Chapitre trente et un : Le Prince de l'Infini

Malgré l'automne bien avancé, il faisait exceptionnellement beau sur Central en cette fin de matinée. Les rues étaient pleines de badauds, tenus à bonne distance par un dispositif de sécurité exceptionnel. Sortant de la foule, une petite troupe d'alchimistes en uniforme se virent contrôler (à nouveau) leurs identités. Première à sortir des mains des Cerbères et seule à porter son uniforme de cérémonie correctement, Sayuri lança un regard courroucé à ses amis :

- On va se faire engueuler !

- T'inquiète pas, Ling se fait une spécialité d'arrivée en retard ! C'est un truc de demi-dieu ! Répondit Edward en sortant à son tour.

Ils faisaient tous parti de la petite troupe d'honneur qui devait accueillir l'empereur de Xing. Malo avait même dû revenir de West City, y laissant sa partenaire au travail. L'alliance qui devait se bâtir entre deux cérémonies protocolaires était porteuse d'un optimiste à toute épreuve parmi la population et la classe politique. Une page d'histoire était en train de s'écrire. Edward, de son côté, était juste content à l'idée de revoir son meilleur pote.

- Tu te stresses beaucoup trop. C'est l'absence de mon frangin qui t'agace ? Demanda Edward, un sourire en coin tandis que Malo les rejoignait à son tour

- C'est pas juste qu'il soit pas là sous prétexte qu'il est apprenti… Grommela Sayuri

- Si on lui avait donné une exception, tous les élèves de l'École auraient voulu venir aussi. Ça risque d'être un sacré spectacle. Nota Malo

Edward haussa les épaules et tourna le regard vers les agents de sécurité, avant de s'écrier :

- Hey, c'est bon la fouille au corps là ? C'est une arme humaine, vous pensez qu'elle s'emmerde à cacher un flingue ? Ou c'est un prétexte pour la toucher de partout ?

L'agent de police qui terminait de fouiller Serena rougit et se défendit de quoi que ce soit de tel. La foule gronda légèrement autour d'eux et la jeune femme, souriante, finit par se voir autoriser à rejoindre les autres, dont Edward qui lui tendait la main avec impatience. Un soupir collectif et attendri résonna quand elle lui la saisit et qu'ils s'en allèrent, main dans la main.

- C'est fou ce que vous êtes populaire… Souligna Malo en souriant

- On va être en retard… Continua de marmonner Sayuri.

*O*

Quand ils passèrent enfin les portes du salon de cérémonie de l'hôtel présidentiel, Mustang poussa un soupir de soulagement et les regarda, agacé.

- C'est pas trop tôt…

- Allons, allons, mon cher ami ! Ne soyez pas si dur avec eux, ils ont fini par arriver juste à temps ! Susurra la femme à côté de lui en lui prenant le bras.

Roy jeta un regard furtif à la Première Ministre mais se tint silencieux, sans se dégager de son étreinte. Serena, au loin, fronça les sourcils et sentit l'agacement lui piquer le nez. Clara Damian avait fini, ces dernières semaines, par l'agacer très officiellement. C'était une femme encore jeune, à peine plus âgée que Mustang et, si tout le monde s'accordait pour admettre qu'elle était arrivée à son poste complètement par hasard, elle faisait tout ce qu'elle pouvait pour le mériter. Sa gestion de la crise avec Aerugo avait peut être été exemplaire mais certaines de ses prises de position avait hérissé l'Alchimiste de Lumière. Malgré sa jeunesse, Damian avait un esprit très conservateur et prudent, notamment sur la question de la place des expatriés en politique et dans la société. Elle avait été la première personnalité politique d'importance à se positionner officiellement contre l'accès à la citoyenneté, muselait grandement le Comité d'Éthique concernant les prochains apports expatriés à la communauté d'Amestris et multipliait les conflits avec Alicia et ses sous-représentants. Cela aurait suffit à agacer grandement Serena mais si on ajoutait que Damian utilisait l'humiliation comme arme politique et qu'elle se tenait en permanence très proche de Mustang, cela justifiait largement pourquoi elle avait envie de lui arracher les yeux dès qu'elle la voyait. Le pire dans tout cela, c'est que Roy ne semblait faire aucun effort pour la remettre à sa place et on les avait même vu diner ensemble à plusieurs reprises.

Quand Mustang parvint à se dépêtrer de la présence de la Première Ministre pour venir passer les troupes en revue, il marmonna :

- Vous êtes en retard et vous êtes mal sapés ! Pourquoi personne n'arrive à enfiler cet uniforme correctement ? Ma petite ampoule, je croyais t'avoir mieux formée que ça !

- Je te parle pas à toi… Grommela Serena dans sa barbe.

Elle avait un air mauvais et Mustang devina très vite ce qui la mettait de mauvaise humeur.

- Me dis pas que t'es jalouse, ma petite ampoule, ça te ressemble pas…

- Moi, j'ai aucune raison d'être jalouse. En revanche, je connais quelqu'un qui aurait toutes les raisons de s'agacer de ta si grande proximité avec cette gonzesse. Répondit Serena, à voix très basse.

Seul Edward avait entendu cet échange et il jeta un regard rapide vers la petite foule des officiels et politiques, qui attendaient sagement en rang d'oignon de l'autre côté de la pièce. Souriante et apparemment détendue, Alicia discutait avec un ministre. Seule sa main droite tremblait légèrement.

- Une telle personne n'aurait aucune raison de s'inquiéter… Murmura Mustang, qui résistait à l'envie de se retourner pour regarder la Représentante.

- Et comment elle pourrait en être si sûre ? Après tout, il me semble qu'elle te voit beaucoup moins, étant donné que tu passes pas mal de tes soirées avec notre Première Ministre…

- Y'a deux trois rumeurs qui commencent à circuler d'ailleurs… Ajouta Edward du bout des lèvres

- Mêle toi de ce qui te regarde, Fullmetal… Grommela Mustang

- Hey, ça me regarde, figure toi. Je te rappelle que si on en fait des caisses, c'est justement pour éteindre les rumeurs… Répondit Edward, agacé à son tour.

- Je suis sûr que ça représente un sacrifice considérable… Grinça Roy

- De perdre toute vie privée pour que tu puisses garder la tienne ? Ben figure toi que oui !

En vérité, il fallait admettre que Serena et Edward s'accommodaient plutôt bien de la situation au quotidien. Une fois qu'on savait esquiver les journalistes, c'était même pas si mal mais hors de question de le reconnaître devant Mustang. Avant que ce dernier ne puisse répondre, Olivia Armstrong l'appela et il dut finir rapidement de passer en revue la troupe de Central qui formait la haie d'honneur. Une fois qu'il eut rejoint la Générale des Armées, il avait repris son masque habituel.

- Quel connard, je te jure… Souffla Serena

- T'inquiète, j'ai eu une idée pour qu'on puisse se venger de lui au besoin. Murmura Edward en lui serrant discrètement la main.

Déjà un peu plus souriante, Serena embrassa le reste de la salle du regard. Tout le monde était à sa place. Les alchimistes d'état étaient alignés au premier rang, devant plusieurs militaires issus des cinq grandes métropoles. En face d'eux, les journalistes grattaient leurs papiers et prenaient des photos et un large panel de parlementaires murmuraient entre eux. Au centre de la salle, le Président Ross attendait dans sa posture de dignité habituelle. Son gouvernement était sagement rassemblé derrière lui, comme pour une photo de classe. De chaque côté, on trouvait les deux Généraux Armstrong et Mustang d'une part et de l'autre, les Représentants du Cabinet des expatriés. Tout le monde était bien représenté et attendait sagement le début de la cérémonie et l'arrivée qu'ils devinaient grandiose de l'empereur de Xing.

*O*

Mais ils avaient beau s'y attendre, ils furent tout saisi par le spectacle qui s'en suivit. Dans le silence, un coup de tambour soudain rempli l'atmosphère. Les portes s'ouvrirent en grand et le salon de cérémonie fut d'un coup rempli par une cinquantaine de soldats en costume de soie virevoltant. Rapidement, ils formèrent un cercle mouvant autour du Président, qui en perdait presque son attitude de sérénité. Serena les observa attentivement et fut rapidement marquée par leurs expressions de férocité communes. Ça n'était pas simplement une cérémonie, ils semblaient tous prêt, au besoin, à sauter sur une bombe ou devant la balle d'un pistolet.

- Ils sont tous différents… Chuchota Sayuri, elle aussi visiblement impressionnée

- C'est la garde personnelle de l'empereur. Un soldat d'élite de chaque clan lui est offert. C'est pour ça qu'ils ont tous une arme ou un costume différent, ils représentent leur clan d'origine. Expliqua Edward du bout des lèvres.

Au milieu de la ronde sauvage des soldats, une silhouette sombre venait d'apparaitre. S'arrêtant à quelques pas du Président, elle claqua fermement dans ses mains et tout le monde s'arrêta brusquement. Une légère bousculade eut lieu devant les alchimistes d'état, un des soldats s'étant arrêté un peu trop tôt et refusant de laisser sa place. Mais la silhouette masquée ayant pris la parole, personne ne sembla le remarquer.

- Baissez les yeux et élevez votre âme, vous êtes dans l'antre du Dragon !

Elle avait la voix étonnamment forte pour une femme d'apparence si légère. Edward sourit, avec amusement et tendresse. Si les autres soldats étaient vêtus de soie et de couleur, Lan Fan portait son éternel masque et sa combinaison noire. Elle n'était pas là pour le protocole, elle était là pour protéger celui qui resterait, pour l'éternité, son prince.

- Baissez les yeux et élevez votre âme, ici entrera le Maitre du Dragon, le Prince de l'Infini, Roi des Cinquante Clans, des tribus du déserts et des hordes des montagnes ! Baissez les yeux et élevez votre âme, ici entrera l'Empereur de Xing. Baissez les yeux et élevez votre âme, voici qui entre Ling Yao, Premier de son nom.

La force de conviction de la jeune femme aurait suffit à les emporter tous mais un frisson supplémentaire parcouru les officiels quand l'empereur pénétra dans la pièce. Suivi d'une petite foule bigarrée, il avançait à petits pas vers le Président Ross. Il était vêtu d'un ensemble complexe de kimonos et portait une coiffe xingoise traditionnelle, dont les perles de jade brillaient dans le soleil. Son visage était entièrement dégagé et malgré son évidente jeunesse, il dégageait une solennité et une grandeur peu commune, comme si il était d'un autre genre, d'une autre race. Le tambour martela son dernier accord et Ling Yao s'arrêta à quelques pas de Ross, qui s'inclina fort respectueusement en murmurant en xingois :

- Sublime souverain qui règne au dessus des nuages, je suis honoré.

Ling Yao inclina la tête légèrement et tendit sa main pour que le Président la serre brièvement. Sans se départir de son expression froide, Ling Yao déclara :

- Revenir dans ce pays en tant qu'empereur est une réussite et une gloire. Cela efface la honte d'y être entré et d'y avoir séjourné clandestinement pendant des mois. Je réalise une sorte de pèlerinage

- Rencontrer l'empereur de Xing en personne est un accomplissement en soi, Votre Altesse. Mais quand je me rappelle de ce que vous avez accompli pour notre pays, l'honneur n'en devient que plus grand. Répondit le Président Ross en s'inclinant à nouveau.

Ling Yao eut un petit sourire assez froid et attendit que les traducteurs, glissés dans la Cour derrière lui, ne finissent la traduction. La suite bruissa alors de contentement face aux présentations, visiblement très réussies. Reprenant alors sa confiance et sa posture, Ross commença à présenter chacun des membres de son gouvernement et Ling n'eut son premier vrai sourire qu'en entendant le nom de Mustang, qui s'inclina. Focalisée sur l'événement, Serena faillit ne pas remarquer l'échange très bref qui se déroula juste devant ses yeux. Un des soldats de la garde, celui qui s'était arrêté trop tôt, avait fait un rapide pas en arrière. Avec dextérité et discrétion, le soldat fourra quelque chose dans la main d'Edward, qui sursauta et baissa les yeux. Serena le vit froncer les sourcils et fourrer avec précipitation l'object mystère dans sa poche pendant que le soldat reprenait sa place sans que personne d'autre ne semble rien remarquer. Edward chercha quelqu'un dans la suite de l'empereur et Serena suivit son regard. Elle comprit alors avec un certain déplaisir ce qu'il venait de se passer. En bonne place au sein de la Cour, se tenait une jeune femme richement vêtue et parée, dont les longs cheveux de jais étaient retenus par des épingles de jade mettant en valeur ses yeux verts étonnants. Elle était très belle et visiblement, elle le savait. Serena sentit son coeur battre fort jusqu'au bout de ses doigts. Pas de doute possible, c'était Cixi Qing. Encore plus sublime que dans son imagination et qui, visiblement, faisait passer des messages secrets à son mec en pleine cérémonie officielle. Serena fut brièvement tenté de faire exploser une orbe juste au dessus de sa jolie tête mais se ravisa. Sa petite soeur la tuerait, Mustang également et sans doute qu'Armstrong y prendrait sa part aussi. Elle fit discrètement plusieurs exercices de respirations et le temps qu'elle s'apaise, la cérémonie était terminée.

*O*

- Ça valait le coup de faire tout ce chemin… Grogna Malo

- Il y aura d'autres cérémonies dans la semaine, t'es pas venu juste pour ça. Le rassura Sayuri.

- Je suis juste venu faire le joli coeur alors que j'ai une tonne de boulot qui m'attend à West City !

L'empereur et sa suite venaient très solennellement de montrer le grand escalier qui menait à la salle de bal, où un repas serait donné par le Président en compagnie de son gouvernement et état major. Les Parlementaires, qui devaient recevoir l'empereur l'après midi même, échangèrent joyeusement entre eux et avec les journalistes. Ces derniers alpaguèrent aussi quelques alchimistes, dont un Malo circonspect. Par habitude, Serena et Edward esquivèrent tout ce beau monde pour se précipiter vers l'extérieur et retirer, enfin, leurs uniformes mal bouclés. Sans perdre une minute, Serena demanda immédiatement :

- T'aurais pas un truc dans la poche, par hasard ?

- J'allais te le montrer. Soupira Edward.

Il en sortit alors le cadeau mystère et le lui tendit. La jeune femme déroula alors une longue étoffe de soie étroite et très fine, brodée délicatement de plusieurs caractères xingois.

- Joli. Tu sais ce qu'il y a marqué dessus ? Demanda-t-elle

- Très franchement, non. Je crois qu'il y a son prénom, entre autre chose. Faudrait demander une traduction à mon frère.

- Son prénom... Si tu peux pas le lire, quel intérêt de te le faire passer ?

Edward haussa les épaules, visiblement mal à l'aise et éluda :

- On pourrait en faire un super costume pour Barbie Alchimiste, qu'est ce que t'en penses ?

- Sans doute. Tu sais ce qu'elle voulait te dire, en te donnant ça ?

- Tu vas pas aimer la réponse. Soupira Edward

- Je veux l'entendre quand même. Affirma Serena

- C'est un genre de sous-vêtements. Un truc dont on se sert pour retenir les bas. C'est pour ça que souvent, ça sert d'invitation à… à venir… enfin, tu vois quoi ! Expliqua Edward

- Tu… Tu veux te servir d'une jarretière xingoise pour fabriquer un costume à la poupée de ma petite soeur ? S'offusqua Serena

- Qu'est ce que tu veux que j'en fasse ? Soupira Edward

- J'sais pas. On pourrait la maudire, l'ensorceler et y mettre le feu en attendant de voir ce que ça lui fait à elle… Menaça Serena

Elle jeta un regard mauvais vers les fenêtres de l'hôtel présidentiel, se demandant si Cixi les contemplait depuis son perchoir. Elle ne s'était pas attendue à la voir et c'était d'ailleurs la seule concubine à être présente dans la suite protocolaire de Ling Yao. Savoir que cette femme existait de l'autre côté du désert, à se repaître des souvenirs qu'elle partageait avec Edward lui était déjà désagréable. Mais savoir qu'elle était présente ici, à quelques mètres de lui et qu'en plus, elle avait l'intention de remettre ça ? C'était presque violent pour elle, comme une nausée permanente. Elle fourra l'étoffe de soie dans sa poche et soupira longuement.

- À quoi tu penses ? Demanda prudemment Edward

- Je suis en train de me dire que tu dois vraiment être inoubliable pour qu'elle prenne le risque de t'inviter dans son pieu en pleine cérémonie officielle. Répondit Serena avec froideur

- Ouais. Ben tu m'as jamais oublié, toi. Répondit Ed du tac au tac.

Serena le regarda et ne put retenir son sourire amusé.

- Qu'est ce que t'as bien pu lui faire pour qu'elle en redemande à ce point ? Demanda la jeune femme d'un ton plus léger

- Je sais pas. Très honnêtement, j'ai le souvenir d'avoir été assez mauvais. Répondit-il en toute sincérité.

Il n'avait pas couché avec Cixi Qing par envie ou plaisir, mais pour servir les plans de son meilleur ami. Cela avait été un dilemme moral de haut vol pendant des semaines avant qu'il ne finisse par céder. Ses expériences précédentes, après son retour, avaient été franchement catastrophiques et il ne gardait pas un excellent souvenir des quelques moments partagés avec Cixi. Si il était parvenu à aller jusqu'au bout, surtout la première fois, c'était parce qu'il s'était concentré sur les quelques détails, mineurs, qui lui rappelaient Serena chez Cixi. Sa peau très claire, ses longs cheveux noirs et surtout, son parfum au jasmin, qui restait bien différent de la merveilleuse odeur qu'il respirait dans les cheveux de sa bien aimée. En y repensant, Edward fit la remarque, à voix haute :

- T'es pas la seule à avoir senti un parfum qui n'était pas là dans les draps de quelqu'un d'autre

- Oh… Murmura Serena, qui cligna rapidement des yeux

Elle eut un sourire doux et Edward le vit comme le signal qu'il pouvait la prendre dans ses bras. Elle répondit à son étreinte et l'embrassa doucement, sous le soleil tendre de l'automne.

- Tu m'avais pas parlé d'une idée de vengeance contre Mustang ? Murmura-t-elle contre ses lèvres

- Si et j'ai hâte d'y être… Répondit Edward en l'embrassant encore.

*O*

Les alchimistes n'étant pas concernés par d'autres cérémonies protocolaires avant le lendemain, ils revinrent à la Maison des Alchimistes, question de bosser un peu. Malo passa le plus clair de son temps à négocier avec les responsables de la bibliothèque sur les livres qu'il pouvait emporter pour garnir celle de l'Ouest et Sayuri s'empressa de retrouver Alphonse. Edward et Serena réapparurent dont ne savait où mais personne ne jugea bon de le leur demander. Dès que le soleil commença à descendre dans le ciel, Alphonse sortit un énorme gâteau et Serena prépara du thé. Rassemblés autour de la table basse, ils échangèrent leurs impressions sur la cérémonie du matin.

- N'empêche, le type a plus de titres ronflants que Daenerys Targaryen ! S'esclaffa Malo

- C'était quoi déjà ? Demanda Sayuri en prenant la part de gâteau que lui tendant Alphonse tout en s'arrangeant pour lui effleurer légèrement les doigts

- Et ben… Fille du typhon, reine des sept couronnes, protectrice du royaume, un truc comme ça… Répondit Alphonse, légèrement perturbé

- Je pense que Sayuri voulait entendre les titres de l'empereur… Sourit Serena

- Ah euh… Balbutia Alphonse

- Maitre du Dragon, Prince de l'Infini, Roi des Cinquante Clans, des tribus du Désert et des hordes des Montagnes… Récita Edward en souriant

- Et ben ça c'est de la mémoire mon pote ! S'exclama une voix derrière eux.

Surpris, ils se retournèrent pour chercher la source de cette voix soudaine et furent pour la plupart complètement pantois quand ils constatèrent qu'elle appartenait à un Ling Yao bien plus débraillé. Accroupi leur le rebord de la fenêtre, les cheveux tombant sur son visage au sourire ironique, on aurait presque dit un autre homme que l'empereur qu'ils avaient tous vu le matin même. Edward et Alphonse lui firent un grand sourire alors qu'il sautait dans la pièce en s'exclamant :

- Cool ! Du gâteau ! Trop bien !

Alors qu'Ed et Al se levaient, Serena se pencha et murmura à une Sayuri tout aussi perplexe :

- Dis moi, toi qui a eu un empereur par le passé, c'est courant qu'ils sautent par les fenêtres ?

- On était pas exactement intime mais je pense pas que c'était le genre… Répondit Sayuri en secouant la tête

Edward prit un air sévère et pointa du doigt Ling en disant :

- Je vois que devenir empereur t'empêche pas de jouer les filles de l'air !

- Au contraire, je me trouve encore plus habile qu'avant ! Répondit Ling en souriant

- Le poids d'un empire, ça devrait t'alourdir pourtant

- Les espoirs et les aspirations de mon peuple me portent !

- Tu peux pas essayer d'arrêter d'avoir réponse à tout comme ça ?

- Ça dépend, tu me files du gâteau ? J'ai faim…

Edward finit par faire un grand sourire et accueillit son meilleur pote d'une accolade qui lui fut rendue avec ferveur. Juste derrière lui, le sourire jusqu'aux oreilles, Alphonse attendait son tour et fut lui aussi étreint dignement :

- Je t'ai pas vu dans mon comité d'accueil, toi ! Bougonna Ling

- Je suis encore qu'un simple apprenti, j'y avais pas officiellement ma place. Mais les autres étaient en train de me raconter et visiblement, t'as sorti le grand jeu ! Répondit Alphonse

- Tu trouves ? J'ai laissé l'orchestre impérial à la maison pourtant…

Ling relâcha le cadet, mit une grande tape sur l'épaule de l'aîné et réclama :

- Bon, on m'avait pas parlé d'un gâteau ?

- On t'a parlé de rien du tout, espèce de goinfre ! Bougonna Edward en souriant

- Je me doutais que t'allais venir, j'en ai acheté un très gros exprès. Admit Alphonse

- Et c'est à ça qu'on reconnait les vrais potes ! Voyons donc…

*O*

Stupéfaits, les trois expatriés se redressèrent légèrement alors que Ling s'asseyaient tranquillement entre eux comme si rien n'était pour engloutir une grosse part de gâteau.

- Alors ? C'est vous les Alchimistes Premiums ? L'élite de la nation, tout ça ? Demanda Ling, la bouche pleine

Toujours ébahis, ils hochèrent la tête et l'empereur affamé tourna son regard vers Malo.

- Alors le baraqué, on commence par toi. C'est quoi ta spécialité ?

- Euh… La médecine… Répondit Malo

- Ah bon ? T'as plutôt l'air d'un bagarreur que d'un soigneur mais pourquoi pas, c'est intéressant. Tu t'es intéressé à la médecine de Xing ?

- Alphonse m'en a un peu parlé mais j'ai pas encore eu l'occasion de m'y pencher…

- Si t'acceptes de leur révéler deux trois de tes secrets, je peux t'envoyer mes propres médecins éléxirologues. Ils pourront t'expliquer quelques trucs, si jamais ça t'intéresse. Proposa Ling

- Sérieux ? Ben ouais, carrément ! S'enthousiasma Malo

Avec un sourire, il détourna son regard du médecin pour le fixer sur Sayuri. Avec son sourire en coin éternel, il lui demanda :

- Et vous ? Votre spécialité ?

Sayuri sursauta légèrement. L'empereur s'était adressé à elle en xingois et elle fut surprise de constater qu'elle le comprenait assez bien, comme un français comprendrait un québécois. Elle s'inclina alors respectueusement et lui répondit en japonais :

- Je suis Sayuri Remen, empereur-roi. Je suis l'Alchimiste de l'Eau.

- De l'eau ? Demanda Ling en repassant dans une langue que les autres pouvaient comprendre.

- Oui, Votre Altesse. Il y a de l'eau partout. C'est la source de la vie et je peux la contrôler à tous les niveaux. Se contenta-t-elle de dire

Ling eut un sourire plus tordu et répondit :

- Voilà qui me semble absolument effrayant. Vous êtes expatriée vous aussi et pourtant, vous semblez plus proche de moi que des autres.

- Je suis japonaise, Votre Altesse.

- Aaaah. Je rencontre quelques soucis avec l'empire du Japon, ces derniers temps. Sourit Ling

- Moi également, et à mon grand regret, Empereur-Roi. Répondit Sayuri en repassant dans sa langue maternelle.

Ling fit enfin un large sourire et s'inclina légèrement devant Sayuri, qui rosit de plaisir. Puis, il tourna lentement la tête vers la dernière alchimiste du trio. Ça n'était pas peu dire qu'il était curieux de voir à quoi cette femme ressemblait en réalité. Il remarqua alors immédiatement qu'Edward, qui avait repris sa place, s'était assis à côté d'elle, avait discrètement entrelacé son petit doigt avec celui de la jeune femme, comme si il ne supportait pas de ne pas être en contact avec elle. Bien qu'il garda le parfait contrôle de son expression, Ling ressentit une petite pointe d'agacement. Voilà qui contrariait ses plans…

- Et en toute logique, vous devez être…

Il ne termina pas sa phrase, continuant d'observer la jeune femme qui, fidèle à son habitude, ne détourna pas le regard. Ling eut un quart de sourire et regarda vers Edward en marmonnant :

- T'avais pas menti quand tu parlais de ses yeux alors…

Serena regarda vers Edward avec surprise et ce dernier grommela vaguement quelque chose d'indistinct. Ling reprit la parole et devina :

- Vous êtes donc Serena Wolfe.

- Vous avez donc entendu parler de moi… Ironisa la jeune femme.

Ling eut un petit rire amusé et Edward rosit légèrement en continuant de bougonner.

- Et quelle est donc votre spécialité, Mademoiselle Wolfe ?

- La Lumière. Répondit cette dernière en claquant des doigts.

Une petite série d'orbes se mirent à danser joyeusement au dessus de leurs têtes. Deux entrèrent en collision dans un grésillement terrible et Ling ricana d'un air appréciateur :

- Vous devez être redoutable…

- Si je peux me permettre, Votre Altesse Impériale, tout ceux qui sont dans cette pièce le sont.

- Bien. Si je dois engager mon honneur dans une alliance avec ce pays, autant que ça vaille le coup.

Il avala une autre part de gâteau en toute décontraction. Les expatriés étaient en pleine dissonance cognitive, ayant du mal à faire le lien entre ce jeune adulte vorace et le demi dieu qu'il était censé incarner. Edward et Alphonse, beaucoup plus à l'aise avec cette dualité, se mirent tranquillement à discuter avec lui, comme ils en avaient l'habitude.

- Comment réagissent les clans à cette idée d'alliance avec Amestris ? Demanda Edward

- Tout le monde n'est pas des plus enthousiastes. Certains ont la ferme intention de calmer mes ardeurs mais tu me connais. À la fin, c'est toujours moi qui gagne ! Sourit Ling avec bonne humeur

- Comment t'as fini par les convaincre ? Il me semble que t'as arrêté de jouer les crétins pour les duper ? Demanda Edward

- Pas le choix, ils ont fini par voir clair dans mon jeu. Et puis, ça commençait à me lasser. Concernant cette alliance, c'était pas compliqué. J'ai joué sur la peur qu'a déclenché votre guerre contre Aerugo et la menace Drachma. Certains restent déterminés à ce que ça reste l'alliance la plus simple possible mais je pense quand même qu'on va pouvoir travailler sur quelque chose de solide. Affirma Ling avec confiance.

Il avala une gorgée de thé avec un air appréciateur et ajouta :

- Il y a tellement de chose que je voudrais accomplir pour mon pays. J'avais prévu quelques résistances et j'ai remporté de jolies victoires mais il reste tant à faire !

- Un système féodal doit représenter un vrai frein pour construire un état moderne fort. Cela doit être terriblement frustrant pour vous. Osa dire Sayuri, de sa voix mélodieuse.

- Il faut avancer à petit pas mais je l'ai dit et je le pense. Je finirai par l'emporter ! Affirma Ling, une lueur farouche dans les yeux

- Vous avez quels objectifs en tête ? Demanda Malo

- Sur le long terme, une constitution et une déclaration des droits du peuple sont ma plus grande priorité et mon plus grand rêve. J'ai eu le plaisir d'avoir une belle discussion au sujet de celles qui existaient de l'Autre Côté avec une charmante personne, qui me semble être votre soeur. Dit Ling en regardant Serena

- Nous avons des exemplaires de certains de ses déclarations au Premier Refuge, si ça vous intéresse. Sourit la jeune femme

- Oui, elle m'en a parlé et m'a promis de me les montrer. Je vais essayer de glisser ça dans mon emploi du temps. Tout cela promet d'être fascinant ! Nous n'avons pas la chance d'avoir une communauté expatriée importante à Xing. Vous êtes pourtant vecteur de progrès vertigineux, c'est dommage !

Le trio sourit avec plaisir. Décidément, il était intéressant, cet empereur. Ce dernier s'étira, visiblement à l'aise et continua son état des lieux :

- De toute façon, de telles réformes ne sont pas à l'ordre du jour dans l'état actuel des choses. Je dois me concentrer sur la loi de succession avant tout chose. Sinon, je ne serai jamais en sécurité.

- Comment ça avance ? S'intéressa Alphonse

- Mieux que quand vous êtes parti. Franchement les gars, j'ai bien joué mon coup. J'ai commencé par faire circuler la rumeur auprès du peuple et de la toute petite noblesse. Puis, j'en ai parlé aux nobles. Évidemment, ils ont tous commencé à se rebiffer mais ils ont vite constaté que leurs sujets étaient tous de mon côté et prêt à prendre mon parti en cas de conflit.

- Donc c'est bon, c'est gagné ? Se réjouit Alphonse

- Pas tout à fait. Ils ont accepté le principe mais il y a encore une question importante qui n'a pas été réglée.

- La question de ton impératrice ? Devina Edward

- Tout juste, mon pote !

- J'imagine que t'as deux trois candidates… Ironisa Ed

- C'est pas le problème d'avoir des candidates. C'est que celle des grandes maisons ne me convient pas. Ils ne céderont pas à la réforme tant que je ne l'aurai pas couronnée à mes côtés et ça, ça n'arrivera pas.

- La situation est donc complètement bloquée. Résuma Sayuri

- Elle se débloquera un jour. Je n'engendrerai pas d'héritier avec une concubine et ils ne prendront pas le risque de voir la lignée des empereurs de Xing s'arrêter. J'aimerai bien les avoir autrement qu'à l'usure toutefois. Sourit Ling en regardant Edward du coin de l'oeil.

- Pourquoi ne pas accepter d'épouser cette femme alors ?

- Parce qu'elle m'étranglera dans mon lit dès qu'elle en aura l'opportunité. Grinça Ling

- Ah ben ça serait dommage… Bredouilla la jeune japonaise

Malo eut du mal à s'empêcher de rire nerveusement, rapidement rejoint par Ling et les autres. En se servant une troisième part de gâteau, Ling ajouta :

- Et puis merde. Déjà que j'ai pas le droit de me marier par amour, j'aimerai quand même avoir l'opportunité de me choisir une femme.

- L'amour est toujours possible. Affirma Sayuri, à la surprise des autres.

Ling la regarda d'un air interdit, avec son sourire en coin éternel et elle osa se défendre.

- Mon empereur et son père avant lui avaient épousé des femmes qu'ils aimaient, contre la Maison Impériale. Si je peux me permettre, Votre Altesse, quand on est dans votre position, avoir quelqu'un qu'on aime à ses côtés est un atout indispensable…

Une petite flamme féroce brillait dans le regard de la jeune femme. Ling se souvint alors que l'empereur du Japon et sa famille était littéralement retenu en otage par la Maison Impériale et réduit à l'état de marionnette malgré son opposition franche à la politique de son propre pays. Sayuri aussi le savait et il y avait toujours une fidélité féroce qui brûlait en elle. Ling sourit, espérant que son propre peuple ressentait quelque chose qui s'approchait de ça envers lui.

- Malheureusement, si je dois écouter mon coeur, je risque toujours plus de problèmes. Croyez moi, ça n'est pas une option… Dit Ling en jetant un bref regard vers la fenêtre avec un sourire doucement mélancolique.

Edward et Alphonse froncèrent les sourcils et virent une silhouette sombre passer devant la fenêtre. Ling avala une grande gorgée de thé et étendit ses jambes devant lui

- Une réforme pareille nécessite du doigté, impossible de ruer dans les brancards. Une révolte nobiliaire ne serait pas profitable au peuple et je suis le premier serviteur du peuple de Xing. J'ai tenté quelques méthodes peu orthodoxe pour écarter la candidate mais j'ai eu peu de résultats jusque présent…

Il jeta un regard appuyé à Edward, qui grommela dans sa barbe :

- On a fait ce qu'on pouvait…

- L'idée reste bonne mais c'était son exécution qui était maladroite. Sans vouloir te vexer. Mais elle connait bien trop la Cour de la Capitale pour se laisser avoir… Bien sûr, dans une ville qu'elle ne connait pas, dans un pays où elle n'a aucune connexion et loin de ses proches, tout parait possible… Ça pourrait fonctionner…

Ling laissa sa phrase en suspend, son regard brillant fixé sur celui d'Edward. Quand Serena saisit le sous entendu, elle sentit ses tripes se glacer et sa respiration se bloquer. À la lisière de faire une attaque de panique, elle fixait le visage tranquille de l'empereur, qui continuait de sourire. Avant qu'elle ne puisse faire ou dire quoi que ce soit, elle sentit la main d'Edward recouvrir la sienne, tiède, ferme et rassurante. Sa voix était toutefois bien différente quand il répondit à Ling :

- C'est hors de question, tu peux te sortir ça de la tête tout de suite !

- Ed, elle a insisté pour venir ! Et je sais ce qu'elle t'a fait passer pendant la cérémonie, pas besoin de t'expliquer ce que ça signifie. Les conditions sont toutes réunies !

- Je viens de te dire non, Ling !

- C'est pas l'empereur qui te demande, c'est l'ami. Le frère ! Insista-t-il

- Ma réponse est la même.

Ling tourna brièvement son regard vers Serena, qui se tenait fermement accrochée à la main de son ami. Elle avait le visage figé mais il pouvait très clairement lire une lueur de panique dans son regard.

- Bien, je comprends. Désolé d'avoir insisté… Soupira alors Ling.

Il secoua la tête, s'étira à nouveau et s'empara habilement de la dernière part de gâteau. Les autres avaient observé l'échange avec une perplexité grandissante et se sentirent vaguement soulagés quand la pression sembla redescendre dans la pièce. Serena ouvrit la bouche pour demander, d'une voix un peu étrange :

- Elle a insisté pour venir ?

- Ouaip ! Répondit Ling, la bouche pleine

- Elle est fascinée par Amestris depuis des années, non ? Demanda Alphonse, qui avait gardé une expression fermée tout au long de la conversation.

- Ouais mais elle n'a aucun intérêt à abandonner la cour en ce moment. Les autres candidates vont profiter de son absence pour lui voler des soutiens. Si elle est venue, c'est qu'elle a un objectif en tête et vu ce qu'elle s'est empressée de faire passer à ton frère dès qu'elle l'a aperçu…

Edward semblait légèrement perplexe et allait protester mais Serena prit les devants et posa une autre question :

- Ça veut dire qu'elle n'est pas au courant ? Que c'est vous qui avez poussé Edward à… faire ce qu'il a fait ?

- Bien sûr que non. Elle est très sûre d'elle même et de sa sensualité. Ça ne lui viendrait jamais à l'idée qu'un homme puisse se refuser à elle.

- Comment elle vit le fait que vous ne vouliez pas coucher avec elle alors ?

- Elle se rassure avec le fait que je couche avec personne d'autre et que donc, c'est moi le problème et pas elle… Répondit Ling en souriant

- Je pense qu'elle a tendance à confondre la réalité et sa vision du monde, elle hésitera pas à tordre ce qu'elle perçoit pour que ça l'arrange. Ajouta Edward

Serena hocha la tête doucement et affirma :

- Dans ce cas, c'est sa plus grande faiblesse. Elle est trop sûre d'elle même, elle n'envisagera jamais qu'elle peut perdre et…

- Et elle prendra des risques inconsidérés à un moment donné. J'ai bon espoir que ça finisse par la perdre. J'espère que ça arrivera le plus tôt possible.

Il avala sa dernière bouchée et se tapa vigoureusement sur les genoux en déclarant :

- Bon, c'était bien bon mais j'ai encore un festin qui m'attend. Avec les compliments de la Générale Armstrong cette fois ! Je vais enchainer les grosses bouffes sur les jours prochains !

- Tu vas pouvoir tenir le choc ? Ironisa Edward

- Moi ça va mais j'ai plusieurs de mes officiels qui vont rentrer au pays en roulant comme des barriques. Votre nourriture est bien trop grasse pour eux !

Avec un grand éclat de rire, Ling sauta sur ses pieds et annonça :

- Si tout se passe bien, on va organiser une grosse grosse teuf d'ici la fin de mon séjour ici. Je vais insister pour que vous soyez tous présent, vous me plaisez bien, alchimistes !

Ils balbutièrent des remerciements et regardèrent l'empereur de Xing, un demi-dieu vivant, sautiller jusqu'à la fenêtre, leur fait un signe enthousiaste et disparaitre d'un bond léger par la fenêtre.

*O*

Ils prirent tous une grande inspiration et Malo ne put retenir un rire nerveux. Sayuri, de son côté, tourna un regard inquisiteur vers Edward, dont les doigts étaient toujours fermement entrelacés à ceux de Serena.

- Qu'est ce que c'est que cette histoire ?

Elle n'avait pas aimé l'expression qu'elle avait lu sur le visage de sa meilleure amie ni ce qu'elle avait compris de la conversation. Edward soupira et fit un résumé rapide. Sayuri avait un air outré et Alphonse gardait le silence, marquant bien par son attitude qu'il avait toujours été opposé à ce plan à la base.

- Et si tu faisais simplement une petite confession publique ? Tu fais un grand discours sur tes regrets et la nécessité de nettoyer ta conscience, une connerie comme ça.

- Ça marcherait pas. Cixi n'aurait qu'à affirmer qu'il n'y a aucune preuve de ce qu'Edward avance. Son clan et leurs alliés la soutiendraient et il y aurait un conflit ouvert avec Ling, ce qu'il veut à tout prix éviter. Pour que ça fonctionne, il faudrait qu'il n'y ait aucun doute possible. Affirma Alphonse, visiblement réticent à parler de tout cela.

- Et puis, je refuse d'humilier une autre personne comme ça en public… Ajouta Edward

- C'est pas les scrupules ni la décence qui t'étouffaient à l'époque… Ironisa Alphonse.

Les deux frères s'affrontèrent du regard quelques secondes et Edward hocha la tête en disant :

- Les circonstances étaient différentes. Ling était bien plus loin de faire passer ses réformes qu'il ne l'est maintenant. Et puis, tu dois te souvenir que moi aussi, j'étais différent à ce moment là.

Alphonse haussa les épaules et fit un petit hochement de tête, détournant le regard. Celui de Serena, en revanche, fixait Edward avec intensité. Elle demanda, à voix très basse.

- Différent comment ?

- J'étais bien plus malheureux. Infiniment plus malheureux. On fait des erreurs quand on est misérable. Du genre qu'on regrette quand on est enfin heureux.

Elle soupira et eut un petit sourire. Il se pencha vers elle et elle se laissa embrasser doucement, sentant enfin toute la pression s'envoler définitivement de sa poitrine. De nulle part, Malo demanda :

- Au fait, je peux plus résister à l'envie de poser la question. Mais c'est quand même pas vous qu'on a vaguement entendu dans le bureau de Mustang tout à l'heure, si ?

- Alors, je t'en supplie, fais en sorte qu'il entende parler ! S'exclama Edward alors que Serena riait.