Heya, on est le 15 du mois !
J'adore le mois d'octobre et l'automne, pas vous ? L'ambiance qui change peu à peu, l'odeur épicée qui flotte dans l'air... et Halloween !
Je ne fais jamais grand-chose à Halloween par manque de moyens, et pourtant c'est la fête que j'attends avec le plus d'impatience ^^
Je pense que cette année je vais m'essayer à quelques recettes...
Merci à Italxa Pour le follow et à Cyberbooks pour le follow-fav ! Bienvenue à bord du Keeper 2.0 !
Grand merci également à Andromeda pour son travail de bêta-lectrice, tu gères !
Sur ce, je vous souhaite à tous une bonne lecture~!
Après avoir arrêté l'hémorragie à l'aide de son pouvoir, Law avait transporté son patient dans l'abri afin de continuer l'opération dans un meilleur environnement. Après s'être calmé, le grand frère avait décidé de l'assister et tous deux avaient passé la nuit penchés sur le blessé pendant que le médecin retirait la balle et réparait un par un les organes endommagés. Bon, Penguin ne pourrait pas se remettre à parler avant des mois (s'il le pouvait seulement), ni manger de la nourriture solide jusqu'à ce qu'il soit complètement rétabli, mais il était toujours en vie.
Épuisé après la fin de l'opération, Law avait donné quelques instructions au cas où il se passerait quelque chose d'anormal, puis s'était endormi dès que sa tête avait touché l'oreiller de l'un des lits de camp.
- 9 février 1515 -
Le jeune pirate finit rapidement son examen et se releva, roulant des épaules. Le blizzard avait duré pendant plusieurs jours et montrait enfin des signes d'affaiblissement, Bepo et lui pourraient bientôt repartir.
- Je suis vraiment désolé.
Law poussa un soupir.
- Cinquante-et-un.
- Pardon ?
- C'est la cinquantaine-et-unième fois que tu t'excuses pour le guet-apens. Crois-moi, si j'avais pas compris que vous étiez forcés à le faire, vous seriez encore dehors avec les autres.
Il détourna son regard de Sachi pour regarder à l'extérieur.
- Ton frère aurait pu me tuer facilement, mais a décidé de m'épargner. Je suis pas un héros, mais je ne fuis pas devant une dette lorsque j'en contracte une.
- Justement, c'est nous qui avons une dette envers toi. Sauver Penguin et t'occuper de ces connards, c'est plus que ce que tu imagines.
Le jeune homme ne répondit pas, continuant de regarder le tas de neige qui recouvrait les pyramides de cubes qui étaient jadis des trafiquants d'esclaves. Parfois il s'agitait, montrant que les hommes étaient encore en vie malgré leur situation délicate.
Un long silence s'étira, avant que la voix du frère aîné ne se fasse entendre de nouveau.
- On veut entrer dans ton équipage.
D'abord un peu surpris, Law haussa légèrement les sourcils, avant de se tourner vers le duo avec un air impassible.
- T'es bien un pirate, non ? Si c'est juste l'ours et toi, t'auras besoin de plus d'hommes. Penguin et moi avons encore une dette à payer, et on rêve de se barrer de cette île depuis qu'on est mômes. On sait pas encore comment on pourra t'être utiles, mais on sait se battre.
Le capitaine prit un long, très long moment pour y réfléchir. D'un côté il avait envie de refuser, ne sachant pas vraiment s'il pouvait faire confiance aux deux frères après leur coup fourré, qu'ils aient été sous contrainte ou non. Mais d'un autre côté ils avaient effectivement montré un minimum de capacités, surtout le plus jeune qui avait réussi à le surprendre et l'immobiliser. Il veillerait à ce que ce ne soit plus possible, à l'avenir.
Finalement, il tourna ses yeux gris vers Bepo.
- Qu'est-ce que tu en penses ? lui demanda-t-il.
Le navigateur haussa les épaules.
Law se retourna donc vers les frangins.
- C'est d'accord, mais sachez que si vous me trahissez, je serai impitoyable.
- Compris, Cap'tain ! sourit l'aîné de toutes ses dents.
Law regardait l'horizon fixement, perdu dans ses pensées. Le blizzard s'était enfin calmé et les désormais trois membres de son équipage s'affairaient autour du petit bateau qu'ils avaient déniché pour remplacer la barque de Bepo. Certes, l'ours était un excellent navigateur, mais tous les talents de navigation du monde n'aidaient pas face au froid mordant des hivers de North Blue. C'était déjà une bonne chose que ce petit bateau de pêche ait assez d'espace pour les abriter s'ils se serraient un peu.
Autant dire que Bepo faisait ses rondes seul, comme il était peut-être trop imposant pour même passer par la porte. Heureusement le mink ne semblait pas dérangé par ce fait, et avait même déclaré que dormir sur le pont ne le dérangeait pas si la mer était calme et qu'il ne risquait pas de passer par-dessus bord. Une bénédiction cet ours.
La nouvelle priorité des Heart serait de trouver un nouveau navire suffisamment grand pour accueillir un équipage d'une dizaine de personnes, juste pour être sûrs, si de nouveaux membres devaient les rejoindre.
- Cap'tain ?
Law se retourna vers Bepo qui avait penché la tête sur le côté avec un air curieux.
- Qu'est-ce que tu regardes ? demanda le mink.
- … rien.
- On voit une île là-bas, tu veux qu'on y aille ?
- C'est Minion Island, Bepo ! l'interpella Sachi depuis le pont. Y'a rien à part des ruines là-bas !
- … désolé, s'excusa machinalement l'ours.
Law enfonça son bonnet un peu plus profondément sur son crâne, cachant ses yeux de la vue de ses hommes.
- Rien que des ruines… souffla-t-il pour lui-même.
Si les habitants de Swallow Island disaient qu'il n'y avait rien là-bas, c'était probablement vrai. Après tout, ça faisait un peu plus de quatre ans depuis cette nuit-là. Malgré tout, son regard restait résolument fixé sur les côtes de Minion Island.
- J'ai quelque chose à faire là-bas, finit-il par déclarer avant de se diriger vers la barque de Bepo.
Il lui fallut moins d'une heure pour rejoindre la falaise escarpée où Cora-san les avait fait accoster des années auparavant. Le cœur battant dans la poitrine, Law ne perdit pas une seconde. Dès qu'il se fut assuré que la barque n'irait nulle part, il commença à escalader la surface rocheuse. Il ne lui fallut pas longtemps pour arriver au sommet.
Il se sentit légèrement fiévreux lorsqu'il regarda le paysage: pratiquement rien n'avait changé depuis le 16 décembre 1510. Quelques ruines étaient un peu plus abimées, sans doute à cause des coups de canon de la Marine, et il imaginait bien que sous la neige il pourrait trouver des marques de la Cage à Oiseaux de Doflamingo, mais c'était tout.
Au loin, légèrement sur la gauche de ce qu'il savait être la route menant au centre de l'île, il pouvait voir la maison où Tami et lui avaient attendu Cora-san sur le perron pendant qu'il partait s'emparer du Ope Ope.
Le jeune homme commença à s'avancer, ses bottes s'enfonçant de quelques centimètres à chaque pas. Plus il marchait, plus les souvenirs de cette nuit lui revenaient, vifs et détaillés comme si sa dernière visite datait de la veille. Mais il devait s'assurer d'une chose, alors il continua d'avancer, sourd aux cris et coups de feu que sa mémoire faisait remonter. Il passa le muret où Vergo les avait trouvés, puis la maison où Rosinante les avait cachés, et enfin… Il arriva sur la place de la petite ville fantôme. Il savait exactement où poser les yeux.
S'avançant, ses mains se mirent à trembler alors qu'il s'agenouillait devant le lieu précis où Don Quixote Rosinante avait trouvé la mort.
Un soupir de soulagement finit par lui échapper, aussi tremblant que ses mains.
La neige n'était pas assez profonde pour qu'il soit incapable de voir la forme de Cora-san s'il avait encore été là. Quelqu'un s'était occupé de son corps.
Il sentit les larmes lui monter aux yeux mais se refusa à les laisser couler. Il n'était plus ce jeune garçon perdu et effrayé. Maintenant il était un homme, et il se devait d'être fort.
Pour la mémoire de Rosinante. Pour leur rêve. Pour Tami.
Il ne croyait pas en le moindre dieu, mais malgré tout, toujours agenouillé dans la neige, il joignit les mains et remercia l'homme qui l'avait sauvé, non seulement de Doflamingo, mais de ses propres démons, lui souhaitant de reposer en paix.
- 1er juin 1515 -
Mardi à seize heures, Tami se dirigeait vers le bureau de Crowlak. La jeune adolescente était à la fois curieuse et appréhensive, ne sachant pas ce que lui réservait le Magicien comme il estimait qu'elle avait suffisamment progressé dans toutes les disciplines qu'il lui avait enseignées durant les derniers mois.
Bien qu'elle se faisait encore régulièrement chopper lorsqu'elle tentait de voler le contenu des poches du directeur, elle ne mettait jamais plus que quinze minutes à ouvrir les serrures les plus compliquées qui puissent lui tomber sous la main, de même que les coffre-fort à cadran. Ses mains étaient devenues suffisamment agiles pour manier les cartes à jouer avec aisance, comme le faisait son mentor, et malgré quelques erreurs persistantes, elle mettait toujours plus d'efforts dans ses maquillages et déguisements.
Quant au reste de ses classes, elle avait fini par trouver des techniques pour retenir plus facilement ses leçons théoriques, comme l'Histoire ou la Géographie, bien qu'elle restait bien moins douée dans ces deux matières que pour les autres où elle pouvait juste laisser son corps s'exprimer.
Arrivant enfin devant la porte du bureau, elle lissa son uniforme avant de frapper trois fois.
- Entrez.
La demoiselle poussa le battant et referma derrière elle, avant de s'approcher du bureau où son mentor semblait étudier des documents.
- Bonjour Estìa.
- Bonjour monsieur, répondit la jeune adolescente.
- Excuse-moi, je vais juste te demander de patienter quelques minutes. Malheureusement je viens de recevoir tout ça et je préfère ne pas traîner lorsqu'il y a écrit "urgent" en grosses lettres rouges dessus.
Tami réprima un sourire, se contentant de hocher la tête pour dire qu'il n'y avait aucun problème. Un long silence s'ensuivit alors que Crowlack lisait, signait, et répondait aux différents papiers. En regardant vaguement, elle put reconnaître quelques candidatures de potentiels futurs professeurs, des propositions d'intervention par des professionnels auprès des élèves de certaines classes, des demandes de renouvellement de matériel de la part de l'infirmière… En résumé, beaucoup d'administration. Si on ne comptait pas les demandes de l'infirmière ça ne semblait pas vraiment "urgent", mais si le directeur tenait à les traiter immédiatement, ça devait vouloir dire que tous ces courriers étaient arrivés avec assez de retard pour poser problème.
Non pas qu'elle n'y pensait jamais, mais la jeune fille se fit la réflexion que cette académie était sans doute la meilleure école qui ait pu voir le jour. Les élèves étaient traités avec attention de la part de toute l'équipe enseignante, le harcèlement était tué dans l'œuf dès qu'il était repéré, et ceux qui brisaient les règles ou essayaient de s'en prendre à leur camarades étaient disciplinés selon la gravité de l'offense. Pourtant, elle n'avait jamais entendu parler du moindre châtiment corporel, ce qui, d'après l'un des garçons de sa classe arrivé récemment, était commun dans d'autres établissements.
Le pauvre avait trébuché en ayant le plateau de son dîner dans les mains et avait supplié de ne pas recevoir de coups de canne pour sa maladresse. Heureusement, la cantinière en chef avait réussi à le rassurer assez vite et l'avait même aidé à nettoyer le sol avant de lui donner un nouveau plateau.
Law lui manquait énormément, bien sûr, et elle pensait souvent à lui, se réveillant au milieu de la nuit pour étreindre sa peluche et chasser son sentiment de solitude comme elle pouvait. Mais elle tenait bon, et au fond elle était certaine que suivre sa formation aurait été bien plus éprouvante si ça avait été n'importe où ailleurs qu'ici. Le travail était dur, tout comme l'absence du jeune médecin ou de Cora-san, mais malgré tout elle avait tout le soutien dont elle pouvait avoir besoin.
Une bouffée de chaleur parcourut son visage alors qu'elle reposait les yeux sur le directeur toujours concentré sur ses papiers. La gratitude qu'elle ressentait pour cet homme, qui avait rendu tout ça possible et lui donnait une chance de pouvoir atteindre son objectif, était telle qu'il lui était difficile de mettre des mots dessus. Mais un jour, elle saurait le lui montrer. D'une manière ou d'une autre.
Elle sortit de ses pensées lorsque son mentor poussa un soupir et commença à tasser les documents.
- Merci de ta patience. Si je ne m'en occupais pas maintenant, je me serais encore fait tirer les oreilles par Soline.
- "Encore" ? ne put s'empêcher de noter l'adolescente.
- Un conseil : si tu prends un secrétaire à l'avenir, soit sûre de ne jamais perdre le moindre papier si tu tiens à tes oreilles.
- Je garderai ça en tête, sourit Tami en réprimant un rire.
Crowlack se leva de son siège et roula des épaules.
- Bien ! Que dirais-tu de marcher un peu avec moi pendant qu'on parle de ton futur ? Il fait bon aujourd'hui et j'ai été enfermé toute la semaine.
- Euh… Oui, d'accord.
- Merveilleux.
Il prit l'énorme pile de documents sous son bras et l'invita d'un geste à sortir de la pièce. Les papiers furent déposés sur le bureau de sa secrétaire et ils se mirent à marcher tranquillement dans les couloirs jusqu'à sortir dans le parc. Passant les grilles, Crowlack prit une profonde inspiration.
- Enfin un peu de tranquillité. Suis-moi.
Il commença à marcher un peu plus vite, passant les grilles qui délimitaient le terrain de l'académie et continua sa route, Tami sur ses talons. La jeune adolescente était curieuse de savoir où il cherchait à l'emmener. Il leur fit gravir une colline et s'assit dans l'herbe sans se soucier de tâcher son costume et invita la demoiselle à en faire de même d'un geste.
Lorsqu'elle regarda le paysage en contrebas, elle ne put s'empêcher d'ouvrir de grands yeux. Le sommet de la colline offrait une vue superbe sur la réserve des cygnes qui nageaient paresseusement sur un lac.
- J'ai accompli beaucoup de choses dans ma vie, mais cette île reste ma plus grande fierté, sourit le directeur. Bien que j'aurais aimé pouvoir nager avec eux de temps en temps.
- Vous ne pouvez pas ? s'étonna Tami.
Après tout, il était le propriétaire de l'île toute entière, qu'est-ce qui l'en empêchait ?
- Je vois que tu n'as pas la moindre idée d'à quel point les cygnes sont agressifs.
- Vraiment ?
- Ils sont territoriaux et nombreux. Une très mauvaise idée de mettre le pied dans la réserve, à moins d'être l'un des gardiens. Je ne sais pas comment ils font, mais mes visites à moi se finissent toujours avec des pinçons.
Cette fois, Tami ne put retenir un gloussement. Crowlack aimait beaucoup faire de l'humour lorsqu'il parlait, mais c'était bien la première fois qu'il parlait de lui de cette façon.
- Cygnes mis à part, je voulais te parler de quelque chose d'important, Estìa.
- Oui ?
- … Est-ce que tu tiens vraiment à continuer dans cette voie ?
L'adolescente releva les yeux vers son mentor avec confusion et une pointe d'inquiétude. Il n'allait tout de même pas revenir sur sa parole ?
- Je ne suis pas sûre de comprendre ce que vous voulez dire, répondit-elle.
- Tu es venue ici il y a près d'un an et demi pour devenir mon apprentie. Tu m'as dit que tu voulais avoir les compétences pour devenir la meilleure informatrice possible. Est-ce que c'est toujours le cas ?
- Bien sûr que oui, répondit Tami sans hésiter.
- Est-ce que tu en es sûre ?
- On ne peut plus sûre, assura-t-elle. Je vous l'ai dit, savoir comment trouver et manipuler les informations m'aidera à protéger ce que j'ai de plus précieux.
- Ton fameux ami futur médecin ? Je peux comprendre.
La jeune fille rougit légèrement.
- Si je te pose cette question, Estìa, c'est parce que je pense que tu es prête pour passer à l'étape supérieure dans ton entraînement. Mais avant de prendre une décision, je veux être certain que tu t'engages sur un chemin que tu ne regretteras pas. Ce que je fais en tant que Magicien est extrêmement dangereux, et il suffirait d'une erreur pour que tout ce que j'ai construit ne s'effondre.
Tami resta silencieuse pendant quelques secondes. Elle comprenait ce qu'il voulait dire, et elle savait parfaitement que la moindre erreur entraînerait des conséquences. Que ce soit la Marine ou la Family, si elle devait se faire attraper, elle n'avait aucun doute que la mort serait une alternative préférable à la torture qui l'attendrait. Elle poussa un discret soupir, avant de regarder Crowlack droit dans les yeux.
- Je sais à quoi m'attendre. Je veux continuer.
Le voleur eut un reniflement accompagné d'un sourire qu'elle ne savait pas comment interpréter.
- Je m'en doutais. J'aurais essayé.
Il sortit de sa poche de veste un vieux carnet et commença à le feuilleter.
- L'année dernière il n'a pas eu lieu pour des raisons sur lesquelles je ne m'étalerai pas, mais dans un mois nous tiendrons le "Bal du Cygne".
- Un bal ?
Quel était ce soudain changement de sujet ?
- Une tradition annuelle. Il sert à féliciter et rendre hommage à ceux qui ont terminé leurs études ici, une grande fête qui récompense tout le monde pour le travail et les efforts qu'ils fournissent. Ce bal te servira de test.
- C'est-à-dire ?
- Tu devras passer l'entièreté de la soirée dans la salle tout en faisant en sorte que personne, et je dis bien personne ne puisse te reconnaître. Utilise tout ce que je t'ai appris, tu as un mois pour établir un plan d'action et préparer ce dont tu auras besoin. Bien entendu tu continueras à assister à tous tes cours. Pouvoir faire un maximum de choses en un minimum de temps est la clé de l'improvisation et tu en auras besoin à l'avenir. Si tu réussis, ça voudra dire que tu es prête pour m'accompagner lors de mes prochaines escapades. Si tu échoues… eh bien, il y aura toujours un autre bal l'année prochaine.
Tami sentit une bouffée d'excitation alors qu'elle se sentait si proche du but. Si elle réussissait…
- Oui monsieur, répondit-elle avec enthousiasme.
- Bien. Fais de ton mieux.
Un mois pour se préparer à une telle mission, ça semblait être beaucoup à première vue, mais les cours de Crowlack avaient appris à Tami que chaque seconde comptait et ça n'était pas entré dans l'oreille d'une sourde.
Dès qu'elle avait regagné son petit navire de pêche, elle s'était jetée sur les premières feuilles de papiers qu'elle avait pu trouver pour commencer à établir un plan d'action. Passer la soirée entière au milieu de gens qui la connaissaient, certes, en surface pour la plupart, mais ses professeurs, ce serait déjà une tâche plus compliquée. Sans compter Crowlack lui-même. Il lui faudrait un plan et un déguisement en béton.
Se déguiser en un autre élève était, elle le savait, hors de question : Crowlack et les professeurs connaissaient les visages de tous leurs étudiants, elle ne pouvait pas prendre le risque qu'il y ait un doublon ou qu'ils voient quelqu'un qui n'est pas censé être là. Et comme elle ne pouvait révéler à personne ce qu'elle faisait, demander à un élève d'être son complice n'était pas non plus une option.
Au cours des jours suivants, elle commença donc à se renseigner sur le Bal en lui-même, et rejoignit même le comité qui aidait à son organisation, ce qui était une vraie mine d'or en termes d'informations. Tout en aidant à calculer le budget, établir un menu pour le buffet, un thème pour la décoration, elle put apprendre que l'événement était ouvert aux familles des étudiants, ce qui lui donnait la possibilité de se faire passer pour quelqu'un d'extérieur à l'école, chose qui rendrait son identification bien plus difficile.
D'un autre côté, ça augmentait aussi les risques, car si se déguiser en un autre élève n'était pas une possibilité, se faire passer pour la famille de quelqu'un était plus ou moins la seule option qui restait. Crowlack saurait tout de suite où regarder.
Non seulement il lui faudrait un déguisement parfait, mais aussi un jeu d'acteur impeccable. Si son proviseur se décidait à l'interroger pour lui mettre la pression, il fallait qu'elle arrive à le convaincre qu'il s'était trompé sur la personne.
Il lui avait fallu un peu plus de recherches pour dénicher une liste des familles ayant accepté l'invitation au bal, celles qui n'avaient pas encore répondu, et celles qui avaient refusé.
Elle se mit donc à faire tout son possible pour intercepter le courrier adressé au comité et subtilisa lettre de refus après lettre de refus le temps d'identifier les auteurs, jusqu'à trouver la candidate idéale.
Vanessa Albrici, 46 ans, mesurant peut-être un centimètre de plus que l'adolescente. Avec des talons assez hauts elle n'aurait pas de mal à combler la différence sans que Crowlack ne puisse y voir quoi que ce soit.
Elle garda la lettre, s'entraînant encore et encore pour recopier l'écriture aussi précisément que possible, changeant la lettre de refus en lettre d'acceptation et la distribua avec les autres le jour suivant.
Puis elle passa le reste de son temps libre à enquêter au sujet de Vanessa, essayant d'en apprendre le plus possible sur elle. Cette femme était la mère de Franco Albrici, l'un des diplômés de cette année. Il était évident que la relation entre mère et fils n'était pas idéale, de ce que les rumeurs et le dossier de l'infirmière disait au sujet du jeune homme. Au point qu'il était l'un de ceux qui restaient sur le campus pendant les vacances.
Dans un sens c'était une chance pour elle, mais ça voudrait aussi dire qu'elle aurait peut-être à agir de façon déplaisante avec le jeune homme sur un jour où il devrait être célébré. Elle mentirait si elle disait qu'elle ne se sentait pas un peu coupable, mais sa mission, bien qu'un simple test, était trop importante pour qu'elle renonce.
Alors malgré la tension qui montait à mesure que le mois progressait, elle continuait inlassablement de travailler sur son jeu d'acteur à partir des rumeurs au sujet de Vanessa, et son déguisement basé sur les goûts extravagants (trop extravagants) de la femme. Perruque et masque, chaussures, robe, bijoux, tous les matériaux de base lui furent fournis par Crowlack qui avait l'interdiction de se rendre dans son dressing secret tant que la fête n'était pas passée, afin de ne pas handicaper injustement Tami.
Derrière, c'était à elle de tout modifier pour que ce soit méconnaissable.
- 1er juillet 1515 -
Elle pouvait le faire. Elle pouvait le faire.
Dans son déguisement, avec ces talons tellement hauts qu'elle avait peur de se briser les chevilles au moindre impact un peu trop fort, Tami se donnait courage devant le miroir.
De la perruque courte, noire et frisée, jusqu'à la moindre ride et la structure osseuse visible sous la peau, en passant par la robe et les collants modifiés et rembourrés jusqu'à parfaitement imiter l'embonpoint, et aux lentilles qui lui faisait des yeux gris, tout était une parfaite copie de Vanessa Albrici. Ne lui restait plus qu'à jouer le jeu.
Au fil des dernières semaines elle avait glané le plus d'informations possible pour créer un jeu d'acteur suffisamment convaincant. Du moins, elle l'espérait. Il était difficile d'imiter quelqu'un sans jamais l'avoir rencontré. Mais elle n'avait pas vraiment le choix.
Maintenant, c'était l'heure de montrer ce dont elle était capable.
- A qui ai-je l'honneur ? demanda le garde à l'entrée du parc du campus.
- Je vous demande pardon ? fit Tami d'une voix hautaine. Vous ignorez qui je suis ?
L'expression du pauvre homme changea l'espace d'un instant, trahissant ses pensées, avant qu'il n'arbore un sourire commercial.
- Bien sûr que non, ma dame, mais le protocole nécessite que je vous entende donner votre nom avant de vous laisser rentrer, comprenez bien…
- Humph ! Vous avez devant vous Vanessa Albrici ! Héritière des entreprises Albrici !
- Bien entendu, chère madame, je suis ravi de vous voir ici ce soir, je vous souhaite une agréable soirée, répondit le garde, toujours avec son faux sourire.
Tami releva le menton et s'éloigna à pas rapides avec un air digne.
- Aïe, elle n'a pas changé, dit quelqu'un un peu plus loin qui avait observé l'altercation. Si seulement Francon était un an plus vieux, j'aurais pas eu à la revoir…
Faisant mine qu'elle n'avait rien entendu, Tami ne put s'empêcher de se sentir satisfaite. Si son jeu d'acteur pouvait tromper quelqu'un qui avait côtoyé Vanessa, même de loin, c'était qu'elle avait fait un bon boulot dans la construction de son personnage. Mais le plus difficile restait à venir : le Bal pouvait durer jusqu'à minuit, soit quatre heures en tout. Il lui fallait y assister dans son entièreté sans que qui que ce soit ne réalise qu'elle était une impostrice.
Merci aux mécènes qui me soutiennent : Andromeda, Clixia, Linewhirosa, Mariam Pizette et portgas yuwine !
