoir, professeur Dumbledore. Je souhaitais vous posez une question, quelque chose m'échappe.

- Quoi donc ?

- Pourquoi ne pas tenir Harry au courant de votre… de ce que le professeur Rogue doit accomplir bientôt ?

- C'est une bonne question Hermione, si vous me permettez, mais je crois que vous avez déjà résolue cette énigme ?

- Malheureusement non, professeur, je ne comprends pas. En réalité je ne vois vraiment pas ce que ça pourrait changer que Harry soit au courant.

- Je pense au contraire que ça changerait tout.

- Il va être anéanti Monsieur, il ne s'en remettra pas.

- Vous sous-estimez votre ami Hermione

- Je vous en prie, il va être abattu, il n'a pas besoin de ça avec ce qui l'attend.

Ses yeux se remplissaient de larme, suppliant.

- Nous saurons être discrets, personne ne le saura.

- Ce n'est pas ce qui me pose problème.

- Il tient énormément à vous, vous le savez ? Vous vous rendez compte de ce que ça lui fera de penser que vous avez été assassiné ? Par Severus Rogue en plus ? S'il vous plait… laissez-moi lui dire, ne le laissez pas croire une telle horreur…

- Vous ne seriez pas une bonne amie si vous ne vous inquiétez pas, je suis heureux de vous savoir à ses côtés, il en aura grandement besoin. Néanmoins, il est important que personne ne sache que mon futur meurtre n'en est pas un, vous comprenez ?

- Et pourquoi Monsieur, pourquoi doit-il mourir ? murmura-t-elle dans un sanglot.

- Je suis profondément navré que vous vous retrouviez au milieu de cette situation Hermione, vous n'auriez pas dû être mêlée à ça. Et je suis également navré de ne pas pouvoir vous dévoiler tout ce que vous auriez besoin de savoir. Soyez sûre qu'il y a d'excellentes raisons pour lesquelles les prochains évènements se produiront. Vous allez vous en sortir.

- À quel prix, monsieur ?

Elle fixait les yeux bleus de Dumbledore en se demandant comment il était possible qu'il ne semble jamais atteint par quoi que ce soit, même parler de sa propre mort ne semblait pas le toucher.

- Je me répète Miss, mais les choses ne sont pas toujours ce qu'elles paraissent être, vous finirez par le découvrir. En attendant il est absolument crucial que ni Harry, ni personne d'autre ne soit pas au courant de ce que vous savez, me comprenez-vous ?

- Oui Monsieur, souffla-t-elle en reniflant.

Elle avait envie de hurler en sortant du bureau.
Elle aurait voulu en parler à quelqu'un, une personne qui ne la rejetterait pas, qui la comprendrait, qui s'opposerait à cette folie. Madame Pomfresh, McGonagall, Hagrid, Lupin, Molly ou Arthur Weasley, n'importe qui, il fallait que quelqu'un sache et réagisse, il ne fallait pas laisser ça arriver. Mais, et si c'était nécessaire ?
Elle était perdue, elle ne voulait pas, elle avait peur, elle était seule.

Lorsqu'elle rentra dans la salle commune des Gryffondors, elle n'eut pas le courage de s'installer avec les garçons et monta directement dans son dortoir, sachant pertinemment qu'une fois de plus, elle ne trouverait pas le sommeil cette nuit-là.

La semaine suivante fut éreintante. Les cours s'intensifiaient et la fatigue accumulée commençait à peser sur ses épaules. Plus elle s'enfonçait, plus elle pensait à Rogue.
Les cours de défense contre les forces du mal étaient devenus une agréable torture. Son attitude glaciale contrastait avec son regard qui semblait avoir changé.
Elle mourrait d'envie de rester après les cours, de pouvoir l'observer sans retenue, de se perdre dans son esprit.

Pour la première fois de sa vie elle était en retard sur son planning, le week-end allait être chargé. Il allait également falloir trouver du temps pour Hagrid, endeuillé par la perte de cette abominable créature, Aragog.

Après avoir miraculeusement réussi son test de transplanage, ce qui ne surprit pas du tout Harry et Ron, elle avait prévu de finir les devoirs de sortilèges et de métamorphoses, peut-être celui de botanique aussi, si elle avait le temps.
Harry quant à lui s'était finalement décidé à utiliser la potion de Felix Felicis pour aller chercher le souvenir de Slughorn.

Finalement elle n'avait pas pu avancer comme elle l'aurait souhaité. Elle avait passé son temps à aider le rouquin à finir l'éprouvant devoir de Défense contre les forces du Mal attendu pour le lundi suivant. Il s'y prenait toujours au dernier moment.

Ce n'est que très tard dans la soirée que Harry rejoingnit Ron et Hermione, l'air abattu, pour leur expliquer ce qu'il avait vu et ce qu'était un horcruxe.

- Il en aurait fait six, en tout cas c'est ce qu'il prévoyait.

- Quelle horreur, souffla Hermione.

- Et on sait ce que c'est ? Comment les trouver ?

- Non, enfin Dumbledore a des idées, le journal de Jedusor en était un. Il y a aussi cette bague qu'il est allé chercher dans l'ancienne maison des Gaunt, et qu'il a détruit cette année. Il m'a montré un souvenir où Voldemort se procurait une coupe ayant appartenu à Helga Poufsouffle, on pense que ça peut en être un.

- Tu-Sais-Qui est vraiment immortel tant qu'on ne les a pas tous détruits ?

- Oui, il l'est, approuva Harry.

Hermione regardait le survivant en fixant sa cicatrice, le puzzle s'assembla dans sa tête, elle eut un choc.
Harry était un horcruxe, c'est pour ça qu'il devait mourir.

Prise de tremblements incontrôlables, elle se mit à pleurer, gémissante. Ron la regardait avec tendresse, Harry passa un bras sur ses épaules et la serra légèrement contre lui.

- Ça complique les choses, c'est sûr, mais on y arrivera tu sais ? Et puis il y en a déjà deux en moins, on a énormément progressé ce soir !

Elle enlaça Harry sans parvenir à se calmer et s'accrocha à son cou comme s'il allait mourir ce soir.

- Aller Hermione, je comprends ce que tu ressens, je t'assure, mais je te promets que ça ira, on les trouvera, on les détruira, et Harry se fera un plaisir d'éliminer Tu-Sais-Qui une bonne fois pour toute !

Les caresses de Ron sur son dos ne la soulagèrent pas le moins du monde.

- Tu es épuisée Hermione, tu devrais aller te coucher, tu te sentiras mieux demain.

Elle se recula un peu et faillit pleurer de plus belle en voyant le faible sourire d'Harry.

Rien n'irait mieux. Il n'y avait aucune façon de tuer Voldemort sans tuer Harry, comment se remettre d'une telle chose ?